Thème des journées techniques 1
Impact du changement climatique
sur maïs grain et maïs fourrage
Questions posées et pistes d’adaptation
Bernard Lacroix, ARVALIS Institut du végétal, 6 chemin de la côte vieille 31450 Baziège France
Françoise Ruget, INRA UMR 1114 EMMAH, Domaine St-Paul 84914 Avignon Cedex 9, France
Josiane Lorgeou ARVALIS - Institut du végétal, Station Expérimentale 91720 Boigneville, France
Franck Souverain, Météo France, 42, Avenue G. Coriolis 31057 Toulouse Cedex, France
La simulation avec le modèle STICS du développement et de l’élaboration du
rendement du maïs sur la France sous les climats estimés pour le futur fait apparaître
des perspectives relativement favorables à moyen terme (2020-2049) grâce à
l’adaptation des cycles de culture. Le futur lointain (2070-2099) sera plus difficile avec
l’accentuation des sécheresses estivales et des fortes températures. Les dates de
semis devront être beaucoup plus précoces, et les génotypes plus adaptés aux fortes
températures et à la sécheresse. L’augmentation attendue des besoins en eau
d’irrigation milite en faveur de la création de ressources nouvelles par stockage de
l’eau en hiver. Les résultats obtenus sont très sensibles à l’estimation des effets de
l’augmentation de la teneur en CO2 sur la production et le fonctionnement hydrique de
la culture qui devront être précisés par la recherche.
Une estimation de l’impact du changement
climatique par simulation STICS sur 31 postes
météo
Pour évaluer l’impact du changement climatique sur maïs, nous avons choisi d’utiliser le
modèle de simulation de culture STICS (Brisson et al 2002, Brisson et al 2009) avec des
données climatiques journalières fournies par Météo France sur 31 postes météo intéressant
la culture du maïs en définissant pour chaque poste un itinéraire technique moyen
représentatif.
L’impact du changement climatique sur les problèmes phytosanitaires (évolution des flores
adventices et désherbage, évolution des maladies fongiques et des ravageurs et adaptation
de la protection) n’est pas pris en compte par le modèle et dans cette approche.
Le modèle STICS 6.2
Développé par l’INRA, le modèle STICS 6.2 simule au pas de temps journalier le
comportement du système sol-plante sous l’effet du climat et de l’itinéraire technique :
développement et croissance, fonctionnement hydrique et azoté, estimation de la biomasse
plante entière et du rendement grain. Il permet de simuler l’effet de l’augmentation du taux
de CO2 atmosphérique sur la production et la consommation d’eau avec l’option « modèle
résistif » qui gère les échanges gazeux (CO2 et eau) de la plante avec l’atmosphère. Les
paramètres régissant l’effet de la température sur le développement et la croissance ont été
revus pour prendre en compte l’occurrence des fortes températures prévisibles pour le futur.
L’effet de l’augmentation de la teneur en CO2 schématisé dans STICS comprend deux
aspects : un effet direct sur la production primaire (accélération des échanges plante
Thème des journées techniques 2
atmosphère) et un effet de réduction de la transpiration par fermeture stomatique. Il faut
noter que l’importance de ces effets est largement discutée dans la communauté
scientifique.
Des données climatiques journalières sur 31 postes pour
les scénarios socio-économiques A2 et B1
Nous avons retenu deux des scénarios socio-économiques envisagés par le GIEC en 2007 :
le scénario A2 (faible maîtrise des émissions de GES) avec un taux de CO2 de près de
850 ppm à la fin du siècle et le scénario B1 (forte maîtrise des émissions de GES) avec un
taux de 550 ppm en fin de siècle, alors que le taux de CO2 actuel est de 360 ppm.
Nous avons utilisé pour les simulations de la culture du ms 4 séries de données météo
journalières sur 27 ans sur 31 postes intéressants aujourd’hui la culture du maïs fournies par
Météo France : 1980 2006 données observées (OBS), 2020 2046 scénario A2 (A2P),
2070 2096 scénario A2 (A2L) et 2070 2096 scénario B1 (B1L).
Pour les séries du futur, pour chaque scénario et pour chaque poste météo, ces données ont
été obtenues par l’application sur les données observées (période 1980 2006) des
anomalies résultant de la comparaison entre les données simulées avec le modèle ARPEGE
du CNRM pour le futur (périodes 2020 2046 ou 2070 2096) et les données simulées
avec le même modèle pour la période de référence (1980 2006) : pour chaque jour, écart
(ou rapport pour certaines variables) de la valeur moyenne interannuelle de la série du futur
à la valeur moyenne interannuelle de la série de référence et calcul d’une moyenne glissante
sur la période de 30 jours encadrant le jour considéré.
Ce mode de calcul a deux conséquences : on ne considère pas l’évolution du climat au
cours de la série (les années sont des répétitions) et la variabilité actuelle du climat est
conservée dans le futur, ce qui est évidemment un postulat discutable (même répartition des
jours de pluie par exemple). De même, nous avons choisi d’utiliser une teneur moyenne en
CO2 fixe par période et de ne pas considérer l’évolution de cette teneur au cours de chaque
période (tableau 1) :
Tableau 1 Concentration en CO2 de chaque série climatique utilisée pour la simulation de la
croissance des cultures
Enfin il a été jugé utile d’estimer l’effet CO2 dans les simulations du futur en comparant les
résultats obtenus avec les teneurs prévues avec les résultats obtenus en gardant la teneur
en CO2 à la valeur actuelle (360 ppm)
Une chaîne de calcul a été mise en place par Météo France pour réaliser les simulations.
Des itinéraires techniques actuels et de première
adaptation
Pour chacun des 31 postes météo on a défini deux types d’itinéraires techniques du maïs :
des itinéraires techniques d’aujourd’hui et des itinéraires techniques de première adaptation
au changement climatique en tenant compte en particulier de l’augmentation des
températures (figure 1)
série climatique
OBS
A2P
A2L
B1L
période
1980-2006
2020-2046
2070-2096
2070-2096
concentration en CO2 (ppm)
360
462
717
532
Thème des journées techniques 3
Les simulations ont été réalisées sur 3 sols ayant des niveaux de réserve hydrique très
différents (réserve utile =105, 208 et 271 mm).
Des itinéraires techniques « actuels »
Pour chacun des 31 postes météo on a choisi un itinéraire technique standard représentatif
en moyenne de la région considérée :
Date de semis : le 15 avril ou le 1er mai
Précocité de la variété selon 7 groupes : très précoce (TP), précoce (P), demi-précoce
précoce (DPP), demi-précoce tardif (DPT), demi-tardif (DT), tardif (T) et très tardif (TT),
caractérisés par leur besoins en degrés-jours pour les différentes phases du cycle.
Fertilisation azotée identique partout (dose totale de 200 unités d’azote dont 40 au
semis)
Conduite irriguée ou non selon la région
Des itinéraires techniques « adaptés »
Compte tenu des ordres de grandeur attendus pour le réchauffement climatique, pour
chaque poste on a défini un deuxième itinéraire technique correspondant à une première
adaptation standard au réchauffement consistant à modifier deux points seulement de
l’itinéraire technique « actuel » :
anticipation de la date de semis : les semis du 15/4 passent au 15/3 et les semis du 1/5
passent au 15/4
tardification de deux groupes de la précocité (exemple : les DT sont remplacés par des
TT). Cela conduit à identifier 2 groupes encore plus tardifs (UT et UUT).
Tableau des itinéraires techniques "actuels" et "adaptés" ayant fait l'objet de simulations STICS Maïs
En rouge : estimation des dates de semis et précocité actuelles : IT 'Actuels" En noir : variantes répondant à adaptation à CC : IT "Adaptés"
sec et irrigué irrigué seulement
date de semis TP P DPP DPT DT TTT UT UUT
Auxerre Agen
Clermont-Fd Bordeaux Biscarosse Bordeaux
Dijon Pau Carcassonne
Reims Macon Gourdon Toulouse
Rennes Orléans La Roche sur Yon
Trappes Tours Limoges Lyon
Vichy Strasbourg
Abbeville Besançon Biscarosse Agen
Aurillac Pau Bordeaux
Auxerre Limoges Carcassonne
Brest Lorient Toulouse
Caen Nancy Gourdon
Clermont-Fd La Roche sur Yon
Dijon
Macon Lyon
Orléans Rennes
Reims St Quentin Strasbourg
Rennes Tours Trappes Embrun
Trappes Vichy Millau
Abbeville Besançon Embrun
Aurillac Lorient Millau
Brest Nancy
Caen
St Quentin
précocité
31 stations
simulation
systématique :
actuel
et
(+ 2 groupes de
précocité
-1 niveau date
de semis)
Figure 1 Itinéraires techniques « actuels » et « adaptés » :
dates de semis et précocité par poste météo
Thème des journées techniques 4
Résultats
Des calendriers de développement nettement plus
précoces
La première conséquence du réchauffement est l’accélération du développement. Sur le
climat historique, Lorgeou et al (2009) indiquent que le cumul des températures entre le 26/4
et le 31/10 a augmenté de 150°C.jour en moyenne sur les 50 dernières années, ce qui
équivaut à un écart de 2 groupes de précocité soit 8 points de teneur en eau du grain à la
récolte. Sur la série 1981 2006, avec les itinéraires techniques « actuels », on observe en
26 ans une avance du stade floraison de 10 à 15 jours, du stade récolte ensilage de 17 à 25
jours et du stade maturité du grain (32% d’humidité) de 20 à 30 jours. L’exemple d’Orléans
est donné figure 2.
y = -1,08x + 2418,61
R2 = 0,33
y = -0.80x + 1837.19
R2 = 0.40
y = -0,39x + 980,24
R2 = 0,31
1/7
8/7
15/7
22/7
29/7
5/8
12/8
19/8
26/8
2/9
9/9
16/9
23/9
30/9
7/10
14/10
21/10
28/10
4/11
11/11
1980 1985 1990 1995 2000 2005
date
date de floraison
date stade ensilage
date stade H32
Figure 2 Evolution de 1981 à 2006 des dates de floraison, de stade ensilage et de maturité
(32% d’humidité du grain) à Orléans variété « demi-précoce précoce (DPP) semée le 15/4
Pour le climat futur, avec les mêmes dates de semis et les mêmes précocités (itinéraires
techniques actuels), les floraisons seraient plus précoces d’environ une semaine dans le
futur proche (2020-2046), de 9 à 15 jours pour le futur lointain (2070-2096) avec le scénario
B1 et de 15 à 25 jours pour la même période avec le scénario A2, ce qui correspond à des
floraisons centrées sur le 1/7. Les stades récolte ensilage seraient anticipés de 12 jours, 21
jours et 32 jours pour les mêmes périodes et les stades maturité (32% d’humidité du grain)
de 19, 33 et 45 jours en moyenne sur l’ensemble de la France.
En A2 lointain, le stade récolte ensilage serait donc centré sur le début août et la maturité
(32%) sur la mi-août.
Les cartes de la figure 3 indiquent les dates estimées du stade maturité (32%) pour les
séries OBS (1981-2006), A2P (2020-2046), B1L et A2L (2070-2096).
Thème des journées techniques 5
Figure 3 Dates médianes de maturité (32% d’humidité) avec les itinéraires « actuels » pour les
séries OBS (1981-2006), A2P (2020-2046), B1L et A2L (2070-2096)
Cette anticipation des stades et le raccourcissement des cycles de culture ont un effet a
priori négatif sur les potentiels de rendement par diminution du rayonnement intercepté
cumulé. La première adaptation déjà pratiquée par les producteurs depuis une trentaine
d’années consiste à semer plus tôt des variétés plus tardives (Lorgeou et al 2009).
Pour le futur, nous avons simulé les itinéraires « adaptés » explicités plus haut. Il en ressort
des dates de stades du même ordre qu’avec les itinéraires actuels : les effets de l’avance de
la date de semis et de la tardification se compensent :
floraison : 12/7 (A2P), 6/7 (B1L), 27/6 (A2L)
stade ensilage : 25/8 (A2P), 14/8 (B1L), 2/8 (A2L)
maturité (32%) : 13/9 (A2P), 28/8 (B1L), 14/8 (A2L)
La précocité du stade maturité autorisera un séchage sur pied, avec des récoltes en grain à
humidité nettement plus faible qu’aujourd’hui. Une autre possibilité serait de cultiver des
variétés encore plus tardives. Enfin il est possible d’imaginer des semis dès la mi-février
compte tenu des températures attendues. Cependant le risque de gel aux stades jeunes est
à examiner.
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