Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier Sur

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Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier
Sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne
EMISSION DU 23 AOUT 2001
Les Licenciements dits boursiers
avec Jacques Nikonoff
auteur de La comédie des fonds de pensions. Il a dirigé un ouvrage collectif du mouvement « Un
Travail pour chacun » intitulé Chômage, nous accusons. Professeur associé à l’université de Paris
VIII. Président depuis Décembre 2002 du mouvement Attac.
***
Pascale Fourier : Michelin, Danone, ces licenciements défraient de plus en plus la chronique et
soulèvent l’indignation de la population. Pourtant, un article récemment publié dans l’Express du
19/07 dernier de Claude Alegre qui, je vous le rappelle, était le ministre de l’éducation nationale,
semble faire entendre la voie de la raison, la voie du bon sens. Il souligne que tout licenciement
est un drame humain et ajoute : « faut-il abandonner les chômeurs à un marché cruel et aveugle ?
Certes non. Je ne me satisferai jamais des licenciements massifs. Mais aucun chef d’entreprise
ne procède à des licenciements collectifs sans y être contraint. Aucun ne le fait de gaieté de
cœur. Les chefs d’entreprises sont tous désireux de trouver des solutions eux-mêmes ». On
pourrait alors se demander pourquoi de tels licenciements ? Claude Alegre donne la réponse : «
Dans une société dont l’économie est soumise aux règles de la libre entreprise, du marché et de
la concurrence, et qui a désormais pour territoire la planète entière, il est impossible d’éviter des
modifications du nombre des travailleurs. » Il s’élève alors contre des solutions proposées par
certains. Bloquer par la loi des possibilités de supprimer des emplois ou de licencier, c’est
systématiquement bloquer une embauche et pénaliser les entreprises dans leur compétitivité. Si
la France dresse des obstacles exagérés aux suppressions d’emplois et aux licenciements, les
entreprises iront s’installer ailleurs, en Espagne, en Italie ou en Ecosse. Une politique sociale
moderne recherche certes un équilibre entre la défense des salariés et la protection de
l’entreprise mais elle ne peut demander sans danger tous les efforts à cette dernière. Elle risque
alors d’être détruite. Il ajoute pour clore son article : « la gauche ne sera moderne que lorsqu’elle
aura pleinement assimilé la notion d’entreprise et qu’elle en respectera les règles tout en
défendant les intérêts des travailleurs. » Alors Jacques Nikonoff, toutes les données du
problème me semblent posées. Est-ce vous pensez que les licenciements du type de Danone ou
Michelin ne sont, comme le dit Claude Alegre « qu’une nécessité pour assurer la compétitivité
des entreprises françaises», une nécessaire adaptation à l’environnement économique ?
Jacques Nikonoff : D’abord, les remarques de M. Alegre témoignent qu’il a environ une quinzaine
d’années de retard sur sa compréhension de l’économie. Je ferai trois remarques sur ce que vous
avez cité de M. Alegre : la première, c’est que quel que soit le système économique, les
entreprises n’ont pas vocation à conserver le même nombre de travailleurs, c’est bien évident. Les
besoins évoluent, la demande des consommateurs évolue. Il est naturel que des entreprises
naissent, que d’autres meurent, tout cela se fait quel que soit le système économique. Mais la
question n’est pas là. La question est de savoir qui porte les risques de cette situation. Or,
aujourd’hui, ce sont systématiquement les salariés qui prennent les risques contrairement à ce
que l’on entend dire à propos des employeurs qui seraient risquophiles et les employés qui
seraient risquophobes. En réalité, ce sont les salariés qui prennent les risques puisque ce sont
eux qui sont licenciés, ce ne sont pas les patrons à la dernière information. Donc, autant il est
normal que les effectifs des entreprises évoluent, autant il faudrait que les salariés soient
protégés de ces évolutions. Or ça n’est pas le cas.
La deuxième remarque, quand M. Alegre parle de chef d’entreprise, il témoigne de sa
méconnaissance complète de la réalité économique contemporaine parce que ceux qui licencient ne
sont pas les chefs d’entreprise. Cela n’existe plus, les chefs d’entreprises, sauf dans les petites
et moyennes entreprises. Les grandes entreprises n’ont plus de chefs d’entreprise, il n’y a plus de
patrons. Les propriétaires des grandes entreprises, ce sont les investisseurs institutionnels,
notamment les fonds de pension américains. Ce ne sont pas des chefs d’entreprise, ce sont des
organismes dont la vocation est de gagner de l’argent. Et l’un des moyens de gagner de l’argent,
c’est d’acheter des actions, de faire monter le cours de bourse, et de vendre quand le cours est
suffisamment haut de leur point de vue pour acheter ensuite d’autres actions dont ils espèrent
qu’elles monteront à leur tour. Et les licenciements que nous observons aujourd’hui, dans un
certain nombre de cas, sont guidés par la recherche de la valeur boursière et non par la réalité
économique - ce que n’a absolument pas compris M. Alegre. C’est d’ailleurs très inquiétant que
quelqu’un comme ça ait été ministre parce que son incompétence en la matière est relativement
et même définitivement tragique. Donc, il n’y a plus de chef d’entreprise dans les grandes
entreprises ; ça n’existe pas. Je ne sais pas où M. Alegre les a trouvés et s’il en connaît, ce serait
intéressant de nous les présenter.
Troisième remarque à propos du texte de M. Alegre, il dit que les entreprises vont aller ailleurs.
Evidemment, elles peuvent aller ailleurs. Mais nous pouvons les en empêcher parce que c’est un
chantage. Un certain nombre de grandes entreprises font chanter les états en les menaçant de
partir si on ne leur accorde pas des baisses d’impôts, des baisses du coût du travail, des facilités
de licenciements, etc. Je rappellerai quand même que nous avons un moyen extraordinaire pour
faire pression sur ces grandes entreprises qui est constitué par les marchés intérieurs. Ce qui
intéresse les entreprises, ce sont les marchés, c'est-à-dire la capacité de vendre leurs produits.
Et bien si nous interdisons aux entreprises qui font du chantage d’avoir accès à notre marché,
croyez-moi que ces entreprises seront mises au pas rapidement. Il n’y a donc aucune raison de
s’inquiéter, de renoncer ou même de s’aplatir comme le fait M. Alegre devant le chantage de ces
grandes entreprises.
Pascale Fourier : Excusez pour la question peut-être un peu naïve mais quand vous dites que
l’intérêt de l’actionnaire est que le cours des actions monte, est-ce que ce n’est pas non plus une
nécessité pour les entreprises ? Est-ce que ce n’est pas par la bourse que les entreprises se
financent ?
Jacques Nikonoff : Alors, ça aussi est une illusion qui est entretenue depuis une quinzaine ou une
vingtaine d’années. On a complètement oublié que les entreprises pouvaient se financer de
plusieurs manières, certes par les actions, mais également par le crédit. Les entreprises qui ont
besoin d’argent pour investir peuvent parfaitement emprunter de l’argent à la banque sous forme
de crédits. C’est beaucoup plus simple, ça présente beaucoup moins de risque, et c’est comme cela
que l’économie était financée. Et c’est précisément parce que les modalités de financement de
l’économie ont changé, qu’elles sont passées du crédit bancaire aux marchés financiers, que nous
rencontrons ce genre de phénomène. Il faut donc abandonner progressivement le financement
par actions et revenir sous des formes nouvelles au financement par le crédit bancaire. Je
rappelle d’ailleurs que les émissions d’actions ces trois dernières années non seulement sont
faibles, mais que les entreprises rachètent plus d’actions qu’elles n’en émettent. C'est-à-dire qu’il
n’y a pas besoin aujourd’hui d’aller sur le marché pour faire des investissements.
Pascale Fourier : Mais quand Jean-Pierre Gaillard, si je me souviens bien de son nom, nous serine
(si on n'est pas très gentil) tous les jours sur France Inter la hausse de la bourse, cela ne veut
pas dire que les entreprises vont de mieux en mieux, qu’elles trouvent des financements de plus
en plus importants ?
Jacques Nikonoff : Absolument pas. Ce qui se passe en bourse ne concerne pas la situation
économique de l’entreprise. Ce qui se passe en bourse, c’est simplement les détenteurs d’actions
qui s’achètent et se vendent les actions. Pour l’entreprise, c’est transparent. Cela n’apporte rien à
l’entreprise. Ce qui lui rapporte, ce sont les ventes de ses produits et les financements qu’elle
obtient la première fois qu’elle émet des actions. Mais une fois qu’elle a émis des actions, elle les
a vendues. Donc les actions ne lui appartiennent plus. C’est donc absolument contraire à la vérité
économique de prétendre qu’une bourse qui monte traduit une réalité économique performante.
Je rappellerai un exemple : dans les années 1960 et au début des années 1970, la bourse
française en particulier était dans un marasme total. Les rendements étaient négatifs. Et bien,
c’est à cette période que la croissance économique était la plus forte. Cela montre qu’il n’y a pas
de lien direct entre la performance boursière et la performance économique. C’est une illusion et
une contre-vérité de prétendre le contraire.
Pascale Fourier : A ce moment là, pourquoi les médias célèbrent-ils sans arrêt la hausse du cours
de la bourse ?
Jacques Nikonoff : Et bien parce que les hausses du cours de la bourse intéressent une
catégorie particulière de personnes, celles qui détiennent des actions tout simplement.
Evidemment, si vous achetez des actions, votre intérêt à vous est que le cours de ces actions
monte. Donc, vous allez regarder comment évolue votre patrimoine boursier. L’évolution du cours
de la bourse n’intéresse que ces gens, les rentiers, ceux qui détiennent des portefeuilles
d’actions, et dont l’intérêt est que l’action monte. Mais ça ne regarde pas les autres. Cela les
regarde, mais d’une certaine manière : à l’envers. Autrement dit, quand la bourse monte, les
salaires baissent. C’est comme cela qu’il faut voir les choses. C’est une très mauvaise nouvelle
quand la bourse augmente.
Pascale Fourier : Je suis complètement désarçonnée, Jacques Nikonoff ; vous faites pour ainsi
dire exploser ma vision des choses. Tout va mal. Vous disiez que quand la bourse augmente, les
salaires baissent. C'est-à-dire ?
Jacques Nikonoff : Pour produire, que faut-il ? Il faut du travail et il faut du capital. C’est
comme ça que l’on produit des biens et des services. Une fois que ces biens et ces services ont
été produits, ils sont vendus. Le produit de la vente se répartit en deux. C'est-à-dire, les deux
facteurs qui ont contribués à la production : le travail et le capital. Donc, c’est extrêmement
simple. Plus il y a pour le capital, moins il y a pour le travail. Dès lors que les actionnaires
reçoivent une portion plus importante du revenu de la production, il y en a moins pour les salariés.
C’est la raison pour laquelle on peut dire que quand la bourse monte, les salaires baissent.
Pascale Fourier : On évoque les licenciements dits boursiers. En quoi peut-on dire que les
licenciements qui ont eu lieu chez Michelin ou Chez Danone ou qui vont avoir lieu sont des
licenciements dits boursiers ?
Jacques Nikonoff : Ils sont boursiers parce qu’ils présentent une caractéristique nouvelle.
Jusqu’à présent, on connaissait les licenciements parce que des entreprises allaient mal. Elles
perdaient des marchés - enfin, quelle que soit la raison - elles n’étaient pas en bonne santé pour
une raison ou pour une autre. Aujourd’hui, certaines entreprises qui licencient sont en excellente
santé. Mais elles licencient, ce qui est quand même paradoxal. Elles ne licencient donc pas pour
des raisons industrielles ou économiques. Elles licencient, on va le voir, pour des raisons
financières, pour des raisons boursières. C’est pour ça qu’on parle de licenciements boursiers.
Alors pourquoi boursier ? Et bien là aussi pour une raison qui est extrêmement simple. Admettons
que vous ayez la chance, et encore je ne sais pas si c’est une chance, d’être détenteur d’un
portefeuille d’actions. Votre objectif sera d’obtenir un rendement sur votre portefeuille le plus
élevé possible. Et pour obtenir ce rendement le plus élevé possible, vous allez choisir des
placements qui vont vous procurer ce rendement. Depuis quelques années, les investisseurs
institutionnels, c'est-à-dire les fonds de pension, les fonds mutuels, demandent aux entreprises
dans lesquelles elles sont actionnaires 15 % de rendement minimum, parce que, si elles n’ont pas
ce rendement, elles vont ailleurs. Alors 15 % , ça dépend des périodes, ça dépend à la fois des
taux d’intérêts, ça dépend du niveau général de la bourse. Comme la bourse a baissé cette année,
on est plutôt aux alentours de 12 %.
Pascale Fourier : Mais « de rendement », ça veut dire quoi ?
Jacques Nikonoff : Cela veut dire que si vous achetez une action 100 francs, vous exigez d’avoir
12 ou 15 %, 12 ou 15 francs en plus de rendement sur les 100 francs que vous avez placés.
Pascale Fourier : Sous forme de dividende ?
Jacques Nikonoff : Sous forme de dividende, sous forme de valeur de l’action, c’est peut-être un
peu compliqué pour rentrer dans le détail mais disons qu’il faut obtenir ces 12 ou 15 % par an. Là
aussi, vous avez le choix si vous avez 100 francs. Vous pouvez acheter de l’immobilier, des œuvres
d’arts, de l’or, des actions, des obligations. Vous allez faire un arbitrage entre le risque, la
liquidité, c'est-à-dire la possibilité de récupérer votre monnaie tout de suite, et le rendement.
Donc c’est un arbitrage entre plusieurs facteurs. Si vous achetez des obligations, vous allez avoir
5 ou 6 %. Si vous achetez des actions, comme il y a des risques sur les actions et qu’il n’y en a pas
sur les obligations, vous allez demander un rendement plus élevé puisqu’il y a du risque. Donc 12 à
15 %. Alors quand vous êtes actionnaire, vous êtes un fond de pension et vous êtes actionnaire
d’une entreprise, la première chose que vous allez faire est de découper l’entreprise sur le plan
comptable pour savoir quels sont les différents marchés, produits, et quel est le rendement
respectif de ces différents marchés et produits. Evidemment, dans chaque entreprise, les
produits et les marchés ont des rendements différents. Dans une entreprise qui en général a
plusieurs produits ou plusieurs marchés, ces rendements différents font que le rendement le plus
faible de l’entreprise réduit le rendement global. On est bien d’accord ? Donc, ce que vont exiger
les investisseurs, c’est que le management de l’entreprise, les dirigeants de l’entreprise et non
pas les chefs d’entreprise, contrairement à ce que dit M. Alegre, fassent des efforts soit pour
redresser la situation du secteur qui a la rentabilité la plus faible, soit pour carrément fermer,
vendre, liquider le secteur le plus faible de manière à faire remonter le rendement général de
l’entreprise.
C’est ce qui se passe systématiquement dans les licenciements boursiers. On l’a vu chez Michelin,
chez Danone. Le cas Danone est particulièrement clair. Dans cette entreprise qui fonctionne très
bien, qui n’a aucun problème financier, il y a trois secteurs. Il y a celui des produits laitiers, celui
des boissons gazeuses et celui des biscuits. Chacun de ces secteurs a un rendement particulier.
Malheureusement pour le secteur des biscuits, c’est lui qui a le rendement le plus faible : 7 %,
alors que les autres secteurs sont devant avec 10 et 12 % et que, de toute manière, les
investisseurs demandent 12 %. Et bien les investisseurs de Danone, les actionnaires de Danone
demandent au management de Danone de rétablir la rentabilité financière du secteur biscuit. Le
moyen qui a été trouvé comme toujours a été de licencier les salariés. Voila la logique de ces
licenciements boursiers que nous observons régulièrement.
Pascale Fourier : Mais comme le dit Claude Alegre, n’est-ce pas une nécessité due à la
concurrence internationale de faire de tels licenciements ?
Jacques Nikonoff : Il y a une part de vérité dans cet argument. Restons sur le cas Danone.
Admettons que le management de l’entreprise Danone refuse de suivre les actionnaires. D’abord,
le management serait viré puisque les propriétaires sont les actionnaires, ce n’est pas le
management. Le management de l’entreprise obéit aux actionnaires. Si les actionnaires
s’aperçoivent qu’il y a une impossibilité à rétablir la rentabilité de la branche biscuit, ils vont
alors vendre leurs actions et acheter des actions dans une autre entreprise. Cela peut présenter
une forme de risque. Mais finalement, on se demande si ce n’est pas une solution préférable à la
financiarisation de l’économie, si nous sommes capables de remplacer ces actionnaires privés par
des actionnaires je ne dirais pas nécessairement publics, mais des actionnaires qui n’aient pas ce
comportement de prédateur et qui ne cherchent pas une rentabilité aussi élevée. Donc, il est
parfaitement compréhensible qu’il y ait des risques dans le système économique actuel mais se
sont des risques que nous pouvons éviter si nos remplaçons ces actionnaires par d’autres
actionnaires qui n’ont pas les mêmes exigences de rentabilité. J’ajoute une dernière chose qui est
l’essentiel, c’est que Danone vend ses yaourts en France et que si Danone veut continuer à vendre
ses yaourts en France, il faut que Danone applique la loi. Si Danone n’applique pas la loi, nous
pouvons, nous Français, décider que Danone ne vendra plus ses yaourts en France. Donc nous
avons un moyen tout à fait puissant pour rétablir la situation.
Pascale Fourier : Vous semblez quelque peu verser dans une sorte d’étatisme, on pourrait vous
reprocher ça, en tous les cas ?
Jacques Nikonoff : Non, pas du tout. Rien dans ce que j’ai dit ne permet d'aboutir à cette
conclusion. Comment régler le problème des licenciements ? Deux choses essentielles : la
première chose à mettre en place par l’état - parce que je ne vois pas qui d'autre peut le faire,
c’est la responsabilité de l’état, c’est le garant de l’intérêt général, c’est son rôle -, donc la
première chose qu’il doit faire et qu’il peut faire est d’assurer la continuité des positions
professionnelles aux salariés. Autrement dit, quelle que soit la cause du licenciement, boursier ou
non, les salariés doivent avoir la continuité de l’emploi, dans l’entreprise d’origine ou à l’extérieur.
C'est-à-dire la continuité d’une position professionnelle, de leur salaire évidemment et de leurs
droits sociaux. On n’a pas le temps de voir comment cela peut se mettre en place mais c’est une
réforme fondamentale qui doit être entreprise et qui est parfaitement possible. Cette première
possibilité intervient en aval, c'est-à-dire une fois que le licenciement est prononcé, mais il faut
également intervenir en amont, c'est-à-dire pour limiter ce genre de licenciement, boursier ou
autre.
Plus particulièrement concernant les licenciements boursiers, que peut-on faire ? On peut faire
comme les compagnies d’assurances. Lorsque l’on a un permis de conduire et une voiture, on a une
assurance automobile. Dès lors que l’on commet des infractions au code de la route, on a des
points en moins, et lorsque l’on a un accident, on paye un malus. Ce qui est paradoxal, c’est que l’on
parle d’assurance chômage mais les entreprises ne sont pas soumises aux règles des assurances.
Il faudrait donc que l’assurance chômage, les cotisations chômages soient modulées en fonction
des risques que prennent les entreprises. Donc les entreprises qui licencient beaucoup devraient
se voir appliquer, dans le cas des licenciements boursiers, des malus. Le mouvement « un travail
pour chacun », par exemple, a proposé de mettre en place une restitution sociale, parce qu’il y a
des chauffards de la route mais il y a des chauffards de l’économie. Ce sont les entreprises qui
font des licenciements boursiers. Alors comment les sanctionner ? On peut parfaitement mettre
en place une loi qui obligerait les entreprises qui licencient à continuer de payer les salaires des
salariés licenciés.
Je donne l’exemple de Danone, on peut me dire que cela va coûter extrêmement cher, que c’est
utopique, et bien non. Quand on regarde la situation de Danone - et le cas Michelin est
exactement le même -, Danone a payé 5 milliards de francs de dividendes au mois de juin 2001,
donc les actionnaires de Danone sont sans doute très contents puisqu’ils ont encaissé 5 milliards
de francs. Il faut savoir que 5 milliards de francs permettraient de payer les salaires des 1800
salariés licenciés de chez Danone pendant 15 ans. Donc la loi devrait saisir les dividendes et les
utiliser pour payer les salaires des travailleurs licenciés. Il est clair que si une telle loi était
votée, cela dissuaderait les entreprises de licencier.
Alors évidemment, il y aurait des conséquences. La première conséquence serait que les
entreprises essayeraient de contourner la situation. Et au lieu d’embaucher des travailleurs à
temps complet, en CDI, elles recruteraient des CDD. Il faut également limiter la possibilité
d’employer des CDD, des intérims, etc. On peut parfaitement limiter les risques de ce coté-là. Et
puis, il y a la possibilité de fuite des capitaux. Il est évident que des entreprises confrontées à
une telle législation pourraient soit ne pas vouloir venir s’installer en France, soit quitter le
territoire pour s’installer ailleurs. D’abord, on peut les empêcher. On peut également leur dire «
partez, mais si vous partez ,vous ne pourrez plus vendre vos produits chez nous ». C’est une
menace qui répond à leur chantage, suffisamment dissuasive pour acclimater les entreprises à
cette nouvelle façon de faire qui serait certainement profitable à la population plus qu’aux
actionnaires. Mais là, il y a un choix qui n’est pas un choix économique mais un choix politique. Soit
on développe des politiques pour l’intérêt général, pour la majorité de la population, soit on laisse
faire le marché, c'est-à-dire, on organise la société pour les 10 à 15 % de la population la plus
aisée. C’est donc de la politique, ce n’est pas de l’économie.
Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en
ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des
Hommes du 23 Août 2001 sur Aligre FM. Merci d'avance.
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