Mécanismes d’action des Médicaments Immunosuppresseurs I- Introduction Traitement de l’insuffisance rénale terminale (environ 70 000 patients) : Transplantation rénale Dialyse péritonéale Hémodialyse Le même traitement immunosuppresseur est utilisé pour les autres transplantations (cardiaques, hépatiques…). 2 types de transplantations d’organes : o Celles réalisées à partir de donneur vivant (10% de l’activité de transplantation pour le rein) o Celles réalisées à partir de donneur décédé ou en état de mort encéphalique (90%) Epidémiologie de l’IRC en France Prévalence Incidence Hémodialyse 36500 8500 Dialyse péritonéale 3500 600 Transplantation 33000 2950 IRC eDFG< 60ml/min > 1 000 000 ? ?? En France environ 33 000 personnes vivent aujourd’hui avec un greffon rénal fonctionnel. Environ 3000 transplantations par an. Le greffon rénal est implanté en fosse iliaque droite ou gauche. On laisse en place les reins propres du patient (pas de nephrectomie), on implante le greffon sur les vaisseaux iliaques et on implante l’uretère directement sur la vessie. Transplantation Allogénique (entre 2 individus différents) : En dehors de la transplantation syngéniques (entre jumeaux génétiquement identique), la transplantation d’organe est toujours suivie d’un rejet d’allogreffe en l’absence de traitement immunosuppresseur. Tolérance en transplantation d’organe : Définition : Ensemble des mécanismes actifs qui permettent d’inhiber spécifiquement et de façon prolongée une réponse immune agressive et le rejet de l’organe greffé. (Donc tous les mécanismes qui vont faire que l’organe greffé n’est pas rejeté en l’absence de traitements immunosuppresseurs. Avec un ttt immunosuppresseur on va bloquer les réponses immunes agressives qui tendent à détruire et rejeter l’organe.) Intérêt en transplantation : Survie indéfinie du greffon en l’absence de traitement immunosuppresseur prolongé. Absence de lésions de rejet chronique. II- Mécanismes du rejet d’allogreffe: 4 étapes et 4 signaux Rejet de greffe, 4 étapes : 1. Reconnaissance des allo-antigènes (de l’organe greffé) par le Récepteur T (des LT du receveur) 2. Activation et prolifération des lymphocytes T allo-réactifs 3. Migration et infiltration du greffon par les effecteurs (cellules qui vont combattre l’étranger) 4. Lésions de l’organe et perte de fonction. 1 A- Les Cellules présentatrices d’Antigène (APC) L’allo-antigène est reconnu et présenté au LT (du receveur du greffon) par une CPA. Cette présentation se fait grâce au système HLA, mais aussi avec la coopération d’autres molécules, notamment la coopération B7 – CD28 (molécules de co-stimulation). De nombreux médicaments peuvent bloquer cette reconnaissance. Une fois le Lymphocyte T sensibilisé, il va s’activer grâce aux 4 signaux. Cette activation entraine la production d’IL-2 qui va permettre l’expansion clonale du Ly T activé. Le Ly T coopère avec d’autres cellules : Recrutement de macrophages qui vont infiltrer l’organe. Lymphocytes B produisant des anticorps Lymphocytes T effecteurs impliqués dans la cytotoxicité envers l’organe étranger Lymphocytes T Helper gardant en mémoire la reconnaissance allogénique 2 types de CPA : Cellules dendritiques présentes dans le greffon apporté. Lymphocytes T naïfs (n’ont pas été en contact avec un alloantigène) présents dans les organes lymphoïdes secondaires. 2 types de présentations : Les Ly T du receveur reconnaissent les Ag présentés par la CPA du greffon dans l’organe Les cellules dendritiques du donneur migrent vers les organes lymphoïdes secondaires et déclenchent la réponse immune Les 2 présentations entrainent l’activation du Ly T qui va déclencher la réponse immune du rejet. B- Les 4 signaux L’activation et la prolifération des LT nécessitent 4 différents signaux pour induire le rejet cellulaire : 1. Le signal 1 : Reconnaissance de l’allo-antigène par le Récepteur T 2. Le signal 2 ou co-stimulation (avec CD28) : nécessaire à la synthèse de cytokines (dont l’IL-2) 3. Le signal 3 : Interaction de l’IL-2 avec son récepteur pour induire la progression du cycle cellulaire (prolifération Ly T) 4. Le signal 4 : synthèse nucléotidique pour induire l’expansion clonale des Ly T On parle ici du rejet cellulaire. (Il existe 2 types de rejets Rejet cellulaire : avec en jeu l’activation du Lymphocyte T Rejet humorale : conduit à la production d’Ac dirigés contre le système HLA du donneur et aboutissant à la destruction de l’organe (Lymphocyte B)) 2 La reconnaissance de l’Ag présenté par la CPA sur le lymphocyte T faisant intervenir le récepteur T avec le système HLA, le signal de co-stimulation CD28 etc permet d’activer la Calcineurin entrainant le passage d’un facteur de transmission NFAT dans le noyau et l’activation de gènes codant pour les cytokines et en particulier pour l'IL-2. L’IL-2 va se fixer sur son récepteur CD25 et permettre l’activation du cycle cellulaire et la prolifération de la cellule grâce à la synthèse de nucléotides. On va essayer avec différents médicaments d'agir à différents niveaux pour bloquer la réponse immunitaire et l'apparition du rejet d'allogreffe. Ces mécanismes sont ubiquitaires, impliqués non pas uniquement dans le rejet d’un organe étranger mais également dans la reconnaissance d'Ag étrangers venant d’agents infectieux. Complications : Si on bloque tous ces mécanismes, on empêche le SI de réagir correctement à une agression infectieuse. Ces médicaments favorisent donc tous types d’infections. En permanence le SI détruit les cellules dont les mutations sur l’ADN ne sont pas réparées. En bloquant le SI, on multiplie par 2,5 le risque de développer un cancer. (x200 pour le cancer de la peau). 1. Présentation de l’Ag et co-stimulation = signaux 1 et 2 La calcineurine : un des effecteurs majeurs de la production d’IL-2 (cytokine centrale dans l’activation immunitaire du rejet). L’allo Antigène est présenté à la cellule avec le Système HLA grâce au récepteur T. Cette présentation va activer le récepteur T Ce qui active le Phospholipase C (PLC) permettant la synthèse d’Inositol-triphosphate (IP3) Elle agit sur le réticulum endoplasmique libérant ainsi le calcium dans la cellule L’entrée du calcium active une phosphatase : la calcineurine. C’est une enzyme qui retire un phosphate de son substrat, et un de ses substrats est NFTA-1 (Nuclear Factor of Activated T CELL) NFAT- 1 ainsi déphosphorylé va pouvoir rentrer dans le noyau et se fixer sur des séquences régulatrices (avec d’autres facteurs de transcriptions) et permettre la transcription de gènes codant la synthèse de cytokines (notamment l’IL-2) 3 D’un autre coté, d’autres voies vont agir sur la Re-phosphorylation de NFAT-1 donc de son extrusion du noyau. La kinase GSK-3 rephosphoryle NFAT qui ressort et arrête la production d’interleukines Le Lithium bloque GSK-3 et donc stimule la production d’IL-2. Aujourd’hui on ne connait que 2 inhibiteurs de la calcineurine qui sont des médicaments majeurs en transplantation : la cyclosporine A le Tacrolimus Avant la cyclosporine, la survie des greffons était de 30% des greffons. Avec l’apparition de la cyclosporine on est passé à plus de 70% de survie (dans les années 80). 2. Le signal 3 : signal de progression du cycle cellulaire Rôle de l’IL-2: Le signal 3 est lié à la fixation paracrine ou autocrine de l’IL-2 sur le récepteur CD25 de haute affinité formé de 3 chaînes α, β et γ. Ce signal fait intervenir un complexe appelé mTOR (mamalian Target Of Rapamycine) qui permet la synthèse de protéines de progression du cycle cellulaire, le passage de G1 à la phase de synthèse d’ADN. Rôle de l’IL-15 : Des cytokines autres que l’IL-2 peuvent induire le troisième signal de progression du cycle cellulaire, en particulier l’IL-15. En conséquence la réaction de rejet cellulaire peut survenir en l’absence de biosynthèse d’IL-2 (Le système immunitaire étant redondant, plusieurs voies permettent le même résultat. Aujourd’hui on a des médicaments qui ciblent l’IL-2, mTOR et d’autres en développement ciblant l’IL-15.) 3. - Le signal 4 : signal de mitose et de prolifération clonale Tous les Ly T produits sont programmés pour reconnaitre le même allo-Ag. Nécessite la synthèse d’acides nucléiques à partir de bases puriques ou pyrimidiques (certains médicaments peuvent la bloquer). 4 4. III- Résumé Niveaux d’action des immunosuppresseurs 5 IV- Choix du traitement immunosuppresseurs A- Le traitement d’induction (98% patients) Prévention du rejet « suraigu » dans les premiers jours post Tx : Induction Anti R-IL2 (Simulect = basiliximab) + Solumédrol Induction par Thymoglobulines + Solumédrol Pour éviter le rejet « suraigu » dans les premiers jours post Tx on utilise un traitement d’induction, comprenant une corticothérapie à forte dose (500mg Solumédrol quelques heures avant la greffe) associée à : - un anticorps monoclonal Anti R-IL2 (Basiliximab Simulect) chez les patients à faible risque, utilisé en 2 injections : avant la greffe et 4 jours après, excellente tolérance. Il bloque l’activation du Ly T, mais ne diminue par leur nombre (contrairement aux thymoglobulines) - Pour les patients à risques élevés de rejet, on utilise les Thymoglobulines, perfusion tous les jours pendant 5 jours (anticorps polyclonal déplétant dirigé contre les Ly T et les détruisant), cette déplétion dure plusieurs mois et détruit tous les LT. Il est plus efficace mais a plus d’effets secondaires. On les utilise : chez des patients à risques élevés de rejet (plusieurs greffes) chez des patients ayant développé des Ac anti HLA (transfusions). lors de grossesses. Les femmes qui ont des enfants s’immunisent contre les Ag du conjoint. Donc si les Ag du conjoint sont communs avec ceux du greffon, production d’Ac spécifiques du greffon et risques de rejets plus importants. Mécanismes d’action Pan-déplétants (déplétants T et B) Déplétants T Déplétant B Inhibition migration lymphocytaire Molécules Alemtuzumab (Campath-1H) → pas d’AMM en France pour la transplantation, utilisé dans SEP Thymoglobulines : Ac polyclonaux antilymphocytaire OKT3 (lapin ou cheval) Rituximab (peu utilisé en transplantation) FTY 720 (non commercialisé) Complications du sérum anti lymphocytaire (Thymoglobulines): Réaction anaphylactique Fièvre, frissons Maladie sérique Anémie, leuco-neutropénie, thrombopénie Allergie cutanée Thrombophlébite superficielle 6 B- Inhibiteurs de l’activation lymphocytaire Mécanismes d’action Inhibiteurs de l’activation lymphocytaire Inhibiteurs du signal 1 Anti calcineurine Autre Inhibiteurs du signal 2 = costimulation Inhibiteurs du signal 1 et du signal 2 1. - Molécules Ciclosporine A (utilisés +++) Tacrolimus (utilisés +++) OKT3 et autres anticorps anti CD3 (non utilisés car mal tolérés) Belatacept (AMM mais coût +++ donc peu utilisé) AEB 071 Inhibition de la calcineurine : Anti calcineurine Cyclosporine A : Néoral ® ou Sandimmun Capsules à 10, 25, 50 et 100mg 2 prises / j (à 12 heures d’intervalle, prise précise) Dosage sanguin régulier +++ 100 à 300 ng / 100 ml pour le taux résiduel Intérêt du C2 (doser 2h après la prise) pour évaluer l’AUC (C’est un médicament très dur à solubiliser, initialement c’était une solution très huileuse (Sandimmum) aujourd’hui sous forme de capsules (néoral). Les IS sont des médicaments à marges thérapeutiques très étroites. Il est impératif de réaliser des dosages sanguins pour évaluer les taux plasmatiques efficaces et non toxiques. D’autant plus que les cytochromes de métabolisation du médicament dans le foie sont communs à beaucoup d’autres, donc risques d’interférence.) - Tacrolimus (FK 506) : Prograf ® (plus efficace, plus puissant mais plus d’effets secondaires) Cp à 1 ou 5 mg 2 prises / j Dosage +++ 5 à 15 ng / 100 ml pour le taux résiduel uniquement 2- Inhibiteurs de la calcineurine : Effets secondaires - - - - Nephrotoxicité ++ : Aigue sur le domaine vasculaire (médicaments vasoconstrictieurs, qui laissent entrer moins de sang dans le glomérule d’où une ischémie glomérulaire) et fonctionnelle, réversible Chronique sur le tubule avec une fibrose et atteinte artériolaire, non réversible Neurologiques : Tremblements, convulsions, encéphalopathies Vasculaires : Microangiopathie thrombotique HTA Métaboliques : Hyperlipidémie Diabète (15% des patients qui reçoivent du tacrolimus développent un diabète, donc faire attention aux facteurs de risques avant de le prescrire, prescrire ciclosporine si ATCD) Hyperplasie gingivales (ciclosporine), Hypertrichose (ciclosporine) Alopécie (tacrolimus), Ostéodystrophie osseuse Toxicité hépatique Favorisent les tumeurs → Augmentation du risque de K 3- Ciclosporine interactions médicamenteuses 2 types : Intéractions de type pharmacologique : augmentation ou potentialisation des effets indésirables ou toxiques de l’un ou des 2 produits interagissant Intéractions de type pharmacocinétique : surtout liées à la métabolisation hépatique de la ciclosporine par le cytochrome P450 type 3A Inhibition du cytochrome P450 3A : augmentation de la ciclosporinémie Induction du cytochrome P 450 3A : diminution de la ciclosporinémie 7 C- Inhibiteurs de la prolifération lymphocytaire Inhibiteurs de la prolifération lymphocytaire Inhibiteurs du signal 3 (G1 → S) Inhibiteurs de la synthèse des acides nucléiques Anti-CD25 = simulect = traitement d’induction++ Inhibiteurs de mTOR (Sirolimus et Everolimus) Inhibiteurs de JAK3 (marche mal) Bases puriques Azathioprine Mycophénolate mofétil (MMf) Bases pyrimidiques Leflunomide. FK 77s Brequinar Alkylant Cyclophosphamide (seuls utilisés en S transplantation) e u l s 1- Inhibiteurs de mTOR : beaucoup d’effets secondaires (rapamycin → Sirolimus et Everolimus) Ils sont un peu moins efficaces que les inhibiteurs de la calcineurine pour éviter les rejets. Risques de problèmes de cicatrisation (si on empêche la prolifération, c’est normal que les cellules de la peau se reforment pas assez) d’où des éviscérations si utilisés juste après l’opération Favorise le retard de reprise de la fonction rénal : donc non utilisé pendant la phase aigue Hypertriglycéridémie Hypercholestérolémie Thrombopénie Arthralgies Leucopénie, anémie Pneumopathies interstitielles Céphalées Epistaxis Aphtes, acné, œdèmes Diarrhée Hypofertilité chez l’homme (rare, réversible) Trouble de la cicatrisation Favorise le retard de reprise de fonction rénale Protéinurie, Toxicité podocytaire Augmente la néphrotoxicité de la ciclosporine et du tacrolimus 2- Inhibiteurs de la synthèse des bases puriques Azathioprine (Imurel) : - C’est un des premiers immunosuppresseurs Pas d’effets secondaires cardiovasculaires Non néphrotoxique Inhibe la synthèse des bases puriques (donc favorise les tumeurs) Peu spécifiques car inhibe la synthèse de l’ADN dans la majorité des cellules de l’organisme Facilité d’utilisation mais peu utilisé Existe sous forme orale et intraveineuse Pas de dosage sanguin Posologie : 2-3mg/kg Faible coût Effets secondaires : Hématologiques +++ (leucopénie, thrombopénie, anémie) → Doses dépendants réversibles Diarhées, vomissements Hépatotoxicité : hépatite cholestatique Pancréatites aigues Alopécie Favorise les cancers (spinocellulaires +++) 8 Acide mycophénolique = Mycophenolate mofetil(MMf) - Effet anti-prolifératif lymphocytaire Inhibe aussi la glycosylation des molécules d’adhésion, la synthèse des anticorps, la prolifération des cellules musculaires lisses in vitro. 2 formes disponibles : Cellcept et Myfortic Importance du monitoring avec aire sous la courbe de plus en plus utilisée Dosages sanguins nécessaires (aire sous la courbe) Dans le futur, il est probable qu'on propose une analyse génétique pour adapter le traitement et sa posologie, ce qui évitera de faire des dosages réguliers. Effets secondaires : Surtout digestifs : diarrhées, douleurs abdominales, vomissements Hématologiques : leucopénie, thrombopénie, Anémie Aucun effet cardio-vasculaire ou métabolique Pas de néphrotoxicité Biodisponibilité diminuée par la ciclosporine V- Conclusions A- Exemple de traitement immunosuppresseur On donne au début au patient un traitement d'induction : Solumedrol associé à un anticorps monoclonal = Basiliximab ou polyclonal = thymoglobulines. Pendant les 3 premiers mois, tous les patients vont recevoir un inhibiteur de la calcineurine : Tacrolimus ++ ou ciclosporine (Tacrolimus plus efficace) associé à du Cellcept et de la corticothérapie Après trois mois, soit on continue, soit on remplace un inhibiteur de la calcineurine (néphrotoxique) par un inhibiteur de mTOR. B- Bénéfices du traitement Le bénéfice du traitement : pas ou peu de rejet Risques = complications Les stratégies sont de minimiser le traitement immunosuppresseur. Soit on essaie d'arrêter 1 ou 2 médicaments, soit on réduit les doses ... C- Résultats de la transplantation rénale à Amiens Aujourd’hui à Amiens, après 6 mois on est à 93% de survie du greffon et 97% de survie du patient ; après10 ans on est à 70% de survie du greffon et 83% de survie du patient. Environ 10% de rejet après la première année (rejet ≠ perte du greffon, le rejet peut se traiter). 9