
                                                        Du sacré au profane 
 
                                                        Fabienne Bergmann 
 
 
La séparation entre sacré et profane n'est pas toujours aisée ni d'ailleurs obligée. 
L'hébreu en donne une illustration intéressante. Certains le déploreront peut-être, 
d'autres y verront au contraire un signe de continuité et de déférence aux références 
originelles, le fait est que sa renaissance entraina aussi une laïcisation de termes qui à 
l'origine se rapportait exclusivement au monde du sacré.  
 
Il en est ainsi de termes spécifiques liés au culte. A commencer par le mot hébreu 
définissant celui-ci, הדובע (avoda)  au Temple de Jérusalem, הדובע qu'on ne doit rendre 
qu'à l'Unique Maitre du monde, comme il se doit et pas autrement, pour ne pas tomber 
dans la הרז הדובע (avoda zara, l'idolâtrie). Aujourd'hui on va au travail, on y fait ce 
qu'on doit y faire, de même qu'on accomplit les tâches ménagères, le travail 
musculaire ou tout ce qui demande un effort et qui est exigé des élèves, des adultes ou 
des bambins au jardin d'enfants, toute œuvre d'art ou recherche universitaire, et même 
le parti travailliste, tout cela est avoda. Tout cela est honorable, tant qu'il ne s'agit pas 
de duperie ou de bluff, ce qu'on désigne dans le langage parlé par םייניעב הדובע (avoda 
baeynayim). 
 
Les mots   ןכשמ (michkan) ou לכיה (heikhal) qui désignaient le Temple figurent 
aujourd'hui dans les noms de l'opéra, תויונמאה ןכשמ (michkan haoumanouyot), la 
grande salle de concert à Tel Aviv תוברתה לכיה (heikhal hatrbout) ou le stade de sport, 
טרופסה לכיה (heikhal ha-sport), ces sites étant des hauts-lieux − pour ne pas dire des 
temples − de l'art, de la culture ou du sport.  
 
תסנכ (knésset) a toujours évoqué une assemblée : Sanhédrin  הלודגה תסנכ (knésset 
haguedola), le peuple juif appelé parfois לארשי תסנכ (knésset Israel) ou le lieu de 
prière d'une congrégation, la synagogue תסנכה תיב (beit haknésset). Le parlement 
israélien – la Knésset – siège d'ailleurs au שמכ תסנכה ן  (michkan ha-knésset). 
 . 
 
Le mot ןהכ (cohen, prêtre) a donné le verbe ןהכל (lecahen) qui désigne l'action de 
remplir une fonction publique, religieuse ou honorifique. La personne en charge, 
remplit un mandat, la הנוהכ (keouna).  
 
ןברוק (korban, sacrifice) est devenu un mot fréquent, les victimes de viol  רוקסנוא ןב  
(korban oness), d'accidents de la route םיכרד תונואת תונברוק (korbanot teounot 
drakhim) ou de sévices תוללעתה ןברוק (korban hitalelout) faisant hélas légion. 
 
Le לבוי (yovel, Jubilée) n'est plus seulement le jour solennel marquant la cinquantième 
année après sept années sabbatiques, mais désigne toute commémoration d'institution, 
ville ou œuvre parvenue à un chiffre rond supérieur à quarante. Le pluriel תולבוי 
(yovlot) désigne dans le langage parlé une longue période, "un temps fou", une 
éternité. Un tel rencontrant un vieil ami peut s'exclamer : ךתוא וניאר אל תולבוי (yovlot lo 
raïnou otha).