l’émancipation de la raison et la domination qu’exerce l’homme sur la nature.
On pourrait parler d’une conception de la culture contre la nature (Moscovici).
La découverte au XVIè siècle d’une autre humanité, à la fois proche de la nature
et de l’animalité, fascinante et repoussante, n’a pas ébranlé les convictions de
l’homme blanc : il suffisait de pouvoir classer l’autre pour retrouver la paix. On
le rejeta dans le passé, aux origines. Il devint sauvage, primitif et esclave avant
de devenir indigène, colonisé puis sous-développé. Alors on songea à l’assimiler
par l’éducation et l’évangélisation. Mais souvent la figure du bon sauvage
nourrissait aussi les rêves et inspirait les poètes et philosophes. Ce n’est que
récemment, au XXe siècle, qu’avec des recherches de terrain et l’ébranlement
des certitudes scientifiques dans le domaine même de la science, que le
relativisme culturel a pu être envisagé et les cultures comparées. Le bon et le
mauvais sauvage sont des constructions de notre esprit, de même que le paysan
abruti et le paysan modèle…
4.- Le rôle de l’imaginaire : à la recherche du bon sauvage (film)
L’histoire de la rencontre des cultures montre bien qu’au-delà des enjeux
économiques et politiques ce sont des imaginaires, des représentations qui
s’entrechoquent. L’écologie pourrait être tentée
d’opposer à la rapacité de l’occident, dévastateur des forêts et pollueur de
l’atmosphère, le modèle du bon sauvage, respectueux de l’environnement. C’est
ce que Montaigne a fait, au XVIè siècle pour critiquer la société française et son
hypocrisie : il a évoqué les mœurs primitives et naturellement bonnes des
sauvages pour les donner en modèle. La société parfaite existe, mais ailleurs ou
dans le passé ou dans le futur. Ainsi fonctionne l’imaginaire.
Au nom de la raison ou de la coutume, une société peut très bien causer des
ravages considérables à la nature (environnement physique). J’en veux pour
preuve par exemple l’exploitation des forêts en Europe centrale-orientale au
XVIIIè s. Les exploitants reprochaient aux indigènes leur gaspillage, sans mettre
en cause leurs coupes claires.
On ne peut opposer une « civilisation » à des « populations sauvages ». Il faut
bien admettre une multiplicité de sociétés qui, selon leur conception du monde
et de la nature –et bien entendu leur technologie et la composition physique de
leurs terres, sans oublier leur pouvoir- disposent de leur environnement comme
leur mythe le leur dicte (Sahlins, 1980).
C’est en tout cas la leçon intéressante du film visionné : l’indien, pas plus que le
paysan, n’est économe « par nature », ni pauvre, ni besogneux. Au contraire
l’ethnologie est pleine d’exemples où le « bon » sauvage pratique le gaspillage,
l’économie d’abondance et la démonstration de richesse. Mais finalement, il est
vrai que la nature non plus n’est pas économe !