Au cours de sa séance du 28 septembre 1990, le Conseil des

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Alassane Dramane Ouattara explique le programme de
relance économique Fraternité Matin
Au cours de sa séance du 28 septembre 1990, le Conseil des
ministres a examiné la politique de privatisation élaborée dans le
cadre du programme de stabilisation et de relance économique. A
l'issue de ce Conseil, le Chef de l'État m'a fait l'honneur de me
demander de vous présenter les objectifs visés par le programme
de privatisation du Gouvernement ainsi que les modalités
pratiques de sa mise en œuvre.
Pendant la première phase du développement de notre pays, la
croissance économique s'est appuyée en partie sur les sociétés
d'État et d'économie mixte. En effet, à l'indépendance, le secteur
privé était embryonnaire et l'État a été amené à créer des
Établissements publics nationaux, des sociétés d'État et des
sociétés d'économie mixte.
Actuellement, le secteur parapublic compte 140 entreprises et
établissements dans lesquels l'État a investi plus de 1.300
milliards de FCFA dans les années 80. Ce chiffre représente
aujourd'hui près de 50% du Produit intérieur Brut, c'est-à-dire la
moitié de la production nationale.
Les résultats d'exploitation de certaines de ces entreprises n'ont
pas été à la mesure de l'effort d'investissement exceptionnel qui
a été consenti par le Gouvernement pour constituer cet important
patrimoine.
Les entreprises dans lesquelles l'État détient au moins 51% du
capital, ont dégagé des pertes nettes cumulées de 10 milliards de
FCFA au cours de la même période.
Par contre, les entreprises du secteur parapublic dans lesquelles
l'État est minoritaire, ont globalement dégagé un bénéfice net
cumulé de 144 milliards entre 1982 et 1988, soit plus de 20
milliards en moyenne par an.
Cette disparité financière tient surtout à une maîtrise insuffisante
de la gestion administrative et financière et au
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surdimensionnement des investissements.
La Côte d'Ivoire est arrivée à une étape de son développement où
la mise en œuvre d'une politique de privatisation est
indispensable. En effet, lorsque dans une économie, l'État est
partout " partout à la fois ", l'expérience montre qu'avec le
temps, il perd finalement de son influence. Ses efforts sont en
effet dispersés, ce qui nuit considérablement à l'efficacité de son
action et représente ainsi un coût élevé pour la nation.
La politique de la privatisation du Gouvernement s'organise
autour des objectifs ci-après.
Tout d'abord :
- assurer l'autonomie de gestion des entreprises qui créeront
davantage d'emplois ;
- ensuite, participer à la poursuite de l'effort d'assainissement des
finances publiques ; ce qui permettra de réduire progressivement
la pression fiscale sur les entreprises et les ménages.
D'autre part :
- créer un actionnariat national donnant des opportunités
d'investissement, notamment aux petits épargnants ;
- attirer les capitaux étrangers pour faciliter le transfert de
technologie.
Et enfin :
- créer les conditions d'un développement du marché de
capitaux, dans le contexte de l'Union Monétaire Ouest
Africaine. Le programme de privatisation reposera sur trois
principes fondamentaux à savoir la transparence, la rigueur
dans l'étude des dossiers de privatisation et la sauvegarde des
intérêts nationaux.
Le Comité Interministériel de Coordination est la structure qui
conduira la mise en œuvre de la politique de privatisation, sur
la base des orientations arrêtées par le Gouvernement.
Le processus de privatisation des entreprises se déroulera en
deux phases :
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- La première est relative à la sélection des entreprises à
privatiser, sur la base des études techniques en cours,
- et la deuxième concerne la cession partielle ou totale des actifs
de ces entreprises.
Le programme de privatisation du Gouvernement sous-tend
une étape importante de l'évolution de notre pays, au moment
où l'État doit faire face à de nombreuses contraintes. Il
participera à la prise en charge progressive par les nationaux
de la gestion des entreprises de production de biens et
services, autant qu'à l'effort d'assainissement des finances
publiques et la mobilisation de l'épargne nationale.
Le public sera largement informé des conditions de
privatisation de chaque entreprise dans un souci de totale
transparence, qui permettra à chacun d'apprécier la qualité des
entreprises dont il voudra être actionnaire. Je crois que mes
compatriotes sont en mesure de relever le défi d'une plus
grande participation des privés à la gestion de l'économie
nationale
Fraternité-Matin : Votre programme de relance de l'Économie
nationale accorde une place essentielle à la création d'emplois.
Or, à tort ou à raison, la privatisation qui constitue l'un des volets
de ce programme et qui est actuellement en cours est considérée
comme un " compresseur " d'emplois. Quel est le visage réel du
problème ?
Alassane Dramane OUATTARA : C'est une question
importante, nous l'avons déjà dit, l'emploi doit être au cœur de
toute politique économique. L'amélioration du niveau de vie du
citoyen est effectivement l'objectif du programme de
restructuration et de relance économique du gouvernement. Alors
la privatisation doit-elle conduire à des licenciements ? Je ne crois
pas. En fait, si une société ne se porte pas bien et qu'on continue
de considérer qu'elle peut fonctionner, il arrivera un moment
personne ne fera plus confiance à cette société. Et c'est ce qui se
passe malheureusement dans le cas par exemple de l'Energie
Électrique de la Côte d'Ivoire. Voici une société qui a des pertes :
l'État lui doit 35 milliards, mais elle doit à l'État plus de 90
milliards, presque 100 milliards. Donc une société qui est en état
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quasiment de cessation de paiement. L'EECI doit également aux
banques ; rien qu'à court terme, un découvert de 14 milliards. On
peut vivre sur crédit pendant une certaine période. Mais il arrive
un moment les banques vous disent, nous ne pouvons plus
vous faire de crédit. On arrête. Que se passe-t-il dans de telles
circonstances ? La société met la clé sous le paillasson. C'est ce
que nous voulons éviter dans le cas de l'EECI. Si nous ne
restructurons pas, si nous ne privatisons pas, ce sont les 3600
employés de la société qui devraient être licenciés parce qu'il y a
des entreprises étrangères qui pourraient venir pour créer des
sociétés parallèles d'exploitation de l'électricité. Alors j'insiste là-
dessus. On doit voir l'essentiel. Et l'essentiel ce sont les emplois.
Il faut tenter de remettre ces entreprises sur pied. La
privatisation est donc un élément fondamental de la politique de
restructuration du Gouvernement parce que le Gouvernement
tient à protéger les emplois. Alors le B.I.T., apparemment dit qu'il
voit cela avec beaucoup d'appréhensions. C'est très bien de voir
cela avec beaucoup d'appréhensions. Mais qu'est-ce qu'on doit
faire quand on a devant soi une série de sociétés qui ne marchent
plus ? Qui n'ont plus la confiance du système bancaire ? Qui n'ont
plus la confiance de la communauté nationale ? Il faut agir. Et le
rôle du Gouvernement, c'est de régler le problèmes et non d'avoir
des appréhensions. J'insiste là-dessus, nous tenons à assainir la
situation financière dans notre pays. Il y a des décisions difficiles
à prendre, mais le rôle du Gouvernement, c'est effectivement de
les prendre . Et il continuera d'assumer ses responsabilités.
F.M.: Combien de sociétés seront touchées par la privatisation ?
Et l'État trouve-t-il réellement son compte dans cette privatisation
?
A.D.0: En fait, une politique économique doit se concevoir dans
un cadre cohérent. Elle ne s'improvise pas. Le groupe de
privatisation travaille depuis quatre mois. Il se réunit trois fois
par semaine. Il a passé en revue la situation du secteur para-
public. J'ai indiqué que nous avons 140 entreprises publiques.
Dans toutes les sociétés où l'État a la majorité du capital (au
moins 51%), le déficit net cumulé se chiffre à 95 milliards de
francs pendant la période 1982-1988. Tandis que les sociétés où
l'État est minoritaire affichent un excédent de 144 milliards sur la
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même période. Alors je crois que les chiffres sont très clairs.
Malheureusement, les sociétés où l'État est majoritaire n'ont pas
bien fonctionné. Le groupe de travail a fait toute une série de
propositions au comité interministériel. Nous avons d'abord
analysé la situation. Nous en connaissons les raisons et nous
avons proposé au Gouvernement de s'attaquer immédiatement à
ce problème. Parce que, quand il y a des déficits, quelqu'un doit
payer. Dans le temps, c'était l'État qui payait puisque nous étions
dans une situation confortable de trésorerie. Maintenant l'État ne
peut plus payer. Et en fait, ce sont les entreprises qui continuent
de faire des crédits à ces sociétés qui ne fonctionnent pas bien. Et
aussi des fournisseurs qui leur offrent des biens et des services
qui ne sont pas réglés. Donc quelqu'un finance toujours les pertes
de ces sociétés. Et quand tout ça ne marche pas en définitive,
c'est le citoyen. On est alors obligé d'augmenter les impôts, on
est obligé d'augmenter les droits de douane, de créer des
recettes etc. Nous ne voulons plus aller dans cette voie. Nous
avons expliqué que l'impôt est trop élevé, que les droits de
douane sont trop élevés et que nous ne pourrons relancer notre
économie qu'en les faisant baisser. Et nous voulons le faire
rapidement. Devant une telle situation le rythme est fonction de
la cohérence de la politique économique. Et cette politique
économique a été adoptée par le Conseil des Ministres et prévoit
en 1990 à privatiser à peu près cinq entreprises. (La SICTA - déjà
fait - le Complexe d'Exploitation industrielle du Bétail de Ferké
Assouindé l'EECI qui est en cours et l'ONT). Et je note d'ailleurs
que, pour l'ONT, les employés nous demandent de la privatiser
pour le 30 septembre. J'ai dû leur expliquer que nous n'avons pas
ici les mêmes contraintes que l'EECI parce que l'EECI fait partie
d'un programme sectoriel sur l'énergie qui est en cours depuis
trois ans. C'est donc en fait un dossier qui devait être réglé
depuis quelques mois et nous voulons le régler rapidement. J'ai
expliqué aux employés de l'ONT que la décision du
Gouvernement, c'est de privatiser. Mais nous devons le faire en
sauvegardant les intérêts nationaux comme nous l'avons fait pour
l'EECI. Nous devons faire en nous assurant qu'en définitive cette
société marchera mieux quand elle sera privatisée. En 1991, nous
allons nous orienter surtout vers la privatisation du secteur
agricole et du secteur énergétique. Nous n'avons pas encore
arrêté une liste très précise des entreprises. Mais je peux vous
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