ENSEIGNEMENT DE SPÉCIALITÉ
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THÈME DU PROGRAMME :
Sous-emploi et demande chez Keynes
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Ce n'est donc pas la désutilité marginale du travail*, exprimée en salaires réels, qui
détermine le volume de l'emploi, sauf dans la mesure l'offre de main-d'œuvre disposée à
travailler en échange d'un certain salaire réel fixe un maximum que l'emploi ne saurait
dépasser. Ce sont la propension à consommer et le montant de l'investissement nouveau qui
déterminent conjointement le volume de l'emploi et c'est le volume de l'emploi qui détermine
de façon unique le niveau des salaires réels, non l'inverse. Si la propension à consommer et le
montant de l'investissement nouveau engendrent une demande effective insuffisante, le
volume effectif de l'emploi sera inférieur à l'offre de travail qui existe en puissance au salaire
réel en vigueur et le salaire réel d'équilibre sera supérieur à la désutilité marginale du volume
d'équilibre d'emploi.
Cette analyse nous explique le paradoxe de la pauvreté au sein de l'abondance. Le seul
fait qu'il existe une insuffisance de la demande effective peut arrêter et arrête souvent
l'augmentation de l'emploi avant qu'il ait atteint son maximum. L'insuffisance de la demande
effective met un frein au progrès de la production alors que la productivité marginale du
travail est encore supérieure à sa désutilité.
En outre, plus la communauté est riche, plus la marge tend à s'élargir entre sa production
potentielle et sa production réelle ; et plus par conséquent les défauts du système économique
sont apparents et choquants. Car une communauté pauvre a tendance à consommer la part de
beaucoup la plus importante de sa production et un très faible montant d'investissement suffit
à y assurer le plein-emploi. Une communauté riche, au contraire, est obligée de découvrir des
occasions d'investissement beaucoup plus nombreuses, pour pouvoir concilier la propension à
épargner de ses membres les plus riches avec l'emploi de ses membres les plus pauvres. Si
dans une communauté qui est riche en puissance l'incitation à investir est faible, l'insuffisance
de la demande effective l'obligera à réduire sa production jusqu'à ce que, en dépit de sa
richesse potentielle, elle soit devenue assez pauvre pour que l'excès de sa production sur sa
consommation tombe au niveau qui correspond à sa faible incitation à investir.
Source : J.M. KEYNES, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Payot, 1979,
[1ère édition 1936]
* la désutilité marginale du travail correspond à l'arbitrage que l'on fait entre le temps de travail et le temps de
loisir : soit on choisit de travailler plus pour gagner plus, mais au détriment du temps consacré au loisir, soit on
privilégie le temps de loisir en travaillant moins et en gagnant moins.
QUESTIONS
1. À l'aide de vos connaissances et du document, vous montrerez quel rôle joue la demande
effective dans l'analyse keynésienne. (9 points)
2. Expliquez la phrase soulignée. (6 points)
3. Peut-on qualifier de keynésienne une mesure prise pour favoriser l'emploi consistant à
alléger les charges des entreprises et à défiscaliser les heures supplémentaires ? (5 points)
Eléments de correction DS n°4 Keynes
1) Q1. Quelques phrases pour introduire l’auteur (dates naissance/mort, contexte historique de
son œuvre, courant économique, principaux éléments de sa théorie) : John Maynard Keynes naît à
Cambridge le 5 juin 1883, l’année de la mort de Marx et de la naissance de Schumpeter. Il décède le 21
avril 1946, à Tilton. Il est profondément marqué par le chômage massif qui se déclare avec la crise de
1929. Ce chômage durable lui semble remettre en cause les théories néoclassiques qui postulent un
retour automatique à l’équilibre. A bien des égards, la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la
monnaie (1936) constitue une rupture majeure à la fois dans la pensée économique (c’est la pensée
classique qui domine à l’époque) et dans l’approche de la société et des politiques économiques ; en
effet, Keynes préconise une intervention plus soutenue des pouvoirs publics pour pallier les insuffisance
du marché et une fiscalité plus redistributive.
Selon Keynes, le niveau de l’emploi dépend des mécanismes macroéconomiques. Le niveau de
l’emploi n’est pas fixé sur le marché du travail (d’ailleurs pour Keynes il n’existe pas un véritable marché
du travail). Il résulte directement du niveau de la production qui lui-même résulte du niveau de la
demande effective. Celle-ci désigne pour Keynes la demande globale anticipée par les
entrepreneurs (quantité de biens de consommation et de biens de production qu’ils espèrent
pouvoir vendre). Son niveau dépend donc de la perception que les entrepreneurs ont de l’avenir
(Keynes accord ainsi un rôle primordial aux anticipations des entrepreneurs).
La demande effective a plusieurs déterminants :
- la consommation (présente et anticipée), qui dépend positivement du niveau du revenu global et
de la propension à consommer, qui est la part du revenu que les agents économiques consacrent à
la consommation (caractéristique psychologique de la consommation); il faut rappeler que
l’augmentation de la consommation est inférieure à celle du revenu qui la génère car une part
seulement de la hausse du revenu réel est consacrée à un accroissement de la consommation (c’est
cette part que mesure la propension marginale à consommer). Ensuite, la consommation dépend
négativement de la propension à épargner. Ainsi, plus la propension à consommer est importante
(c’est à dire plus la propension à épargner est faible), plus la demande effective sera importante.
- l’investissement, qui dépend de l’efficacité marginale du capital (rendement escompté de
l’investissement, lié à la demande effective) et du taux d’intérêt réel (celui-ci se détermine par la
confrontation de la demande et de l’offre de monnaie sur le marché des capitaux). L’entrepreneur
n’investira que si l’efficacité marginale du capital > au taux d’intérêt réel.
Ainsi, selon cette analyse, les entreprises n’embauchent que si elles peuvent produire et ne produisent
que si elles peuvent vendre. C’est l’offre qui découle de la demande. Mais si l’offre correspond à la
demande sur le marché des biens et services l’équilibre »), rien n’indique que le niveau d’emploi
(demande de travail) correspondant soit égal au niveau d’emploi désipar les actifs (offre de travail).
Tout dépend de la demande effective. Ainsi, on peut avoir un équilibre sur le marché des biens et
services mais le niveau de production qui en découle n’est pas suffisant pour embaucher tous les actifs :
c’est l’équilibre de sous-emploi.
Keynes parle ainsi de chômage involontaire, dans le sens les salariés acceptent d’être
rémunérés à leur productivité marginale et, pourtant, ils ne trouvent pas d’emploi à cause de
l’insuffisance de la demande effective. Ce point peut être illustré par l’analyse de Keynes sur la crise
de 1929 : comment prétendre que des millions d’hommes préfèrent la misère à un emploi jugé
insuffisamment rémunéré ? Cette crise engendre une profonde récession qui déprime la demande : les
ménages qui sont au chômage ne consomment plus et les entreprises pessimistes sur l’avenir
n’investissent plus.
C’est donc le niveau insuffisant de la demande effective qui explique, pour Keynes le chômage qu’il
qualifie d’involontaire. Le salaire est dans cette optique considéré comme un revenu qui détermine la
demande effective.
Rôle de l’Etat: Keynes préconise une intervention plus soutenue des pouvoirs publics pour pallier les
insuffisance du marché et réduire le chômage involontaire : favoriser l’investissement privé (en baissant
les taux d’intérêt par exemple), réaliser des investissements publics (par le mécanisme du multiplicateur
keynésien : une novelle dépense d’investissement détermine une hausse plus importante de la
production nationale) financés par déficit budgétaire et la création des emplois publics, une politique
fiscale redistributive. Keynes préconise ainsi une relance de la consommation et de l’investissement pour
stimuler la demande effective qui détermine le niveau de la production et in fine le niveau de l’emploi.
2) « Non l’inverse » dans la phrase soulignée fait référence à la théorie néoclassique du marché du
travail. Selon cette théorie, le niveau de l’emploi se détermine sur le marché du travail. Le marché du
travail est un lieu fictif se confrontent une offre de travail (émanant des actifs) et une demande de
travail (émanant des entreprises). L’offre et la demande de travail sont fonction du même facteur : le taux
de salaire réel (pouvoir d’achat du salaire). En effet, l’offre est une fonction croissante du taux de salaire
réel, dont la hausse augmente l’utilité du travail par rapport à celle du loisir (en effet, plus il est élevé,
plus les agents économiques sont incités à travailler et à renoncer aux loisirs); de leur côté, les
entreprises déterminent le niveau d’emploi en comparant le taux de salaire réel et la productivité
marginale du travail(production réalisée par le dernier salarié). Celles-ci vont embaucher jusqu’à ce que
la productivité marginale du travail soit égale au taux de salaire réel. La demande de travail est donc une
fonction décroissante du taux de salaire réel car la baisse de celui-ci, en diminuant le coût marginal du
travail par rapport à sa productivité marginale, incite à l’embauche (dans cette théorie, le travail est
rémunéré au niveau de sa productivité marginale). Le salaire d’équilibre est celui qui égalise offre et
demande de travail (le taux de salaire étant parfaitement flexible) : tous ceux qui souhaitent être
embauchés au taux de salaire d’équilibre peuvent l’être. L’économie est alors en plein-emploi (à définir).
S’il persiste alors des actifs sans emploi sur le marché du travail c’est parce qu’ils font un choix délibéré
de se retirer du marché du travail. Le chômage (offre de travail des actifs > demande de travail des
entreprises) est donc volontaire : il désigne la situation des individus qui n’acceptent pas de travailler au
taux de salaire réel d’équilibre.
A contrario, pour Keynes c’est le niveau de la demande effective (consommation et investissement) qui
détermine le niveaux de la production et donc le niveau de l’emploi (Q1) (et non pas le niveau du taux
de salaire réel comme chez les néoclassiques) . Ainsi, dans cette optique, une baisse des salaires réels
(Keynes considère par ailleurs que les salariés, victimes d’illusion monétaire, établissent leur offre de
travail en raisonnant sur leur salaire nominal) entraînerait une hausse du chômage involontaire, car en
réduisant la consommation des ménages, elle diminuerait la demande effective [baisse des salaires réels
baisse de la consommation et de l’investissement baisse de la demande effective baisse de
l’emploi hausse du chômage involontaire.
Ainsi, pour Keynes, plus la propension à épargner est importante, plus la consommation va être
pénalisée, ainsi que la production, ce qui est source de chômage involontaire
3) Une mesure prise pour favoriser l’emploi consistant à alléger les charges (cotisations sociales
patronales + divers impôts sur le travail) des entreprises ne peut pas être qualifiée de mesure
keynésienne dans la mesure où cette politique suppose qu’on se retrouve face à un chômage dit
« classique » qui s’explique par un coût de travail (salaires nets + cotisations sociales patronales + divers
impôts sur le travail) trop élevé qui n’incite pas les entreprisses à embaucher (perspective libérale). Par
ailleurs, baisser les cotisations sociales n’est pas une bonne chose dans une perspective keynésienne
car cela diminue les recettes fiscales de l’Etat réduisant ainsi ses marges de manœuvre dans le domaine
des politiques budgétaires (par exemple, politique de redistribution financée par les impôts notamment).
Il s’agirait alors plutôt d’une mesure libérale.
D’autre part, une politique consistant à défiscaliser les heures supplémentaires, c’est à dire d’exonérer
les heures supplémentaires de charges sociales et d’impôts, pour le patron comme pour le salarié
demande une réponse plus nuancée. En effet, dans une optique keynésienne, exonérer les heures
supplémentaires de charges sociales et d’impôts pour le patron ne permettrait pas de diminuer le
chômage car le chômage s’explique surtout par une insuffisance de la demande effective (voir Q1).
Néanmoins, s’agissant de l’exonération pour le salarié, cela permettrait d’augmenter son revenu
disponible, ce qui est favorable à la consommation, et donc à la production et in fine à l’emploi. Ce
raisonnement est surtout valable pour les plus faibles salaires car dans ce cas la propension marginale à
consommer est plus élevée (or plus celle-ci est élevée, plus cela va favoriser la consommation, et donc
la production et au final l’emploi dans une perspective keynésienne).
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