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LE CLONAGE REPRODUCTIF ET THERAPEUTIQUE
Considérations éthiques et juridiques
Vème Congrès Pharmaceutique de Monastir
Monastir, 16-17 Octobre 2003
Pr B. HAMZA
Président du Comité National d’Ethique Médicale
En 1997, a été révélée au monde, la naissance d’une brebis clonée (Dolly)
à partir du génome d’un animal adulte. C’est le clonage reproductif. Celui-ci connaît
depuis longtemps, ses indications dans le domaine de l’agriculture et l’élevage. Le
clonage réussi d’une brebis, s’il a ouvert des indications dans certains domaines en
particulier celui de la médecine et de la pharmacie, ce sont surtout ses applications
possibles à l’homme et la duplication de l’être humain qui soulèvent des problèmes
éthiques et juridiques. Ceux-ci sont aujourd’hui, l’objet de débats au niveau des
organisations nationales et internationales, débats qui portent sur les principes de la
dignité de la personne humaine et la sécurité de son matériel génétique.
Le clonage reproductif vise à la production asexuée à partir d’une cellule
ou d’un organisme, d’entités biologiques génétiquement identiques à cette cellule ou à
cet organisme. « Il s’agit d’une reproduction, et non d’une procréation ». Cette
reproduction se ramène, à la présence au niveau de l’ovocyte porteur, de deux moitiés
d’ADN, chacune spécifique d’un des membres du couple.
Deux procédés peuvent être utilisés pour la duplication génétique.
1-/ Le clonage par scission d’embryon : Il s’agit de l’embryon fécondé
qui se divise en deux cellules, chacune va produire à son tour un embryon. L’objectif
de ce type de clonage est de créer une fratrie composée d’animaux identiques pouvant
servir de modèles à l’expérimentation thérapeutique.
2-/ Le clonage par transfert cellulaire celui-ci consiste à introduire dans
l’ovocyte, dont on a retiré le noyau, une cellule d’un organisme adulte. Ce clonage par
transfert de noyau de cellule somatique prélevée sur un animal adulte est celui qui a
abouti à la naissance de la brebis Dolly. Cette tentative de clonage réussie est l’objet
de réalisation de modèles de maladies humaines, de production d’organes ou de tissus
servant à des xénogreffes. Des applications médicales et pharmaceutiques sont
possibles par l’association transgène-clonage. Celle-ci consiste à injecter, une
séquence d’ADN, ou un gène objet de recherche dans un ovocyte fécondé. Les
chromosomes vont alors incorporer ce fragment d’ADN. Celui-ci va s’exprimer dans
cette cellule, les cellules filles et chez l’animal à la naissance. Il s’agit d’une
transgénèse ciblée qui peut être utilisée pour fabriquer des modèles animaux d’une
maladie humaine à l’effet de rechercher un médicament efficace. Ces modèles
d’animaux transgéniques ont servi à la production de produits pharmaceutiques à
partir de la production de lait par l’association d’un gène codant une molécule d’un
intérêt thérapeutique : à titre d’exemple, l’anti-thrombine humaine molécule présente
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dans le sang et dont le déficit se traduit par des manifestations de thrombine veineuse.
C’est ainsi que l’on a pu également produire par la création de vache transgénique de
l’albumine utilisée dans les états de choc. C’est ainsi que par le clonage transgénique
l’on a réussi à produire de l’alpha-1-antitrypsine protéine du foie dont la déficience
génétique est génératrice de cirrhose hépatique.
C’est de la même manière que l’on a pu à partir d’un veau transgénique
pratiquer des recherches sur la lactoferine, protéine fixateur du fer et qui possède de
nombreuses propriétés thérapeutiques.
Le clonage animal-transgène peut être utilisé lors des xénogreffes à l’effet
de pallier à la pénurie de greffons d’origine humaine, mais comme on le redoute, l’on
court le risque de rejet et la transmission de zoonoses, et de rétrovirus d’origine
animale. Les animaux clonés qui sont utilisés dans un intérêt médical ou
pharmaceutique, sont par la suite l’objet de fragilité et d’anomalies, comme par
exemple des « anémies sévères », « anomalies cardiaques et respiratoires », de
« déficit immunitaire », « d’œdèmes généralisés ». Ils sont en particulier l’objet de
« sénescence précoce », en rapport avec le raccourcissement des talomères qui sont
des séquences de nucléotides situées à chaque extrémité de chromosome.
Ce manque de résistance des animaux clonés est un facteur pour limiter les
bénéfices qu’on peut tirer et peuvent hypothéquer éventuellement l’avenir industriel
du clonage transgénique.
Si le clonage des animaux a fait progresser le diagnostic et a permis
certaines applications thérapeutiques, il faut courir le risque de la transmission de
maladies à l’homme au-delà de la barrière d’espèces, c’est-à-dire par des animaux.
Mais plus inquiétante, est la perspective que le clonage de l’animal
n’aboutisse au clonage reproductif humain qui semble techniquement possible.
Mais l’application à l’homme des techniques du clonage a pris une
dimension nouvelle avec l’introduction d’une distinction clonage reproductif et
clonage thérapeutique.
S’agissant du clonage reproductif humain, celui-ci signifie l’utilisation
de technique du clonage par transfert nucléaire avec pour objet de mettre au monde un
enfant qui présenterait le même ADN nucléaire que l’individu sur lequel le noyau de
cellule somatique a été prélevé.
Pourquoi le clonage reproductif et qu’est-ce qui le justifie ?
Des arguments ont été avancés pour justifier le clonage dans l’espèce
humaine.
A titre d’exemple :
a-) La perpétuation du lignage biologique dans les cas de procréation
impossible, où l’un des conjoints ne possède pas de gamètes fécondants ou une
femme sans gamètes qui désire se perpétuer par autoclonage, utilisant des ovocytes
d’une donneuse. La revendication à la filiation biologique pourrait-elle légitimer ces
techniques.
Autres exemples :
b-) Reproduction par clonage d’un enfant sur le point de mourir.
c-) Reproduction d’une personne exceptionnelle d’où des candidats
éventuels au clonage reproductif. Ces considérations posent des problèmes éthiques
et juridiques.
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S’agissant de Considérations éthiques, comme nous l’avons mentionné,
il s’agit de produire un embryon à partir d’une cellule somatique et de le développer
jusqu’à terme pour aboutir à la naissance d’un enfant. Son génome nucléaire serait
alors identique à celui de l’individu d’origine et l’on arriverait ainsi à la production
aussi semblable sur le plan biologique des jumeaux vrais, mais pouvant naître avec
décalage dans le temps et susceptibles d’enjamber une ou deux générations.
Ainsi la perspective d’un éventuel clonage reproductif d’être humain
entraîne-t-il un véritable bouleversement de la condition humaine avec des
implications morales, un bouleversement fondamental de la relation entre identité
génétique et de l’identité personnelle avec ses dimensions culturelles, sapant ainsi le
caractère unique de chaque être humain, support de la dignité humaine et de l’unicité
de la personne.
Il est indéniable, que contrairement au cas de la brebis Dolly, les clones
humains sauront qu’ils sont des clones et seront reconnus par autrui. Ce serait alors la
chosification de la personne humaine, et la voie à la création utilitaire de variétés
humaines et le refus de la loterie de l’hérédité, et son incertitude, qui constituent une
sorte de protection de l’être humain contre une volonté sociale de prédétermination.
Par ailleurs, peut-on imaginer ce que représente, la reproduction d’un être
humain identique à un bouturage végétal et peut-on imaginer la dislocation de la
parenté, se traduisant par un fournisseur de noyau cellulaire, la production d’un
ovocyte porteur du clone ?
Le clonage reproductif serait alors à l’origine de brouillage de toute
séquence familiale, l’individu d’un clonage serait le descendant d’un adulte et de
son jumeau, et serait ainsi vidée l’idée même de filiation, « filiation n’aurait plus
aucun sens » et susciterait d’inextricables problèmes d’identité et de nouvelles
discriminations et des interdits culturels et religieux.
Le clonage reproductif serait alors une inadmissible instrumentalisation de
la personne. Aucune motivation ne peut légitimer.
On ne peut l’imaginer par une volonté de pallier à la mort, exemple le
clonage d’un enfant qui va mourir et la production d’un être ayant une ressemblance
physique, la copie génétique et le double du point de vue comportemental.
L’on ne peut, non plus, le légitimer par le désir de voir cloner un conjoint
et son propre clonage ce qui serait une instrumentalisation de la personne ou la
manifestation d’un désir inconcevable sur le plan éthique qui dénie la dignité
humaine. Certains, ont voulu présenter le clonage reproductif comme une
application médicale pour compenser une stérilité masculine ou féminine par absence
de production de gamète et par l’application du clonage d’une cellule adulte de
l’homme ou femme stérile avec le recours d’un ovocyte d’un partenaire : ce serait
alors un substitut de la procréation qui entraînerait l’instrumentation de la personne à
naître. Dans tous ces cas, on aurait substitué à une naissance par voie sexuelle une
reproduction asexuée, et l’enfant produit serait un jumeau du père ou de la mère,
présentant toutes ses caractéristiques génétiques y compris les anomalies responsables
de la stérilité. C’est ce qu’on appelle l’acharnement procréatique qui dépasse les
limites de la reproduction sexuée et par là, la nature humaine.
Dans l’acte de procréation, il y a engendrement d’une personne aux
caractéristiques imprévisibles et irréductibles à celles des géniteurs contribuant à la
renaissance de la singularité et l’autonomie : deux conditions essentielles de la
condition humaine et de sa dignité.
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En considération de toutes ce données, le clonage reproductif suscite, un
peu partout dans le monde une condamnation éthique cohérente et totale mais, la
condamnation éthique, même si, elle est promue par toutes les nations ne suffit pas.
S’agissant d’une attitude dégradante de la dignité humaine, un cadre juridique devient
de plus en plus justifié. Dans ce cadre nous citerons l’avis émis du Comité National
d’Ethique Médicale, sur saisine du Ministre de la Santé Publique et la législation
tunisienne concernant le clonage, qui est intégrée, dans la loi sur la procréation
médicalement assistée. Nous ferons également mention de la déclaration universelle
sur le génome humain et les droits de l’homme (UNESCO).
Le CNEM considère le clonage humain constitue une rupture absolue
brisant notre lien à la nature et à la création. C’est l’insertion de l’artificiel dans des
domaines qui leur sont étrangers et qui sont considérés comme des domaines sacrés
de la vie. En raison des appréhension de toutes sortes la vigilance s’impose ainsi que
l’attachement aux valeurs et aux principes, on ne peut que parer à tous les mauvais
prétextes et se doter de législation nécessaire à l’interdiction de toute forme de
clonage humain. L’avis du CNEM a été légalisé par la loi sur la procréation
médicalement assistée qui intègre le clonage dans son article 8 « La médecine de la
reproduction par le recours aux techniques de clonage est strictement interdit ». L’on
peut dire que cet avis énonce la primauté de la personne humaine, le respect de l’être
humain dès le commencement de la vie et le respect du principe constitutionnel de
sauvegarde de la dignité humaine.
Le concept juridique d’interdiction des pratiques de reproduction de l’être
humain par clonage est adopté par des législations nationales et par la déclaration
universelle sur le génome humain et les droits de l’homme, adoptée en 1997 par la
Conférence Générale de l’UNESCO : article 11 : « Des pratiques qui sont contraires
à la dignité de l’homme, tel que le clonage à des fins de reproduction d’être humain,
ne doivent pas être permises ».
Le clonage humain reproductif doit être distingué du clonage humain
non reproductif, appelé également thérapeutique. Celui-ci concerne la production
d’embryons par transfert nucléaire dont le développement serait arrêté à un stade de
blastocyte pour obtenir des cellules souches immuno-compatibles, à des fins de
thérapie cellulaire. C’est le point de départ de l’utilisation du clonage non
reproductif à la thérapie cellulaire ou une médecine polarisée sur les cellules souches
embryonnaires et leur très riche potentialité thérapeutique.
L’on sait que les cellules souches embryonnaires sont des cellules qui ont
la capacité de se différencier en plusieurs tissus humains et de produire des cellules de
recharge qui pourront avoir des applications potentielles, injectées ou greffées après
différenciation, dans certaines maladies telles des maladies dégénératives du système
nerveux (Parkinson, Alzheimer, sclérose en plaque) ou d’autres maladies
dégénératives qui pourraient bénéficier de cette thérapeutique (ex. : les maladies des
os, des cartilages, l’infarctus du myocarde, cancers et maladies immunodéficitaires,
diabète, …).
L’on comprend alors l’intérêt de disposer des cellules souches provenant
d’embryons obtenus par clonage thérapeutique et même la possibilité d’obtenir de
cellules génétiquement identiques à celles du receveur. Elle pourrait trouver les
différentes indications thérapeutiques dans celles que nous avons mentionnées et
d’autres sans réaction de rejet. Si ces cellules ont été qualifiées porteuses d’espoir,
leur recueil pose le problème éthique. Certes l’embryon, s’il n’est pas une personne, il
est quand même, un être humain en puissance. Est-il alors éthique, de créer des
embryons uniquement destinés à des fins thérapeutiques, avec le risque de dérives
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vers le clonage reproductif ? C’est en raison de cette dérive que les travaux de
recherches s’orientent vers le recueil de souches embryonnaires à partir des embryons
surnuméraires issus de P.M.A. qui ne sont pas destinés à un projet parental.
Mais l’utilisation du clonage non reproductif ou thérapeutique soulève
également :
a-) des conflits de valeur morale, métaphysique et philosophique, puisqu’il
s’agit b-) de l’instrumentation effective de la vie humaine qui consiste à créer
puis sacrifier une vie pour en sauver d’autres.
C’est alors que l’on peut se poser la question : la fin justifie-t-elle les
moyens et jusqu’où peut-on aller vers le progrès de la médecine au dépens de la
dignité de l’être humain.
Par ailleurs, si le clonage non reproductif ou thérapeutique trouve ses
applications pratiques potentielles, ne risque-t-on pas de craindre le passage au
a-) clonage reproductif sous couvert de l’alibi thérapeutique, ne risque-t-on
pas aussi b-) de banaliser l’utilisation des embryons et faire valoir l’utilisation
altruiste et par la réification conçu en dehors de tout projet d’enfant.
Ainsi, l’utilisation des cellules souches embryonnaires issues du clonage,
font-elles poser la question éthique du statut de l’embryon et de son utilisation à des
fins pratiques et également les questions relatives à la conception de la vie humaine
qui est l’objet d’opinions relatives aux différentes cultures et religions. De ces
opinions, l’on peut observer les divergences sur la question éthique à la vie et
l’utilisation des cellules souches obtenues par clonage dit thérapeutique. L’on ne peut
nier qu’ainsi, l’on instrumentalise, la vie humaine et l’on sape le respect à
l’embryon humain et l’on ne peut accepter que la finalité de réparation anticipe la
finalité d’existence. Si on accepte « naître et réparer, l’on ne peut que refuser naître
pour réparer auquel cas ce dilemme pose de graves questions d’éthique sur le sens de
la vie et serait un bouleversement des hiérarchies.
Aussi, devant toutes ces considérations, l’éthique devra-t-elle être
constamment l’objet de notre réflexion, car toute la société est concernée par les
acquisitions du clonage qu’il soit reproductif ou non reproductif.
Aussi, la science devra-t-elle prendre en compte les enjeux éthiques qui
leur sont liés et si la palette des pouvoirs potentiels de la recherche, s’oriente de plus
vers la création de la vie de l’homme, elle doit néanmoins se dérouler selon les
principes éthiques pour s’introduire dans le langage juridique.
Devant le progrès de la science et les risques possibles ou certains de la
technologie liés au clonage, il importe de soulever des débats sur les enjeux du
développement pour instituer la confiance en la science. Celle-ci a en effet démontré
que la révolution biologique et le développement de la génétique pouvaient donner à
l’homme des espoirs et être aussi l’objet de dérives. Aussi, pour parer aux
applications irrationnelles et aux conséquences contraires à l’éthique que les
communautés internationales, régionales et nationales se sont-elles dotées
d’instruments de régulation et d’évaluation du champ thérapeutique réel avant de
décider de la légitimité morale et efficiente de telles techniques.
La Tunisie, s’est dotée d’un Comité d’Ethique Médicale. Elle serait le
premier pays arabo-musulman à avoir prévu dans son arsenal législatif, l’éventualité
de la résurgence de problèmes éthiques soulevés par divers domaines des sciences du
vivant et leur application pratiques. Comme nous l’avons dit l’avis émis par le CNEM
sur la procréation médicalement assistée, inclut le clonage reproductif. L’application
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