Femmes et Droit au développement Matériau pour la formation résidentielle CADTM La Marlagne – 5 et 6 juillet 2008 « Pour un homme pauvre dans le monde, il y a près de 4 femmes pauvres » 1) Le patriarcat a existé avant le capitalisme comme forme historique d’organisation de la société. Société capitaliste et société patriarcale se renforcent (oppression de classe et de genre se renforcent). Les femmes sont utilisées comme banc d’essai des attaques néolibérales : tirer les salaires vers le bas ; la flexibilisation du travail commence par les femmes et se généralise ensuite ; le slogan altermondialiste dit « Nous ne sommes pas des marchandises » mais les femmes sont des marchandises : traite, prostitution, etc. 2) Il faut donc faire une lecture de genre du Droit et pas seulement une lecture de classes. Droit national, droit international, code civil, code pénal, code commercial, code du travail, code de la famille … : la vision du Droit est celles des hommes. Le Droit est masculin ; donc, il faut reformuler le Droit et préciser les droits des hommes et les droits des femmes tout en sachant que parmi ceux-ci, il y en a qui ne sont qu’à nous (les femmes) : ce sont les droits sexuels et les droits de reproduction. C’est une donnée ancienne mais il y a semble t-il des vides énormes à combler dans les lois nationales et internationales concernant les nouvelles situations des femmes. 3) Les institutions internationales intègrent dans le discours la perspective de genre mais c’est pour l’encadrer dans une politique plus générale. A quoi sert la perspective de genre de la Banque mondiale, de la coopération internationale si le « développement » qui en découle signifie une plus grande exploitation des femmes ? Par rapport à la dette Endettement = service de la dette = application des plans d’ajustement structurel Déplacement de la responsabilité du bien-être social, de l’Etat et de ses institutions collectives, vers l’intimité de la famille (sphère privée) qui oblige essentiellement les femmes à faire face. On demande aux femmes d’assumer des responsabilités qui devraient être celles de l’Etat en comptant sur leur « sens moral ». Elles sont donc doublement manipulées car 1° elles travaillent sans rémunération ; 2° cette force de travail gratuite est présentée comme une ouverture de l’Etat vis-à-vis des femmes. 1) dévaluation = prix d’achat jusque doublé pour les produits de première nécessité 2) Suppression des barrières douanières = impossible pour les producteurs locaux (dont beaucoup de femmes) de concurrencer le prix des produits importés 3) Licenciement et/ou gel des salaires = moins d’argent pour le ménage 4) Privatisation (renvoi à ci-dessus) + moins d’accès aux services de base (ex. privatisation de l’eau = privatisation des bornes fontaines ; émeutes de l’eau ; augmentation des problèmes de santé) 5) Coupes claires dans les budgets sociaux = la famille doit compenser (ex. parents paient l’école, paient soins) et surcroît de travail pour les femmes 6) Suppression des subventions des Etats aux produits de première nécessité (huile, sel, sucre, etc.) 7) Politique fiscale : imposition de la TVA à 17% pour tous les produits et services 8) Tout à l’exportation : abandon des cultures vivrières et augmentation de leur prix sur le marché local d’où transformation forcée des habitudes de consommation ; privatisation de la terre au lieu de réformes agraires 9) Déforestation : perte immédiate de ressources en nourriture mais aussi en remèdes pharmaceutiques accessibles + désertification : accroissement des problèmes pour cultiver, trouver de l’eau, faire paître le bétail, etc. Rappel : le PMB en 1995 était estimé à 23.000 milliards $ ; la contribution invisible (non traduite en valeurs monétaires) des femmes à 11.000 milliards $ (sans compter les inégalités qui subsistent dans les échanges monétaires -salaires). C’est en raison de cette situation que la révolution mondiale du Tiers Monde n’a pas encore éclaté et on voit bien tout l’intérêt que les pays dominants ont à conserver les choses en l’état. Secteur informel On n’arrête pas de louer la « débrouillardise » des femmes et des enfants dans le Tiers Monde. C’est indécent parce que l’informel est caractéristique d’une économie de survie. Tous les efforts devraient être concentrés vers la « formalisation » de ce secteur : ce qui est du ressort de l’Etat : un salaire décent, une protection des travailleurs, une sécurité sociale… En concentrant toutes les ressources de l’Etat vers le service de la dette, on éloigne de plus en plus cette possibilité de « formaliser » le secteur. L’extension du travail informel des femmes montre qu’il faut redéfinir (défi théorique) le rôle des femmes dans les dynamiques de l’économie globale. Avant, il y avait le rôle du travail au foyer comme soutien de l’économie capitaliste. Le travail informelest un processus sexué d’exploitation économique plus forte. Après le travail salarié (où les conditions de travail des femmes se détériorent plus rapidement et plus profondément que celles des hommes), le travail en zones franches (où il y a une majorité de femmes surexploitées), c’est une étape avant la prostitution. Micro-projets contre macro-économie La Banque mondiale et les ONG se partagent la responsabilité. Il y a une multiplication de micro-projets, surtout concentrés vers les organisations de femmes (considérées à juste titre comme plus responsables et efficaces). Cette démarche relève de la courte de vue car elle rentre en contradiction avec les conséquences néfastes de la macro-économie (ex. culture des tomates au Sénégal contre implantation d’une multinationale italienne ; projets nécessitant une voiture et augmentation du prix de l’essence ; Droits de propriété intellectuelle, révolution verte et culture des Organismes Génétiquement Modifiés rendant les paysans dépendants des multinationales de l’agro-business). Certaines organisations de femmes – celles qui développent davantage l’éducation, la conscience féministe et la politisation de leurs membres – voient très bien ce danger (ex. l’APROFES). Leur travail se situe sur deux échelles et se complète. Elles refusent l’instrumentalisation de leurs organisations. La Banque mondiale à ce niveau joue les pompiers pyromanes : après avoir déstructuré quasi complètement le rôle de l’Etat, elle organise des zones tampons (éviter l’exacerbation des tensions sociales) avec l’aide d’ONG du Nord et du Sud, et principalement les organisations de femmes. La Banque a organisé la participation des femmes (et organisations de femmes) parce que les femmes sont « des bons pauvres, des pauvres méritants » (elles ont le regard sur l’autre). La capacité traditionnelle des femmes à prendre soin de son entourage est reconnue (par exemple par la Bm) pour être mise ensuite au service du modèle néo-libéral. Objectifs du millénaire Réduire de ½ la proportion de la population vivant dans l’extrême pauvreté (70% de femmes) ; réduire de 2/3 la mortalité infantile et juvénile (majorité de filles) ; réduire de ¾ le taux de mortalité maternelle ; éliminer les disparités entre sexes dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici 2005 (reportés à 2015 et puis reportés à plus d’un siècle vu l’avancement ?) p. 17 brochure genre et mondialisation Quelle validité reconnaître à ces méga-conférences qui échouent systématiquement à générer un minimum d’avancées réelles ? Alors que tous les acteurs institutionnels internationaux étaient engagés… Par rapport à la condition féminine Le développement est une priorité pour l’émancipation des femmes Les politiques d’ajustement structurel priorisent des résultats sans s’attaquer aux causes du non-développement. Exemple : on mettra en place des politiques de dénatalité plutôt qu’assurer des mesures qui permettent aux femmes d’avoir un revenu « décent » et stable. Le CADTM est de ce point de vue en accord avec Vandana Shiva (Inde) : ne pas inverser ce qui a été dans le Nord le véritable processus de mieux-être social et donc du contrôle des naissances : sortir de la pauvreté, de l ‘économie de survie. Les obstacles culturels La lutte pour le développement doit être liée à la lutte pour les droits socio-politiques, pour l’émancipation des femmes en tant que telles. La succession. Le mariage. L’interdiction de divorcer. La répudiation. Tout ce qui fait que les femmes ne peuvent être propriétaires de terres, de biens. Le mariage précoce, les mutilations génitales. Prostitution Cela commence par le droit de cuissage. Des fillettes et jeunes filles, pour être admises à l’école, si la famille ne peut payer, passent par là. Et partout on voit la prostitution des enfants et des femmes s’accroître pour un échange de plus en plus maigre (un repas par exemple). Les filières maffieuses s’internationalisent (traite des femmes de l’ex bloc soviétique, de l’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine), le tourisme sexuel se mondialise. Dans un autre domaine, les migrations se féminisent aussi (plus de « chances » de trouver du travail par exemple comme « employées de surface », domestiques…). Travail des enfants Si l’on considère traditionnellement que la femme est responsable de la famille, celle-ci est de plus en plus déstructurée par le nouvel ordre économique. Comment doit-elle vivre cela ? La famille, de cellule de la société, devient entreprise, avec une logique violente de production. Les relations familiales s’établissent alors dans le cadre du travail et elles comportent des conditions d’esclavage. Quand la famille s’endette, mise en esclavage des enfants (résistance plus forte de la mère). Reproduction à petite échelle de l’endettement du Tiers Monde : il n’y a jamais moyen de rembourser la dette. Trafic très étendu pour éloigner sans espoir de retour les enfants qui ne savent même plus à la limite d’où ils viennent. Ils deviennent systématiquement objets de violence (peur = paralysie). Question de la paix Pas verser dans la mièvrerie : il y a des femmes combattantes. La dette et l’appauvrissement qui en a résulté, accentuent les tensions sociales. Des conflits ethniques et /ou religieux ont souvent la dette pour origine : il est plus facile d’accuser le voisin (un peu différent) de ses maux plutôt que de percevoir les responsabilités des institutions internationale (Bretton Woods, G7, etc.). Quand conflit il y a, les femmes en supportent un lourd tribut : viols (expression de la domination de l’autre groupe), grossesses forcées, infection délibérée au virus du sida, massacres (extermination du groupe) font qu’il y a une violence de genre à l’intérieur de la violence de guerre. Résistance des femmes Car les femmes sont en lutte. Exemples : processus de survivance et de résistance en Argentine au moment et depuis la crise (coopératives de femmes, nouvelles dynamiques entre l’espace privé et l’espace public, pratiques collectives faisant émerger des domaines d’autonomie et de libertés personnelles, cantines populaires, jardins communautaires, piqueteras, etc.). Donc dés-assujetissement des femmes, revalorisation, conscience de son pouvoir, retour à l’expression. Le problème est de « codifier » quelque part ces avancées individuelles et collectives et de les codifier de manière effective car il existe une foule de conventions la plupart du temps ratifiées par les Etats mais cela ne donne pas de réalité en ce moment au droit au développement pour les femmes.