Maurice Wegnez, directeur du laboratoire « Développement et

Clonage : dix ans après Dolly
Maurice Wegnez, directeur du laboratoire « Développement et évolution » (CNRS /
Université Paris-XI)
Tout le monde se souvient du feu d'artifice médiatique
déclenché par la naissance de la brebis Dolly en 1996.
S'agissait-il du premier animal jamais cloné par l'homme ?
Maurice Wegnez : Dolly a été le premier mammifère cloné, mais le
premier clonage réussi d'un animal (une grenouille Rana pipiens) date
de 1952. À l'époque, le but de l’expérience n'était pas le clonage en
tant que tel. On cherchait à savoir si toutes les cellules d'un organisme
possédaient le même génome. Cloner un mammifère est techniquement plus complexe. Ce
clonage avait même été jugé impossible par d'éminents scientifiques !
Depuis Dolly, quelles espèces animales est-on parvenu à cloner à partir de cellules
somatiques ?
M. W. : La vache, le porc, la chèvre, le cheval, la souris, le rat, le chien, le chat, le lapin et,
dernièrement, le furet. Qu'il s'agisse d'un amphibien ou d'un mammifère, le principe est le
même : intégrer le noyau d'une cellule somatique (de la peau par exemple) dans un ovule
vidé de son contenu génétique. Chez les mammifères, il faut transplanter l'embryon « artificiel
» ainsi constitué dans une femelle receveuse. Globalement, la proportion d'embryons
implantés qui parviennent à se développer jusqu'à donner des êtres viables reste
extrêmement faible : moins de 1 %. Le clonage des végétaux est plus facile à réaliser et
pratiqué de longue date : bouturer une plante, c'est la cloner.
Quelles sont les applications actuelles ou potentielles du clonage des animaux ?
M. W. : Les organismes perçoivent en permanence des « signaux » émis par le « milieu
extérieur » (lumière, température, polluants…). Or, la grande variabilité génétique des
individus d'une espèce animale complique l'étude de l'impact de ces facteurs. Le clonage
reproductif, en créant des individus identiques génétiquement, supprime cette variabilité.
Ensuite, cloner des animaux sélectionnés pour leurs performances (vaches laitières, chevaux
de course…) permettrait de produire des individus aux performances a priori identiques à
celles de leur géniteur. Enfin, le clonage est envisageable pour éviter l'extinction de certaines
espèces en péril.
Peut-on espérer « ressusciter » des espèces éteintes (dinosaures, mammouth, tigre,
marsupial…) ?
M. W. : C'est totalement illusoire. Pour cloner, on ne peut pas se contenter d'ADN ou de
cellules mortes dont les constituants sont dégradés. Il faut absolument disposer d'un noyau
en excellent état de « cellule vivante ».
Pourquoi êtes-vous fondamentalement opposé à toute légitimation de la
reproduction par clonage d'êtres humains ?
M. W. : Il y a quelque chose de déshumanisant à vouloir reproduire un homme à l'identique.
Depuis la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, le clonage reproductif humain est
formellement prohien France. Plus largement, il fait aujourd'hui l'objet d'une réprobation
quasi unanime dans le monde. Reste à savoir comment, d'ici quelques décennies, évolueront
les mentalités et la loi
http://www2.cnrs.fr/journal/2953.htm
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