
reçoivent une portion plus importante du revenu de la production, il y en a moins pour les salariés.
C’est la raison pour laquelle on peut dire que quand la bourse monte, les salaires baissent.
Pascale Fourier : On évoque les licenciements dits boursiers. En quoi peut-on dire que les
licenciements qui ont eu lieu chez Michelin ou Chez Danone ou qui vont avoir lieu sont des
licenciements dits boursiers ?
Jacques Nikonoff : Ils sont boursiers parce qu’ils présentent une caractéristique nouvelle.
Jusqu’à présent, on connaissait les licenciements parce que des entreprises allaient mal. Elles
perdaient des marchés - enfin, quelle que soit la raison - elles n’étaient pas en bonne santé pour
une raison ou pour une autre. Aujourd’hui, certaines entreprises qui licencient sont en excellente
santé. Mais elles licencient, ce qui est quand même paradoxal. Elles ne licencient donc pas pour
des raisons industrielles ou économiques. Elles licencient, on va le voir, pour des raisons
financières, pour des raisons boursières. C’est pour ça qu’on parle de licenciements boursiers.
Alors pourquoi boursier ? Et bien là aussi pour une raison qui est extrêmement simple. Admettons
que vous ayez la chance, et encore je ne sais pas si c’est une chance, d’être détenteur d’un
portefeuille d’actions. Votre objectif sera d’obtenir un rendement sur votre portefeuille le plus
élevé possible. Et pour obtenir ce rendement le plus élevé possible, vous allez choisir des
placements qui vont vous procurer ce rendement. Depuis quelques années, les investisseurs
institutionnels, c'est-à-dire les fonds de pension, les fonds mutuels, demandent aux entreprises
dans lesquelles elles sont actionnaires 15 % de rendement minimum, parce que, si elles n’ont pas
ce rendement, elles vont ailleurs. Alors 15 % , ça dépend des périodes, ça dépend à la fois des
taux d’intérêts, ça dépend du niveau général de la bourse. Comme la bourse a baissé cette année,
on est plutôt aux alentours de 12 %.
Pascale Fourier : Mais « de rendement », ça veut dire quoi ?
Jacques Nikonoff : Cela veut dire que si vous achetez une action 100 francs, vous exigez d’avoir
12 ou 15 %, 12 ou 15 francs en plus de rendement sur les 100 francs que vous avez placés.
Pascale Fourier : Sous forme de dividende ?
Jacques Nikonoff : Sous forme de dividende, sous forme de valeur de l’action, c’est peut-être un
peu compliqué pour rentrer dans le détail mais disons qu’il faut obtenir ces 12 ou 15 % par an. Là
aussi, vous avez le choix si vous avez 100 francs. Vous pouvez acheter de l’immobilier, des œuvres
d’arts, de l’or, des actions, des obligations. Vous allez faire un arbitrage entre le risque, la
liquidité, c'est-à-dire la possibilité de récupérer votre monnaie tout de suite, et le rendement.
Donc c’est un arbitrage entre plusieurs facteurs. Si vous achetez des obligations, vous allez avoir
5 ou 6 %. Si vous achetez des actions, comme il y a des risques sur les actions et qu’il n’y en a pas
sur les obligations, vous allez demander un rendement plus élevé puisqu’il y a du risque. Donc 12 à
15 %. Alors quand vous êtes actionnaire, vous êtes un fond de pension et vous êtes actionnaire
d’une entreprise, la première chose que vous allez faire est de découper l’entreprise sur le plan
comptable pour savoir quels sont les différents marchés, produits, et quel est le rendement
respectif de ces différents marchés et produits. Evidemment, dans chaque entreprise, les
produits et les marchés ont des rendements différents. Dans une entreprise qui en général a
plusieurs produits ou plusieurs marchés, ces rendements différents font que le rendement le plus
faible de l’entreprise réduit le rendement global. On est bien d’accord ? Donc, ce que vont exiger
les investisseurs, c’est que le management de l’entreprise, les dirigeants de l’entreprise et non
pas les chefs d’entreprise, contrairement à ce que dit M. Alegre, fassent des efforts soit pour
redresser la situation du secteur qui a la rentabilité la plus faible, soit pour carrément fermer,