Une loi à l'Assemblée nationale
Les baladeurs en sourdine
À pleine puissance, ces appareils provoquent des lésions auditives irréversibles. Les médecins
n'étaient pas écoutés. Les députés ont voté.
Les baladeurs écoutés à forte puissance rendent sourd. On le répétait depuis plusieurs années. Un
leitmotiv ronronnant qui restait sans conséquence pratique. Et puis, jeudi, sur proposition du professeur
Mattéi (député UDF des Bouches-du-Rhône) et de Jean-Pierre Cave (UDF, Tarn-et-Garonne), les
députés ont adopté un amendement spécifiant que les baladeurs musicaux vendus sur le marché français
ne pourront excéder désormais une puissance maximale en crête de 100 décibels.
L’amendement, qui a reçu, un avis favorable du secrétaire d'Etat à la Santé, Hervé Gaymard,
prévoit aussi qu'ils devront porter une étiquette lisible indiquant qu'«à pleine puissance, l'écoute
prolongée d'un baladeur peut endommager l'oreille de l'utilisateur». La loi devrait être promulguée
courant avril. Et des mesures transitoires sont prévues pour permettre aux fabricants et aux importateurs
de s'y plier sans être pénalisés.
« Une génération de sourds »
<,Nous sommes en train de fabriquer une génération de sourds sans nous en soucier»,
a déclaré Jean-François Mattéi à l'Assemblé nationale pour convaincre ses collègues. Le député des
Bouches-du-Rhône et professeur en pédiatrie s'est longuement penché sur les méfaits du bruit, dans le
rapport qu'il vient de présenter (nos éditions du 23 février 1996) sur la santé et l'environnement chez
l'enfant. II en a conclu, comme d'autres d'ailleurs, que les baladeurs à partir de 100 décibels 50
induisaient des lésions irréversibles de l'oreille interne. Et que si l'on ne prenait pas garde, le
vieillissement de l'oreille interne, avec la baisse de l'acuité auditive, apanage des personnes âgées,
toucherait les adultes de plus en plus tôt.
Le professeur Patrick Buffé, médecin chef du service ORL du Val-de-Grâce à Paris, a mis en
évidence, lors d'une étude menée en 1991 chez des jeunes gens de 11 à 18 ans, une perte auditive nette
chez 25 % des utilisateurs réguliers de baladeurs. En 1984, 40 % des adolescents utilisaient un baladeur
contre 75 % en 1991. Une étude menée sur 140 baladeurs montre que le niveau sonore moyen est de 93
décibels, pouvant monter jusqu'à 110 dans certains cas. Au cours d'une étude effectuée par le CNRS, 20
% des utilisateurs interrogés ont déclaré mettre la puissance maximale de leur appareil. Celui-ci est
d'ailleurs utilisé tous les jours, avec une moyenne d'écoute de 7 heures par semaine.
«La conséquence de l'écoute assidue de ces appareils n'est pas, comme on le dit de façon courante et
impropre, de la fatigue auditive, explique le professeur Mattéi dans son rapport. 11 s'agit d'une élévation
temporaire du seuil auditif. La relation entre dégradation auditive définitive et celle-ci n'est pas
clairement établie. Cependant, on peut raisonner par analogie aux milieux du travail et estimer que les
sujets présentant ces élévations temporaires de seuils auditifs sont ceux qui sont le plus susceptibles de
présenter une altération définitive de leur audition en cas d'exposition à long terme. »
Une étude a montré que cette élévation temporaire du seuil auditif n'est significative que pour des
niveaux d'exposition supérieurs ou égaux à 80 dB.
Cet amendement tombe à point nommé puisque la gamme des baladeurs s'élargit et va maintenant
jusqu'à pro poser des modèles adaptés aux enfants de 5 à 10 ans.
Dr Martine PEREZ
© Le Figaro, 9732368 par M. Perez
Observez le texte.
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