«Je me souviens quand Élodie est née, raconte Maude. En l’allaitant les premières fois,
à l’hôpital, je me surprenais à scruter la forme de ses oreilles, ses lèvres, ses pieds. Je
voulais absolument lui trouver quelque chose de moi, quelque chose de son père. Mais,
en même temps, je me trouvais un peu ridicule. Comment trouver dans cet être humain
miniature les traits qu’elle aurait en grandissant? J’ai vite arrêté. Élodie était la plus belle
petite fille du monde, c’était tout ce qui comptait», s’exclame la jeune maman.
Selon la criminologue et psychothérapeute Anne-Marie Fournier, c’est le besoin du
prolongement qui est à la base de cette nécessité qu’éprouvent les parents de se
reconnaître dans leur progéniture: «En soi, il y a quelque chose de très narcissique, de
très égoïste, dans le fait de vouloir un enfant. C’est donc avec cette idée de se perpétuer
à travers un petit être humain que les parents veulent à tout prix trouver quelque chose
d’eux-mêmes chez leurs tout-petits.»
Y a un p’tit peu d’nous autres, là-dedans !
Quand on cherche à retrouver la fossette caractéristique du menton de papa chez Loïc,
ou le petit nez retroussé de maman, dans le visage de Catherine, c’est souvent aussi
pour se rassurer sur le fait qu’on a immortalisé de façon concrète le fruit de l’amour des
parents. «J’étais ravie que Xavier ait nos yeux bleus et nos cheveux foncés, explique
Lucie. C’était comme une façon pour moi de montrer au monde entier que ce bébé était
vraiment le nôtre, un beau mélange de son père et de moi.»
Ces similitudes si touchantes se manifestent par ailleurs de bien des façons. La couleur
des yeux et des cheveux, bien sûr, mais aussi les tics, les intonations de la voix et la
façon de rire sont autant de signes qui permettent de reconnaître souvent aisément les
membres d’un clan. De plus, outre le patrimoine génétique hérité de papa et de maman,
l’environnement familial joue un rôle prépondérant dans la formation de la personnalité
de l’enfant. Le petit, en grandissant, par une volonté de mimétisme toute naturelle,
calque souvent ses gestes et ses expressions sur ceux de ses parents, accentuant du
même coup les phénomènes de ressemblances.
«C’est en souhaitant être aimé et accepté comme membre à part entière de la famille
que le petit voudra ressembler à ceux qui lui ont donné la vie, explique Anne-Marie
Fournier. Nécessairement, avec le temps, l’enfant va acquérir certaines habitudes, voire
certains traits de caractère légués par ses parents. C’est plus tard que sa propre
personnalité prendra le dessus sur la reproduction pure et simple de certaines attitudes
parentales.»
C’est plus tard aussi que l’héritier voudra se dissocier de cette famille à laquelle il sait
appartenir, mais dont il souhaite également s’affranchir. Alors, même s’il conserve les
boucles de son père ou les traits fins que lui a légués sa mère, il n'en sera pas moins
fortement différent, parce que modelé par l’ensemble des influences extérieures et par
ses propres choix de vie. Se démarquer de maman et de papa, arrivés à l’adolescence,
pour montrer qu’on est bien plus que le fils ou la fille de quelqu’un, voilà à quel défi vos
descendants sont aussi confrontés.
Et quand la génétique joue des tours…
Maxime tient de son grand-père paternel pour sa myopie précoce et son talent en
mathématiques? Oui, il arrive aussi que le jeu des ressemblances saute des
générations. C’est alors directement des ancêtres que le petit descend et dont le
souvenir est régulièrement évoqué.