
Intervention de Christophe Bultel, directeur des études et des programmes européens, en charge du
développement durable à Sciences Com’
Un premier constat peut être fait : le développement durable est un oxymore, tout comme le sont les termes
"croissance verte" et "véhicule propre".
Nous sommes dans une société d’hyperconsommation où le bénéfice est important. Cependant, certaines
préoccupations relayées par les ONG et associations ont interpellé des consommateurs sur leur manière de
consommer. Les consomm’acteurs sont de plus en plus nombreux, passant de 5 à 7 % il y a 5 ans à 15 à 30 %
récemment. Un profil type semble se dessiner : il s'agit plutôt des femmes d'une cinquantaine d'années,
appartenant aux catégories moyennes.
L’écologie a une valeur de statut. "Has been" il y a quinze ans, elle parait moderne aujourd’hui. L’enjeu
environnemental a bien été compris par le marketing. Pour s’approprier cette valeur, des dérives sont
commises. Ainsi, des promesses commerciales, pas toujours tenables, sont faites pour gagner des parts de
marché. D’où l’apparition, en réaction, d’un scepticisme voire d’une défiance car il est devenu difficile de
discerner la valeur de cette offre. Cette problématique amène alors les professionnels à s’interroger sur leur
responsabilité car ils encourent un risque de rejet majeur de leur offre, une dégradation de leur image, de leur
réputation.
Ainsi, il y a quelques années, Greenpeace a montré qu’Apple n’était pas aussi responsable que l’entreprise le
disait dans la composition de ses produits. Elle s’est alors vue mal figurer dans un classement largement
diffusé. Interpellée, cette dernière s’est remise en question et publie désormais un rapport détaillé pour
chacun de ses produits. Cela illustre bien la difficulté qu’ont certaines entreprises à corréler communication
corporate et attentes sur leurs produits.
Les ONG veillent et leurs accents ont parfois des répercussions sur les consommateurs. Un espace critique
s’est développé dans les médias et sur le Web. Faut-il consommer mieux ou moins ? Il est difficile pour le
consommateur d’être exemplaire au quotidien. Il a aussi tendance à penser "ce n’est pas à moi de porter cette
lourde responsabilité".
Un écolo-scepticisme se développe quand aux messages. L’enjeu est ici sociétal, il y a eu abus de "croissance
verte", de "c’est naturel". Aujourd’hui, même si les pratiques abusives sont dénoncées, stigmatisées, le
consommateur n’a pas toujours les clés pour discerner les offres justes des offres moins sincères. Le
communicant doit tenir son rôle d’information, de sensibilisation, d’incitation en toute cohérence entre les
messages et la structure ou le produit.
La difficulté de la communication sur ce sujet est d’être inventive et désirable tout en répondant à des enjeux
de responsabilité.
QUESTIONS-REPONSES
Une agence de communication engagée dans une démarche responsable doit-elle refuser un contrat d’une
entreprise qui ne l’est pas ?
Christophe Bultel : Cela dépend de l’exigence de l’annonceur et quelques soit le sujet, le prestataire de
services a une responsabilité.
Anne Chanon : Ce dialogue devient plus fréquent, plus évident à entretenir, on peut parler de norme
socialement acceptée. D’ailleurs, sur le site de l’Union Des Annonceurs (UDA), on trouve dix clés pour
communiquer responsable, comment faire un brief d’agence responsable. Mais en période de crise
économique, il est difficile de demander aux annonceurs de renoncer à des contrats.
La démarche responsable est-elle une nouvelle dimension de notre métier ? Est-ce une contrainte
supplémentaire et nécessite-t-elle un savoir différent ?
Cela impose de revoir les métiers. Il faut former les étudiants à l’éco-communication, aux enjeux, aux
techniques et aux méthodes. Par exemple, Sciences Com’ a intégré cette exigence parmi les compétences de
base d’un communicant car l’efficacité et la responsabilité sont indissociables. Aujourd’hui, le communiquant
doit être capable d’évaluer l’impact direct et indirect des messages. Les journalistes intègrent également
progressivement cette pratique. En 2006, on comptait à l’AFP (Agence France Presse) trois spécialistes de la
question contre soixante chez Reuters…