Les ressemblances physiques: avez-vous des airs de famille?
Isabelle Pauzé
Elle est grande comme un pétale de fleur, flottant doucement dans sa bulle, au creux du
ventre de sa maman et déjà, en rêve, ses parents lui dessinent des cheveux blonds et
de longs doigts pour jouer du piano comme sa grand-mère. Il vient tout juste de faire
une entrée vigoureuse dans le monde qu’on cherche, dans son visage minuscule, des
ressemblances avec son arbre généalogique au grand complet!
De tout temps, les ressemblances physiques chez les membres d’une famille ont exercé
une fascination certaine. L’esprit de clan, encore plus fort quand l’ADN parle de lui-
même, cimente d’une façon mystérieuse les liens de la tribu. Mais d’où vient au juste ce
besoin de trouver chez le nouveau-né, puis chez l’enfant qui grandit, des similitudes
héréditaires avec les parents, les frères et sœurs et la famille élargie? Petite odyssée au
cœur de la génétique humaine, qui ne relève surtout pas du hasard…
Petite leçon d’hérédité
Lors de sa conception, votre trésor a hérité de 23 paires de chromosomes, léguées en
parts égales par ses deux parents. Ce «cadeau biologique» a servi de base pour
construire son bagage génétique, qui est absolument unique dans toute l’humanité.
L’être humain est constitué d'environ 100 000 gènes et, mis à part les jumeaux
identiques, dont l'identité génétique est semblable, aucun individu n'est tout à fait pareil
à un autre. Et c’est toujours le père qui détermine le sexe de l’enfant à naître. Les gènes
sont porteurs d’une influence particulière: ils assurent la transmission de caractères
physiques particuliers, de traits psychologiques ou de maladies quelconques. C’est ce
qu’on appelle l’hérédité.
Cependant, tous les gènes ne s'expriment pas de façon égale. Certains caractères, dits
dominants, sont prioritaires par rapport à d'autres, dits récessifs. Si deux caractères
opposés se trouvent en concurrence dans l'organisme, l'un des deux éclipse totalement
l'autre et son effet sur l'organisme est le seul qui soit apparent.
Par exemple, pour qu'un enfant naisse avec des cheveux roux, qui est un caractère
dominant, il suffit qu'un seul des deux gènes parentaux détermine cette particularité. Par
ailleurs, pour qu’un tout-petit ait des yeux bleus, qui est un caractère récessif, il faut que
ses deux parents portent le gène des yeux bleus. La taille, les longs cils, les grandes
oreilles et les taches de rousseur sont autant de caractères dominants. Par contre, les
yeux bridés, les cheveux clairs, et la myopie, pour ne citer qu'eux, sont des caractères
récessifs.
Copie conforme recherchée
Très tôt après la naissance d’un enfant, les parents (et souvent aussi la famille élargie)
sentent le besoin d’accumuler les signes de reconnaissance pour se conforter dans
leurs certitudes. Pour se persuader que ce petit oiseau qui gazouille dans leurs bras est
vraiment le leur. Alors, ils dépoussièrent les albums de leurs propres photos de bébés
pour comparer la forme du visage et les traits du nouveau-né. En fait, on ne veut pas le
dire trop fort, mais on voudrait bien que cet ange, qu’on a attendu si longtemps, ait son
patronyme affiché dans le front
«Je me souviens quand Élodie est née, raconte Maude. En l’allaitant les premières fois,
à l’hôpital, je me surprenais à scruter la forme de ses oreilles, ses lèvres, ses pieds. Je
voulais absolument lui trouver quelque chose de moi, quelque chose de son père. Mais,
en même temps, je me trouvais un peu ridicule. Comment trouver dans cet être humain
miniature les traits qu’elle aurait en grandissant? J’ai vite arrêté. Élodie était la plus belle
petite fille du monde, c’était tout ce qui comptait», s’exclame la jeune maman.
Selon la criminologue et psychothérapeute Anne-Marie Fournier, c’est le besoin du
prolongement qui est à la base de cette nécessité qu’éprouvent les parents de se
reconnaître dans leur progéniture: «En soi, il y a quelque chose de très narcissique, de
très égoïste, dans le fait de vouloir un enfant. C’est donc avec cette idée de se perpétuer
à travers un petit être humain que les parents veulent à tout prix trouver quelque chose
d’eux-mêmes chez leurs tout-petits.»
Y a un p’tit peu d’nous autres, là-dedans !
Quand on cherche à retrouver la fossette caractéristique du menton de papa chez Loïc,
ou le petit nez retroussé de maman, dans le visage de Catherine, c’est souvent aussi
pour se rassurer sur le fait qu’on a immortalisé de façon concrète le fruit de l’amour des
parents. «J’étais ravie que Xavier ait nos yeux bleus et nos cheveux foncés, explique
Lucie. C’était comme une fon pour moi de montrer au monde entier que ce bébé était
vraiment le nôtre, un beau mélange de son père et de moi.»
Ces similitudes si touchantes se manifestent par ailleurs de bien des façons. La couleur
des yeux et des cheveux, bien sûr, mais aussi les tics, les intonations de la voix et la
façon de rire sont autant de signes qui permettent de reconnaître souvent aisément les
membres d’un clan. De plus, outre le patrimoine génétique hérité de papa et de maman,
l’environnement familial joue un rôle prépondérant dans la formation de la personnalité
de l’enfant. Le petit, en grandissant, par une volonté de mimétisme toute naturelle,
calque souvent ses gestes et ses expressions sur ceux de ses parents, accentuant du
même coup les phénomènes de ressemblances.
«C’est en souhaitant être aimé et accepté comme membre à part entière de la famille
que le petit voudra ressembler à ceux qui lui ont donné la vie, explique Anne-Marie
Fournier. Nécessairement, avec le temps, l’enfant va acquérir certaines habitudes, voire
certains traits de caractère légués par ses parents. C’est plus tard que sa propre
personnalité prendra le dessus sur la reproduction pure et simple de certaines attitudes
parentales.»
C’est plus tard aussi que l’héritier voudra se dissocier de cette famille à laquelle il sait
appartenir, mais dont il souhaite également s’affranchir. Alors, même s’il conserve les
boucles de son père ou les traits fins que lui a légués sa mère, il n'en sera pas moins
fortement différent, parce que modelé par l’ensemble des influences extérieures et par
ses propres choix de vie. Se démarquer de maman et de papa, arrivés à l’adolescence,
pour montrer qu’on est bien plus que le fils ou la fille de quelqu’un, voilà à quel défi vos
descendants sont aussi confrontés.
Et quand la génétique joue des tours…
Maxime tient de son grand-père paternel pour sa myopie précoce et son talent en
mathématiques? Oui, il arrive aussi que le jeu des ressemblances saute des
générations. C’est alors directement des ancêtres que le petit descend et dont le
souvenir est régulièrement évoqué.
Il arrive aussi, par un curieux tour de passe-passe de la génétique, que votre fillette ne
tienne physiquement de traits de ni l’un ni l’autre de ses parents (ni même du facteur!).
Elle arborera alors une crinière brune, vous qui êtes blonde depuis toujours, et de
grands yeux aussi noirs que les vôtres sont bleus. Mais, quand elle éclate de rire, les
pommettes saillantes, pas de doute, c’est avec la même fraîcheur que vous.
Morale de l’histoire: oui, il est adorable de chercher des ressemblances entre les
membres d’une famille, oui, le jeu des similitudes peut être fort rassurant et même
instructif, mais il ne faut pas oublier, lorsque vous observez votre enfant, que vous avez
fabriqué une petite perle tout à fait unique et que vous êtes, pour lui ou pour elle, le
maillon indispensable dans la chaîne de l’hérédité.
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