MACROÉCONOMIE : L`INVESTISSEMENT Fiche à partir du Repère

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MACROÉCONOMIE : L’INVESTISSEMENT
Fiche à partir du Repère La Découverte de P. VILLIEU
INTRODUCTION
Qu’est-ce qu’investir ?
- Au sens large : acquisition de biens de production. Au niveau microéconomique :
investissement matériel, immatériel, investissement financiers. Au niveau macroéconomique :
FBCF : « valeur des biens durables acquis par les unités de production pour être utilisés
pendant au moins un an dans le processus productif ».
- investissement net : FNCF = FBCF – Consommation de Capital Fixe
- Capital fixe/capital circulant (matières premières, biens intermédiaires, et produits finis) =
stock
Qui investit en France ?
- Les ménages : investissement de logement (25% de la FBCF totale). Les administrations
publiques (grandes entreprises nationales 25%). Les sociétés et quasi-sociétés : investissement
productif + bâtiment.
- Années 1970, politique de grands travaux, plans, forte progression de l’investissement des
grandes entreprises nationales compensant la baisse de l’investissement des sociétés et quasisociétés. Années 1980, fin du rôle contracyclique joué par les grandes entreprises nationales
(privatisation, fin des programmes…). Comportement se rapprochant depuis de celui des
sociétés et quasi-sociétés. A partir de 1992, l’investissement des administrations publiques
stagne (contrainte budgétaire…).
- 1990 : le tertiaire représente 56% de la FBCF totale, 1997 : 64%. Progression au détriment
de l’investissement industriel.
Un retard de l’investissement français ?
- La FBCF des sociétés et quasi-sociétés a progressé en volume de 1970 à 1980 (+80%), mais
chute de 1990 à 1997. Quel avenir pour l’industrie ?
- USA : force de l’investissement depuis 1992 (rattrapage), NTIC. Rajeunissement vif du
capital, contrairement au vieillissement de l’équipement français industriel.
- Japon : fin des années 1980 : le taux d’investissement de 30% progresse encore.
- Mais limite de la comparaison internationale, agrégats différents.
Chapitre 1 : INVESTISSEMENT, DEMANDE ET COÛT DU CAPITAL
I. LE PRINCIPE D’ACCÉLÉRATEUR
Valeur ajoutée et investissement : l'effet de la demande sur l'investissement (glissement annuel, en %)
1
- A. AFTALION (1909) : une réduction même modérée de la consommation finale, donnant
lieu à une chute plus que proportionnelle de l’investissement, peut occasionner un
écroulement de la demande globale et engendrer « une crise de surproduction ».
- Les entreprises investissent si leurs débouchés s’accroissent : théorie de J.-M. CLARK
(1917). Étude de la demande de biens d’équipement dans le secteur des chemins de fer,
relation technique dans laquelle l’investissement est proportionnel au variation de la
demande : fondement des fonctions d’investissement.
1) L’accélérateur simple
- Le stock de capital (Kt) est relié à la production, égale à la demande (Yt) par un coefficient
fixe (v) résultant d’une contrainte technologique ou d’une rigidité des prix des facteurs de
production de sorte que les firmes ne soient pas incitées à modifier leur technologie : Kt = v .
Yt. L’investissement net (accroissement du stock de capital) est une fonction linéaire du taux
de variation de la demande : INt = Kt = vYt. L’investissement est donc plus volatile que la
demande.
- Ce modèle est basé sur deux hypothèses : l’investissement net permet d’ajuster
instantanément le stock de capital effectif (Kt-1) au stock de capital désiré (Kt*) : INt = Kt* Kt-1. Le stock de capital désiré est seulement fonction de la demande (anticipations myopes) :
Kt* = vYt
- Vérifications empiriques décevantes à court terme, meilleures à long terme (TINBERGEN
1938), mais le v s’interprète alors comme un coefficient de capital (K/Y) et ne traduit pas
forcément la causalité des débouchés sur l’investissement. Relation comportementale ou
purement technique ? Critique : vision trop mécanique de l’investissement. Un ralentissement
conjoncturel se traduira plutôt par une sous-utilisation des capacités de production que par un
désinvestissement net, et encore une fois le principe suppose la pleine utilisation du capital.
2) De l’accélérateur simple à l’accélérateur flexible
- On obtient l’accélérateur flexible en retirant alternativement l’une ou l’autre des deux
hypothèses de l’accélérateur simple.
- Incertitude conjoncturelle, instabilité des anticipations fondées sur le passé, les ajustements
ont un coût : KOYCK (1954) montre ainsi que l’investissement s’ajustera avec retard aux
variations de la demande. Introduction de la notion d’inertie de l’investissement à court terme.
En cas de choc positif de la demande, l’investissement net est d’abord positif (la demande
augmente) puis négatif (la demande retourne à son niveau initial), mais le profil de
l’investissement est beaucoup plus lisse avec l’accélérateur flexible. En cas de choc
permanent de la demande, l’investissement est lisse mais toujours positif. L’inertie est
d’autant plus grande que la vitesse d’ajustement du capital ou des anticipations est faible.
Hypothèse de rigidité de la technologie, et du coût du capital.
II. INVESTISSEMENT ET COÛT DU CAPITAL
1) Efficacité marginale de l’investissement et fonction d’investissement « keynésienne »
- KEYNES, Théorie Générale (1936) : L’investissement est profitable tant que son rendement
dépasse son coût. L’investissement est un détour de production dont on espère des recettes
futures. Il faut donc faire le bilan actualisé de l’opération, les deux sommes étant distantes
dans le temps. Si la dépense courante d’investissement (It) engendre des recettes (nettes de
coûts) Rh pendant T périodes à venir, la valeur actualisée nette du projet d’investissement se
note :
, où r est le taux d’intérêt. Le projet d’investissement est
rentable si et seulement si la VAN est positive. Deux interprétations : si l’entrepreneur dispose
de fonds propres, le projet l’investissement est rentable si les recettes associées dépassent le
2
« coût d’opportunité » de ces fonds, à savoir le placement au taux d’intérêt en vigueur ; si
l’entrepreneur ne dispose pas de fonds propres, l’investissement est rentable s’il lui permet
d’emprunter au taux d’intérêt en vigueur, et de rembourser ses créanciers en lui laissant une
marge positive. On peut aussi calculer le taux interne de rendement : étant donné le coût
initial et les recettes futures, quel est le taux d’intérêt maximal que l’entreprise est prête à
supporter sans renoncer au projet ? Ce taux est appelé « efficacité marginale du capital » par
KEYNES, taux qui annule la VAN. La VAN est positive quand le taux interne de rendement
est supérieur au taux d’intérêt. Quand le taux d’intérêt augmente (diminue) l’investissement
diminue (augmente). Cette fonction est instable.
- Pour les classiques (FISCHER notamment) l’investissement est une fonction décroissante du
taux d’intérêt réel, alors que KEYNES parle du taux d’intérêt monétaire.
2) Les fondements microéconomiques de la notion de coût du capital
- Notion de coût d’usage du capital de JORGENSON (1936) […]
3) La fonction d’investissement de JORGENSEN
4) L’ « erreur » de JORGENSEN
5) Accélérateur et coût du capital : quelques éléments empiriques
- Modèles assez pertinents jusqu’à la fin des années 1970, et notamment le principe
d’accélérateur. Les analyses néoclassiques selon lesquelles l’investissement dépend
exclusivement du coût relatif des facteurs se sont révélées peu fructueuses : l’élasticité du
capital à son coût est faible, le coût du travail n’a pas de réelle influence sur l’investissement
ou l’emploi, et l’élasticité de l’emploi est au coût du capital est positive.
- Éléments d’explications : chocs pétroliers (baisse de l’investissement, de la productivité et
des taux d’intérêt réels), question de la substituabilité des facteurs de production (modèles
putty-clay, putty-putty), difficulté d’évaluation du coût du capital…
6) Accélérateur et théorie keynésienne
- La demande n’est pas absente de la fonction d’investissement de KEYNES. Deux attitudes
de l’entrepreneur : prévision de long terme des recettes futures associées au projet
d’investissement (les « rendements prospectifs »), dans ce cas les débouchés anticipés
joueront un rôle dans la décision ; ou se référer au marché boursier et évaluer le profit qu’il
peut retirer de la revente du projet à court terme.
- L’investissement est donc pour KEYNES un phénomène essentiellement financier, et la
variable d’ajustement en réponse aux fluctuations de la demande à court terme n’est pas
l’investissement mais l’emploi.
Chapitre 2 : PROFITABILITÉ, INCERTITUDE ET IRRÉVERSIBILITÉ
I. LA PROFITABILITÉ DE L’INVESTISSEMENT
- Concept évoqué par KEYNES, mais réellement formalisé qu’à partir des années 1960 par J.
TOBIN, pour n’être appliqués que dans les années 1980.
- Idée générale : si un investissement est profitable, il doit être réalisé, aucune autre variable.
1) La théorie du q de TOBIN
Annexe indicative
James TOBIN est né en 1918, économiste américain, nombreux autres travaux d’économie
générale d’inspiration keynésienne. Rôle de l’État, capitalisme à visage humain, réduction des
inégalités. 1981 : Prix Nobel d’Économie, mort en mars 2002.
- Poursuite de la réflexion de KEYNES selon laquelle l’investissement est principalement
déterminé par la situation sur les marchés boursiers : si une unité additionnelle de capital
3
accroît la valeur de marché de la firme d’un montant supérieur à son coût d’acquisition,
l’entrepreneur rationnel devra investir. Plus l’écart entre les deux données est fort, plus
l’incitation est forte. TOBIN définit le coefficient q comme le rapport entre la valeur
boursière de la firme et sa valeur comptable, c’est-à-dire la valeur de replacement de son
capital. La fonction d’investissement en q est croissante : I = f +(q-1).
- Si q<1, le capital nouveau coûte trop cher par rapport à la valorisation boursière, il n’y a pas
investissement.
- Si q>1, l’investissement est rentable selon les anticipations boursières.
- La valeur théorique de q est 1 : les valeurs boursière devraient toujours coïncider avec la
valeur de remplacement de la firme. Mais TOBIN suppose l’existence d’imperfections,
d’instabilités.
- Théorie compatible avec l’analyse néoclassique de l’investissement ? Pour JORGENSON, il
n’y a pas de coûts d’installation des équipements, comportement statique de maximisation du
profit. Pour EISNER et STROTZ (1963), la décision d’investissement n’est pas statique : la
firme compare la valeur actualisée des bénéfices liés au nouvel investissement avec son coût
actuel, de sorte que le q de TOBIN devient le déterminant de l’investissement.
- q de TOBIN et profitabilité : le concept de profitabilité de l’investissement est introduit par
MALINVAUD dans ses Essais sur le théorie du chômage (1983). La profitabilité est évaluée
par l’écart entre le taux net de profit et le taux d’intérêt réel à long terme, et mesure donc la
rentabilité de l’investissement comparée à un placement alternatif (la profitabilité doit
atteindre le seuil des 4% pour qu’il y ait investissement selon MALINVAUD). Les deux
auteurs proposent donc un raisonnement assimilable, pour une même fonction
d’investissement, qui incorpore donc toutes les contraintes perçues ou anticipées par
l’entreprise, dont les contraintes de débouchés. DIXIT (1992) montre que le rendement requis
avant de déclencher l’investissement peut être de deux à trois fois le taux d’intérêt réel.
SUMMERS (1987) en a fait le constat aux États-unis dans les années 1980.
- Remarque : permet de nuancer l’opposition entre « chômage classique » (rentabilité
insuffisante de la production) et « chômage keynésien » (insuffisance des débouchés).
MALINVAUD, dans Réexamen de la théorie du chômage (1980), rappelle que les deux
cohabitent.
2) Des difficultés empiriques
- Le q de TOBIN est a priori tout à fait pertinent, car la totalité des motivations de
l’investissement est appréhendée par la valeur boursière des actifs, qui fluctue selon
l’ensemble des éléments qui déterminent le coefficient q.
- Analyse pertinente au début des années 1980. Mais malgré le krach boursier de 1987 et la
chute des cours, l’investissement s’est maintenu. Dans la première moitié des années 1990, en
France, l’investissement est resté très faible malgré l’accroissement de la valorisation
boursière des entreprises : tout information déterminante n’est finalement pas contenue dans
la valeur boursière de l’entreprise, comme la demande, le taux d’utilisation du capital ou les
indicateurs de liquidités.
Remarque : la théorie du q de TOBIN peut expliquer pourquoi, lors d'une conférence à
l'université de Priceton en 1972, il proposa la création d'une taxe sur les transactions de
devises (dont très peu sont liées à des capitaux productifs) afin de lutter contre la spéculation
monétaire, taxe qui pénalise les allers-retours au cours d’une séance (achat-vente spéculative).
Il s’agit d’un prélèvement sur les mouvements monétaires à court terme, de l’ordre de 1%,
appelée Taxe sur les Transactions de Change (TTC), qui « mettrait un grain de sable dans les
mécanismes du marché ». L’idée de cette taxe a été reprise par les mouvements
altermondialistes (ATTAC), ce qui ne déplut pas à TOBIN.
4
3) Marchés boursiers et investissement
- Le q de TOBIN serait faussé par les « bulles » spéculatives, qui, bien que les agents soient
parfaitement rationnels, dérèglent la comparaison entre valeur du marché et valeur
fondamentale de l’entreprise (analyse de BLANCHARD et WATSON, 1982), fixant
artificiellement q.
- Selon BOSWORTH (1975), la spéculation boursière n’a aucun effet sur l’investissement
parce que l’entreprise connaît sa valeur « réelle ». Le marché boursier est de plus source de
financement, et la spéculation peut améliorer le bilan de l’entreprise, facilitant encore l’accès
au crédit bancaire (analyse de BERNANKE et GERTLER, 1989). Une période de forte
hausse de la valeur boursière peut donc entraîner un surinvestissement, car les projets très
risqués ou peu rentables pourront tout de même être financés (FISCHER et MERTON, 1984).
- Les cours boursiers sont d’une instabilité excessive par rapport à la valeur fondamentale de
l’entreprise (SHILLER, 1981) : liens entre cette volatilité et les fluctuations de
l’investissement ? TEASE (1993) : l’écart entre valeur boursière et valeur fondamentale a
bien influencé l’investissement, mais cette corrélation s’explique parce que les cours boursiers
tiennent compte de l’évolution des variables macroéconomiques. ARTUS (1988) ne trouve de
même aucun lien entre la bulle spéculative et l’investissement avant 1987.
II. UNE NOUVELLE VUE SUR L’INVESTISSEMENT ?
1) Irréversibilité et spécificité
- Du fait des coûts d’installation des équipements, les décisions d’investir sont irrécupérables,
et la valeur du capital installé sera inférieure à sa valeur d’achat, installation comprise.
- Il est plus coûteux d’investir puis de désinvestir que de ne rien faire : les biens d’équipement
deviennent spécifiques. Étude d’ARROW : si l’entrepreneur ne peut désinvestir, il attendra
avant d’investir que la demande dépasse un certain seuil, afin de ne pas être amené à
surraccumuler du le capital. Les dépenses d’investissement immatériel sont de même
irrécupérables.
2) Valeur d’option de l’investissement
- Du fait de l’irréversibilité et de l’incertitude de l’investissement, le comportement de
l’entrepreneur sera bien souvent attentiste, celui-ci ne voulant rationnellement pas prendre de
risque. On pourrait donc voir en cet attentisme un comportement optimal de l’entrepreneur
face aux incertitudes.
- Quand une entreprise réalise un investissement irréversible, elle « tue » son option d’investir
et perd la possibilité d’attendre et de gagner de nouvelles informations. Prise en compte de ce
« coût d’opportunité ».
3) L’inertie optimale ou la répugnance à investir
- A la valeur d’option de l’investissement à réaliser s’ajoute la valeur d’option du capital
installé, qui provient de la possibilité de cesser d’utiliser les capacités installées puis de les
réutiliser si la demande repart.
- La répugnance à investir en bonne conjoncture est la contrepartie de la tendance à
surraccumuler le capital en conjoncture basse : la firme a trop peu de capital pendant les
périodes favorables, et trop quand elle n’en aurait pas besoin. Métaphore du « poêle à
charbon » n’apportant pas la chaleur voulue au bon moment.
- L’investissement ou l’abandon de capital se déclenchent uniquement à partir de certains
seuils de demande ou de rentabilité. Entre ceux-ci, il existe une marge d’inaction où l’attente,
l’inertie est optimale. PINDYCK (1988) mesure cette inertie du capital optimale en réaction à
la demande, qui permet d’ajuster, de lisser dans le temps le niveau d’investissement en dépit
des chocs de la demande.
4) Incertitude et investissement
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- Une incertitude accrue peut à elle seule engendrer un ralentissement de l’investissement,
même si le rendement espéré du projet est inchangé. Elle peut aussi retarder l’investissement,
comme le désinvestissement.
- « Principe de la mauvaise nouvelle » (BERNANKE, 1983) : l’incertitude exerce un effet
asymétrique : la décision d’investissement accorde davantage de poids aux mauvaises
réalisations des aléas qu’aux réalisations favorables.
- « Principe de la bonne nouvelle » (DIXIT, 1992) : dans la décision d’abandonner un secteur
et donc de désinvestir, seuls les meilleurs aléas possibles sont pris en compte, afin d’éviter les
risques de se retrouver incapable de produire en cas de reprise du secteur.
- Plus généralement, un ensemble d’auteurs s’accorde sur « le théorème de Boucle d’Or » :
comme pour la soupe de l’ours du conte, les seules nouvelles dignes d’intérêt sont celles qui
ne sont « ni trop chaudes ni trop froides ».
5) Implications macroéconomiques
- Les ajustements discontinus au niveau microéconomique sont lissés sur le plan
macroéconomique par la loi des grands nombres, et peuvent apparaître continus (BERTOLA
et CABALLERO, 1994). Pourtant, l’effet irréversibilité reste présent à l’échelle macro. Tous
les investisseurs ne sont pas aussi bien informés, et c’est seulement quand l’un d’entre eux
investit que l’information privée qu’il a reçue se révèle. Alors, si tous les entrepreneurs
attendent, l’économie est bloquée dans une trappe d’inaction créée par l’incertitude, qui
s’autoentretient. CHAMLEY et GALE (1994) montrent l’existence d’une multitude
d’équilibres autoréalisateurs, du fait des différentes positions que peut prendre l’investisseur à
tout moment. Cela peut avoir des conséquences graves : ressources sous-utilisées, sousaccumulation
qui
devient
sclérose
technologique,
désinvestissements
trop
importants…jusqu’à accentuer les récessions ou buter sur des goulots d’étranglement en cas
d’expansion. CABALLERO et HAMMOUR (1996) parlent d’ « élastification » de
l’économie pour évoquer le fait que récessions sont plus marquées que les reprises.
Chapitre 3 : LE FINANCEMENT DE L’INVESTISSEMENT
I. LE FINANCEMENT DE L’INVESTISSEMENT IMPORTE-T-IL ?
Rappel : Les différents modes de financement de l’investissement
- autofinancement : utilisation des ressources propres de l’entreprise, profit passés mis en
réserve.
- financement externe :
- intermédié (= indirect) : recours au crédit bancaire, endettement, intermédiaire
financier à rémunérer.
- désintermédié (=direct) : utilisation des marchés des capitaux :
- financier : émission titres de valeur mobilière : actions, obligations
- monétaire : titre de créances
1) L’effet de levier, effet boomerang
- Dans le bilan comptable de l’entreprise, le capital (K) a pour contrepartie les fonds propres
apportés par les actionnaires (A) et la dette (D) : K = A+D. En terme de flux, le rendement, la
rentabilité financière des actions (A, où  est le rendement unitaire d’une action) est égal au
rendement du capital (pK, où p est le taux de rendement du capital) moins la rémunération
des prêteurs (rD, où r est le taux d’intérêt réel) : pK = rD+A. p et sont donc des variables
aléatoires, dont il faut calculer l’espérance et la variance. L’espérance du taux de rendement
des actions peut s’écrire : E[] = E[p]+(E[p]-r)(D/A). C’est la formule de l’effet de levier : la
déformation du bilan de l’endettement (augmentation de D/A) permet d’accroître la rentabilité
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moyenne des fonds propres (E[]), même si le rendement moyen des capitaux investis (E[p])
ne change pas, tant qu’il reste supérieur à r. L’endettement peut donc favoriser
l’investissement en permettant d’améliorer le rendement moyen servi aux actionnaires, tant
que la rentabilité économique des projets d’investissement dépasse le taux d’intérêt du
marché. En contrepartie, le risque de l’entreprise est supporté par un nombre d’actions
relativement plus faible. Il y a donc un arbitrage microéconomique à réaliser entre rendement
et risque, en fonction des préférences des actionnaires. Il pourrait donc exister une structure
financière optimale (D/A)* répondant de la meilleure manière à chaque situation donnée.
- On parle au contraire d’un « effet boomerang » (ou « effet de massue ») lorsque la
rentabilité économique (pK) est inférieure au taux d’intérêt réel (r). Alors, la rentabilité
financière (A), devient inférieure à la rentabilité économique, d’autant plus que l’effet de
levier est fort : dans ces conditions, l’entreprise diminue son endettement, ce qui freine
l’investissement.
- Dans la seconde moitié des années 1990, les entreprises américaines ont fait jouer à fond
l’effet de levier. Selon ARTUS (1998), cette stratégie s’explique l’institutionnalisation du rôle
d’investisseur des actionnaires (assurances et fonds de pensions), qui exigent une rentabilité
des entreprises occidentales aussi forte que celles des firmes des pays émergents, sans tenir
compte des risques encourus. Ainsi, en 1999, le rendement économique des entreprises
américaines cotées au Dow Jones était de l’ordre des 15%, et leur rendement sur fonds
propres dépassait les 25%.
2) Le théorème Modigliani-Miller : remise en cause de l’effet de levier
- La structure financière optimale repose sur une hypothèse : les actionnaires peuvent modifier
leur détention de dette ou d’action sans effet sur les prix, ce qui n’est pas possible à l’échelle
macroéconomique. Une entreprise qui veut faire jouer l’effet de levier en s’endettant
davantage provoque des tensions à la hausse sur le taux d’intérêt, ce qui améliore le
rendement des obligations et détériore celui des actions, jusqu’à ce que le marché soit prêt à
absorber le montant additionnel d’obligations émises : création d’un nouvel équilibre, dans
lequel ce que les actionnaires de l’entreprise gagnent par l’effet de levier interne est perdu par
la montée des taux d’intérêt du marché : la flexibilité des prix des actifs financiers neutralise,
à l’équilibre, l’impact des changements de structure financière des entreprises. MODIGLIANI
et MILLER (1958) montrent qu’il existe un système de prix qui soutient un équilibre général
dans lequel le rendement et le risque de tous les portefeuilles individuels sont invariants à la
structure financière des firmes. Ainsi, la valeur d’une entreprise est indépendante de la
structure de son financement (fonds propres ou endettement) : c’est le théorème de la
neutralité.
- Chaque actionnaire peut compenser les décisions financières des entreprises en faisant jouer
son propre effet de levier personnel : si une entreprise s’endette trop, il peut toujours vendre
ses actions et en acheter à une firme moins endettée etc. Deux hypothèses : transparence des
structures financières des entreprises et perfection des marchés financiers.
3) Pourquoi la structure financière des firmes est importante
- Si les marchés financiers étaient parfaits, la structure financière de l’entreprise serait
indéterminée et n’aurait aucun impact sur le choix du financement et le niveau
d’investissement. Mais ils sont imparfaits, et tous les agents ne peuvent pas avoir le même
comportement, qui présente des risques de faillite.
- Il existe des conflits d’objectifs entre actionnaires, créanciers, dirigeants d’une entreprise, et
de la structure financière dépend donc son contrôle, et aussi par conséquent les stratégies
d’investissement.
4) Les firmes doivent-elles s’endetter au maximum ?
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- Après leur théorème, MODIGLIANI et MILLER (1963) affirment que les entreprises ont
intérêt à s’endetter le plus possible, en raison d’une imperfection due à la fiscalité : les intérêts
sont déductibles des impôts, alors que les dividendes ne le sont pas. Pourquoi ne pas
s’endetter au maximum ?
- MILLER (1977) : l’imposition personnelle sur les dividendes et les plus-values des ménages
vient réduire les gains associés à l’endettement. En effet, les entreprises empruntant aux
ménages doivent offrir des taux d’intérêt plus avantageux (puisque les ménages sont
imposés), et l’endettement devient très onéreux.
- L’endettement accroît le risque de faillite, qui occasionne des coûts importants. Il peut donc
être utile de posséder des fonds propres, dans la mesure où, en cas de situation difficile, il sera
toujours possible de suspendre le versement de dividendes, ce qui est impossible pour les
intérêts.
- Le risque de défaillance accroît également la répugnance des créanciers à prêter, qui vont
exiger une prime contre le risque de non-remboursement, augmentant encore le coût de
l’endettement.
5) Les conflits d’agence
- JENSEN et MECKLING (1976), « théorie de l’agence » : les problèmes d’information
asymétrique entre les dirigeants de l’entreprise et les actionnaires peuvent accroître le coût de
financement externe par rapport au coût de financement interne, et affecter le choix
d’investissement.
- Conflits d’intérêt entre les dirigeants, qui sont tournés vers la « recherche de rente » et la
croissance du chiffre d’affaires, et les actionnaires, pour qui seule la valeur financière de la
firme importe. GALBRAITH (1968) : dans la « grande entreprise moderne », le pouvoir et la
propriété sont souvent séparés.
II. SYSTÈME FINANCIER, INVESTISSEMENT ET CROISSANCE
- KEYNES, Théorie Générale (1936) : principe « multiplicateur » : tout investissement
trouvera toujours l’épargne nécessaire à sa réalisation. L’investissement produit une élévation
du produit national qui permettra, ex post, un supplément d’épargne assurant le financement
de l’investissement. Analyse présentant des limites : invalidité au niveau microéconomique,
existence d’un équilibre de sous-emploi quand l’investissement est insuffisant du fait de
contraintes financières…
1) Quel système financier pour la croissance ?
- Nécessité d’un secteur financier organisé pour assurer l’épargne et l’investissement durant
les premiers stades du développement. McKINNON (1973) : théorie de la « répression
financière » : l’intervention publique pour maintenir des taux d’intérêts artificiellement bas
décourage l’épargne et l’investissement privé. La libéralisation du système financier est alors
un préalable essentiel au développement de l’économie.
- Au contraire, thèse « structuralistes » : les secteurs financiers informels (tontines…) sont
souvent performant, et ne doivent pas être détruits par la libéralisation du système financier.
- Quel système de financement choisir ? Le financement intermédié bancaire (considéré
comme rarement concurrentiel, retirant des rentes de situation au détriment des investisseurs,
et, du fait de l’asymétrie de l’information, refusant parfois des projets de qualité) ou recours
aux marchés financiers (accusés de détourner l’épargne des investissements productifs au
profit de la spéculation et de favoriser le raisonnement à court terme) ?
- Les réponses empiriques sont rares et peu satisfaisantes, faible corrélation entre croissance et
capitalisation boursière ou émission d’obligations.
- Les liens de causalité entre les deux sont incertains. Ainsi KING et LEVINE (1993) pensent
que c’est le retour de la croissance sur le développement financier qui peut expliquer son
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essor en Grande-Bretagne au XIXème siècle ; et non l’inverse comme le proposent certains
auteurs.
- Théories critiques sur la relation entre système financier et croissance : effet de seuil
(BERTHELEMY et VAROUDAKIS, 1994), voire de retournement (JUNG, 1986). A partir
d’un certain niveau de développement des marchés financiers, leur instabilité et leurs
imperfections liés à l’asymétrie des informations peuvent exercer des effets négatifs sur
l’investissement et la croissance.
2) « Le keynésianisme du chapitre XII »
- Pour un courant s’inspirant de KEYNES, c’est l’existence même de marchés financiers qui
crée l’instabilité conjoncturelle. KEYNES considère « l’état des anticipations à long terme »
comme le facteur explicatif de l’investissement. Deux éléments interviennent dans
l’évaluation boursière : les profits futurs de l’entreprise, et la spéculation, qui domine les
marchés et est source de la grande volatilité de l’investissement.
- Les incertitudes affectent les décisions d’investir, toute prévision étant limitée. KNIGHT
(1937) distingue situation de risque (probabiliste) et situation d’incertitude radicale (non
probabiliste). Dans le second cas, les projets d’investissement reposent sur des croyances, les
entrepreneurs ont des « esprits animaux » (« animal spirits »), et les marchés financiers
alternent entre somnolence (« bear market ») et agitation intense (« bull market »).
- Pour MINSKY (1975), une phase de croissance régulière engendre une sous-estimation des
risques et un développement excessif du financement externe (« paradoxe de la tranquillité »),
un abus de l’effet de levier.
- KEYNES parle de « casino » pour désigner le jeu spéculatif des marchés financiers, qui
asservissent l’investissement, et donc encore l’activité économique et l’emploi. Idées reprises
par TOBIN.
3) Investissement financier et investissement physique
- En France, le poids des investissements financiers s’est considérablement accru, alors que
l’investissement productif décline. Pourquoi cette tendance ? La forte rentabilité attendue des
placements financiers peut accroître les exigences de rendement de l’investissement physique,
et nombre de projets sont donc évincés ; et les entreprises peuvent réaliser des placements à
l’étranger plutôt qu’en France.
- De 1985 à 1990, ces deux types d’investissement se sont développés conjointement. Après
1990, la faiblesse de l’investissement productif s’explique bien plus par l’attentisme des
entrepreneurs que par l’attrait des placements financiers. De plus, stratégie financière des
grandes entreprises de prendre le contrôle d’actifs d’autres entreprises dans le but d’atteindre
la taille critique préalable aux investissements productifs coûteux.
- Les délocalisations sont une forme de substitution de l’investissement financier à
l’investissement physique. Essor des Investissements Directs à l’Étranger, pour une part dans
le PIB qui reste minime.
4) Les déterminants de l’investissement à l’étranger
- Théorie du « cycle du produit » de VERNON (1966) :
Phases
Ventes
Coûts de
production
Prix de
vente
Situation
concurrentielle
Effet sur la balance des
biens
Nouveauté
Progression
lente
Élevés
Élevé
Monopole temporaire,
avantage comparatif
Nul : la production est
locale
Croissance
Forte
progression
En baisse
En baisse
Concurrence locale en
développement (dans
le "Nord")
Positif : hausse des
exportations
9
Maturité
Sénescence
Ralentissement
En baisse
Chute
Bas : la production
est délocalisée
En baisse
Concurrence
extérieure en
développement (dans
le "Sud")
Négatif : baisse des
exportations et
développement des
importations
Bas
Concurrence
extérieure entre firmes
locales et
Multinationales
Très négatif : production
extérieure, hausse des
importations, échanges
intra firmes
- Théorie transactionnelle de la firme : les avantages comparatifs spécifiques internes à la
firme (production, marketing, innovation…) sont mieux exploités à l’intérieur de l’entreprise
que par le marché : les firmes ont intérêt à délocaliser et à devenir multinationales plutôt que
d’exporter leur production sur le marché mondial.
- Théorie de la « polarisation » de PERROUX et « nouvelle géographie économique » de
KRUGMAN : les imperfections de la concurrence peuvent aussi être l’occasion de
s’implanter à l’étranger, pour menacer les positions oligopolistiques de certains acteurs ou
créer des barrières à l’entrée, ou pour profiter de la présence de rendements croissants.
- Théorie « OLI » de DUNNING (1981), dite « éclectique de la firme multinationale » :
avantage d’Organisation interne, avantage comparatif de Localisation, et concurrence
Imparfaite.
- Approche « synthétique » de MUCCHIELLI (1985) : l’incitation à exporter ou à se
délocaliser dépend de la comparaison de ses avantages compétitifs internes (organisation et
innovation) par rapport aux avantages comparatifs du pays d’accueil (coût des facteurs et
taille des marchés). La délocalisation l’emporte si les premiers dépassent les seconds, sinon la
firme exporte.
III. POLITIQUE MONÉTAIRE, CONTRAINTES FINANCIÈRES ET INVESTISSEMENT
- En présence de contraintes financières, la structure du financement n’est pas neutre,
contrairement au théorème MODIGLIANI-MILLER. Le coût marginal du financement est
croissant : le coût d’opportunité de l’autofinancement est le taux d’intérêt ; le coût du
financement par emprunt est la taux d’intérêt augmenté des primes de risque réclamées par les
banques ; le coût de l’émission d’action est encore plus élevé.
- En période de relance, la demande d’investissement sera importante, et l’endettement
devient prépondérant. Le taux d’intérêt sera alors un déterminant essentiel de
l’investissement. En conjoncture basse, l’autofinancement sera privilégié. Comme l’ont
montré MYERS et MAJLUF (1984), la structure du financement de l’investissement est donc
hiérarchisée.
- Les contraintes financières ne s’exercent pas de la même manière selon la taille des
entreprises. Seules les très grandes entreprises se financent par les marchés financiers, alors
que les PME ont principalement recours au financement interne et au crédit commercial
auprès des fournisseurs.
1) Effet de liquidité versus taxe inflationniste
- Le lien entre la politique monétaire et l’investissement se fait par le taux d’intérêt,
l’émission de monnaie et l’évolution des prix. L’opposition entre « keynésiens » et
« classiques » repose sur les vitesses d’ajustement respectives du taux d’intérêt et du niveau
général des prix.
- Pour les keynésiens, les prix s’ajuste en retard : une augmentation de l’offre de monnaie se
traduit par une baisse du taux d’intérêt (nominal et réel), stimulant l’investissement et
l’activité. On parle d’ « effet de liquidité », un des principaux mécanisme de politique
économique selon KEYNES.
10
- Pour les classiques, les prix s’ajustent immédiatement à la hausse lors d’une émission de
monnaie, tout comme l’inflation anticipée, entraînant une ainsi une hausse du taux d’intérêt
nominal à court terme, pour un taux d’intérêt réel inchangé. C’est l’ « effet FISCHER » : la
politique monétaire n’a aucun impact sur l’investissement, ne faisant que créer une taxe
inflationniste. A long terme, quand la monnaie est considérée comme « neutre »,
l’investissement est uniquement régit par des facteurs réels (progrès technique, arbitrage entre
consommation et épargne…), et la politique monétaire n’a aucun effet.
- Cette analyse est critiquée par les keynésiens. Le modèle « MUNDELL-TOBIN » montre
que la politique monétaire peut exercer un effet favorable sur l’accumulation du capital, car
l’effet inflationniste d’une expansion monétaire incite les agents à substituer l’investissement
à la détention de monnaie, qui perd en rendement. STOCKMAN (1981) s’oppose à ce modèle
en disant que détention de monnaie et investissement sont, en cas d’expansion monétaire,
complémentaires, et non substituables : leur volume diminue en même temps.
2) Le « canal » du crédit et l’amplification financière des cycles
- L’élasticité de l’investissement au taux d’intérêt est faible ; la politique monétaire agit sur le
taux d’intérêt nominal à court terme, alors que l’investissement répond au taux d’intérêt réel à
long terme, le lien entre les deux taux dépendant des anticipations sur l’inflation et le taux
d’intérêt. Le lien entre politique monétaire et l’investissement pas le canal du taux d’intérêt
semble donc plutôt ténu. Pourtant, MISHKIN (1991) a montré que la plupart des crises
financières aux États-unis ont débuté par une forte hausse des taux d’intérêt, associée à une
contraction monétaire.
- Il existerait un « canal de crédit » (effet de la politique monétaire sur l’investissement par
l’intermédiaire de l’accès au financement externe) expliquant ce paradoxe. Étant donné que le
coût de financement n’est pas le même pour tous les investisseurs, une politique redistributive
peut avoir des effets divers. Une politique restrictive (entraînant hausse des taux d’intérêt et
du coût du capital par le biais du canal monétaire) incite les banques à restreindre leur offre de
crédit (ce « canal de crédit » au sens strict peut notamment empêcher les PME d’investir) ;
accroît la dette et réduit la valeur fondamentale des entreprises (ce « canal de crédit au sens
large, ou « canal de bilan » les pénalisant dans leur possibilité d’accès au financement). Après
la récession de 1991, les entreprises dans les pays de l’OCDE ont voulu redresser leur bilan
par le désendettement, évinçant l’investissement (CHATELAIN, 1998).
- Les chocs monétaires (et réels) sont donc amplifiés par le canal de crédit : c’est
l’ « accélérateur financier ». Le coût d’usage et la profitabilité n’expliquent donc pas seuls la
volatilité des cycles d’investissement, et l’accélérateur financier, comme imperfection du
marché, vient propager et amplifier des fluctuations, même minimes.
- Quelles vérifications empiriques ? Les PME, plus sensibles aux contraintes financières et à
la politique monétaire, voient leurs investissements et leurs ventes se dégrader plus fortement
que ceux des grandes entreprises lors d’une augmentation du taux d’intérêt. Quant à
l’existence du canal de bilan, FAZZARI, HUBBARD et PETERSEN (1988) montrent que
l’investissement répond davantage aux contraintes financières pour les entreprises qui
distribuent peu de dividendes que pour celles qui en distribuent beaucoup. Cependant, les
contraintes financières jouent aussi un rôle important pour les entreprises ayant largement
accès au crédit, ce qui contredit l’effet supposé par le canal de crédit.
- Deux autres limites de ce canal du crédit : pas de réelle vérification dans les modélisations
microéconomiques ; et, plus concrètement, les contraintes financières peuvent être largement
compensées par le crédit commercial, notamment pour les PME, et en période de récession.
Chapitre 4 : PEUT-ON EXPLIQUER LES FLUCTUATIONS DE L’INVESTISSEMENT ?
11
- Constat : début des années 1990 en France, ralentissement de la conjoncture,
l’investissement s’est vivement contracté ; par la suite, son blocage est une caractéristique
majeure de la « croissance molle » jusqu’en 1997.
Évolution de la FBCF en volume (base 1995) total des secteurs résidents Milliards d'euros 1995
I. PEUT-ON PRÉVOIR LE COMPORTEMENT DES ENTREPRISES ?
- Deux variables pour décrire les modèles : les variations de stock (investissement de capital
circulant), et l’investissement de capital fixe productif. Ils ont une forte contribution dans la
croissance : dans les années 1990, l’investissement explique 15% de la croissance, la variation
de stock 3%. Leur apport dans les fluctuations de la croissance est élevé, ils apparaissent
comme procycliques, notamment la variation de stock.
1) Comprendre les variations de stock : lissage ou accélérateur ?
- Principe d’ « accélérateur de stock », inspiré d’AFTALION (1909) : les entreprises
détiennent un stock de produits finis proportionnel à la demande. Ainsi la production varie
plus que proportionnellement. Dans l’optique keynésienne, c’est un facteur déstabilisant :
l’accélérateur de stock occasionne des fluctuations indésirables de l’activité (METZLER,
1941).
- D’un point de vue microéconomique pourtant, les stocks permettent d’amortir les
fluctuations de la demande (« stocks tampon » de HOLT, 1960), et donc semblent avoir un
rôle contracyclique et stabilisant. Ce modèle est assez mal vérifié empiriquement, la
production étant plus volatile que la demande, et BOUTHEVILLAIN et EYSSARTIER
(1977) montrent que l’accélérateur de stock sur la période 1960-1996 en France a amplifié les
chocs conjoncturels, notamment à partir de 1990. Bien que leur volume soit minime dans la
croissance (environ 1% du PIB), leur volatilité se répercute fortement sur l’activité, surtout
pendant les récessions.
- CARPENTER, FAZZARI et PETERSEN (1994) évoque l’existence une contrainte
financière : lors des récessions, l’accès au financement se restreint brutalement, et c’est le
niveau des stocks qui encaisse le choc, pour pouvoir permettre une poursuite de
l’investissement productif.
2) Les prévisions d’investissement sont-elles fiables ?
- La FBCF, part importante du PIB, connaît des prévisions très contrastées. Tout d’abord du
fait même de l’instabilité de la conjoncture, comme dans les périodes de récession (1993 par
exemple), mais aussi du manque de fiabilité des enquêtes auprès des chefs d’entreprise, dont
les anticipations sont incertaines.
II. QUELS DÉTERMINANTS POUR L’INVESTISSEMENT ?
1) Un modèle de base : accélérateur-profit
- A la fin des années 1970, la demande et le coût relatif des facteurs étaient les déterminants
forts de l’investissement. Dans la première moitié des années 1980, cet accélérateur-coût
12
relatif des facteurs s’est affaibli. Le profit a été introduit dans l’équation d’investissement,
pour mesurer l’existence de contraintes financières. On suppose alors qu’une proportion ()
des entreprises est contrainte par les débouchés et a une fonction de d’investissement de type
accélérateur : ID = f(débouchés), et q’une proportion (1-) est contrainte financièrement et
investit en fonction des profits, représentant la capacité d’autofinancement : IP = g(profits). La
fonction d’investissement macroéconomique s’écrit sous la forme d’un modèle accélérateurprofit : I =  ID + (1-) IP. Ce modèle est utilisé par l’INSEE. L’introduction d’une variable
de profit est pourtant incertaine.
- En dépit des difficultés et des analyses parfois contradictoires parfois proposées, cet
accélérateur est assez bien vérifié dans les comportements d’investissement de 1982 à 1992.
2) Débouchés versus profitabilité
- De 1974 à 1985, la stagnation de l’investissement productif a souvent été considérée comme
la cause majeure des mauvaises performances de l’économie française. Jusqu’en 1980, cette
stagnation s’explique par la faiblesse de la demande. En 1981-1982, les entreprises n’ont pas
su répondre à la demande interne induite par la relance, ni à la demande extérieure qui
progresse en 1983-1984, avec la reprise américaine, alors que la demande française est peu
dynamique. La faiblesse de l’investissement tient d’un effet de ciseau sur la profitabilité du
capital, qui s’est affaiblie entre 1973 et 1983 (baisse de la productivité du capital et partage de
la valeur ajoutée en faveur des salaires). La profitabilité de l’investissement est restée forte
jusqu’à la fin des années 1970, grâce aux faibles taux d’intérêt. L’effet de levier a été
beaucoup utilisé. De 1981 à 1985, la profitabilité de l’investissement devient extrêmement
faible (chute du taux de marge à 25%, niveau historique le plus bas, puis à partir de 1983,
hausse des taux d’intérêts réels du fait de la désinflation, alors que les entreprises sont
endettées). La situation financière ne se restaure qu’en 1985.
- De 1985 à 1990, nette reprise des investissements (taux de croissance annuel moyen de 7%),
qui s’explique jusqu’en 1986 par le besoin de moderniser les équipements, puis jusqu’en
1990, par le dynamisme de la demande, dans des conditions de faible profitabilité. Retour à
un partage de la valeur ajoutée en faveur du capital, mais la France est pénalisée par des taux
d’intérêts trop élevés. Investissements de productivité, substitution du capital au travail.
- Échec de la stratégie de désinflation compétitive en matière d’investissement, et la
profitabilité du capital rechute à partir des 1990.
3) Les années 1990 : une déflation larvée
- Retournement à une conjoncture basse, ralentissement de la consommation des ménages,
récession de 1993 : les entreprises réduisent investissement et emploi. En 1997, le taux
d’investissement des entreprises atteint son minimum historique en France avec 16% de la
valeur ajoutée.
- Force de l’autofinancement dans les années 1990 (supérieur à 100%, bien plus élevé que sur
la période 1970-1985) : transformation du système financier et volonté de désendettement des
firmes. La compression de l’investissement lors d’une période de compression de la demande,
entraîne l’économie dans un cercle vicieux. On retrouve le mécanisme de « déflation par la
dette » de FISCHER (1933) : en période de récession, la concurrence et le jeu des faillites
conduisent à la déflation, rendant difficile le remboursement des dettes et enlisant l’économie
dans une spirale déflationniste. C’est pourquoi dans les années 1990 les entreprises françaises
n’ont cherché qu’à se désendetter.
- Après 1993, progression forte de la demande extérieure et reprise de la consommation des
ménages. Mais le comportement de l’investissement ne s’accorde plus avec le modèle
accélérateur-profit, qui surestime son niveau.
III. L’INVESTISSEMENT EST-IL BIEN ASSURÉ ?
13
- Le taux d’investissement passe de 23% dans les années 1960 à 17% dans les années 1990 :
faiblesse de l’investissement ou perte de pertinence du critère de la FBCF ?
1) L’évolution du prix relatif des biens d‘équipement
- Les prix des biens d’équipement ont augmenté moins vite que le niveau général des prix.
Cela ne peut expliquer la baisse de la part de l’investissement dans la valeur ajoutée, car
l’investissement est mesuré « à prix constant » (c’est-à-dire en volume).
- Ce calcul en volume se fait par taux d’évolution ou par année de base, qui pose des
problèmes de pondération à cause de l’évolution des prix relatifs, mais aussi de fiabilité en cas
de changement d’année de base.
- De plus, l’ « effet qualité » vient fausser les analyses d’évolution : entre deux dates, de
nouveaux bien apparaissent, d’autres sont améliorés, d’autres encore disparaissent (exemple
du gain de puissance des ordinateurs).
2) Investissement brut et investissement net
- L’essor de l’informatique, par sa vitesse d’obsolescence, fait progresser fortement les
consommations de capital fixe, et donc l’investissement net, creusant l’écart avec
l’investissement brut, seul élément mesurable, qui perd en pertinence.
3) Un effet de structure ?
- D’autres composantes de la FBCF ont contribué à déformer le comportement
d’investissement dans les années 1990. Exemple de la bulle immobilière du début des années
1990, qui a provoqué un excès d’investissement de la part des entreprises.
- Ralentissement de la branche manufacturière, stagnation dans l’industrie en général et essor
dans les services (investissements informatiques et de communication massifs faussant encore
la mesure de l’investissement « réel »).
4) Investissement matériel et immatériel
Définition de l’investissement immatériel :
- selon l’OCDE (1991) : « Toutes les dépenses de long terme autres que l’achat d’actifs fixes,
que les firmes consentent dans le but d’améliorer leurs résultats. En plus des investissements
de technologie, il concerne aussi les investissements dans la formation , dans l’organisation de
la production, dans les relations de travail, dans les structures de gestion, l’élaboration des
relations commerciales et technologiques avec les autres firmes, les fournisseurs et les
consommateurs, l’investigation des marchés […] ». Depuis 2000, les logiciels sont intégrés
dans la FBCF
- On peut donc distinguer principalement : dépenses de R&D, brevets, formation, publicité,
marketing…
- L’immatériel représente une part de plus en plus importante de l’investissement total, et
connaît un taux de croissance nettement supérieur à l’investissement matériel. Quelle
pertinence de la mesure de la FBCF ?
- Risque de surestimer l’investissement immatériel, difficilement mesurable, dans la mesure
où il n’aboutit pas toujours.
5) L’organisation du travail
- Rôle de la Durée d’Utilisation des Équipements et de l’intensité de leur emploi (Taux
d’Utilisation des Capacités de production). La capacité de production, ou production
potentielle (Y*) est le produit du stock de capital (K) et de la durée d’utilisation des
équipements : Y* = K x DUE, tandis que la production effective (Y) est le produit de la
production potentielle et du taux d’utilisation des capacités de productions :
Y = K x DUE x TUC.
- La DUE apparaît stable à long terme du fait de la réduction séculaire du temps de travail et
de l’extension du travail posté. A court terme, l’investissement et la DUE évoluent dans le
même sens et apparaissent complémentaires. Mais dans les années 1990, HEYER et
14
PELERAUX (1998) montrent que l’allongement de la DUE s’est poursuivi malgré le
ralentissement de la croissance, au détriment de l’investissement. Dans la phase de reprise
1997-1998, l’allongement de la DUE a permis de réduire les tensions sur le TUC. Cela
s’explique par le développement du travail en équipe, et à la flexibilisation de l’organisation
du travail, mais aussi de la volonté de stopper la chute de la productivité du capital et de se
désendetter, et donc d’accroître les capacités de production par d’autres moyens que
l’investissement.
Chapitre 5 : INVESTISSEMENT, PROGRÈS TECHNIQUE ET CROISSANCE
- L’investissement est au cœur des théories de la croissance et des fluctuations, un des piliers
de l’analyse keynésienne : bien que l’investissement ne soit pas l’élément le plus important de
la demande globale effective, il en est le plus volatil, et, par effet multiplicateur, il transmet
ses variations à la production et à l’emploi, accentuant les fluctuations conjoncturelles.
- Selon la théorie néoclassique au contraire, la croissance est « équilibrée », l’activité est
stable, quelque soit le comportement d’investissement des agents : la croissance s’explique
davantage par le progrès technique.
- Émergence de nouveaux modèles plaçant l’investissement au cœur de la croissance : théorie
de la croissance « endogène ».
I. INVESTISSEMENT, FLUCTUATIONS ET CROISSANCE
1) Débat sur la stabilité de la croissance
- Selon KEYNES, l’investissement tient d’une double logique. Une logique de demande : en
investissant, les entreprises génèrent des revenus qui seront en partie à nouveau dépensés sous
forme de consommation, de sorte qu’au final, l’investissement en terme de demande est plus
que proportionnel au montant initial de l’investissement, c’est l’ « effet multiplicateur ». Le
multiplicateur est d’autant plus fort que la propension à consommer des agents est forte, et
donc une propension à épargne (s) faible, et on a : YD = I / s. L’investissement s’incère
aussi dans une logique d’offre, car il crée une capacité de production supplémentaire,
proportionnelle au montant de l’investissement réalisé. Avec le coefficient multiplicateur de
capital (v), on a : YS = I / v.
- Pour que l’accroissement de la demande coïncide avec celui de l’offre, il faut que le taux de
croissance de l’investissement (et donc du produit) soit égal au rapport entre le taux d’épargne
et le coefficient de capital : g* = Y / Y = s / v. C’est la condition de la croissance équilibrée
selon HARROD et DOMAR (1948), qui n’a aucune chance de se réaliser. Si le taux de
croissance effectif (g) devient inférieur au taux d’équilibre (s / v), les entreprises, ayant moins
de débouchés, réduisent l’investissement, dans une logique d’accélérateur, et en fin de
compte, par multiplication, engendre des déséquilibres.
- C’est le problème du « fil de rasoir » selon HARROD (1948), le jeu combiné de
l’accélérateur et du multiplicateur conduisant à des déséquilibres cumulatifs à court terme.
Avec son « oscillateur », SAMUELSON (1939) avait déjà montré comment la croissance peut
être ou régulière, ou, le plus souvent, fortement instable par la conjonction de ces deux
mécanismes. Ces déséquilibres s’expliquent par les défauts de coordination entre les décisions
d’investissement des entreprises, fondées sur la demande anticipée, et les décisions d’épargne
et de consommation des ménages.
- La croissance des « Trente Glorieuses », particulièrement stable, marque un certain succès
de la théorie néoclassique de la croissance équilibrée (long terme), développée par SOLOW
(1956). Le fil du rasoir est réglé par la flexibilité du taux d’intérêt, qui accorde les décisions
des ménages et des entreprises. Ainsi, cette flexibilité rend endogène le coefficient de capital
(v), et la condition de croissance équilibrée g* = s / v devient une relation de détermination de
15
v. L’investissement s’adapte toujours mécaniquement à l’épargne grâce au taux d’intérêt.
C’est le modèle de la croissance jusqu’aux années 1980.
2) Le « résidu » de SOLOW
- Pour SOLOW, l’investissement n’affecte le taux de croissance que de manière transitoire. A
long terme, la croissance n’est déterminée que par deux variables exogènes : le rythme du
progrès technique (« mesurable » par la productivité globale des facteurs) et celui de la
population active. Ce modèle n’est donc pas à même, par ses propres mécanismes, de créer
une croissance régulière.
3) L’investissement, vecteur du progrès technique
- CARRE, DUBOIS, MALINVAUD (1972) montrent que la contribution du progrès
technique à la croissance française de 1951 à 1969 est proche de 50%, pour seulement 22%
pour le simple capital.
- KALDOR (1957) et ROBINSON (1962) critiquent cette analyse, qui distingue
artificiellement investissement est innovation. Il faudrait donc rendre endogène le progrès
technique au capital.
- Cette analyse aboutit au modèles « à générations de capital » (SOLOW, TOBIN, Von
WIESÄCKER et YAARI, 1966) : l’influence de l’investissement sur la croissance est
d’autant plus forte que le capital est jeune ; intégration de nouvelles technologies, gains de
productivité. Les équipements ne sont donc pas homogènes, et pour calculer la capacité de
production, il faut tenir compte de la pyramide des âges des capitaux. Le rajeunissement du
capital est décisif dans les gains de productivité.
- ARROW (1962), « learning by doing » : les progrès technique est incorporé au travail, et
l’efficacité des travailleurs dépend de leur expérience. Cette expérience progressant,
l’ensemble des entreprises peuvent bénéficier par la suite de l’externalité positive créée par
l’amélioration du capital humain. L’investissement est donc grandement profitable à
l’économie.
II. INVESTISSEMENT ET CROISSANCE ENDOGÈNE
- Dans le modèle de SOLOW, le capital est soumis à des rendements décroissants, conduisant
à un état stationnaire où les entrepreneurs cessent d’investir. Pour coïncider avec la réalité,
SOLOW introduit le progrès technique, facteur extérieur, dans son modèle, et la croissance
est exogène. Limites de cette théorie ?
1) Un ralentissement du progrès technique ?
- A partir de 1973, les gains de productivité diminuent partout dans l’OCDE. DUBOIS (1985)
montre qu’en France, cela peut être expliqué par l’arrêt du rajeunissement des équipements
productifs, la baisse de leur durée et de leur taux d’utilisation, et donc sans prendre en compte
le progrès technique.
- Après 1980, le modèle de SOLOW est incapable d’expliquer les ralentissements du progrès
technique (la productivité globale des facteurs étant exogène).
2) Investissement ou progrès technique ?
- Les modèles de croissance endogène mettent l’investissement au centre de la croissance à
long terme. Les rendements ne sont donc plus décroissant, et la contribution du capital dans la
croissance est restaurée. Si l’on considère les rendements d’échelle constants, le capital
devient même le seul facteur explicatif de la croissance, car le travail disparaît de la fonction
de production : on ne tient plus compte que du capital physique et humain (c’est-à-dire de la
main d’œuvre qualifiée). Le résidu de SOLOW est internalisé.
- Si les rendements d’échelle sont croissants, ils suscitent des comportements
monopolistiques, et la politique économique doit encourager l’investissement pour atteindre le
taux de croissance socialement optimal
16
- ROMER (1990) reprend ces deux effets : investissement de capital physique et humains sont
complémentaires, le premier tirant même les second par le haut, élevant le sentier de
croissance. L’État doit donc fortement encourager l’investissement.
- Limites du modèle de croissance endogène. Les effets vertueux de l’investissement
dépendent de sa nature et son financement. Il peut exister un arbitrage entre le rythme du
progrès technique et l’efficience (rente de monopole temporaire…). La politique économique
cherchant l’optimum social peut supprimer l’incitation à l’investissement.
3) Quel investissement pour la croissance ?
- LEVINE et RENELT (1992) : la seule variable assurément reliée à la croissance est le taux
d’investissement, quelque soit les pays, les époques, les autres variables considérées ou les
périodes
- Mais l’investissement n’est pas endogène à la croissance, et il pourrait être considéré comme
une résultante de la croissance, et non plus comme une cause. BARRO (1997) montre ainsi
que la seule causalité entre les deux phénomènes est que la croissance explique
l’investissement, qui n’aurait que peu d’effets sur la croissance.
- Pourtant, l’investissement en équipement joue un rôle historique indéniable, et il est attaché
à la révolution industrielle.
a. L’investissement public : source de gains de productivité
- BARRO (1990) : les dépenses publiques productives (capital public d’infrastructure)
a un rôle moteur dans la croissance à long terme.
- ASCHAUER (1989) : étude empirique aux États-unis, le rendement du capital public
est beaucoup plus élevé que celui du capital privé.
b. Capital humain ou capital physique ?
- ABRAMOWITZ et DAVID (1996) : les rendements dans l’accumulation du capital
humain est croissant. Effets vertueux des investissements publics d’éducation.
4) Accumulation versus assimilation
- Croissance miraculeuse des pays d’Asie du Sud-est. L’accumulation, du fait des rendements
décroissants, présente rapidement des limites comme déterminants premier de la croissance.
Au contraire, l’imitation et les transferts de technologie sont très importants pour comprendre
la croissance asiatique, qui s’explique par de forts gains de productivité. YOUNG (1995)
affirme cependant que l’accumulation forcenée est une cause certaine du succès de ces pays, à
telle point que KRUGMAN (1994) annonce le ralentissement de la croissance asiatique du
fait des rendements décroissants.
III. QUELLE POLITIQUE DE L’INVESTISSEMENT ?
1) L’intervention directe
- Dans les années 1980 en France, l’investissement est encouragé par des actions sectorielles,
politique industrielle au profit des secteurs en crise, ou des secteurs porteurs dans lesquels la
France est menacée. En 1982, les nationalisations avaient pour but d’utiliser un secteur public
renforcé pour relancer l’investissement. Cette intervention est remise en cause dans les années
1990, du fait de son inefficacité (mauvaise allocation des ressources, entretien de poches de
sous-productivité…).
- Importance de la contrainte extérieure qui vient limiter la relance par l’investissement.
Contrainte financière pour l’État, qui a fait se contracter fortement l’investissement public de
1981 à 1985).
- Depuis le milieu des années 1990, la politique de l’investissement tient essentiellement de la
politique fiscale (abaissement progressif des taux d’imposition sur les sociétés).
2) Fiscalité et investissement
- Assouplissement de la fiscalité pour réduire le coût du capital. Les vérifications empiriques
sont limitées : cela affecte davantage le profit que l’investissement (MUET et AVOUYI-
17
DOVI, 1987). Selon ARTUS et SICSIC (1988), une telle politique a des effets minimes à
court terme, et nuls à moyen et long terme.
- Question de la politique économique. L’investissement répond peu aux incitations fiscales,
qui doivent être très fortes pour avoir le moindre effet, et qui, par leurs évolutions, peuvent
renforcer l’incertitude. Selon PINDYCK et SOLIMANO (1993), c’est bien plus la crédibilité
et la stabilité de la politique économique qui peuvent avoir des effets entraîneurs pour
l’investissement. L’instabilité de l’environnement fiscal peut ainsi porter préjudice à
l’investissement.
3) Jouer sur les taux d’intérêt ou sur la demande ?
- Constat de l’inefficacité de la baisse du taux d’intérêt en France de 1992 à 1996 dans la
reprise de l’investissement.
- Projets de relance de la demande au niveau européen : DREZE et MALINVAUD (1994)
préconisent l’accroissement de l’investissement public de 1% du PIB dans les domaines des
réseaux de transport, de logement social, et l’établissement de subventions à l’investissement
privé, proportionnelles au contenu en emploi des projets, ce qui permet de soutenir la
demande globale. Mais forte contrainte budgétaire au niveau européen.
4) Ralentir la substitution du capital au travail ?
- « théorème » d’Helmut Schmidt : « les profits d’aujourd’hui font les investissements de
demain et les emplois d’après-demain ». Conception en opposition au luddisme du début du
XIXème siècle. Le progrès technique détruit-il l’emploi ? A. SAUVY, La Machine et le
Chômage, 1980 : la machine est précisément là pour remplacer l’homme aux tâches ingrates.
SCHUMPETER, « destruction créatrice » : changement de la structure de l’emploi. Sur
longue période, l’accumulation de capital ne s’est pas traduite par une baisse de l’emploi,
mais par la réduction de la durée du travail.
- Théories du chômage technologique dans les phases de transition. WOOD (1994) : le
commerce avec les pays à bas prix dans le contexte de mondialisation des échanges des
années 1990 aurait détruit 9 millions d’emplois dans l’OCDE, étude que réfutent de nombreux
auteurs : les pertes seraient marginales sur le plan macroéconomique. Le travail des pays à bas
coûts peut apparaître complémentaire à celui plus qualifié et technique des pays industrialisés
(KRUGMAN, 1995).
5) Enrichir le contenu en emploi de la croissance
- Thèse du chômage dû à l’inadéquation des qualifications, deux mesures peuvent être
efficaces : la baisse du coût du travail pour les moins qualifiés et la réduction du temps de
travail. Rapport TADDEI (1986) : « Des machines et des hommes : pour l’emploi par une
meilleure utilisation des équipements ».
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