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l'occupent pas encore et ajoute celles qui, tout en ayant travaillé la semaine précédant l'enquête, n'ont plus
d'emploi et en recherchent un le jour de l'enquête : elle obtient ainsi les chômeurs au sens du BIT..
Par ailleurs, beaucoup pensent que les fichiers de l'ANPE regorgent de faux chômeurs. Sans doute, il en existe,
travailleurs clandestins ou profiteurs professionnels, qui émargent à l'ANPE exclusivement pour pouvoir bénéficier
des prestations d'assurance-chômage. Leur nombre est, bien entendu, impossible à préciser. Mais il est
vraisemblablement assez faible pour une raison évidente : plus la durée du chômage officiel augmente plus il est
difficile de retrouver un emploi, car le chômage devient, pour les employeurs, une probabilité "d'inemployabilité",
liée à l'incapacité professionnelle ou à l'instabilité. Par conséquent, s'il existe certainement des faux chômeurs, on
peut supposer qu'ils ne le restent pas longtemps de crainte de devenir de vrais chômeurs.
C -- la diversité des chômeurs.
La réalité est complexe : les espèces de chômeurs sont nombreuses. On s'étonne parfois de ce que la population
française paraisse accepter sans trop rechigner une situation de sous-emploi ou le chômage a été multiplié par 4
en une dizaine d'années. On peut penser que le chômage touche des personnes souvent à même de se «
débrouiller autrement ». En effet, 53 % des chômeurs au sens du BIT sont des femmes, alors que celles ci
représentent 45 % de la population active. Vivrions-nous encore dans un monde où le salaire féminin est
considéré comme un salaire de complément et où, par conséquent, le chômage des femmes est jugé plus
"supportable" que celui des hommes ?
Par ailleurs, il y a des « chômeurs récurrents », qui retombent régulièrement en chômage, après avoir occupé des
petits boulots, et il y a ceux pour qui le chômage est un accident exceptionnel. Les chômeurs se recrutent
prioritairement parmi les salariés précaires, ceux qui vivent de missions d'intérim ou de contrats à durée
déterminée ou, à défaut, de stages. C'est cette population de quelques millions de personnes, composée surtout
de jeunes, de femmes et d'immigrés, qui constituent le nouveau volant de main-d’œuvre qui permet aux
employeurs d'ajuster à tout moment la production réalisée à la demande effective.
Une nouvelle forme de gestion du travail beaucoup plus souple voit donc ainsi le jour : elle est composée d'une
part, d'un " noyau dur", composée de travailleurs stables, bien intégrés, dont la carrière se déroule sans
problème, et qui ne connaissent pas le chômage, sauf accident exceptionnel -- et, d'autre part, d'un volant de
main-d’œuvre souple, composée d’intérimaires, de personnels sous contrats à durée déterminée, de prestataires
de services, dont l'embauche varie au gré des circonstances et qui sont les victimes désignées du chômage.
Ainsi, en 1998, sur 3 embauches dans des établissements de plus de 10 salariés, 2 se sont faites sous CDD.
II -- Les causes du chômage :
Comment explique-t-on aujourd'hui la montée du chômage depuis 1964 ? Les économistes avancent deux types
de réponses. Les unes s'inscrivent dans le cadre d'un système d'explication globale de la réalité économique. Il
s'agit de ce que nous pourrions appeler les analyses théoriques. Les autres ne sont pas liées, au moins en
apparence, à une vision d'ensemble de l'économie, mais elles font appel à des explications ponctuelles. Nous les
appellerons explications pragmatiques.
A -- Les analyses théoriques.
Elles correspondent, pour l'essentiel, aux trois grands courants économiques contemporains : le courant libéral, le
courant keynésien, le courant marxiste.
1 -- L'analyse libérale du chômage.
On sait que dans le domaine économique, l'école libérale se caractérise par la place centrale qu'elle accorde au
fonctionnement du marché et de la concurrence. Le marché concurrentiel donne toujours naissance, selon les
libéraux, à la meilleure efficacité économique qui puisse se concevoir. Par conséquent, si des perturbations se
produisent, elles ne peuvent avoir que deux origines : ou bien elle résulte de phénomènes sur lesquels l'homme
n'a pas de prise -- cataclysme naturel, etc...., ou bien elles proviennent d'interventions diverses qui empêchent le
« bon fonctionnement » du marché. Le chômage, notamment, est explicable ainsi : les syndicats, avec la
connivence de l'état, ont imposé un niveau de salaire excessif. De ce fait, la rentabilité de certains travaux est
devenue négative, puisque le coût du travail dépasse l'apport productif du travail. Les entreprises procèdent alors
à des licenciements car la main-d’œuvre est devenue trop coûteuse. Si l'on avait laissé jouer librement le marché,
les prétentions salariales des chômeurs auraient baissé, rendant leur embauche rentable. Ainsi le chômage
sanctionne les exigences excessives des travailleurs.
Cette thèse libérale et renforcée par un argument complémentaire. L'augmentation des allocations de chômage,
d'une part, l'élévation des revenus familiaux, d'autre part, pourrait rendre moins pénible le fait d'être en chômage.