Statut_Penal_Chef_Etat - Faculté de Droit de Nantes

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La portée des décisions du Conseil constitutionnel sur la
jurisprudence de la Cour de cassation : l’exemple des
divergences relatives au statut pénal du Chef de l’Etat
Décision n°98-408 DC du 22 janvier 1999, « Traité portant statut de la
Cour pénale internationale »
Master 2 Droit pénal
Faculté de droit - Nantes
Sciences criminelles
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L’idée d’une irresponsabilité politique du chef de l’Etat est ancienne.
Héritage de la monarchie, certains auteurs estiment qu’elle trouvait sa justification
dans l’adage « le Roi ne peut mal faire ». En réalité elle n’était que la conséquence du
principe selon lequel la personne du Roi est inviolable et sacrée, «elle est la condition de son
hérédité » (J. Barthélemy, P. Duez). Tandis que l’irresponsabilité est le « reflet de la majesté
royale » sous la monarchie, elle devient, avec l’avènement de la République et le
développement du régime parlementaire, la conséquence de l’effacement du Chef de l’Etat.
George Vedel considère que « irresponsabilité et effacement se prêtent un appui mutuel : on
n’a d’autorité que dans la mesure où on assume la responsabilité, on n’est responsable que
dans la mesure où on détient une autorité ». Dans le régime parlementaire, tel qu’institué par
les constituants des IIIème et IVème Républiques, l’irresponsabilité du Chef de l’Etat a pour
corollaire la règle du contreseing ministériel, en vertu de laquelle les membres du
gouvernement sont tenus d’endosser la responsabilité des actes présidentiels. Cette règle est
perçue comme l’un des signes les plus éclatants de la logique parlementaire introduite par ces
deux Constitutions : le Président de la République ne peut agir qu’assisté des ministres, seuls
responsables devant le Parlement. En revanche, sous la Vème République, le Président
dispose d’une autorité accrue et de larges prérogatives. Mais l’irresponsabilité demeure. On
peut toutefois relever l’existence de certains mécanismes de mise en œuvre de la
responsabilité politique du Président de la République comme la procédure de référendum
pour mettre en jeu la responsabilité politique devant le peuple. Cette irresponsabilité
demeurée intacte depuis la Monarchie ne s’entend pas que d’un point de vue politique mais
également d’un point de vue civil et surtout pénal. D’un point de vue civil, le Président de la
République ne peut, pour les actes de sa fonction, être assigné en réparation pécuniaire des
dommages que son activité aurait causés. La notion de responsabilité pénale du chef de l’Etat
est, en revanche, beaucoup plus floue.
Jusqu’à une période très récente, le statut pénal du Président de la République n’a
guère suscité d’intérêt au sein de la doctrine. Examinée souvent en quelques lignes dans les
traités et manuels, la responsabilité présidentielle en matière pénale n’était souvent envisagée
que sous l’angle d’une « hypothèse d’école ». La question a connu un regain d’intérêt depuis
ces vingt dernières années avec la multiplication des affaires politico-financières impliquant
des membres du gouvernement, des élus et même le Président de la République. Quant aux
ministres, les affaires dites du « Carrefour du développement » et du « sang contaminé » ont
suscité de nombreux débats parmi la doctrine, mais l’avortement des procédures a souvent été
ressenti comme une irresponsabilité de fait des ministres à raison d’actes commis dans
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l’exercice de leur fonction. Ce constat a abouti à la révision constitutionnelle du 27 juillet
1993. L’alinéa 2 de l’article 68 de la Constitution a été modifié et une nouvelle juridiction a
été créée : la Cour de justice de la République, appelée à juger d’anciens ministres.
Pour le Président, la Constitution actuelle définit avec une clarté apparente son statut
pénal qui combine immunité et privilège de juridiction. L’article 68 dispose que « le
Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses
fonctions qu’en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux
assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des
membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de justice ». La situation ne souffre, a
priori, d’aucune ambiguïté : le Président de la République bénéficie d’une immunité absolue
et perpétuelle pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions hors les cas de haute
trahison où il bénéficie d’un privilège de juridiction (compétence de la Haute Cour de justice).
L’immunité et le privilège de juridiction s’inscrivent dans la tradition républicaine. Déjà sous
la IIIème République on estimait que les actes répréhensibles du chef de l’Etat commis
pendant la durée de ses fonctions faisaient l’objet de procédures d’accusation et de jugement
spéciales définies par les lois constitutionnelles de 1875, lesquelles disposaient que « le
Président de la République n’est responsable que dans les cas de haute trahison » et « le
Président de la République ne peut être mis en accusation que par la Chambres des Députés,
et ne peut être jugé que par le Sénat ».
Toutefois, cette question du statut pénal du Chef de l’Etat jusque là sans équivoque a
été totalement reconsidérée et a fait couler beaucoup d’encre depuis 1999.
Le Conseil Constitutionnel a été saisi le 24 décembre 1998 par le Président de la République
et le Premier Ministre de la question de savoir si une révision de la Constitution était
nécessaire à la ratification du traité de Rome du 18 juillet 1998 portant création de la Cour
pénale internationale.
Dans sa décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 le Conseil constitutionnel a revu le
régime de la responsabilité du Chef de l’Etat puisqu’il était invité à s’interroger,
conformément à l’article 54 de la Constitution sur la compatibilité de notre Constitution avec
l’article 27 du Statut de la Cour pénale internationale. Cet article intitulé « défaut de
pertinence de la qualité officielle » pose le principe selon lequel le statut « s’applique à tous
de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle ». Il ajoute « En
particulier la qualité officielle de chef d’Etat ou de gouvernement…n’exonère en aucun cas
de la responsabilité pénale au regard du présent statut ». Dans son alinéa 2, l’article 27
dispose également que « les immunités ou règles de procédures spéciales qui peuvent
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s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit
international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette
personne ».
Le Statut de la Cour pénale internationale écarte expressément toute protection pénale
dérogatoire accordée par les droits nationaux aux Chefs d’Etat, ministres et parlementaires.
Ces dispositions posent, pourtant, de nombreuses difficultés au regard des immunités et
privilèges de juridiction offerts par notre Constitution à notre personnel politique. Une
analyse précise en était donc nécessaire. Les considérants 15 à 17 de la décision du 22 janvier
1999 sont donc consacrés à l’examen du « respect des dispositions de la Constitution relatives
à la responsabilité pénale des titulaires de certaines qualités officielles ».
Le Conseil a plus particulièrement livré son examen du statut pénal du chef de l’Etat
dans le considérant 16 de sa décision. Il rappelle en une formule assez synthétique le
domaine traditionnel de l’irresponsabilité pénal du chef de l’Etat : il bénéficie d’une immunité
pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions en dehors des cas de haute trahison.
De cette constatation et interprétation de l’article 68, le Conseil déduit que l’article 27 du
Statut de la Cour pénale internationale est contraire au régime dérogatoire ainsi institué. Les
juges ont donc décidé que « l’autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale
internationale exige une révision de la Constitution ».
Un peu moins de trois ans après le juge constitutionnel, la Cour de cassation a eu à se
prononcer sur la question de savoir si le Président de la République peut, en cours de mandat,
être mis en examen ou cité comme témoin à raison d’actes accomplis avant son élection ou en
dehors de ses fonctions officielles ? Au-delà de l’examen du statut pénal du chef de l’Etat, la
Cour de Cassation a clarifié sa doctrine à l’égard de l’autorité dont sont revêtues les décisions
du Conseil Constitutionnel.
L’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation fait suite à un pourvoi déposé
le 29 juin 2001 à l’encontre d’un arrêt rendu le même jour par la troisième Chambre de
l’instruction de la Cour d’appel de Paris qui confirmait l’ordonnance des juges d’instruction
dans l’affaire dite de la SEMPAP (Société d’économie mixte paritaire de prestations). Ces
décisions avaient été rendues dans le cadre d’une information contre X concernant plusieurs
irrégularités graves, constatées par le rapport remis par la Chambre régionale des comptes de
l’Ile-de-France au Procureur de la République, et commises dans la passation de certains
marchés publics de la société dont la ville de Paris était actionnaire. A l’époque où s’étaient
produit les faits, M. Chirac était encore maire de Paris. Un contribuable parisien, M.
Breisacher, autorisé par le tribunal administratif à se porter partie civile en lieu et place de la
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ville avait saisi en novembre 2000 les juges d’instruction d’une requête demandant qu’il soit
procédé à l’audition de M. Chirac. Par une ordonnance du 14 décembre 2000, les deux juges
d’instruction se sont déclarés incompétents pour convoquer le Président de la République en
tant que témoin. Cette incompétence était fondée sur la circonstance que la requête mettait, en
réalité, directement en cause le Chef de l’Etat. En conséquence, conformément à
l’interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 janvier 1999, l’article 68 de
la Constitution s’opposait à une telle mise en cause.
L’arrêt de la Chambre de l’instruction du 29 juin 2001 confirme l’ordonnance du 14
décembre au motif que, tant l’article 68 que l’interprétation qu’en a fait le Conseil, empêchent
que l’action publique puisse être mise en mouvement à l’encontre du Président de la
République pendant la durée de ses fonctions.
Le requérant a formé un pourvoi en cassation et argué que l’autorité de la chose jugée
par le juge constitutionnel ne peut être opposée dans une affaire qui ne concerne pas le texte
sur lequel s’était prononcé le Conseil mais également que le principe d’égalité devant la loi
impose une interprétation stricte du privilège ou de l’immunité, ce qui devait conduire à
admettre, s’agissant de l’interprétation de l’article 68, une responsabilité pénale du chef de
l’Etat pour les actes accomplis en dehors de l’exercice de ses fonctions.
L’Assemblée plénière de la Cour de Cassation dans son arrêt du 10 octobre 2001 s’est
trouvée confrontée à des difficultés d’interprétation des articles 62 alinéa 2 et 68 de la
Constitution. La Cour estime que « l’autorité des décisions du Conseil Constitutionnel
s’attache non seulement au dispositif, mais aussi aux motifs qui en sont le soutien
nécessaire ». Et conformément aux conclusions du Premier avocat général ajoute que « ces
décisions ne s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et
juridictionnelles qu’en ce qui concerne le texte soumis à l’examen du Conseil ». Il en déduit
donc que les juridictions de l’ordre judiciaire ne sont pas liées par la décision du 22 janvier
1999 qui a statué sur un texte relatif à la compétence de la Cour pénale internationale.
Sur la question même de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat, le Premier avocat
général invitait l’Assemblée plénière a élargir sa réflexion par rapport à l’objet du pourvoi qui
lui était soumis, à savoir la possibilité ou non d’entendre un Chef d’Etat en exercice comme
témoin dans une procédure pénale. Il déclarait que « le problème est celui du degré de
protection qu’il y a lieu d’accorder à la fonction du Chef de l’Etat en général ».
La Cour de cassation rejette le pourvoi dans la mesure où le raisonnement de la
Chambre d’instruction suffit à justifier le refus de demande d’audition du Président Chirac
telle que demandée par le requérant. Pour Régis de Gouttes, « il ne s'agissait donc pas, selon
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l'arrêt attaqué, de recueillir le "témoignage" du chef de l'Etat, mais bien de procéder à un
"interrogatoire" portant sur son éventuelle participation aux faits qui se sont déroulés entre
1989 et 1995 à la SEMPAP, alors que M. Chirac était maire de Paris ». En outre, « l'arrêt
attaqué déduit logiquement de ces constatations que, s'agissant d'une véritable mise en cause
de la responsabilité pénale du Président de la République, elle entre dans le champ
d'application du considérant n° 16 de la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier
1999, - ce qui n'apparaît pas discutable en soi, indépendamment de la question de savoir
quelle autorité il convient d'accorder à cette décision».
L’Assemblée plénière pose ainsi le principe d’une immunité de juridiction temporaire,
l’action des juridictions pénales étant suspendue, elle déclare suspendue l’action publique
pendant toute la durée du mandat du Président de la République. L’arrêt renvoie donc à la fin
du mandat le moment où le chef de l’Etat devra répondre des actes antérieurs à sa prise de
fonction ou détachables de ses fonctions.
Sur ce contentieux particulièrement lourd de la responsabilité du chef de l’Etat et au
vu de la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999 et de l’arrêt de la Cour de
cassation du 10 octobre 2001, on peut se demander si les divergences d’interprétation de
l’article 68 sur la question du statut pénal du chef de l’Etat ne remettent pas en cause l’autorité
des décisions du Conseil constitutionnel sur la jurisprudence de la Cour de cassation ?
Dans un premier temps nous analyserons le travail d’interprétation du Conseil
constitutionnel qui apparaît comme un élément déterminant de la portée de ses décisions (I) et
dans un second temps nous étudierons l’interprétation divergente que propose la Cour de
cassation qui répond, néanmoins, à un objectif commun : la préservation de la continuité de
l’Etat (II).
I – La cohérence du travail d’interprétation du juge constitutionnel : élément
déterminant de la portée des décisions du Conseil constitutionnel
A – La consécration d’un privilège de juridiction au profit du Chef de
l’Etat résultant d’une interprétation contestée de l’article 68 de la Constitution
par le juge constitutionnel
La constitution de 1958 prévoit, en son article 68, le principe d’une responsabilité
pénale du Président de la République ainsi que ses modalités de mise en oeuvre.
Dans sa décision du 22 janvier 1999, le Conseil Constitutionnel, lors de l’examen de la
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conformité à la Constitution du traité instituant la cour pénale internationale devait se
prononcer sur la question de savoir si les actes du Président commis avant son élection ou en
dehors de ses fonctions pouvaient relever de la compétence de cette Cour.
Afin de répondre à cette question, le juge constitutionnel a interprété l’article 68 mais
a fait le choix d’une lecture séparatiste ce qui rompt avec l’interprétation qui en était faite
jusqu’à présent. Cela donna donc lieu à de nombreuses controverses.
1. Le choix d’une « lecture séparée » de l’article 68 de la
Constitution
L’article 68 de la Constitution pose le principe d’une responsabilité pénale du chef de
l’Etat, disposant que « Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis
dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation
que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité
absolue des membres les composant; il est jugé par la Haute Cour de Justice ».
Le Conseil Constitutionnel opte pour une lecture dite séparée de ce texte, c’est-à-dire qu’il lit
les deux phrases de cette disposition indépendamment l’une de l’autre. Par conséquent, le
privilège de juridiction prévu par la seconde phrase doit être étendu, pendant la durée du
mandat, à tous les actes commis par le Président ainsi qu’à ceux commis en dehors de
l’exercice de ses fonctions. Cette interprétation séparée entraîne donc, ipso facto, une
compétence exclusive de la Haute Cour pour tous les actes accomplis par le Président de la
République. En outre, cette procédure s’applique à tous les cas de responsabilité pénale du
chef de l’Etat et plus seulement au seul cas de haute trahison. Cette interprétation aboutit à
une extension substantielle du privilège de juridiction accordé au Président pendant la durée
du mandat.
Il convient également de noter que, dans un communiqué de presse en date du 10
octobre 2000, le Conseil Constitutionnel est venu ajouter que « le statut pénal du Président de
la République, s’agissant d’actes antérieurs à ses fonctions ou détachables de celles-ci,
réserve, pendant la durée du mandat , la possibilité de poursuites devant la seule Haute Cour
de justice » : le texte est clair et sans ambiguïté: pendant la durée de son mandat, le Président
n’est responsable que devant la Haute Cour de justice même si les actes commis sont
antérieurs ou détachables de ses fonctions.
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2. L’opportunité
de
l’interprétation
retenue
par
le
juge
constitutionnel
La lecture séparée de l’article 68 de la Constitution, adoptée par le Conseil
Constitutionnel, rompt avec l’interprétation qu’en faisait la doctrine jusqu’à cette date. En
effet, la majorité de la doctrine estimait qu’il fallait lire le texte de l’article 68 de manière
unitaire, la première phrase devant être lue comme le principe, la règle de fond, et la seconde
comme la règle de procédure (cette lecture unitaire sera d’ailleurs choisie par la Cour de
cassation).
Les tenants de la lecture séparatiste justifient l’interprétation faite par le Conseil
Constitutionnel de diverses manières : en premier lieu, au regard du principe de séparation des
pouvoirs, admettre une compétence exclusive de la Haute Cour de justice pour tous les actes
accomplis par le Président, qu’ils soient liés ou non à l’exercice de ses fonctions, permet de
faire obstacle à ce que le pouvoir judiciaire contrôle le Président et s’immisce dans le
fonctionnement du pouvoir exécutif. En deuxième lieu, la position du Conseil constitutionnel
est opportune au regard du principe de continuité de l’Etat : en effet, il convient de protéger le
Chef de l’Etat face à des poursuites qui le mettrait dans l’impossibilité d’exercer pleinement
sa fonction présidentielle. Enfin, les partisans de cette lecture de l’article 68 estiment qu’elle
permet de respecter la dignité de la fonction présidentielle.
Cependant, tous ces arguments furent mis à mal par nombre d’auteurs. A titre
d’exemple, F. Hamon affirme que la solution adoptée par le Conseil constitutionnel est
incohérente dans la mesure où elle ne respecte pas le degré de gravité des actes commis par le
Chef de l’Etat. En effet, en étendant le privilège de juridiction à tous les actes accomplis par le
Président de la République, le Conseil constitutionnel reconnaît une compétence exclusive de
la Haute Cour, y compris s’agissant de délits mineurs ou de contraventions, ce qui paraît aux
yeux de certains, auxquels nous nous rallions, quelque peu disproportionné et illogique.
B – La décision du Conseil constitutionnel : une portée limitée aux yeux
de la Cour de cassation
La Cour de Cassation, dans son arrêt du 10 octobre 2001, vient limiter la portée de la
décision du Conseil Constitutionnel du 22 janvier 1999 en estimant, d’une part, que l’autorité
de chose jugée ne joue pas en l’espèce et, d’autre part, que la décision n’est pas revêtue d’une
quelconque autorité de chose interprétée.
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1. La décision de la juridiction constitutionnelle dépourvue de
l’autorité de chose jugée
La question qui se pose ici est de savoir si le considérant numéro 16 du Conseil
Constitutionnel a autorité de chose jugée ou si, à l’inverse, il ne doit être considéré que
comme un simple obiter dictum.
a. Autorité de chose jugée et conception du
Conseil constitutionnel
Selon le demandeur au pourvoi, le considérant numéro 16 de la décision du Conseil
Constitutionnel ne doit être entendu que comme un simple obiter dictum. Cette locution latine
signifiant « dit en passant » sert à désigner, dans un jugement, une opinion que le juge livre
chemin faisant, à titre indicatif, indication occasionnelle qui, à la différence des motifs, même
surabondants, ne tend pas à justifier la décision qui la contient, mais seulement à faire
connaître par avance, à toutes fins utiles, le sentiment du juge sur une question autre que celle
que la solution du litige exige de trancher. En l’espèce, le requérant estime que ledit
considérant n’est qu’un motif incident non nécessaire à la résolution de la question posée et
donc dépourvu de portée juridique. De plus, le Conseil Constitutionnel aurait statué ultra
petita et répondu à une question qu’on ne lui posait pas. A l’inverse, Régis De Gouttes
considère que « le considérant n° 16 ne peut pas être regardé comme un simple obiter dictum
et il y a bien eu chose jugée par le Conseil Constitutionnel sur la question considérée qui lui
était posée ».
Selon la doctrine, ce moyen est insuffisamment fondé puisque, selon l’article 54 de la
Constitution, lorsque le Conseil Constitutionnel examine la compatibilité des dispositions
d’un traité international avec celles de la Constitution, il est tenu de procéder à un examen
exhaustif de la question et doit rechercher si l’engagement international qu’il examine ne
compte aucune « clause contraire à la Constitution ». Cette disposition justifie donc que le
Conseil Constitutionnel se soit prononcé sur le statut pénal du chef de l’Etat puisque le traité
en question visait à instaurer la compétence de la Cour pénale internationale pour connaître
des crimes prévus par le traité de Rome et commis par le Président avant, pendant, dans
l’exercice ou hors l’exercice de ses fonctions.
Initialement, le principe de l’autorité de chose jugée est conçu pour éviter les
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contradictions de jugement entre les tribunaux de l’ordre judiciaire avant d’être étendu aux
décisions du Conseil Constitutionnel. La constitution de 1958 prévoit expressément ce
principe à l’article 62 al. 2 lequel dispose que « les décisions du Conseil constitutionnel
s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».
Se pose alors la question de l’étendue d’un tel principe. Sur ce point, la position du Conseil
Constitutionnel a fait l’objet d’une grande évolution. Par une décision du 16 janvier 1962,
celui-ci indique seulement que l’autorité de ses décisions ne se limite pas à leur dispositif
mais s’étend à ceux de leurs motifs. En 1988, dans sa décision Loi d’Amnistie du 20 juillet, il
affirme explicitement que l’autorité de chose jugée attachée à ses décisions est limitée à la
déclaration d’inconstitutionnalité visant certaines dispositions de la loi soumise à son contrôle
et qu’ « elle ne peut être utilement invoquée à l’encontre d’une autre loi conçue, d’ailleurs, en
termes différents ». Le Conseil Constitutionnel adopte ici la définition de l’autorité relative de
chose jugée prévue par l’article 1351 du Code civil selon laquelle: « l’autorité de chose jugée
n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet du jugement ». Mais, dans une décision du 8 juillet
1989, il semble que le Conseil se rallie à une vision absolue de l’autorité de ses décisions. Il
estime en effet que, par exception, la chose jugée peut être invoquée à l’encontre d’une
disposition d’une autre loi que celle qui a été initialement déférée lorsque « les dispositions
de cette loi, bien que rédigées sous une forme différente, ont, en substance, un objet analogue
à celui des dispositions législatives déclarées contraires à la Constitution ».
En ce qui concerne le statut pénal du Chef de l’Etat et les décisions du Conseil
Constitutionnel et de la Cour de Cassation, de nombreux auteurs ont adhéré à cette conception
large de l’autorité de chose jugée et ont estimé qu’il y avait identité d’objet entre les deux
affaires. Selon eux, la formulation du considérant numéro 16 de la décision du Conseil
Constitutionnel est générale et s’impose nécessairement dans tous les cas où se pose la même
question de la responsabilité pénale du chef de l’Etat au cours de son mandat. A chaque fois
que se pose cette question, il faut donc que les autres juridictions se conforment à la décision
du Conseil Constitutionnel et reconnaissent l’immunité juridictionnelle du Président pendant
toute la durée de son mandat. Cependant, ce n’est pas la solution retenue par la Cour de
cassation dans son arrêt du 10 octobre 2001.
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b. Les justifications apportées à l’inapplicabilité en
l’espèce du principe de l’autorité de chose jugée
Comme le souligne Louis Favoreu dans une chronique intitulée « la Cour de
Cassation, le Conseil Constitutionnel et la responsabilité pénale du Président de la
République », la Cour de Cassation, dans l’arrêt du 10 octobre 2001, reconnaît explicitement
l’autorité de chose jugée des décisions du Conseil Constitutionnel en réaffirmant le principe
selon lequel « l’autorité des décisions du Conseil Constitutionnel s’attache non seulement au
dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ». Malgré tout, elle considère
que cette autorité n’a pas lieu de s’appliquer en l’espèce.
En effet, selon l’Assemblée plénière, l’autorité absolue de chose jugée ne vaut que si
elle doit appliquer le texte même qui a donné lieu à vérification de conformité et à
interprétation par le Conseil Constitutionnel, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En outre, elle
indique clairement que les décisions du Conseil Constitutionnel « ne s’imposent aux pouvoirs
publics et aux autorités administratives et juridictionnelles qu’en ce qui concerne le texte
soumis à l’examen du Conseil ». Tel n’est pas le cas ici puisque la question posée au Conseil
Constitutionnel touche à la compétence de la cour pénale internationale tandis que celle dont
la juridiction judiciaire doit connaître concerne la compétence et les pouvoirs du juge
d’instruction. Il nous faut rappeler ici que, pour admettre l’autorité de chose jugée, certaines
conditions doivent être remplies: il faut notamment qu’il y ait une identité d’objet et de cause.
En l’espèce, les deux critères propres à la définition de l’autorité de chose jugée ne sont pas
réunis. La Cour de Cassation, contrairement au Conseil Constitutionnel, retient une
interprétation stricte de l’autorité de chose jugée par le Conseil Constitutionnel et ne s’estime
pas liée par sa décision.
Après avoir examiné le principe de l’autorité de chose jugée par le Conseil
Constitutionnel et le refus de la Cour de Cassation de reconnaître une telle autorité en
l’espèce, il convient d’examiner le problème de l’autorité de la jurisprudence du Conseil
Constitutionnel.
2. Le refus de la Cour de Cassation de reconnaître une autorité
de chose interprétée par le Conseil Constitutionnel
Il s’agit ici de se demander si la fonction ou la position particulière du Conseil
Constitutionnel au sein du système institutionnel est de nature à justifier qu’une autorité
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spécifique soit attachée à la doctrine, à la simple jurisprudence du Conseil. Autrement dit,
l’autorité « morale » des décisions du Conseil Constitutionnel peut-elle lier les autres
juridictions? Rappelons d’abord que, dans notre modèle de justice constitutionnelle, il
n’existe pas de mécanisme susceptible de contraindre les juridictions administratives ou
judiciaires à adopter les solutions dégagées par le Conseil Constitutionnel (à la différence du
modèle américain de justice constitutionnelle avec la règle du précédent). Comment justifier
alors que ces juridictions suivent la jurisprudence du juge constitutionnel? Il faut reconnaître
que, dans la plupart des cas, les juridictions administratives et judiciaires appliquent la
jurisprudence du Conseil Constitutionnel et que les décisions de résistance demeurent
exceptionnelles.
Monsieur De Gouttes, conseiller rapporteur, va d’ailleurs dans ce sens et demande à la
Cour de cassation de reconnaître une autorité à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. Il
estime, en effet, que la reconnaissance d’une autorité « morale » ou « persuasive » à la
décision interprétative du Conseil Constitutionnel se justifie à plusieurs titres. Il fait valoir,
dans un premier temps, le « souci de maintenir une harmonie entre les plus hautes
juridictions françaises et de sauvegarder l’unité et l’homogénéité de l’ordre juridique
interne ». Il est vrai qu’il est nécessaire de préserver une certaine unicité du droit: si chaque
juridiction se livre à une interprétation différente, cela va poser de graves problèmes en terme
de lisibilité du droit pour les juges et pour les justiciables. En conséquence, il prétend qu’un
processus d’harmonisation est nécessaire et que le juge constitutionnel doit être considéré
comme le principal interprète de la Constitution. En second lieu, il affirme que cette autorité
« morale » se justifie par un impératif de sécurité juridique dans l’intérêt même des
justiciables. Ce point de vue est partagé par d’autres auteurs, notamment Louis Favoreu et
Thierry Renoux qui affirment que « les justiciables souhaitent pouvoir déterminer facilement
et clairement le contenu des règles de droit et la juridiction compétente pour trancher leurs
litiges sur la base desdites règles ». Enfin, le dernier argument réside dans la force de
conviction du raisonnement suivi par le Conseil Constitutionnel, ce que Bruno Genevois
désigne par « autorité jurisprudentielle persuasive ». Louis Favoreu ajoute alors que « l’ordre
juridique serait gravement perturbé et la sécurité juridique sérieusement mise en cause au
détriment des individus si chacune des trois hautes juridictions avait sa conception de la
constitutionnalité ».
Pourtant, en l’espèce, la Cour de Cassation ne semble pas suivre cette jurisprudence et
elle donne une interprétation de l’article 68 divergente de celle du juge constitutionnel et
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refuse de reconnaître une quelconque autorité à la chose interprétée par le Conseil
Constitutionnel .Ce faisant, elle s’inscrit dans le courant majoritaire de la doctrine qui
s’accorde pour dire que la jurisprudence du Conseil constitutionnel n’a pas de caractère
obligatoire et ne contraint pas le juge. Ainsi, chaque juridiction est libre d’écarter ou de
réviser la solution adoptée par le Conseil constitutionnel. Nombre d’auteurs sont venus saluer
la position de la Cour de Cassation et sa volonté affichée d’indépendance face aux solutions
retenues par les juges de la rue Montpensier. Ils justifient cette solution par le fait qu’aucune
disposition constitutionnelle ne confie au Conseil constitutionnel de fonction spécifique ou
exclusive en matière d’interprétation de la Constitution. De plus, n’étant pas une cour
suprême mais une juridiction hors hiérarchie, il semble difficile d’affirmer qu’il serait le seul
interprète de la Constitution. En outre, la Cour de cassation, en tant que gardienne des libertés
individuelles,
dispose
également
d’un
pouvoir
d’interprétation
des
dispositions
constitutionnelles. Ainsi, les juridictions ordinaires sont des interprètes de la Constitution tout
aussi authentiques et légitimes que le Conseil constitutionnel. E. Zoller souligne d’ailleurs
qu’il ne découle pas de l’article 62 de la Constitution que la jurisprudence du Conseil devrait
s’imposer aux juges ordinaires puisque « l’article 62 règle le problème de l’autorité des
décisions du Conseil mais non le problème de l’autorité de sa jurisprudence ». Bernard
Poullain, membre de la Cour de cassation, fait également remarquer qu’ « il n’y a pas
d’obligation à suivre cette doctrine. Son influence dépend de l’autorité morale de l’interprète
constitutionnel et de la cohérence de la règle qui ressort de son interprétation ».
C’est d’ailleurs la position de la Cour de Cassation concernant le statut pénal du chef
de l’Etat puisque cette dernière adopte une interprétation propre de l’article 68, se détachant
largement de celle retenue par le Conseil constitutionnel.
II – Une interprétation divergente de la Cour de cassation mais répondant à
un objectif commun : préserver la continuité de l’Etat
Comme nous venons de le voir, il est d’usage pour la Cour de cassation, et plus
généralement pour les juridictions judiciaires, de se conformer à l’interprétation retenue par le
juge constitutionnel du texte dont elles ont à connaître. Cependant, en ce qui concerne la
question plutôt épineuse du statut pénal du Chef de l’Etat, l’Assemblée plénière, tout en
rappelant l’autorité de chose jugée dont bénéficient les décisions du Conseil constitutionnel, a
choisi de retenir une interprétation divergente en se livrant à une lecture unitaire de l’article
13
68 de la Constitution (A). Cependant, il est apparu que ces divergences d’interprétation entre
les deux ordres de juridiction, qui sont loin d’être exceptionnelles si l’on regarde le droit
comparé, ne les ont pas empêché d’atteindre un but identique à savoir l’immunité pénale du
Chef de l’Etat pour la durée de son mandat (B).
A – Une immunité pénale temporaire au profit du Chef de l’Etat résultant
d’une interprétation unitaire de l’article 68 par le juge judiciaire
Il conviendra ici d’étudier successivement les éléments fondant l’immunité pénale
temporaire octroyée au Chef de l’Etat à savoir une compétence limitée de la Haute Cour de
justice ainsi que la suspension de la prescription de l’action publique. Cependant, nous
pouvons également remarquer que la Cour de cassation ne se prononce pas, sciemment ou
non, sur un élément que le Conseil constitutionnel avait abordé dans sa décision de 1999 à
savoir l’immunité totale et permanente du Chef de l’Etat pour les actes commis dans
l’exercice de ses fonctions.
1. Une compétence de la Haute Cour de justice entendue
strictement
Ayant dénié, dans le litige dont elle était saisie, toute autorité à la décision du Conseil
constitutionnel, plusieurs possibilités s’offraient alors à la Cour de cassation pour déterminer
les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale du Président de la République,
notamment, en ce qui concerne la juridiction compétente pour juger celui-ci. Elle aurait ainsi
pu reprendre à son compte l’interprétation retenue par le Conseil constitutionnel. La Cour de
cassation a préféré opter pour une position qui fait obstacle à la mise en cause, d’une manière
ou d’une autre, de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat durant son mandat. Cette solution
repose sur une analyse d’ensemble des dispositions de la Constitution. En effet, pour justifier
sa position, la Cour de cassation ne fonde pas sa décision sur le seul article 68 de la
Constitution mais également sur l’article 3 relatif à la souveraineté et le Titre II (Le président
de la République) de la Constitution, donnant ainsi un fondement juridique plus stable à son
arrêt que ne l’avait fait le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1999. Dans cette
perspective, ce ne sont pas seulement les attributions du Chef de l’Etat qui, touchant au
fonctionnement régulier et à la continuité des pouvoirs publics, justifient cette immunité
14
temporaire mais ce sont aussi les principes de la souveraineté nationale, dont la désignation
du Président de la République au suffrage universel direct constitue l’expression.
A l’inverse du Conseil constitutionnel, l’Assemblée plénière adopte donc une lecture
unitaire de l’article 68 de la Constitution, estimant que c’est la nature des actes commis qui
doit déterminer la juridiction compétente : ainsi, il revient aux juridictions ordinaires de
connaître des actes de nature pénale commis par le Chef de l’Etat au cours de son mandat s’ils
ne sont pas qualifiables de haute trahison.
Nous remarquons donc que la Cour de cassation a fait ici application du principe
constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi puisque « l’immunité instituée au profit du
Président de la République par l’article 68 de la Constitution ne s’applique qu’aux actes qu’il
a accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Pour le surplus, il est placé dans la même
situation que tous les citoyens et relève des juridictions pénales de droit commun ».
Cependant, comme il est évident que le Chef de l’Etat, du fait des fonctions qu’il
exerce, ne peut être considéré comme un justiciable ordinaire, la Cour de cassation a décidé
de concilier ce principe d’égalité des citoyens devant la loi avec celui de la continuité de
l’Etat dont a la charge, avec le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Chef de
l’Etat, directement élu au suffrage universel.
2. La suspension de la prescription de l’action publique durant le
mandat présidentiel
Lors de l’examen de cet aspect, s’était d’abord posée la question de savoir si la Cour
de cassation pouvait décider à quel moment commençait la prescription alors que le moyen ne
soulevait pas ce problème. M. Roman, rapporteur, précisait que cette question n’étant pas
posée à la Cour de cassation, il ne lui appartenait pas de lui répondre. Mais l’avocat général,
tout en précisant que l’Assemblée plénière n’avait pas à entrer plus avant dans cette question,
qui n’avait pas été posée directement par le moyen, considérait la prise de position de la cour
sur la prescription comme « le corollaire nécessaire » de la décision. L’Assemblée plénière a
donc décidé de soulever le moyen d’office et de prononcer la suspension de la prescription de
l’action publique pour la durée du mandat présidentiel.
15
Ainsi, après avoir affirmé la compétence des juridictions ordinaires pour connaître des
actes pénaux commis par le Président de la République avant ou durant son mandat (hors le
cas de haute trahison), l’Assemblée plénière s’empresse d’ajouter qu’« étant élu directement
par le peuple pour assurer, notamment, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi
que la continuité de l'Etat, le Président de la République ne peut, pendant la durée de son
mandat, être entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une
infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ; qu'il n'est pas
davantage soumis à l'obligation de comparaître en tant que témoin prévue par l'article 101
du Code de procédure pénale, dès lors que cette obligation est assortie par l'article 109 dudit
Code d'une mesure de contrainte par la force publique et qu'elle est pénalement
sanctionnée. » Par cet attendu, la Cour de cassation entend donc considérer la fonction de
Chef d’Etat comme une cause de suspension de la prescription de l’action publique, posant
ainsi le principe d’une immunité pénale temporaire au profit du Président de la République et
ce, au nom du principe constitutionnel de continuité de l’Etat.
Cette suspension de la prescription de l’action publique, ne conférant au Chef de l’Etat qu’une
immunité temporaire, permet également de respecter pleinement le principe constitutionnel
d’égalité des citoyens devant la loi. En effet, en l’absence d’une telle précision, il aurait été
possible de prétendre que les faits étaient prescrits puisqu’il est de jurisprudence constante
que si les poursuites sont possibles, le délai de prescription commence à courir. L’immunité
de juridiction pouvait alors prendre la forme d’une immunité pénale quasi-absolue. De façon
générale, pour la Cour de cassation, la prescription de l’action publique est suspendue à
compter du jour où la partie poursuivante manifeste expressément sa volonté d’agir et se
heurte à l’obstacle de droit. Face à la difficulté de qualifier l’obstacle de droit en la matière,
la Cour de cassation règle sans ambiguïté la question en affirmant que, hors les actes commis
dans l’exercice des fonctions relevant de la compétence de la Haute Cour de Justice pour le
crime de haute trahison, le délai de prescription de l’action publique pour tous les autres actes
est suspendu pendant le mandat présidentiel.
3. Une omission de la Cour de cassation : l’immunité totale et
permanente du Chef de l’Etat pour les actes, hors le cas de
haute trahison, commis pendant l’exercice des fonctions
Si la rédaction adoptée par le Conseil constitutionnel a fait l’objet de très vives
critiques, il apparaît que celle adoptée par l’Assemblée plénière n’est pas non plus pleinement
16
satisfaisante. Le Conseil constitutionnel a eu raison de distinguer trois situations : l’immunité
pour tous les actes commis dans l’exercice des fonctions hors la haute trahison, le privilège de
juridiction en cas de haute trahison commise dans l’exercice des fonctions et le reste de la
responsabilité pénale qu’il confie, durant le mandat présidentiel, à la Haute Cour de Justice.
La Cour de cassation, quant à elle, ne retient que deux solutions : la compétence de la Haute
Cour pour la haute trahison commise durant les fonctions et la compétence des juridictions
judiciaires pour le reste (étant entendu que la prescription de l’action publique est suspendue
pour la durée du mandat). Mais, en adoptant une telle position, la Cour de cassation n’a pas
tenu compte d’une partie des dispositions de l’article 68, lesquelles n’ont, sur un point, jamais
prêté à discussion : le Président n’est pas responsable des actes qu’il commet dans l’exercice
de ses fonctions : il s’agit bien là d’une immunité juridictionnelle absolue et ce n’est que par
exception, et de manière restrictive, que, dans le seul cas de la haute trahison, la Haute Cour
sera compétente. La cour de cassation, dans sa solution, n’a donc pas tenu compte de cette
immunité absolue et définitive pour les actes commis par le Président dans l’exercice de ses
fonctions et ne relevant pas de la haute trahison.
Si, selon certains auteurs à l’instar de Dominique Chagnollaud, Pierre Avril ou Jean
Gicquel, la Cour de cassation s’est livrée à une « révision prétorienne » de l’article 68, il n’en
reste pas moins qu’aucune des décisions jurisprudentielles touchant au statut pénal du Chef de
l’Etat n’est pleinement satisfaisante. Cependant, nous ne pouvons que remarquer qu’en
adoptant des raisonnements différents, les deux ordres de juridiction aboutissent à une même
finalité : la protection du Chef de l’Etat durant son mandat présidentiel, qu’il s’agisse de lui
accorder un privilège de juridiction ou de suspendre la prescription de l’action publique
durant son mandat présidentiel.
B – Une finalité commune aux deux ordres de juridiction : la
préservation de la fonction présidentielle
1. Le souci de préserver la continuité de l’Etat
D’une manière globale, la décision du 22 janvier 1999 a été l’objet de critiques
nombreuses alors que l’arrêt de la Cour de cassation a été approuvé, sinon encensé.
Cependant, au sein de la doctrine, un certain nombre de positions, à notre sens, un peu trop
extrêmes ont été affirmées.
17
Louis Favoreu, dans son article intitulé « De la responsabilité pénale à la
responsabilité politique du Président de la République » affirme que « la position du Conseil
constitutionnel, approuvée par la Cour de cassation, selon laquelle le Président de la
République ne peut être attrait devant les juridictions ordinaires pour des actes commis hors
de l’exercice de ses fonctions, ni pour une mise en examen, ni pour une simple convocation
comme témoin, a été adoptée, en définitive par une bonne partie de la doctrine. Les tentatives,
postérieures à l’arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2001 et visant à démontrer que
celle-ci n’a pas suivi le Conseil constitutionnel sur tous les points, apparaissent souvent
comme des opérations de diversion destinées à masquer le fait que ces mêmes auteurs avaient
eu tort lorsqu’ils prétendaient que le Chef de l’Etat était un justiciable ordinaire ».
Xavier Pretot, dans son article intitulé « Quand la Cour de cassation donne une leçon
de droit au Conseil constitutionnel… » se demande, quant à lui, si la Constitution est « une
chose trop sérieuse pour qu’on en confie l’interprétation et l’application aux
constitutionnalistes » avant de clamer qu’ « en dépit de l’éclatement des ordres de juridiction,
notre ordre juridique est doté d’une véritable Cour Suprême, et celle-ci a son siège dans la
Cour de cassation. »
Ces deux visions témoignent bien de l’emportement de la doctrine quant aux décisions
touchant au statut pénal du Chef de l’Etat : deux courants se dessinent clairement : d’un côté,
les partisans d’une compétence ordinaire tenant à la nature pénale des actes commis et
reposant sur le principe d’égalité des citoyens devant la loi, et de l’autre, les partisans d’un
privilège de juridiction tenant à la fonction présidentielle et la séparation des pouvoirs.
Dans tous les cas, il nous paraît excessif d’affirmer que l’Assemblée plénière n’a fait
que suivre sur tous les points la décision du Conseil constitutionnel, se contentant simplement
de la compléter ou de la corriger sur trois points (la motivation de la décision du Conseil
constitutionnel, la compétence de la Haute Cour de Justice et la suspension de la prescription),
tout en prétendant que la Cour de cassation aurait pu s’abstenir de substituer son appréciation
à celle du Conseil constitutionnel quant à la compétence de la Haute Cour de Justice et que la
Cour de cassation a statué ultra petita en se prononçant sur la question de la prescription. De
même, il est abusif d’avancer que la décision du Conseil constitutionnel n’a rien réglé au
fond.
A nos yeux, l’intérêt de la question du statut pénal du Chef de l’Etat tient davantage au
fait que les deux ordres de juridiction, partant du postulat de départ selon lequel le Président
de la République ne peut pas être considéré comme un justiciable ordinaire, ont abouti à
18
mettre en place une protection de la fonction présidentielle pour la durée du mandat et ceci, en
adoptant une lecture très différente d’une même disposition, l’article 68 de la Constitution. La
Cour de cassation et le Conseil constitutionnel ont donc poursuivi le même but mais ont
simplement proposé des solutions différentes pour l’atteindre : un privilège de juridiction pour
le Conseil constitutionnel et une immunité pénale temporaire pour la Cour de cassation. Ces
divergences dans leur façon de raisonner tiennent nous semble-t-il, principalement au fait que
chacune de ces juridictions n’a pas concilié les principes constitutionnels de la même manière.
Si la lecture des deux décisions laisse clairement transparaître leur volonté commune de
préserver le principe de continuité de l’Etat, nous pouvons également remarquer que la Cour
de cassation s’est également attachée à assurer la protection du principe constitutionnel
d’égalité des citoyens devant la loi tandis que le Conseil constitutionnel s’attachait plutôt au
principe de la séparation des pouvoirs. A nos yeux, la position de la Cour de cassation,
rejetant une compétence étendue de la Haute Cour de Justice paraît un peu plus convaincante,
et ce à plusieurs titres. Tout d’abord, et pour reprendre une critique avancée à l’égard de la
décision du Conseil constitutionnel par nombre d’auteurs, la double formule de la mise en
accusation par les deux assemblées et du jugement par une juridiction d’exception composée
de parlementaires n’est guère appropriée au jugement de faits relevant du droit commun. Mais
surtout, il nous paraît difficile d’écarter tout risque de voir la Haute Cour de Justice utilisée
comme une arme politique contre le Président de la République. Comme le souligne François
Hamon, « la compétence ainsi reconnue à la Haute Cour de Justice risquait d’inciter les
parlementaires français à consacrer, à certains détails intimes de la vie du Président de la
république, un temps et une énergie » qui pourraient probablement être mieux employés. En
outre, surtout durant les périodes de cohabitation, il peut exister une tentation de déstabiliser
politiquement le Chef de l’Etat. Enfin, la compétence de cette juridiction ne semble pas
permettre d’assurer le respect des droits des victimes pas plus que celui des droits de la
défense. En ce qui concerne les victimes, la procédure devant la Haute Cour de Justice ne leur
réserve aucun rôle : elles n’ont ni l’initiative des poursuites ni la possibilité de se porter partie
civile. Quant au respect des droits de la défense, s’il est vrai que la difficulté d’intenter des
poursuites devant la Haute Cour protège le Chef de l’Etat dans une certaine mesure, il n’en
demeure pas moins que, lorsque ces poursuites sont déclenchées, il ne bénéficie pas de toutes
les garanties procédurales offertes aux justiciables dans le cadre d’une procédure pénale de
droit commun : à titre d’exemple, la commission d’instruction n’est compétente que pour
apprécier l’existence des faits, et non leur qualification. De plus, les arrêts de la Haute Cour
ne sont susceptibles d’aucune voie de recours, appel ou cassation.
19
2. Une préoccupation partagée par de nombreux pays
a. L’étendue de la protection de la fonction présidentielle
en droit comparé
Face aux difficultés rencontrées dans notre système juridique national pour déterminer
clairement le statut pénal du Chef de l’Etat, il est tentant de nous tourner vers le droit comparé
pour voir si les Chefs d’Etat étrangers investis d’une mission analogue à celle du Président
français bénéficient d’un statut pénal aussi protecteur.
Compte tenu de son mode d’élection, et parce qu’il est à la fois Chef de l’Etat et Chef
du Gouvernement, le Président américain a un rôle comparable à celui du Président français
en dehors des périodes de cohabitation. Or, en 1997, la Cour Suprême des Etats-Unis a jugé
que le Président Clinton, qui était alors en fonction, ne bénéficiait d’aucune immunité
interdisant aux juridictions fédérales de connaître d’une action en réparation dirigée contre lui
à raison des dommages causés par des actes de harcèlement sexuel qu’il aurait commis
lorsqu’il était gouverneur de l’Arkansas. Et l’on sait que, bien que la plaignante ait été
déboutée en première instance, le Président Clinton dut finalement lui verser, à titre de
transaction, une somme d’un montant élevé pour la dissuader d’interjeter appel. Mais c’était
uniquement la responsabilité civile du président qui était en jeu et la majorité de la doctrine
estime que, s’il s’était agi de poursuites pénales, la solution aurait été différente. La majorité
des auteurs semblent considérer qu’aussi longtemps qu’il est en fonction, le Président
bénéficie à la fois d’une inviolabilité quant à sa personne et d’une immunité quant à l’action
publique qui pourrait être mise en œuvre et trouver son aboutissement dans un procès. Force
est donc de constater que, à cet égard, les solutions américaine et française ne sont pas
opposées puisque, d’une part, ni le Conseil constitutionnel ni la Cour de cassation n’a exclu la
possibilité de poursuites civiles contre un président en exercice et d’autre part, la
jurisprudence Clinton/Jones ne concerne pas les actions pénales.
En ce qui concerne l’Europe occidentale, une étude réalisée par le Sénat montre que,
pour les actes étrangers à l’exercice des fonctions, le Chef de l’Etat, lorsqu’il s’agit d’une
République, bénéficie en matière pénale non pas d’une immunité absolue, mais d’un régime
assez profondément dérogatoire au droit commun : tantôt, comme en Allemagne ou en
Autriche, aucune poursuite n’est possible sans l’accord du Parlement ou au moins de la
Chambre basse (solution identique à celle du Conseil constitutionnel en France), tantôt,
20
comme au Portugal ou en Grèce, les poursuites pénales sont suspendues pendant la durée du
mandat (solution identique à celle de la Cour de cassation).
b. Le traitement des divergences entre ordres de juridiction
en droit comparé
Il apparaît que les divergences d’interprétation survenues lors de l’examen de la
question du statut pénal du Chef de l’Etat entre le Conseil constitutionnel et la Cour de
cassation ne sont pas exceptionnelles si l’on regarde ce qui se passe chez nos voisins
européens, prétendument dotés de systèmes constitutionnels plus perfectionnés : ainsi
l’existence d’un certain nombre de mécanismes devant permettre d’assurer le respect des
prises de position des cours constitutionnelles allemande, espagnole et italienne n’ont pas su
prévenir la survenance de conflits d’interprétation entre les cours constitutionnelles et les
juridictions suprêmes ordinaires. Ainsi, le tribunal suprême espagnol est entré en conflit avec
le tribunal constitutionnel au point de demander au Roi son arbitrage, ce que celui-ci s’est
bien gardé d’accorder.
Suite aux difficultés d’interprétation de l’article 68 tant par le Conseil Constitutionnel
que par la Cour de cassation et pour tenter de régler cette question, Jacques Chirac a constitué
une commission formée de parlementaires et dirigée par M. Pierre Avril, destinée à formuler
des propositions sur le statut pénal du Chef de l’Etat. La « Commission Avril » a suivi la
jurisprudence de la Cour de cassation et propose un élargissement de l’immunité du chef de
l’Etat. Mais les propositions de la commission ne s’arrêtent pas là puisque celle-ci propose
également de supprimer le terme de « Haute Cour de justice » pour le remplacer par Haute
Cour ainsi que supprimer la notion de haute trahison et la remplacer par « un manquement à
ses devoirs incompatibles avec l’exercice de son mandat ». Ces propositions sont totalement
reprises dans la réforme de la Constitution intervenue le 23 février 2007. L’article 68 est
réécrit et pose les éléments de manière claire : irresponsabilité totale pour les actes commis
pendant les fonctions, suspension de la prescription pendant le mandat et destitution
n’intervenant qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec sa
fonction de Président de la République.
Si la haute trahison ainsi remplacée n’était absolument pas définie dans l’ancienne
version de l’article 68, qu’entend-on aujourd’hui par « manquement manifestement
incompatible » ? Cette notion n’est pas non plus définie et il est donc ainsi à prévoir que de
21
nouvelles interprétations, peut être divergentes, se feront jour sur le contenu et le sens à
donner à cette nouvelle notion.
Outre ces questions d’interprétation, certains auteurs estiment que la nouvelle
rédaction de l’article 68 met en place une responsabilité plus politique que pénale, la
suppression du terme « justice » pour la Haute Cour étant assez révélatrice. Il s’agit, ici, de la
sanction d’un élu par des élus et on peut craindre de voir ces dispositions utilisées
politiquement par un parti qui contrôlerait les deux chambres pour renverser un Président
d’un autre bord. S’exprimant sur ces inquiétudes, Didier Maus, professeur de droit
constitutionnel estime qu’il y a « plusieurs garde-fous considérables » : une procédure très
stricte de mise en œuvre de la destitution et notamment la nécessité d’un majorité très forte
des deux Assemblées, la « vertu républicaine des élus » et enfin l’opinion publique.
22
PLAN DE L’EXPOSE
INTRODUCTION
I - La cohérence de l’interprétation du juge constitutionnel : élément déterminant
de la portée des décisions du Conseil constitutionnel
A – La consécration d’un privilège de juridiction au profit du Chef de l’Etat,
résultat d’une interprétation contestée de l’article 68 de la Constitution par le juge
constitutionnel
1. Le choix d’une « lecture séparée » de l’article 68 de la Constitution
2. L’opportunité de l’interprétation retenue par le juge constitutionnel
B – La décision du Conseil constitutionnel : une portée limitée aux yeux de la
Cour de cassation
1. La décision de la juridiction constitutionnelle dépourvue de l’autorité de
chose jugée
a. Autorité de chose jugée et conception du Conseil constitutionnel
b. Les justifications apportées à l’inapplicabilité en l’espèce du
principe de l’autorité de chose jugée
2. Le refus de la Cour de Cassation de reconnaître une autorité de chose
interprétée par le Conseil Constitutionnel
II - Une interprétation divergente de la Cour de Cassation mais répondant à un
objectif commun : préserver la continuité de l’Etat
A – L’octroi d’une immunité pénale temporaire au Chef de l’Etat, résultat d’une
interprétation unitaire de l’article 68 par le juge judiciaire
1. Une compétence de la Haute Cour de justice entendue strictement
2. La suspension de la prescription de l’action publique durant le mandat
présidentiel
23
3. Une omission de la Cour de cassation : l’immunité totale et permanente du
Chef de l’Etat pour les actes, hors le cas de haute trahison, commis pendant
l’exercice des fonctions
B – Une finalité commune aux deux ordres de juridiction : la préservation de la
fonction présidentielle
1. Le souci de préserver la continuité de l’Etat
2. Une préoccupation partagée par de nombreux pays
a. L’étendue de la protection de la fonction présidentielle en droit
comparé
b. Le traitement des divergences entre ordres de juridiction en droit
comparé
CONCLUSION
24
Régime de responsabilité
Position du Conseil constitutionnel
Actes accomplis avant
l’exercice des fonctions
Actes accomplis pendant l’exercice des fonctions
Mise en cause
avant l’exercice
Compétence des
juridictions ordinaires
Situation impossible
Mise en cause
pendant l’exercice
des fonctions
Privilège de juridiction
Compétence exclusive de
la Haute Cour de justice
Mise en cause
après l’exercice
des fonctions
Compétence des
juridictions ordinaires
Liés à l’exercice des fonctions
Non liés à l’exercice des
fonctions
Qualifiables de haute
trahison
Non qualifiables de
haute trahison
Privilège de juridiction
Privilège de juridiction
Compétence exclusive
de la Haute Cour
Irresponsabilité totale
et permanente
Compétence exclusive de
la Haute Cour de justice
Compétence de la
Haute Cour de justice
25
Irresponsabilité totale
et permanente
Compétence des
juridictions ordinaires
Position de la cour de cassation
Mise en cause
avant l’exercice
Actes accomplis avant l’exercice des fonctions
Actes accomplis pendant l’exercice des fonctions
Compétence des juridictions ordinaires
Situation impossible
Régime de responsabilité
Actes accomplis avant ou pendant l’exercice des fonctions
Qualifiables de haute trahison
Mise en cause
pendant l’exercice
des fonctions
Compétence exclusive de la Haute Cour de justice
Non qualifiables de haute trahison
-
Actes accomplis avant l’exercice des fonctions
Mise en cause
après l’exercice
des fonctions
Compétence des juridictions ordinaires
Aucun acte d’investigation, de procédure ou
de poursuite ne peut être diligenté jusqu’à
l’expiration du mandat
Suspension de la prescription de l’action
publique
Actes accomplis pendant l’exercice des fonctions
Qualifiables de haute
trahison
Non qualifiables de
haute trahison
Compétence des juridictions ordinaires
Compétence de la Haute
Cour de justice
26
Compétence des
juridictions ordinaires
PLAN DE L’EXPOSE
INTRODUCTION
I – La cohérence de l’interprétation du juge constitutionnel : élément
déterminant de la portée des décisions du Conseil constitutionnel
A – La consécration d’un privilège de juridiction au profit du Chef de l’Etat,
résultat d’une interprétation contestée de l’article 68 de la Constitution par le juge
constitutionnel
1. Le choix d’une « lecture séparée » de l’article 68 de la Constitution
2. L’opportunité de l’interprétation retenue par le juge constitutionnel
B – La décision du Conseil constitutionnel : une portée limitée aux yeux de la
Cour de cassation
1. La décision de la juridiction constitutionnelle dépourvue de l’autorité de
chose jugée
a. Autorité de chose jugée et conception du Conseil constitutionnel
b. Les justifications apportées à l’inapplicabilité en l’espèce du principe
de l’autorité de chose jugée
2. Le refus de la Cour de Cassation de reconnaître une autorité de chose
interprétée par le Conseil Constitutionnel
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II – Une interprétation divergente de la Cour de Cassation mais répondant
à un objectif commun : préserver la continuité de l’Etat
A – L’octroi d’une immunité pénale temporaire au Chef de l’Etat, résultat d’une
interprétation unitaire de l’article 68 par le juge judiciaire
1. Une compétence de la Haute Cour de justice entendue strictement
2. La suspension de la prescription de l’action publique durant le mandat
présidentiel
3. Une omission de la Cour de cassation : l’immunité totale et permanente du
Chef de l’Etat pour les actes, hors le cas de haute trahison, commis pendant
l’exercice des fonctions
B - Une finalité commune aux deux ordres de juridiction : la préservation de la
fonction présidentielle
1. Le souci de préserver la continuité de l’Etat
2. Une préoccupation partagée par de nombreux pays
a. L’étendue de la protection de la fonction présidentielle en droit
comparé
b. Le traitement des divergences entre ordres de juridiction en droit
comparé
CONCLUSION
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