un « croyant » – soit en termes purement moraux – c'est quelqu'un qui agit d'une certaine manière, ou qui vit selon
certaines « valeurs ». Newman intègre la dimension intellectuelle et la dimension morale ou éthique de la vie
chrétienne à la dimension proprement spirituelle – celle de la vie de Dieu en nous, cette vie que nous recevons à
travers les sacrements, la méditation attentive de l'Écriture, et la prière, tant personnelle que communautaire. C'est
ainsi que, dans un de ses serinons, il propose de définir le chrétien comme « Un homme qui possède un sens
souverain de la présence de Dieu en lui ».
Si notre Église en Occident ne recouvre pas cette conception « tri-dimensionnelle », si l'on peut dire, de la vie
chrétienne – qui est celle qui se trouve chez des auteurs bibliques comme saint Jean et saint Paul, chez les Pères de
l'Église, et dans toute la tradition jusqu'au milieu du XVIIe siècle environ –, son influence sur la société va continuer à
s'affaiblir, et nos églises vont continuer à se vider.
Newman peut nous être, ici comme ailleurs, d'une aide précieuse.
P. Keith Beaumont IF
Prêtre de l'Oratoire, le Père Beaumont est notamment' l'auteur d'une Petite vie de John Henry Newman, Desclée de
Brouwer, 2005, de Prier 15 jours avec le cardinal Newman, Nouvelle Cité, 2005, et de Textes choisis de John Henry
Newman, Artège, 2010 (9,90 €).
(1) Cité dans La Documentation catholique, n° 1565 (21 juin 1964), p. 563.
(2) « Newman gehbrt zu den grossen Lehrern der Kirche », in John Hetury Newman, Lover of Truth. Academic
Symposium and Celebration of the first Centenary of the Death of John Henry Newman, Rome, Pontificia Universitas
Urbaniana, 1991, p. 144, 146.
(3) lan Ker, John Henry Newman. À Biography. Oxford University Press, 1990.
« Newman nous aide à redécouvrir une conception dynamique et vivante de la Tradition. »
Un toast à la conscience
En 1874, Gladstone, ancien Premier ministre de Grande-Bretagne, fait paraître un article aux accents pamphlétaires
et au titre évocateur : «Les Décrets du Vatican et le loyalisme civil des catholiques ». L'encyclique Quanta cura, du 8
décembre 1864, à laquelle le Syllabus avait été joint, le concile du Vatican, en 1870, définissant la juridiction
universelle et l'infaillibilité doctrinale du pape, le rejet par les députés catholiques d'Irlande d'un projet de loi sur
l'Université – rejet qui avait entraîné la chute du gouvernement : autant de motifs, pour Gladstone, de faire grief aux
catholiques anglais d'une « double allégeance » ; ceux-ci seraient, en conscience, déterminés par une puissance
étrangère : Rome.
Newman répond à Gladstone par La lettre au duc de Norfolk qui est un véritable hymne à la conscience. Pour
Newman, les catholiques (anglais) ne se déterminent qu'en fonction de leur conscience, laquelle est la « Voix de Dieu
» qui parle en chacun. Newman confère à la conscience une valeur d'abord religieuse avant que psychologique ou
éthique. Elle est cette instance à la fois immanente et transcendante. Si elle est la norme suprême de l'agir humain,
elle n'est pas pour autant autonome.
Mais le Syllabus n'a-t-il pas condamné les droits de la conscience et ne prescrit-il pas aux fidèles de tenir au fond que
tout État légitime se doit de professer publiquement la foi catholique ? Newman procède ici, de façon exemplaire, à
une herméneutique du Syllabus. Ce catalogue d'erreurs n'est pas un document pontifical (pas d'auteur, pas de
destinataire, une simple concomitance dans l'expédition avec l'encyclique Quanta cura) : chaque proposition
incriminée doit être évaluée à partir du texte auquel elle se réfère, en restituant les modes de conversion de
l'affirmatif particulier au négatif universel. Les principes d'interprétation théologique mis en oeuvre par Newman
s'avèrent pertinents pour résoudre aujourd'hui les contradictions apparentes entre certains actes de Vatican II et le
magistère antérieur.