La notion d'Etat Providence Dès la fin du 19ème, un nouvel Etat se profile. L’Etat-Providence, appelé aussi Welfare State, succède à un Etat longtemps considéré comme gendarme. Face aux avancements économiques, politiques ou encore sociaux, l’Etat-Providence semble perdre de sa grandeur, de son efficacité. Le voilà incapable de relever les défis qui lui sont imposés. I Le choix d'un concept Expression qui désigne l’extension de l’intervention de l’État dans le domaine économique et social. Celui-ci est responsable de la croissance économique qu’il doit réguler et du bien être social qu’il doit assurer. Selon Robert Musgrave, l’État providence remplit 3 fonctions : 1. une fonction d’allocation des ressources (avec la politique structurelle et la prise en compte des externalités) 2. une fonction de redistribution des revenus (prélèvements et ré affectations) 3. une fonction de stabilisation de la conjoncture (croissance équilibrée et lutte contre l’inflation et le chômage par la politique conjoncturelle). Quatre type de politiques permettent de mettre en exergue les fonctions de l'Etat-Providence: des interventions publiques garantissant et protégeant les droits sociaux + des interventions publiques influençant le niveau de revenu + des interventions dans le but d’améliorer les conditions sociales et matérielles de l’environnement + des interventions publiques pour améliorer directement les compétences des individus. On oppose souvent la notion d’État providence à celle d’État gendarme, terme qui désigne un État qui n’assure que la sécurité (police, armée, justice), le fonctionnement des administrations et la prise en charge des infrastructures non rentables (les routes par exemple ou les ponts, etc.). Cette conception reste cependant très théorique, l’État étant intervenu fréquemment et de plus en plus dans l’activité économique et sociale et ce même dans les pays les plus libéraux (Grande Bretagne, Etats-Unis). Ainsi, l'État providence est une conception politique de l'État dans laquelle celui-ci prend en charge les conséquences «humaines» des déficiences des marchés. Elle se traduit directement par un ensemble d'institutions (Sécurité sociale, caisses de retraite, assurance chômage...) chargées d'assurer la protection sociale. L'Etat Providence c'est le Welfare State et la terminologie anglaise exprime cette idée selon laquelle il importe de s’occuper du bien-être social des citoyens, et non plus seulement de la police, de battre monnaie, de gérer ses relations internationales ou de faire la guerre. II Les origines de l'Etat-Providence A ses premiers souffles, l’Etat-Providence est une notion qui pèche par son aspect négatif. Il exprime en effet l’idée que dans une société atomisée où les corps intermédiaire tels que la famille ou les corps professionnels, ne sont pas à même de remplir un rôle de solidarité, l’Etat est nécessairement appelé à intervenir. Emergence de l'idée d'Etat Providence Les conséquences de la Première Guerre mondiale contraignent l'État à prendre en charge l'aide aux victimes de la guerre (mutilés, veuves et orphelins). Mais c'est surtout la crise de 1929 qui bouleverse le paysage social par son ampleur (des millions de chômeurs), sa durée (il faudra des années pour que l'économie mondiale retrouve son niveau d'activité d'avant la récession), ses suites (dont la moindre n'est pas l'avènement du nazisme en Allemagne, accélérant la marche vers la guerre). La décennie qui précède le second conflit mondial est le moment d'une prise de conscience dans tous les milieux dirigeants de l'Europe occidentale et de l'Amérique. L'économie mondiale a failli être victime d'une implosion; il est donc indispensable de donner de nouvelles bases à son fonctionnement. Il ne s'agit plus seulement de protéger les plus pauvres contre les risques sociaux les plus graves. Il est nécessaire d'accorder à toutes les catégories de la population la possibilité de consommer, y compris pendant les périodes de difficultés économiques, grâce à un système de transferts sociaux (allocations chômage, allocations maladie, allocations familiales, etc.). Cette prise de conscience collective est à l'origine de l'État providence. Mise en place de l'Etat Providence: 2 faits majeurs 1. Le Social Security Act de 1935 Il concerne les États-Unis. Le 15 août 1935, au cours de ce que l'on a appelé les «deuxièmes cent jours» du New Deal (le deuxième et le plus important des trains de réformes de Roosevelt), est adopté le Social Security Act. Il s'agit de la mise en place d'un système national d'assurance vieillesse (pour les plus de 65 ans) accompagné d'une assurance chômage, organisée librement par chaque État, sous le contrôle et, si nécessaire, avec l'aide financière du pouvoir fédéral. Dans le pays qui passait pour la forteresse du capitalisme libéral, le social est intégré à l'économique sous le contrôle et l'impulsion de l'État. 2. Le rapport Beveridge de 1942 Le second fait est celui de la publication, en Angleterre, pendant la guerre, du rapport Beveridge. Lord William Beveridge fut chargé, en 1941, par le gouvernement de Winston Churchill, de rédiger un rapport sur l'organisation d'un système de sécurité sociale. Publié en 1942, son travail (Social Insurance and Allied Service) servit de base à la mise en place de la législation britannique. Il donne un contenu au terme «sécurité sociale» utilisé par la loi américaine de 1935. Les principes de base sont clairs: le système doit être généralisé (accès à l'aide sans discernement), unifié (une seule cotisation suffit pour accéder aux différentes aides), uniforme (les prestations de services sont identiques pour tous), centralisé (le système est géré par un organisme public unique) et global (le système rassemble toutes les formes d'aides et d'assurances). C'est bien d'une conception nouvelle de la croissance économique et de l'organisation sociale qu'il s'agit: les travaux de Beveridge, en donnant naissance à la sécurité sociale, marquent du même coup la genèse de l'État providence. III Les problématiques soulevées par l'Etat Providence Les Etats Providence et le développement économique L’EP ne se focalise pas sur la gestion des plus pauvres et des plus démunis. Il doit étendre son action dans les domaines économiques et sociaux, justifiant son nouveau territoire par les nécessités publiques. La forme nouvelle de l’Etat social est l’Etat-Providence keynésien qui s’efforce tout à la fois de promouvoir la croissance économique, de surmonter les oppositions sociales et d’assurer une fonction d’allocation équitables des richesses. Dans tous les pays connaissant ce système, la concertation est recherchée par l’institutionnalisation d’institutions mixtes Etat / syndicat / patronat. En matière de politique conjoncturelle, malgré une tendance inflationniste qui accompagne la croissance, les politiques se révèlent efficaces. Nous avons à faire à une figure d’un état qui se précise toujours plus ; un état qui protège le droit des citoyens, développant son action pour répondre aux nouveaux besoins sociaux. L’Etat providence est-il capable de répondre aux aspirations les plus contradictoires ? Des Etats Providence en crise Dès 1980, les Welfare States ne parviennent pas à négocier le virage ; le dérapage semble inéluctable. La crise financière ouvre sur un renouveau des doctrines libérales qui ébranlent les fondements des politiques de gestion de la question sociale. De nouvelles formes de précarité forcent les décideurs à parer au plus pressé. Les marges de manœuvre financières des Etats s’amoindrissent alors que l’évolution des structures démographiques aggravent les problèmes. On peut légitiment parler de remise en cause de l'Etat-Providence. La capacité de l’Etat d’assurer la croissance est limitée par l’interconnexion des économies et rejetée par la nouvelle orthodoxie économique. La fonction providentielle de l’Etat est jugée infondée et sources d’effets pervers. L’Etat apparaît à la fois impuissant face à la crise et bouc émissaire de toutes les frustrations qu’elle engendre. C’est dans ce contexte que se pose aujourd’hui concrètement la question de la construction de l’Europe sociale et plus précisément la question de la convergence des systèmes européens d’Etatsprovidence.