L’idée d’une irresponsabilité politique du chef de l’Etat est ancienne.
Héritage de la monarchie, certains auteurs estiment qu’elle trouvait sa justification
dans l’adage « le Roi ne peut mal faire ». En réalité elle n’était que la conséquence du
principe selon lequel la personne du Roi est inviolable et sacrée, «elle est la condition de son
hérédité » (J. Barthélemy, P. Duez). Tandis que l’irresponsabilité est le « reflet de la majesté
royale » sous la monarchie, elle devient, avec l’avènement de la République et le
développement du régime parlementaire, la conséquence de l’effacement du Chef de l’Etat.
George Vedel considère que « irresponsabilité et effacement se prêtent un appui mutuel : on
n’a d’autorité que dans la mesure où on assume la responsabilité, on n’est responsable que
dans la mesure où on détient une autorité ». Dans le régime parlementaire, tel qu’institué par
les constituants des IIIème et IVème Républiques, l’irresponsabilité du Chef de l’Etat a pour
corollaire la règle du contreseing ministériel, en vertu de laquelle les membres du
gouvernement sont tenus d’endosser la responsabilité des actes présidentiels. Cette règle est
perçue comme l’un des signes les plus éclatants de la logique parlementaire introduite par ces
deux Constitutions : le Président de la République ne peut agir qu’assisté des ministres, seuls
responsables devant le Parlement. En revanche, sous la Vème République, le Président
dispose d’une autorité accrue et de larges prérogatives. Mais l’irresponsabilité demeure. On
peut toutefois relever l’existence de certains mécanismes de mise en œuvre de la
responsabilité politique du Président de la République comme la procédure de référendum
pour mettre en jeu la responsabilité politique devant le peuple. Cette irresponsabilité
demeurée intacte depuis la Monarchie ne s’entend pas que d’un point de vue politique mais
également d’un point de vue civil et surtout pénal. D’un point de vue civil, le Président de la
République ne peut, pour les actes de sa fonction, être assigné en réparation pécuniaire des
dommages que son activité aurait causés. La notion de responsabilité pénale du chef de l’Etat
est, en revanche, beaucoup plus floue.
Jusqu’à une période très récente, le statut pénal du Président de la République n’a
guère suscité d’intérêt au sein de la doctrine. Examinée souvent en quelques lignes dans les
traités et manuels, la responsabilité présidentielle en matière pénale n’était souvent envisagée
que sous l’angle d’une « hypothèse d’école ». La question a connu un regain d’intérêt depuis
ces vingt dernières années avec la multiplication des affaires politico-financières impliquant
des membres du gouvernement, des élus et même le Président de la République. Quant aux
ministres, les affaires dites du « Carrefour du développement » et du « sang contaminé » ont
suscité de nombreux débats parmi la doctrine, mais l’avortement des procédures a souvent été
ressenti comme une irresponsabilité de fait des ministres à raison d’actes commis dans