accroît la valeur de marché de la firme d’un montant supérieur à son coût d’acquisition,
l’entrepreneur rationnel devra investir. Plus l’écart entre les deux données est fort, plus
l’incitation est forte. TOBIN définit le coefficient q comme le rapport entre la valeur
boursière de la firme et sa valeur comptable, c’est-à-dire la valeur de replacement de son
capital. La fonction d’investissement en q est croissante : I = f +(q-1).
- Si q<1, le capital nouveau coûte trop cher par rapport à la valorisation boursière, il n’y a pas
investissement.
- Si q>1, l’investissement est rentable selon les anticipations boursières.
- La valeur théorique de q est 1 : les valeurs boursière devraient toujours coïncider avec la
valeur de remplacement de la firme. Mais TOBIN suppose l’existence d’imperfections,
d’instabilités.
- Théorie compatible avec l’analyse néoclassique de l’investissement ? Pour JORGENSON, il
n’y a pas de coûts d’installation des équipements, comportement statique de maximisation du
profit. Pour EISNER et STROTZ (1963), la décision d’investissement n’est pas statique : la
firme compare la valeur actualisée des bénéfices liés au nouvel investissement avec son coût
actuel, de sorte que le q de TOBIN devient le déterminant de l’investissement.
- q de TOBIN et profitabilité : le concept de profitabilité de l’investissement est introduit par
MALINVAUD dans ses Essais sur le théorie du chômage (1983). La profitabilité est évaluée
par l’écart entre le taux net de profit et le taux d’intérêt réel à long terme, et mesure donc la
rentabilité de l’investissement comparée à un placement alternatif (la profitabilité doit
atteindre le seuil des 4% pour qu’il y ait investissement selon MALINVAUD). Les deux
auteurs proposent donc un raisonnement assimilable, pour une même fonction
d’investissement, qui incorpore donc toutes les contraintes perçues ou anticipées par
l’entreprise, dont les contraintes de débouchés. DIXIT (1992) montre que le rendement requis
avant de déclencher l’investissement peut être de deux à trois fois le taux d’intérêt réel.
SUMMERS (1987) en a fait le constat aux États-unis dans les années 1980.
- Remarque : permet de nuancer l’opposition entre « chômage classique » (rentabilité
insuffisante de la production) et « chômage keynésien » (insuffisance des débouchés).
MALINVAUD, dans Réexamen de la théorie du chômage (1980), rappelle que les deux
cohabitent.
2) Des difficultés empiriques
- Le q de TOBIN est a priori tout à fait pertinent, car la totalité des motivations de
l’investissement est appréhendée par la valeur boursière des actifs, qui fluctue selon
l’ensemble des éléments qui déterminent le coefficient q.
- Analyse pertinente au début des années 1980. Mais malgré le krach boursier de 1987 et la
chute des cours, l’investissement s’est maintenu. Dans la première moitié des années 1990, en
France, l’investissement est resté très faible malgré l’accroissement de la valorisation
boursière des entreprises : tout information déterminante n’est finalement pas contenue dans
la valeur boursière de l’entreprise, comme la demande, le taux d’utilisation du capital ou les
indicateurs de liquidités.
Remarque : la théorie du q de TOBIN peut expliquer pourquoi, lors d'une conférence à
l'université de Priceton en 1972, il proposa la création d'une taxe sur les transactions de
devises (dont très peu sont liées à des capitaux productifs) afin de lutter contre la spéculation
monétaire, taxe qui pénalise les allers-retours au cours d’une séance (achat-vente spéculative).
Il s’agit d’un prélèvement sur les mouvements monétaires à court terme, de l’ordre de 1%,
appelée Taxe sur les Transactions de Change (TTC), qui « mettrait un grain de sable dans les
mécanismes du marché ». L’idée de cette taxe a été reprise par les mouvements
altermondialistes (ATTAC), ce qui ne déplut pas à TOBIN.