Thème 1 : Economie et démographie Chapitre1 : Comment la

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Thème 1 : Economie et démographie
 Chapitre1 : Comment la dynamique démographique influe-t-elle sur la croissance économique ?
I. Les grandes tendances démographiques.
Dossier 1 p.12 – 13 ; dossier 2 p.14 – 15.
A. La mesure de l’évolution de la population.
B. La transition démographique.
C. Le vieillissement de la population.
II. Epargne, accumulation patrimoniale et croissance économique.
A. Démographie et épargne : le modèle du cycle de vie.
Dossier 3 p.16 – 17.
B. Comment expliquer la diversité des taux d’épargne des ménages.
C. Vieillissement, accumulation patrimoniale et croissance économique.
III. Epargne, investissement et solde courant de la balance des paiements.
Dossier 4 p.18 – 19.
A. L’ajustement de l’épargne et de l’investissement en économie fermée et en économie ouverte.
B. Le rôle de la démographie.
 Notions :
Accumulation du capital ; allocation des ressources ; cycle de vie ; dynamique démographique ; épargne ;
équilibre emplois – ressources ; mouvement naturel ; mouvement migratoire ; population active.
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Au cours du siècle passé, des transformations démographiques majeures se sont produites : fin de la
phase de transition démographique et épisode de baby-boom pour les pays développés, début de cette transition dans les pays du Sud, migrations régionales et transnationales facilitées par l’ouverture des frontières et
les progrès spectaculaires dans les moyens de transport.
Ces phénomènes démographiques ont influencé la taille et la structure de la population mondiale. La
forte croissance de cette population s’est traduite par un changement dans l’équilibre des populations entre
le Nord et le Sud.
Les écarts de richesses ont aussi provoqué des migrations régionales ou internationales de main
d’œuvre. La structure par âges des populations a été affecté par le passage du régime démographique « ancien » (ou traditionnel) au régime démographique moderne.
Toutes ces évolutions démographiques ont eu des conséquences sur la croissance économique dans la
mesure où elles ont influencé les facteurs de production et la demande globale.
I. Les grandes tendances démographiques.
La dynamique démographique représente l’analyse de la natalité, de la mortalité et des mouvements migratoires afin de permettre de décrire l’évolution passée et future d’une population.
A. La mesure de l’évolution de la population.
Il existe différents outils démographiques permettant d’étudier la population.
1. Des indicateurs permettant d’étudier l’évolution de la population.
Pour analyser l’évolution démographique d’un pays, il faut prendre en compte le mouvement naturel
et le mouvement migratoire.
Le mouvement naturel est la variation de l’effectif d’une population qui résulte de l’effet conjugué
de la natalité et de la mortalité.
Le solde naturel (le plus souvent accroissement naturel) est la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès.
Le taux d’accroissement naturel est le rapport de l’accroissement naturel durant une période à la
population moyenne de cette période. Ce taux peut être aussi calculé par la différence entre le taux brut de
natalité ( rapport entre le nombre de naissances au cours de l’année et la population moyenne au cours de
l’année) et le taux brut de mortalité. (rapport entre le nombre de décès au cours de l’année et la population
moyenne au cours de l’année). En France, en 2011, le taux de naissance était de 12,7‰ et le taux de mortalité de 8,5‰ d’où un taux d’accroissement naturel de 4,2‰.
Le solde migratoire est la différence entre les immigrations et les émigrations.
 Remarque : Il faut bien distinguer immigrant / émigrant et immigré / émigré. Dans le premier cas,
l’approche est en termes de flux et dans le second cas en termes de stocks. Par exemple :
Un immigrant est un étranger qui, pour la première fois, reçoit un titre de séjour d’une durée égale ou
supérieure à un an.
Un immigré est un individu résidant sur le territoire français (quelle que soit sa nationalité) qui est né
à l’étranger avec une nationalité étrangère.
2. Les indicateurs du mouvement naturel.
Outre le taux brut de natalité et le taux brut de mortalité évoqués ci-dessus, il existe d’autres taux
permettant d’expliquer le mouvement naturel d’une population :
Le taux global de fécondité est le rapport du nombre de naissances vivantes au nombre moyen de
femmes en âge de procréer (15 – 49 ans). En France, en 2011, ce taux était de 2,07 enfants par femme.
L’Indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) représente le nombre moyen d’enfants que mettrait
au monde une femme, si elle connaissait durant toute sa vie féconde, les conditions de fécondité observées
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l’année d’observation. Il correspond à l’addition des taux de fécondité par âge. En France, en 2011, ce taux
était de 2,01 enfants par femme (Allemagne et Espagne: 1,39 ; Chine : 1,5 ; Suède et Etats-Unis : 2,0).
3. Les indicateurs du vieillissement.
Ces indicateurs sont utiles pour différents chapitres du programme.
En France, la part des plus de 60 ans dans la population totale est passée de 19% à 22,6% entre
1991 et 2010. Cette hausse s’explique principalement par hausse de l’espérance de vie à 60 ans c'est-à-dire
le nombre d’années qu’auraient à vivre les individus âgés de 60 ans. Elle est passée de 15 ans au début du
XXe siècle à 26 ans à la fin du XXe siècle. Ce vieillissement conduit à l’augmentation de l’âge moyen de la
population (40 ans en 2012 vs 38 ans en 1997).
L’indice du vieillissement représente la part (en %) des personnes de plus de 65 ans dans les jeunes
de moins de 20 ans. (en France : 70 % en 2012 vs 61% en 2000).
Le ratio de dépendance, globalement, est le rapport du nombre des inactifs de moins de 20 ans et
ceux de plus de 60 ans, au nombre d’actifs de 20 à 59 ans. En France, en 2007, ce taux était de 86% ; il
pourrait atteindre 110% en 2060. La population active est constituée des personnes exerçant ou souhaitant
exercer une activité professionnelle (emploi + chômage).
Par ailleurs, il faut souligner que la croissance démographique est un facteur de la croissance économique :
- L’augmentation de la population agit sur la demande et l’offre, en fournissant des débouchés supplémentaires aux produits agricoles et aux produits finis dont la production se rationalise et s’intensifie générant des gains de productivité. La croissance devient intensive.
- Esther Boserup (1910 – 1999) développe le concept de « pression créatrice ». La croissance de la population contraint à la recherche de gains de productivité et de rendements. De même, l’adoption de nouvelles technologies peut être plus rapide dans de telles populations. Il existe donc un lien entre croissance
démographique et innovation.
- De même, Kenneth Arrow en 1962 et Edmund Phelps en 1966 montrent que les efforts de recherche
et développement sont corrélés à la croissance démographique. Ces dépenses produisent, comme
l’investissement en capital humain, des externalités positives susceptibles de favoriser la croissance économique.
Toutefois, le vieillissement démographique suscite plus de craintes par rapport à la productivité et à
la croissance : les populations âgées pourraient être moins dynamiques ou moins réceptives à l’innovation.
Alfred Sauvy (1898 – 1990) craignait ainsi dans les années 1950 que la dénatalité et le vieillissement entrainent un déclin des civilisations : « Croitre ou vieillir, il faut choisir » écrivait-il.
B. La transition démographique.
La transition démographique désigne une période au cours de laquelle un pays passe, par étapes,
d’un régime démographique ancien (traditionnel) caractérisé par des taux de natalité et de mortalité élevés à un régime démographique moderne caractérisé par des taux de natalité et de mortalités faibles.
 Remarque : C’est Adolphe Landry (homme politique et démographe ; 1874 – 1956) qui est le
premier à avoir proposé en 1934 un schéma explicatif de l’évolution des populations en distinguant un régime primitif (pré-transitionnel), un régime intermédiaire (la transition démographique) et un régime de maturité (post-transitionnel).
Selon la thèse de la transition démographique, la baisse de la mortalité précède celle de la mortalité,
de sorte que la phase de transition est marquée par un accroissement naturel fort.
Le recul de la mortalité, qui se traduit par l’allongement de l’espérance de vie, résulte à la fois des
progrès médicaux et de l’amélioration des modes de vie. Ce recul s’explique par trois facteurs essentiels :
- Baisse de la mortalité infantile. Au XVIIIe siècle, 30% des enfants mouraient avant un an ; aujourd’hui le taux de mortalité infantile est de 4‰ ;
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- Rôle des progrès médicaux (amélioration des pratiques médicales, des conditions d’hygiène, vaccinations obligatoires,…) ;
- Croissance économique et amélioration du niveau de vie. Cette croissance a permis de financer une
protection sociale.
Le recul de la fécondité s’explique principalement par des raisons culturelles et sociales.(par
exemple, la nuptialité : la tolérance vis-à-vis des naissances hors-mariage ; l’amélioration du niveau
d’instruction des femmes,…)
C’est en Europe, au XIXe siècle, que se déroule la première transition démographique.
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1. L'Europe et la transition démographique au XIX .
Le XIXe siècle est marqué par la forte progression de la population européenne, sous l'effet de la
transition démographique. Le phénomène se produit en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle et se propage
ensuite aux autres pays européens. Il se traduit par une diminution rapide de la mortalité, la natalité restant
stable, à un niveau élevé, pendant une à deux générations. Le taux d'accroissement naturel de la population
progresse alors rapidement. Dans un second temps la natalité se met à baisser et le taux d'accroissement naturel diminue. On passe d'un régime démographique pré-transitionnel (traditionnel ou ancien) caractérisé par
des taux de natalité et de mortalité élevés et un accroissement naturel faible, à un régime post-transitionnel
(moderne) dans lequel les taux sont divisés au moins par deux et l'accroissement redevient faible. Ce mouvement naturel, qui a souvent conduit à une multiplication par 5 de la population, s'accompagne également
d’importants mouvements migratoires : l’Angleterre, l’Irlande, l’Italie, l’Allemagne ont ainsi connu une
émigration massive.
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Seul pays européen à proposer un modèle très différent au XIX , la France connaît une transition démographique caractérisée par une diminution presque simultanée de la natalité et de la mortalité. Le taux
d'accroissement naturel reste donc faible. La France est également un pays d'immigration, contrairement à
ses voisins. Cette faible vitalité démographique française se poursuit au cours de l'Entre-deux-guerres au
point que la population commence à décroître à la fin des années 1930 et ne reprend sa progression qu’à la
fin de la Seconde Guerre mondiale.
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2. La démographie européenne de la seconde moitié du XX siècle.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la population européenne (au sens large, en incluant la
Russie d'Europe, l'Ukraine…) a achevé sa transition démographique. Le taux d'accroissement de la population, proche alors de 1% par an, augmente légèrement jusqu'à la fin des années soixante, sous l'effet du Baby-boom, tandis que le solde migratoire global reste négatif. Le taux d'accroissement diminue ensuite régulièrement, en raison d'une baisse de l'accroissement naturel que ne compensent ni l’augmentation régulière
de l’espérance de vie ni une légère augmentation du solde migratoire. Il devient nul au milieu des années
1990 et négatif entre 1997 et 2001. À partir des années 1990, la situation devient très particulière puisque
l'accroissement naturel est négatif et que c'est une augmentation du solde migratoire qui vient empêcher la
population de diminuer fortement.
La situation géographique est très contrastée : l'Europe de l'Ouest et du Nord continue de voir sa population progresser tandis que l'Europe centrale et de l'Est connaît plutôt une tendance à la stagnation (Allemagne, Italie, Russie, Pologne), voire à la baisse de la population (pays baltes, Roumanie, Hongrie…). Cette
situation s’explique largement par une baisse de la fécondité mais les phénomènes migratoires viennent accentuer l'évolution pour certains pays (Europe de l'Est avec des soldes migratoires négatifs) ou compenser
partiellement le mouvement naturel.
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En comparaison des autres pays européens, la France se caractérise, dans la seconde moitié du XX
siècle, par une vitalité démographique supérieure à la moyenne. Le Baby-boom, visible également dans les
pays composant le quart nord-ouest de l'Europe, a été particulièrement important, tandis que la "dénatalité" a
été moins marquée qu'en Allemagne, en Italie ou en Espagne. La croissance démographique française est
tirée par le solde naturel plutôt que par le solde migratoire, situation rare en Europe.
Les transformations de la fécondité et de la mortalité ont des conséquences sur la structure par âge de
la population, visibles dans les pyramides des âges. En France, le baby-boom a provoqué un rajeunissement
très net puis s’est traduit par le gonflement de la population active.
C. Le vieillissement de la population.
Le vieillissement qui s’accélère au cours de la décennie 2000, conséquence à la fois de l’arrivée à 60
ans des baby-boomers et de l’allongement de la durée de vie (vieillissement par le haut), engendre un accroissement du poids relatif des générations de plus de 60 ans. Tous les pays ne sont pas confrontés à ce
phénomène avec la même ampleur. Si l’allongement de la durée de vie est assez général dans les pays industrialisés, l’importance du baby-boom, de la période de « dénatalité », ainsi que la diversité des comportements démographiques au début du XXe siècle, conduit à des situations diverses. La baisse de la fécondité
(vieillissement par le bas) explique aussi le vieillissement de la population. Par exemple, la fécondité a été
nettement plus faible en Allemagne qu’en France au cours de la deuxième moitié du XXe. Il en résulte un
vieillissement plus précoce et plus durable de la population allemande et l’évolution du ratio de dépendance démographique, défini comme le rapport entre, d’une part, la population de moins de 20 ans et de
plus de 60 ans et, d’autre part, celle de 20 à 60 ans, y connaîtra certainement une remontée plus forte qu’en
France.
L’enjeu essentiel de ces évolutions est la prise en charge des inactifs par les actifs, les « producteurs » potentiels assurant la prise en charge d’une population inactive plus nombreuse. Il pose également, à
travers les questions de financement des retraites (cf. chapitre suivant), la problématique de la solidarité intergénérationnelle, de la soutenabilité des engagements d’une génération nombreuse pour les générations
suivantes…
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II. Epargne, accumulation patrimoniale et croissance économique.
A. Démographie et épargne : le modèle du cycle de vie.
L’épargne désigne la fraction du revenu disponible qui n’est pas affectée à la consommation au
cours de l’année. Le taux d’épargne le rapport entre l’épargne et le Revenu national disponible brut.
La théorie du cycle de vie vise à expliquer les différences d’épargne, en les reliant aux variables démographiques. C’est Franco Modigliani, en 1954, qui a mis en valeur un lien entre cycle de vie et épargne.
Elle propose une vision macroéconomique découlant de la logique microéconomique des choix intertemporels du consommateur. Celui-ci est supposé répartir dans le temps sa consommation de manière optimale, en
tenant compte du fait que ses revenus varient au cours de sa vie. Il peut emprunter lorsqu'il est jeune et n'a
pas de revenu, rembourser et épargner lors de sa phase d'activité et utiliser cette épargne pour sa retraite. Il
lisse ainsi sa consommation et son épargne tout au long de sa vie et l'accumulation de patrimoine qu'il réalise à une époque n'a pas d'autre objet que de lui permettre de consommer plus tard.
Cette théorie est proche de celle du revenu permanent mis en évidence par Milton Friedman en
1957. Il explique que la consommation d’un individu ne dépend pas seulement du niveau de son revenu courant, mais intègre une dimension temporelle. En effet, la consommation de l’individu est fonction de ses
anticipations de revenus futurs.
- Phase A : La jeunesse est une courte période de désépargne tant que les études se poursuivent ou que
les individus ne sont pas insérés sur le marché du travail. Ils s’endettent.
- Phase B : L’âge adulte se caractérise par un remboursement progressif des dettes (remboursement de
la désépargne initiale) et à une augmentation du patrimoine, l’épargne augmente en prévision de la retraite
(baisse future des revenus) et l’augmentation du revenu permet d’augmenter la consommation et
l’acquisition de biens patrimoniaux.
- Phase C : Au moment de la retraite, les individus désépargnent de manière à consommer davantage
que ne le permet leur revenu (maintien du niveau de consommation).
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Puisque les jeunes (actifs) épargnent et les vieux (retraités) désépargnent, les évolutions démographiques influent le taux d’épargne au travers de leurs effets sur la structure par âge de la population.
Ainsi, une croissance démographique, qui augmente le nombre d’actifs par rapport au nombre de
retraités, accroit le taux d’épargne. De même, un allongement de l’espérance de vie (à durée d’activité inchangée) augmente le taux d’épargne en obligeant les actifs à accumuler un patrimoine plus important pour
leur retraite.
Revenu disponible brut et épargne des ménages ordinaires de métropole (*) en 2003
selon la tranche d'âge de la personne de référence
Montants annuels, en milliards d'euros, en
2003
Revenu disponible brut
Taux d'épargne (en %)
70
ans
et
plus
Ensemble
Ménages
ordinaires
métropole
149,7
980,4
-11,6% 8,0% 16,0% 24,6% 19,2% 26,7%
16,9%
Moins
de 30
ans
60,7
3039
ans
40-49 50-59 60-69
ans
ans
ans
185,1 229,2
233,6
122,0
Source : Comptes nationaux - Base 2005, Insee
Champ : ménages ordinaires de métropole, hors Sifim
(*) Ménages ordinaires de métropole (hors DOM, hors personnes vivant en collectivités)
y compris entrepreneurs individuels
B. Comment expliquer la diversité des taux d’épargne.
L’observation des taux d’épargne et leur évolution conduisent à mettre en évidence les limites de la
théorie du cycle de vie. En effet, le taux d’épargne se situe à des niveaux très différents en Europe. Alors
que l’Allemagne atteint 23 %, en 2011, la France 17 %, le Royaume-Uni est à 13 %, et la Suède à 25 %. La
moyenne de L’Union européenne est proche de 20 % (données Eurostat, à partir des comptes nationaux),
tandis que les États-Unis sont à 12 % et le Japon à 21 %. Et les évolutions des vingt dernières années sont
très contrastées : très forte chute en Italie ou au Royaume Uni, progression très importante en Irlande ou en
Norvège, légère baisse en France et légère progression en Allemagne, effondrement au Japon et baisse très
sensible aux États-Unis.
Expliquer cette diversité apparait difficile dans la mesure où les facteurs explicatifs sont nombreux,
plusieurs variables économiques peuvent influencer les comportements d’épargne, notamment à court
terme.
On observe, à côté des effets d'âge qui nous intéressent ici, des effets de génération (toutes les générations n'ont pas le même vécu et les taux d'épargne reflètent leurs parcours de vie différenciés) et des effets
de période qui correspondent à des phénomènes conjoncturels modifiant les comportements d’épargne. Ainsi, l’anticipation d’une baisse des revenus (due au chômage) provoque un accroissement de l’épargne de
précaution. La variation des revenus modifie la propension à épargner.
La variation des taux d’intérêt agit également sur les comportements d’épargne. Ainsi, une élévation
des taux d’intérêt incite plus à épargner qu’à consommer (effet substitution), d’autant plus que le coût du
crédit est élevé ; mais l’épargne placé rapporte plus ce qui peut entrainer une hausse de la consommation
(effet revenu).
Se pose également la question de la transmission du patrimoine. On peut en effet envisager que les
ménages aient un comportement d'accumulation patrimoniale en faveur de leur descendance, un altruisme
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générationnel. La volonté de transmettre un patrimoine complique alors l'analyse et ne conduit pas nécessairement à une décroissance du taux d'épargne lors du vieillissement. Il faut de plus considérer que l’épargne
des ménages n’est qu’une composante de l’épargne globale d’un pays. En France elle en constitue entre la
moitié et les deux tiers selon les époques.
Mais il existe aussi des facteurs institutionnels qui peuvent agir sur les comportements d’épargne,
notamment la fiscalité et la protection sociale. En effet, la fiscalité influence le revenu disponible mais aussi
la structure de l’épargne (liquide, placements financiers ou immobiliers) ; une protection sociale trop faible
peut conduire à des taux d’épargne plus élevés.
Selon la théorie du cycle de vie, le phénomène de vieillissement doit se traduire notamment par un
phénomène de désépargne, rendant plus difficile le financement de l’activité économique. Toutefois, le processus de désépargne peut être ralenti par les réformes sur les systèmes de retraite et la volonté de se prémunir contre le risque de dépendance, ou encore par la volonté des épargnants de transmettre un patrimoine à
leurs enfants.
D. Vieillissement, accumulation patrimoniale et croissance économique.
Le vieillissement favorise l’accumulation dans la mesure où il augmente la part de la population
qui possède les patrimoines les plus importants.
En France, les âges concernés se situent aujourd’hui entre 50 et 70 ans. La désaccumulation patrimoniale s’observe à partir de 75 ans. Par conséquent, tant que le vieillissement augmente la part des 50 – 70
ans, il favorise l’accumulation patrimoniale. En revanche, l’augmentation de la part des 75 ans et plus pourrait nuire à l’accumulation patrimoniale et poser des difficultés pour le financement de l’économie nationale.
Toutefois, les liens entre vieillissement et croissance ne se réduisent pas aux effets du vieillissement
sur l’accumulation du patrimoine. En effet, le vieillissement démographique a également des conséquences
sur la taille de la population active et sur la productivité. Sur la productivité, les effets du vieillissement apparaissent ambigus lorsque l’on s’intéresse à la productivité individuelle et plus encore lorsqu’on considère
la productivité globale du pays, compte tenu des évolutions de l’appareil productif et de l’investissement en
capital humain engendrées par le vieillissement.
Enfin, on peut rappeler la controverse sur le rôle de l’héritage dans les comportements d’épargne a
des enjeux économiques mais aussi politiques et sociaux.
Si la transmission d’un patrimoine aux générations suivantes est la motivation principale de
l’accumulation, la favoriser, notamment la fiscalité, doit avoir des effets positifs sur la croissance économique. En revanche, si conformément à l’hypothèse du cycle de vie, l’accumulation patrimoniale n’a pas de
liens avec l’héritage alors la volonté de réduire les inégalités peut justifier une taxation importante.
L’impact du vieillissement sur la croissance économique doit être nuancé, notamment en ce qui concerne les effets pervers du vieillissement :
- Le manque de dynamisme d’une population vieillissante est un postulat reposant, en grande partie,
sur la confusion entre les effets d’âge et les effets de génération. Rien ne permet de penser que les comportements des personnes âgées futures seront identiques à ceux des personnes âgées passées ou présentes. En
effet, on peut penser que les générations nées dans une société de consommation et ayant adopté ses valeurs
conserveront leur dynamisme, notamment dans la consommation.
- Les difficultés financières de la protection sociale pourraient être résolues si une reprise de la croissance permettait de financer l’augmentation des dépenses sociales liées au vieillissement, et que le retour au
plein emploi réduisait le coût du chômage.
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Par ailleurs, le vieillissement peut même induire des effets positifs :
Le vieillissement peut créer des emplois en suscitant des besoins que les revenus croissants des per-
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sonnes âgées peuvent transformer en demande solvable. Les emplois créés peuvent être de nature diverse :
services d’aide à la personne (ménage, repas à domicile, transport,…) ; l’industrie pharmaceutique ; le tourisme ; le système hospitalier…
- La pénurie de main d’œuvre probable peut être un facteur d’investissement afin de s’affranchir des
problèmes démographiques.
III.
Epargne, investissement et solde courant de la balance des paiements.
A. L’ajustement de l’épargne et de l’investissement en économie fermée et en économie ouverte.
Les transformations démographiques ont un impact sur l’accumulation du capital, résultat de l’effort
d’investissement, et la croissance économique. Le lien macroéconomique entre l’épargne et l’investissement
permet de comprendre les mécanismes. Dans une logique comptable macro-économique, en utilisant les
différentes approches du PIB, on a :
Y = C + I (approche par la production)
R = C + S (affectation des revenus à la consommation et à l’épargne)
1. Epargne et investissement en économie fermée.
Les revenus distribués étant égaux au PIB (R = Y), il vient évidemment que I = S (C+I = C+S). Dans
une économie fermée, le montant de l'investissement est strictement équivalent au montant de l'épargne annuelle1. Le processus d’égalisation est analysé différemment par les courants théoriques. Pour les néoclassiques, l’épargne est la condition de l’investissement c'est-à-dire à l’accumulation du capital (processus
d’accroissement du stock de capital), tandis que pour les keynésiens l’investissement génère, par des effets
de revenus, une épargne qui lui est équivalente.
La croissance économique d'une nation est liée à son effort d'investissement et donc au niveau de
l'épargne réalisée. Selon l’hypothèse du cycle de vie, les transformations démographiques actuelles peuvent
alors avoir des conséquences en termes de croissance économique. Une forte croissance démographique, qui
permet une augmentation du taux d’épargne, favorise des investissements élevés et une forte croissance.
Inversement, le vieillissement démographique risque de conduire à une réduction de l'effort d'épargne et
d'investissement qui peut provoquer un ralentissement de la croissance.
Le taux d’épargne progresse en France entre 1950 et 1970 avant de chuter considérablement entre
1975 et 1985. Depuis 1985, taux d’épargne et croissance économique suivent des évolutions parallèles. Si
les pays émergents se singularisent souvent par une croissance démographique forte et une épargne forte, on
n'observe cependant pas clairement de mécanisme inverse. Les pays européens qui connaissent un vieillissement démographique, comme l'Allemagne par exemple, ne voient pas encore leurs taux d'épargne diminuer, même si on peut penser que l’accentuation du vieillissement devrait finir par avoir un effet sur le taux
d’épargne.
2. Les déséquilibres de l’épargne et l’investissement en économie ouverte.
La dynamique démographique contribue aussi à expliquer les déséquilibres d'épargne et d'investissement au niveau mondial à un instant donné. En effet, l'équation de l'équilibre ressources-emplois en économie ouverte peut s'écrire : Y + M = C + I + X, en introduisant les exportations (X) et les importations (M).
Y représente ici le Revenu National Brut, agrégat plus large que le PIB incluant le solde des revenus primaires et des revenus de transfert avec le reste du monde
En reprenant la logique développée plus haut, on obtient alors simplement :
(S – I) = (X - M) + solde des revenus primaires et solde des revenus de transfert. Soit le solde des transactions courantes. X – M = solde des biens et services.
Les déséquilibres internationaux des transactions courantes peuvent s'analyser comme le résultat de
déséquilibres entre l'épargne et l'investissement et également comme le résultat de déséquilibres de financement entre les pays. Si des pays sont déficitaires, d’autres sont forcément excédentaires. Ce sont les mouvements de capitaux qui compensent le déséquilibre des transactions courantes. Un pays déficitaire devra faire
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appel aux capitaux extérieurs (car son épargne est inférieure à son investissement) et inversement un pays
excédentaire va accumuler des actifs extérieurs.
En d’autres termes, une épargne nationale insuffisante pour financer l’investissement national a pour
contrepartie un déficit de la balance courante. C’est le cas actuel pour les Etats-Unis, la France ou l’Italie.
Symétriquement, un excédent de la balance courante coïncide avec une épargne nationale supérieure à
l’investissement national. C’est le cas actuel pour la Chine et l’Allemagne.
Toutefois, on peut se demander s’il existe une allocation optimale de l’épargne au niveau international ? Au niveau international, les pays dégageant une épargne excédentaire financent les pays dont
l’investissement excède l’épargne. Si l’allocation des ressources se fait de manière optimale, l’épargne
s’oriente vers les investissements les plus productifs. Or, l’expérience montre que ce n’est pas systématiquement le cas. Ainsi, il existe des « mauvais » déséquilibres pour lesquels les transferts d’épargne au niveau international ne sont pas une source d’efficacité économique.
B. Le rôle de la démographie.
Si on combine ces éléments avec les transformations démographiques, il apparaît de nouvelles relations. Le vieillissement démographique doit se traduire par une augmentation des « consommateurs » potentiels par rapport aux « producteurs » potentiels. La contraction de l’épargne qui devrait en résulter conduirait
à l’apparition de déficits des transactions courantes (hausse plus rapide des importations que des exportations), sauf à supposer que l’investissement intérieur diminue également.
Le pays dont la population vieillit peut se trouver dans deux situations opposées :
- S’il a accumulé des actifs extérieurs, grâce à des excédents courants réguliers, il dispose alors d’une possibilité de supplément de revenu permettant de financer une consommation plus importante.
- S’il ne dispose pas d’actifs extérieurs, il doit réduire la demande intérieure ou accepter le développement
de sa dette extérieure. La réduction de la demande intérieure posera un problème de partage du revenu
(baisse des retraites ou baisse des salaires). L’accumulation de dette extérieure posera un problème de soutenabilité.
Illustration : la Chine et les Etats-Unis.
Les différences de structure par âge entre la Chine et les Etats-Unis peuvent expliquer les différences
de taux d’épargne entre ces deux pays et, par conséquent, l’excédent de la balance courante chinoise et le
déficit américain. Depuis les années 1970, on observe une augmentation de la part des 65 ans et plus dans la
population américaine, et une augmentation de la part des 15 – 65 ans dans la population chinoise. Cette
évolution démographique pourrait favoriser, selon l’hypothèse du cycle de vie, une différence de comportement d’épargne entre la Chine et les Etats-Unis et, par conséquent, expliquer les déséquilibres des balances
courantes.
Cependant, le facteur démographique apparait être une cause parmi d’autres de ces déséquilibres,
lesquels s’expliquent par des déséquilibres internes et externes, réels, monétaires et financiers de natures
multiples.
En définitive, on constate que la question de l’épargne doit être envisagée dans une perspective internationale. D’un côté, on trouve des pays dans le monde où la population active d’âge mûr augmente dans la
population totale (cas de nombreux pays européens et du japon) et de l’autre, des pays où la part de la population active jeune augmente.
Dans les premiers pays, l’épargne va augmenter et la rentabilité du capital va diminuer car l’épargne
est abondante.
Dans les seconds, les besoins d’investissement sont élevés car il faut financer les machines, les outils,
les bâtiments…qui doivent permettre à la population active (plus jeune et en augmentation) de travailler,
alors que l’épargne peut être relativement faible à cause de la structure démographique. Les habitants des
pays à épargne abondante peuvent tirer des revenus plus élevés en investissant dans les pays à besoin de
financement que s’ils devaient investir la totalité de leur épargne chez eux. Dans le même temps, les pays à
population active jeune peuvent accumuler du capital plus vite et élever le taux de croissance de leur revenu
par tête. C’est en ce sens que la globalisation financière est, selon l’expression de Michel Aglietta, « une
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aventure obligée » car elle rend possible ces transferts d’épargne et les mouvements internationaux de capitaux entre les nations dont la structure par âges conduit à dégager une capacité de financement, et celles dont
la structure par âges nécessite l’emprunt sur les marchés des capitaux.
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