- Les plus faibles sont les plus exposés aux problèmes sociaux, comme le chômage, la
pauvreté ou le coût élevé de l’accès aux techniques médicales de pointe. Le
développement économique ne profite pas forcément automatiquement à tous. Or c’est de
l’intérêt de l’Etat de ne laisser personne sur le bord de la route et de permettre à chacun
de réaliser son potentiel (en termes de croissance potentielle, de recettes fiscales, de
développement et d’innovation). L’Etat Providence et la protection sociale sont donc
des exigences économiques et sociales.
- La cohésion sociale et le sentiment d’appartenance à une nation passe obligatoirement
par une certaine solidarité entre ses membres. L’Etat Providence joue un rôle de
redistribution des richesses de tout premier ordre. Lorsque le lien social entre les individus
commence à se distendre, à cause de trop fortes inégalités ou de risques trop importants
assumés seuls par une partie de la population, les sentiments se radicalisent et la
démocratie est alors en danger. L’Etat Providence est donc aussi une exigence
démocratique et sociétale, qui crée du lien et de la solidarité entre les individus.
2) Les risques sociaux nouveaux et la crise financière, économique et sociale
actuelle font en outre naître un fort besoin de « filets de sécurité » dans la
société.
- Les risques sociaux évoluent avec le temps : les progrès de la médecine et son accès plus
large ont diminué les risques sanitaires, cependant que les évolutions démographiques,
économiques et sociales entraînaient l’apparition de risques nouveaux : l’exclusion
et le déclassement, l’isolement de certains parents seuls, les problèmes du vieillissement
de la population et de la dépendance avec l’allongement de l’espérance de vie et des
maladies comme la maladie d’Alzheimer qui se banalisent. Tous ces risques sociaux
nouveaux nécessitent une intervention publique afin de mutualiser les risques et de
mettre en place des structures de prise en charge et de financement efficaces.
- Même si l’on exclut en France une relance par la demande, car les risques d’effet
d’éviction font craindre un gaspillage de ressources publiques qui ne permettrait pas de
sortir de la crise, la conjoncture appelle cependant des réponses fortes sur le plan social,
comme le montrent la radicalisation des mouvements sociaux et l’augmentation de la
violence des conflits depuis quelques semaines. Tous les voyants économiques sont au
rouge : le Gouvernement français prévoit une croissance négative de -1,5 à -2,5%
(hypothèse basse qui n’est « plus à exclure », selon Christine Lagarde, ministre française
de l’Economie, depuis la semaine dernière) en 2009, espérant un retournement de
conjoncture avant la fin de l’année, mais ce sont là des chiffres très optimistes et l’impact
sur la croissance devrait être bien plus grave. Cela aura des conséquences sur les
comptes sociaux, par le biais d’une forte hausse du chômage, son augmentation
entraînant une baisse des charges sociales et patronales payées. Le taux de chômage est
remonté à 8,8% en mars, augmentant de 16% en un an, ce qui est comparable à
l’augmentation en Italie (+19%) ou au Royaume-Uni (+30%), et encore moins grave que
ce qui est constaté aux Etats-Unis (+85%) ou en Espagne (+107% en un an !). Dans ce
contexte, où le nombre de chômeurs explose (près de 250 000 demandeurs
d’emplois supplémentaires en France depuis le début de l’année), il est nécessaire
que soient mis en place un certain nombre de « filets de sécurité » relevant de l’Etat
Providence (indemnisation du chômage, formations à la charge de l’Etat, meilleure
indemnisation du chômage partiel), pour éviter une progression inquiétante du
phénomène d’exclusion et pour éviter un déclassement des personnes restant au
chômage pendant une trop longue période, notre économie ne semblant pas prête à
recréer des emplois et personne ne pouvant dire quand la reprise interviendra.