Le choc des civilisations

publicité
HUNTINGTON : LE CHOC DES CIVILISATIONS
Huntington avait une intuition :
- Le 20e siècle caractérisé par la question « de quel camp es tu ? »
- céderait la place au 21e porteur de « qui est tu ».
Nous ne parlerons pas ici de la limite de sa thèse.
Au moment de la sorite de son premier article : le choc des civilisations ?
Il y eu de grosses polémiques. Huntington décida donc d’écrire un livre. Les années avaient
passées… le point d’interrogation avait disparut.
1996.
a)
Les émules
LA CRITIQUE
Huntington
Ouvrage politique :
- influencé par le climat de « construction
de l’ennemi » des Etats-Unis de la fin de la
guerre froide
- justifie le pouvoir en place
- peut-être influencé aussi par la
perspective du « filon » : thèse polémique et
autorealisatrice
« choc des civilisations »
a.
Sa critique
-
- la civilisation de l’ouest et la civilisation
de l’est n’existent pas : les sociétés, les
individus sont différents
- il se peut qu’il y ai un choc de culture,
mais pour que le choc se transforme en
guerre entre état, il faut un projet politique,
qui n’est pas un projet « de civilisation »,
mais fruit de l’intériorisation d’une
idée(ologie) de conception du monde.
-
LA CIVILISATION DE L’OUEST ET LA CIVILISATION DE L’EST N’EXISTENT PAS
Qu’est ce qui pourrait caractériser une « civilisation occidentale » ?
la démocratie : il y a des démocratie en dehors, et tous les états « de l’ouest » ne sont
pas démocratiques
le capitalisme : idem
le christianisme : les sociétés « occidentales » sont très sécularisées, il existe de
nombreuses manières d’entendre l’héritage chrétien, de nombreux héritages chrétien
différents (orthodoxes/catholiques, chrétiens d’orient, sectes protestantes...). Mais en
admettant que la chrétienté soit historiquement à la base des sociétés « occidentales », on doit
en conclure que c’est bien leur seul point commun : les sociétés « occidentales » seraient donc
les sociétés influencées par le « christianisme ».
La « civilisation occidentale » se caractérise donc par l’élément religieux : qu’est ce qui
distingue alors la thèse de Huntington du fondamentalisme musulman (qui trace une frontière
entre « vrai croyant » et « faux croyant ») ?
La « civilisation islamique »
L’Islam et l’orient sont parfois assimilés
Tout comme st confondu le monde arabe et le monde musulmans : seulement 20% des
musulmans sont arabes, il existe des arabes juifs (appelés séfarades), des arabes chrétiens etc.
Il existe des pays musulmans non en Orient : la Bosnie et l’Albanie par exemple.
Le sous-continent indien, l'air de rien, abrite près de la moitié des musulmans de la planète :
environ 450 millions dont 160 au Pakistan, 140 au Bangladesh et 140 en Inde !
Il faut alors, pour qu’une telle simplification/confusion/instrumentalisation fonctionne, faire
une assimilation encore plus grande entre Occident/richesse/chrétienté/Nord etc. et
Orient/pauvreté/islam/Sud etc.
Il n’y a pas de « civilisation islamique »
Les sociétés islamiques ne reflètent pas l’islam du Coran (pas plus que la Bible de reflète
les sociétés dites « chrétiennes » ou « occidentales »)
N’en déplaise :
- aux fondamentalistes musulmans qui prêchent le « retour » à l’application plus ou moins
littérale du Coran (voir sociologie de l’islam : le fondamentalisme n’est pas un « retour »,
mais au contraire un rejet de la tradition)
- aux anti-fondamentalistes qui disent : « revenez au Coran qui est tolérant ».
Il n’y a pas de homo islamicus
Par exemple, il n’y a pas de « fécondité musulmane » : entre la Bosnie, qui n’a pas un taux de
fécondité supérieur à l’Italie, et le Mali, qui a un taux de fécondité d’environ 8 e/f, aucune
comparaison.
Cela met en évidence un élément latent de toutes le théories qui soulignent des différences
culturelles en les rendants nécessaires ou contraignantes : il n’y a qu’un pas à transformer les
différences culturelles, sociales et autres différences acquises en différences innées :
biologiques, en d’autres termes, raciales. La racisation des personnes est très grave.
Le « modèle » « occidental »
Ensuite, la thèse sous-entend que la « civilisation occidentale » (si on considère qu’il en existe
une) est l’avenir de l’humanité, le progrès, la « modernisation », le modèle meilleur.
Ce modèle se composerait de la « démocratie », du capitalisme libéral, etc.
Le « modèle occidental », n’est pas unique, ni historique : ce n’est pas un modèle, c’est une
modélisation.
Voir la sociologie du développement :
- il n’y a pas qu’un modèle de développement : la « modernité » entendue comme
adoption des critères occidentaux de développement, est un modèle historiquement et
géographiquement situé, et le fait qu’il soit actuellement « dominant » ne fait pas de
lui le modèle unique, universel et supérieur. C’est faire un grave ethnocentrisme que
de croire ça
- les sociétés « occidentales » évoluent aussi : elles contiennent des éléments
« traditionnel » et de zones « arriérées », on peut imaginer qu’elles évoluent vers des
formes qui aujourd’hui sont considérées comme « sous-développées » (devant les
impératifs environnementaux notamment). Au final, penser que l’Occident est l’avenir
de l’Orient, c’est croire que le « développement » est l’application d’un modèle a
priori, pour satisfaire des critères absolus, c’est donc souffrir d’ethnocentrisme.
Le « désenchantement du monde », la sécularisation ave le passage de l’ »au-delà » à la
« rationalité » serait une « avance », un critère selon lequel classer les sociétés dans une
échelle du développement, selon laquelle lire l’histoire (encore une fois : l’occident serait
l’avenir de l’orient).
Il n’y a pas de « modèle occidental » : la démocratie, le capitalisme, autant de termes qui
renvoient à des situations différentes. i.e pour le « christianisme ».
b. CHOC DE CULTURE PEUT ETRE, MAIS IDEOLOGIE POLITIQUE
Comment une différence culturelle peut aboutir à la guerre des états ? Seulement si celle si
devient le discriminem d’un projet politique.
Autrement dit :
- une idéologie, au même titre que le nazisme, qui identifiait son « ennemi » dans une
différence religieuse et culturelle (juifs ou peuples socialement et culturellement
-
« différents »), fruit d’un bourrage de crâne, d’une simplification de la réalité, d’une
propagande violente
une instrumentalisation, dans le but de justifier l’ordre actuel, et les actions menées
(au nom d’intérêts économiques).
Les guerres sont toujours déterminées par des intérêts économiques. Elles profitent toujours
au pouvoir qui les entreprend.
Ce sont ces seules vraies caractéristiques : il n’y a pas de guerre « idéologiques », de guerre
« propres » ou de profit international dans les guerres. Les guerres créent plus de problèmes
qu’elles n’en résolvent, elles coûtent plus qu’elles n’apportent en profit économique. La
guerre actuellement ne se justifie plus que par la nécessité des gouvernements de justifier au
niveau interne leur politique.
Aucune guerre n’est inéluctable : il n’y a pas de « déterminant » culturel qui rendrait
obligatoire, presque « génétique », l’hostilité vis-à-vis de l’autre, l’incapacité à vivre
ensemble. Ainsi, un individu né dans une culture donnée serait nécessairement incapable de
vivre avec les individus d’une autre culture, et pire, seraient portés à vouloir les détruire ?
Depuis quand les différences ne peuvent-elles pas cohabiter ? c’est encore l’idéologie
capitaliste, qui en effet a une tendance à devoir phagocyter le monde pour pouvoir vivre, qui
ne tolère aucun autre modèle à son côté (comme l’était le communisme), qui nous ferrait
croire cela.
Cette manie de mettre en exergue les différences, plutôt que les points communs : diviser,
toujours diviser, et non unir. Diviser à plus haut niveau, pour unir à plus bas niveau…
l’humanité serait-elle si peu inventive à nécessité un alter constamment renouvelé (et
prétendument hostile) pour se définir une identité ? Oui, l’alter est peut-être nécessaire pour se
définir soi, mais pourquoi celui-ci serait pour moi une menace conduisant à un conflit
(duel qui plus est) mortel ?
Diviser : l’ « occident » contre l’ « islam », les pays « riches » contre les « PED », les pays
« de l’UE » et les « extracommunautaires », les français des italiens, les français riches des
français pauvres, ceux qui votent à droite, ceux qui votent à gauche… les motifs de division
sont infini.
Ne pas croire que les motifs d’unité ne soient pas aussi infini : l’humanité est complexe. Nous
n’avons pas encore tout compris de nous même, depuis que les philosophes écrivent sur les
hommes. Et nous sommes tous des hommes.
La guerre existe(ra) mais pour des raisons d’intérêts et non pour des « conflits de
civilisations » qui ne sont que :
- des simplifications (d’une réalité beaucoup plus complexe et beaucoup moins
commode)
- des confortations des pouvoirs en places (les thèses auto réalisatrices permettent de
légitimer l’action et de faire entrer le monde dans le tunnel mental qu’on a au
préalable déterminer… c’est la base de toute idéologie, de tout ethnocentrisme).
a)
Le « rendez-vous des civilisations »
M. Emmanuel TODD
M. Youssef COURBAGE
Le « rendez-vous des civilisations » explique que le “choc des civilisations” n’aura pas lieu.
C’est au contraire « un puissant mouvement de convergence qui se profile à présent à
l’échelle planétaire. Le monde musulman n’échappe pas à la règle. Du Maroc à l’Indonésie,
de la Bosnie à l’Arabie Saoudite, sa démographie en témoigne : hausse du niveau
d’alphabétisation des hommes et des femmes, baisse de la fécondité, érosion de
l’endogamie… Des bouleversements qui sont à la fois le signe et le levier d’une mutation en
profondeur des structures familiales, des rapports d’autorité, des références idéologiques ».
Un islam, des islams
Les auteurs soulignent en premier lieu l'extraordinaire diversité des sociétés musulmanes, en
dépit du poids de la religion.
- Tout sépare par exemple le Yémen, encore très peu alphabétisé, avec une fécondité
supérieure à 6 enfants par femme, de l'Iran ou de la Tunisie, où l'alphabétisation est
massive, y compris chez les femmes, et l'indice de fécondité à peine égal à 2 enfants par
femme comme en France.
- La diversité s'exprime aussi dans le statut social des femmes, qui semblerait bien
davantage lié aux modèles familiaux préislamiques qu'à la religion elle-même.
- Dans le monde arabe (du Maghreb à l'Irak), l'endogamie prédomine (on se marie de
préférence entre cousins) ainsi que la lignée paternelle. Avec pour conséquence, selon les
auteurs, une structure familiale stable (pas de conflit entre belles-mères et brus, pas
d'infanticide des filles). La polygamie concerne dans le monde arabe quelques pourcents
des femmes. En Afrique noire, rien de tel. Un quart à la moitié des femmes vivent en
ménage polygame mais d'une façon souvent très autonome, chaque coépouse disposant de
sa propre case. Cette polygamie traditionnelle concerne aussi bien les populations
musulmanes qu'animistes ou chrétiennes ! La fécondité reste élevée (5 à 8 enfants par
femme) même si les démographes croient discerner les premiers signes de reflux. En
Malaisie et en Indonésie, c'est encore un autre monde. La prépondérance revient à la
lignée maternelle. Les filles sont autant désirées que les garçons (on ne note pas
d'infanticides ou d'avortements sélectifs comme en Chine ou en Inde). Les femmes
tiennent leur rang dans la société et sont par exemple plus nombreuses que les hommes
dans l'enseignement supérieur !
L’expansion du « modèle occidental » : instruction, sécularisation, convergence
La démographie est la psychologie des sociétés
Pour Todd et Courbage, les changements démographiques reflètent :
- le niveau d’instruction
- le niveau de sécularisation
(voir à la fin pour critique de cette approche sur le modèle parisien)
L'école, contraceptif efficace
« La variable explicative la mieux identifiée par les démographes n'est pas le PIB par tête,
mais le taux d'alphabétisation des femmes. Le coefficient de corrélation associant l'indice de
fécondité au taux d'alphabétisation féminin est toujours très élevé... »
Les auteurs montrent que la contraception et la baisse de la fécondité interviennent le plus
souvent après que la moitié des hommes aient accédé à la lecture et au moment où la moitié
des femmes y accèdent à leur tour. Ensuite, la décrue peut être brutale (Iran, Algérie....). Mais
elle peut aussi se ralentir, s'interrompre et parfois même amorcer une légère remontée (Syrie,
Malaisie....).
-
les jeunes deviennent plus savants que les vieux : les jeunes remettent en questions les
schémas de raisonnement qui sont les repères de leurs aînés, comme l’autorité du père
- les femmes deviennent aussi savantes que les hommes : les femmes s’émancipent et
remettent en question la domination des pères, frères et maris.
Cela produit des bouleversements dans les structures sociales, de l’individu mâle
sexuellement perturbé, à la famille qui se nucléarise etc.
Ex : les hommes ont peur de se faire cocufier par leurs femmes qui ont accès aux moyens de
contraception (la confiance n’est pas la base de leur modèle familial (?).
Ex. en Arabie saoudite, mais aussi en Iran etc., est permis un « mariage temporaire », qui n’a
rien à voir avec l’islam, et qui permet de couvrir les activités de prostitution par exemple :
reflet des perturbations des hommes dans des sociétés rigides ou en changement.
Incontournable, la laïcité ?
« L'effacement du religieux serait-il une pré condition de la modernisation
démographique ? » s'interrogent les auteurs (modèle occidental, voir critique). Dans ces
conditions, les auteurs osent supposer que la chute de la fécondité et l'alphabétisation en Iran,
en Tunisie, au Maroc et ailleurs dissimulent un troisième larron : l'indifférence religieuse,
voire l'athéisme.
La sécularisation du monde musulman entraînerait la convergence des mentalités entre
« occident » et « orient » et donc démentirait la thèse de Huntington.
La « guerre des berceaux » : exceptions au « modèle » et conflictualité
La démographie est un mouvement lent, de fond, c’est le symptôme des sociétés :
homogénéité ou conflit.
En quoi la démographie pourrait-elle être source de conflit ?
- Selon Huntington, l’islam serait en progression en grande partie en raison de la démographie.
- L’OTAN, épousant les thèses de Huntington, a récemment déclaré que la croissance
démographique et la croissance de l’ « irrationnel » seraient source de conflit ; croissance
démographique et « irrationnel » entendus comme caractéristiques du « monde musulman ».
La démographie comme source de conflit :
- au niveau local/interne aux sociétés : (cf. instruction) les troubles qui affectent les
individus en raison des changements sociaux augmentent la conflictualité sociale et
pousse au fondamentalisme (religieux).
- au niveau international : la conflictualité des société entraînerait une agressivité
extérieure ?
La révolution démographique en Europe s’est faite en 200 ans : elle a commencé au 18e siècle
dans le bassin parisien (> modèle de la « transition démographique » : modèle historiquement
et géographiquement circonscrit).
Dans les pays musulmans (mais aussi d’autres « PED »), la transition démographique arrive
en 20 ou 30 ans : les sociétés en sont beaucoup plus conflictuelles que ne l’ont été les sociétés
occidentales (surtout qu’elles se trouvent insérées dans un contexte où les sociétés « riches » sont en
mesure d’exercer une domination ou de les mettre en état de dépendance (voir théories de la
dépendance en développement). Les sociétés occidentales ont-elles aussi connues des conflits liées à la
transition démographique, cependant, elle disposait aussi de possibles exutoires comme la colonisation
et l’émigration, éléments actuellement niés aux « PED » par les « pays riches »).
Ex. au Maroc, le taux de fécondité est passé de 8 à 2 en une génération. Dans l'Union
indienne, les musulmanes ont à peu près partout un enfant de plus que les hindoues ; à ce
rythme-là, le sous-continent pourrait compter autant de musulmans que d'hindous en 2050.
Les crises ponctuelles de transition ne sont donc pas spécifiques au monde musulmans (ni aux
« PED »). Les pays « développés » doivent se rappeler de leur longue évolution (sans la
considérer comme universelle).
Les exceptions au « modèle » de la transition démographique.
Les auteurs reconnaissent beaucoup d'exceptions à leur modèle d'évolution démographique,
exceptions qui s'expliquent le plus souvent par le contexte géopolitique fait de rivalités entre
communautés historiques, ethniques et/ou religieuses.
-
transition par la pauvreté : diminution de la fécondité en raison des difficiles conditions de
vie
Ex. : en Russie
Mais pour Todd et Courbage, il s’agit toujours d’un signe de modernisation : il faudrait e effet
être sécularisé et instruit pour faire le choix conscient de ne pas avoir d’enfant en raison de la
mauvaise situation dans laquelle on se trouve [il ignore la baisse de la nuptialité en raison des
facteurs psychologiques eux-mêmes « inconsciemment » provoqués par les mauvaises
conditions économiques, sociales, politiques…].
- fécondité politique : fécondité entretenue pour des raisons politiques (sous-entendues
comme « différentes de la religion » ; mais il peut y avoir d’autres raisons ?
ethnocentrisme centré sur un modèle de transition démographique fondé sur la
sécularisation)
o les minorités peuvent avoir tendance à entretenir une fécondité élevée (rattrapage)
Ex. : les palestiniens ont un temps utilisés l’« arme démographique » contre Israël. Cet
élément entre en leu pour Israël maintenant : la fécondité des colons en Cisjordanie et
Jérusalem est supérieure aux palestiniens de ces même territoires.
Ex. les Kossovars musulmans conservent une fécondité nettement plus élevée que leurs
cousins albanais, cela pourrait être dû à leur souci de s'imposer face aux Serbes qui partagent
avec eux le territoire. Le même phénomène s'est observé d'ailleurs en Irlande du nord, avec
les Irlandais catholiques et les colons d'origine écossaise
o Les majorités qui se sentent oppressées par une minorité (à faible tau de natalités)
peuvent entretenir une fécondité élevée
Ex. les sunnites majoritaires au Liban ont une fécondité beaucoup plus élevée.
Conflictualité ou convergence : en quoi la convergence permet de démentir la
thèse du « conflit des civilisations » ?
Le conflit des civilisations n’existe pas
« Les convulsions que nous voyons se produire aujourd'hui dans le monde musulman peuvent
être comprises, non comme les manifestations d'une altérité radicale, mais au contraire
comme les symptômes classiques d'une désorientation propre aux périodes de transition.
Dans les pays où cette transition arrive dans sa phase terminale, la zone de danger est en
général passée. Mais dans les pays où la transition n'en est encore qu'à ses débuts, le
potentiel de perturbation est élevé et il convient de garder la plus grande vigilance ».
S'il y a un État à surveiller, ce n'est sans doute pas l'Iran qui s'est rapproché des standards
européens, bien plus vite par exemple que son voisin turc, dont la fécondité se maintient à 2,3
enfants par femme, qui conserve une démocratie sous tutelle militaire et reste tenté de régler
par la force la question kurde... Mieux vaut avoir l'oeil sur le Pakistan, qui tarde à faire sa
révolution démographique et cultive sa rivalité avec l'Union indienne.
-
Les conflits ne sont donc pas déterminés par les « cultures », mais par les états
Les conflits ne se feront pas entre « ouest » et « est » mais à l’intérieur de ceux prétendus
ensembles.
> Il n’y a pas de conflit de civilisations !
La convergence générale (vers les modèles occidentaux pour Todd et Courbage) serait au
contraire un facteur d’unité :
Unification du monde sur l’instruction et la démographie. Source de diversité individuelle au
sein de sociétés uniformisées.
« La convergence des indices de fécondité permet de se projeter dans un futur, proche, dans
lequel la diversité des traditions culturelles ne sera plus perçue comme génératrice de conflit,
mais témoignera simplement de la richesse de l'histoire humaine ».
CRITIQUE DU LIVRE DE TODD ET COURBAGE
2008, Rencontre avec :
M. Youssef COURBAGE, INED - Institut National
d’Etudes Démographes
Le « rendez-vous des civilisations » est un ouvrage scientifique, à la différence de l’essai de
Huntington, qui est politique, et qui se fonde sur une vision mythifiée de l’islam.
Nb : démographie et économie. Selon Courbage et Todd, la transition démographique ouvre
une opportunité, une « fenêtre » où le développement économique est très favorable.
Ex. : les « tigres asiatiques ».
Dans le monde musulman, les conditions varient :
- au Maghreb, on observe la même condition démographique que les tigres asiatiques, et
une croissance similaire
- au Moyen-Orient en revanche, la « fenêtre » est absente ou inexploitée à cause de
l’instabilité politique : les questions militaires passent avant le développement
économique et social des sociétés. Ex. Syrie et Iran.
Pourtant, Todd et Courbage ne sont pas sans parti pris : ils concluent que les pays musulmans évoluent
comme les autres et sont pour la plupart voués à s'aligner sur les standards occidentaux.
Ils ne cachent pas leur ethnocentrisme
- pour eux, il n’y a qu’un seul modèle de développement, universel, inéluctable (puisque sa
thèse est celle de la convergence des sociétés), qui est celui de l’ « occident », la
« modernisation » [bien qu’ils précisent qu’au Moyen-âge, la « modernisation » venait du
monde islamique] : sécularisation, transition démographique… Pour eux, ce « modèle »
est venu de l’Europe et se répand dans le monde.
En effet : la transition démographique (qui accompagnerait inéluctablement la modernité)
est un modèle parisien du 18e siècle. Pour les auteurs, la France a été l’initiatrice de la
modernité démographique en subissant la première la transition, mais aussi celle
actuellement de hausse de la fécondité [Courbage ne l’explique pas plus].
- cela les conduit à lire la démographie géographique comme une démographie historique, à
hiérarchiser les sociétés (à penser que les sociétés différentes de l’occident sont
« arriérées » chronologiquement) : entre celle qui, comme l’Iran par exemple, au faible
taux de fécondité, serait « en avance » sur d’autres.

Le modèle unique : la transition démographique passe par la modernisation
Il dérive d’une configuration historiquement dominante : le déclin de la ferveur religieuse
aurait peu ou prou coïncidé en Europe occidentale ainsi qu'au Japon avec la poussée de
l'alphabétisation et la chute de la fécondité. La concomitance de ces trois facteurs reste à
vérifier.
Autorise-t-elle par ailleurs une relation de cause à effet ? Rien n'est moins sûr.
Ex. les États-Unis cumulent ferveur religieuse, alphabétisation de masse et fécondité modérée.
Ex. l'État indien du Kerala, à majorité hindoue et catholique, la fécondité moyenne a atteint un
niveau “européen” (moins de 2 enfants par femme) sans que la ferveur religieuse des
habitants soit en cause.
Ex. eux-mêmes notent que la baisse de la fécondité tend dans de nombreux pays à
s'interrompre ou se ralentir en dépit des progrès économiques et éducatifs. C'est le cas dans
des pays émergents comme la Malaisie et l'Indonésie.
Ils appliquent donc un modèle occidental, voire européen, ou mieux, parisien, au monde
entier, et ce qui ne rentre pas dans cette thèse, est une « exception » (dangereuse, voir la
conclusion dur l’Iran et le Pakistan !).

pour eux la transition démographique est toujours signe de progrès (sauf : transition par la
pauvreté, fécondité politique… et autres exceptions au « modèle »).
Malgré les « exceptions », cela reste ethnocentrique.
En effet : on peut imaginer une croissance du taux de fécondité dans les pays
« développés » comme élément de progrès : la capacité et la possibilité de choisir d’avoir des
enfants (on loue les politiques d’aide à la famille de la France, qui a un taux de fécondité
supérieur à l’Iran maintenant). Le nombre d’enfant comme un « choix », donc, des sociétés,
non comme une tendance déterminée uniquement par plus ou moins de sécularisation, plus ou
moins d’instruction.
Ainsi, les indicateurs qui représentent un progrès actuellement peuvent ne plus l’être :
selon les sociétés, un taux de croissance de 10%, de 5% ou de 2% ne signifie pas la même
chose.
Une baisse du taux de natalité dans les « PED » est interprété comme un progrès, signe de
l’instruction massive etc. alors que dans les pays « occidentaux », il est interprété comme un
manque de dynamisme et un danger pour l’avenir des sociétés (Portugal, Grèce, Italie,
Russie…). Le stade européen, avec à peine plus d'un enfant par femme, peut-il être alors toujours
considéré comme « moderne » et inéluctable, sachant que, sauf retournement, il mène
mathématiquement à une disparition rapide des sociétés en question ?
Les critères de développement sont donc bien historiques.
Si la possibilité de « ne pas avoir d’enfant » représente un « progrès » « historique » pour les
sociétés, celui qui est encore plus important est de donner la possibilité d’en avoir : les
conditions économiques et sociétales, la destruction des modèles de la familles, la
détérioration de l’environnement de vie de humains, sont autant de choses qui limites la
possibilité des gens d’avoir des enfants dans les pays « développés » comme « en
développement ».
Nous en revenons donc à la définition du développement : le libre choix, la « capacité de »,
l’ « accès à », et non pas des critère absolus et a priori.
Si la « convergence » annoncée par Todd et Courbage se fait au prix dune
uniformisation, alors le « conflit des civilisations » décrit par Huntington sera aussi réal, sauf
qu’il se produirait sans conflit armés. Il aboutirait à la même chose : la « victoire » du
« modèle occidental » qui supplanterait tous les autres.
En réalité, Courbage et Todd ne font que contester la conflictualité du « choc des
civilisations », mais ils semblent partager la conclusion de Huntington : la « victoire » du
« modèle occidental », non par conflit violent avec un autre modèle, mais tout simplement
parce que cela est un modèle unique, « le » modèle.
La fin de l’histoire de Fukuyama ?
Téléchargement