Thème 1 (ECO) : Croissance, fluctuations et crises. Chapitre 2

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Thème 1 (ECO) : Croissance, fluctuations et crises.
 Chapitre 2 : Comment expliquer l’instabilité de la croissance ?
 Objectifs.
Il s’agit de mettre en évidence que la croissance économique n’est pas un phénomène harmonieux
puisque l’on observe des fluctuations économiques. Malgré une tendance à l’augmentation des richesses
créées sur le long terme, on constate néanmoins des phases de croissance plus ou moins soutenue et des périodes de crise. Les fluctuations économiques peuvent se mesurer par le décalage entre la croissance potentielle (trend de croissance de long terme que l’économie devrait suivre en l’absence de chocs exogènes et de
tensions) et la croissance effective (croissance observée).
Il s’agit ensuite d’aborder les facteurs explicatifs de ces fluctuations économiques, autour des effets
provoqués par l’existence de chocs exogènes (chocs d’offre et/ou de demande).
Enfin, il faut montrer comment les pouvoirs publics peuvent gérer ces fluctuations conjoncturelles, à
travers les politiques budgétaires et monétaires.
 Plan.
I.
Les fluctuations de l’activité économique.
A. La croissance potentielle.
Doc. 3 p. 45
B. Croissance potentielle et croissance effective.
Doc. 1 / doc. 2 p. 44 ; doc. 4 p. 45
C. Crises et fluctuations économiques.
Doc. 1 / doc. 2 p. 46 ; doc. 3 / doc. 4 p. 47
II.
Les explications des fluctuations économiques.
A. Les chocs de demande.
Doc. 1 / doc. 2 p. 48 ; doc. 3 /doc. 4 p. 49
B. Les chocs d’offre.
Doc. 1 / doc. 2 p. 50 ; doc. 3 / doc 4 p. 51
C. La déflation par la dette.
Doc. 1 / doc. 2 p. 52 ; doc. 3 / doc. 4 p. 53
III.
Les pouvoirs publics peuvent-ils limiter les fluctuations économiques ?
A. Les justifications de l’intervention de l’Etat.
Doc. 1 / doc. 2 p. 54 ; doc. 3 / doc. 4 p. 55
B. La mise en place de politiques conjoncturelles.
Doc. 1 / doc. 2 p. 56 ; doc. 3 / doc. 4 p. 57
C. Les limites de ces politiques.
Doc. 1 / doc. 2 p. 58 ; doc. 3 / doc. 4 p. 59
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Thème 1 (ECO) : Croissance, fluctuations et crises.
 Chapitre 2 : Comment expliquer l’instabilité de la croissance ?
I.
Les fluctuations de l’activité économique.
Les fluctuations de l’activité économique représentent l’ensemble des mouvements de ralentissement
ou d’accélération du rythme de la croissance économique. Elles correspondent à des évolutions de court
terme de variables macroéconomiques, le plus souvent le PIB.
Le repérage des fluctuations s’effectue grâce à des séries statistiques qui portent sur le volume de la
production, les prix, le chômage, le niveau des stocks, etc… (En France, par exemple, il existe les enquêtes
de conjoncture réalisées par l’INSEE).
Les fluctuations sont donc les écarts par rapport à la tendance de long terme. L’objet de ce chapitre
est donc de constater et d’expliquer l’existence de ces fluctuations.
A. La croissance potentielle.
La croissance potentielle d’une économie est le sentier de croissance de long terme (le trend) que
l’économie devrait suivre en l’absence de chocs exogènes et de tensions. La croissance potentielle est donc
une croissance fictive. Elle est évaluée par le taux de croissance du PIB potentiel, c'est-à-dire la croissance
maximale de production sans accélération de l’inflation. Cette croissance est déterminée par l’évolution de
la quantité des facteurs de production (W : évolution population active, durée du travail, taux d’emploi ;
K : stock de capital, utilisation des capacités de production, investissement) ainsi que leur productivité.
Remarque : Le PIB potentiel diffère donc du niveau maximal de production réalisable à un instant donné
car il s’agit d’un PIB soutenable c'est-à-dire sans accélération de l’inflation et de la croissance des salaires.
B. Croissance effective et croissance potentielle.
La croissance effective d’une économie est la croissance réelle, constatée du PIB au cours d’une année. Elle est instable. On observe des périodes de croissance soutenue (expansion) et des périodes de fort
ralentissement, voire de recul de l’activité économique pendant une période plus ou moins longue (récession
ou dépression). Elle résulte notamment de l’importance de la demande.
L’écart (gap) entre croissance effective et croissance potentielle permet d’observer l’instabilité de la
croissance.
1. La croissance effective peut être temporairement supérieure à la croissance potentielle, par exemple,
suite à un choc économique positif (une demande dynamique) – cf. paragraphe suivant – qui peut provoquer
une hausse de l’activité économique si rapide que des tensions vont apparaitre : des tensions sur les prix
(avec l’inflation) ou sur le marché du travail (certains secteurs d’activité auront des difficultés à recruter des
salariés ayant les capacités requises). On parle alors de « surchauffe ».
Mais il est aussi possible, à court et moyen terme, que le taux de croissance effectif soit supérieur au
taux de croissance potentiel sans qu’il y ait déséquilibre, s’il existe un déficit initial de production.
2. La croissance effective peut être inférieure à la croissance potentielle (par exemple, une politique
économique visant à réduire la dette souveraine). Cette situation entraine un sous-emploi des facteurs de
production (chômage et faible taux d’utilisation des capacités de production). Face à une situation où la
croissance est insuffisante pour assurer le plein emploi, il est nécessaire de déterminer si cela résulte d’une
croissance effective inférieure à la croissance potentielle (ce qui relève d’une politique économique conjoncturelle) ou d’une croissance potentielle insuffisante (ce qui relève d’une politique économique structurelle).
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Par ailleurs, si la croissance effective reste durablement (plusieurs années) inférieure à la croissance
potentielle, le potentiel de croissance peut être diminué. En effet, cette situation risque de limiter les efforts
d’investissement et d’innovation comme de décourager une partie de la population active.
En France, la croissance potentielle est estimée à 2,1% par an sur la période 2008 – 2015. En 2010,
la croissance effective a été de 1,4% et en 2011, de 1,7%.
C. Crises et fluctuations économiques.
L’histoire économique a montré que la croissance économique n’est pas linéaire. Elle alterne des périodes d’expansion et des périodes de récession qui se caractérisent par un ralentissement de la croissance,
voire une baisse de la production ; et par des différentes manifestations (baisse de l’emploi, des salaires et
des profits et généralement des prix).
Les explications de la crise sont diverses :
- Elle peut être considérée comme un phénomène cyclique (objet de ce paragraphe)
- Elle peut être considérée comme un phénomène exogène dû à des facteurs extra économiques (par
exemple, un choc pétrolier)
- Elle peut être considérée comme un phénomène endogène trouvant ses origines dans le fonctionnement même de l’économie.
Selon la théorie des cycles, l’économie subirait des fluctuations qui reviennent avec une certaine régularité et une certaine périodicité.
Un cycle économique définit les fluctuations de l’activité économique en les décomposant en une
succession de phases identifiables dans le temps en fonction du taux de croissance. On distingue quatre
phases successives dans un cycle économique :
- Expansion : le taux de croissance est positif et élevé (hausse de l’emploi, des salaires et des profits).
- Crise : moment de retournement de la conjoncture.
REMARQUE : au sens large, la crise englobe aussi la période de récession et de dépression. Par
ailleurs, le terme récession peut aussi avoir deux significations :
1. Lorsque la croissance économique devient inférieure à la tendance de croissance de long terme.
2. Une croissance économique négative pendant au moins six mois consécutifs.
- Récession voire dépression : phase de ralentissement de l’activité économique (le taux de croissance
est positif mais plus faible et il être négatif : hausse du chômage et baisse des salaires et des profits).
- Reprise : retour dans une phase d’expansion.
Un cycle peut être schématisé de la manière suivante :
Taux de croissance
du PIB
crise
expansion
récession
reprise
expansion
temps
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Un cycle économique se définit donc par sa périodicité et son amplitude. L’analyse économique en
retient notamment trois grandes catégories de cycles selon leurs durées/
- Les cycles longs sont appelés « cycles Kondratiev » (1)
- Les cycles des affaires ou cycles majeurs ou cycles Juglar (2)
- Les cycles mineurs ou cycles Kitchin (3)
(1) Nikolaï Kondratiev (1892 – 1938) était un économiste soviétique. Il a montré que les fluctuations
économiques sont inhérentes au capitalisme.
Il a observé l’existence de cycles économiques d’une durée de 40 – 60 ans (durée moyenne : 53 ans),
à partir d’une étude réalisée sur quatre pays (France, États-Unis, Grande-Bretagne et Allemagne) sur la période 1770 – 1920. Selon lui, un cycle comprend deux phases :
- Une phase A d’expansion (20 – 25 ans) caractérisée par une hausse du volume de la production et
des prix.
- Une phase B de récession (20 – 25 ans) caractérisée par une baisse des prix, un ralentissement de la
production ou une baisse de la production (dépression).
Il observe que les phases d’expansion coïncident avec une innovation technologique massive. Par
exemple, l’arrivée du chemin de fer a nécessité de très lourds investissements économiques. Quand la hausse
des prix rend l’investissement trop lourd, il s’installe une phase de récession. Mais, globalement, Kondratiev
a réalisé des constats sans donner d’explication.
C’est Joseph Aloïs Schumpeter (1883 – 1950) qui va construire une « théorie de l’évolution économique » à partir des travaux réalisés par N. Kondratiev.
De manière schématique, les cycles que subit l’économie peuvent s’expliquer par les grappes
d’innovation qui créent des opportunités de profit élevé attirant de nouveaux entrepreneurs. La production
augmente de même que l’emploi, l’économie est alors en phase d’expansion.
Quand tous les débouchés sont exploités, le taux de profit des entreprises commence à stagner voire à
diminuer. Les effets bénéfiques des innovations disparaissent et l’économie se retourne, entrainant une
phase de ralentissement jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle grappe d’innovations.
(2) Les cycles Juglar. Clément Juglar (1819-1905) était docteur en médecine puis jusqu’en 1883, professeur
à l’École libre des Sciences politiques (Paris). Il était membre de la Société de Statistique (Paris, président),
de la Société d’Économie sociale (Paris, président), de la Société d’Économie politique (Paris), de la Royal
Statistical Society (Londres) et de l’Institut international de Statistique. Membre du Comité des Travaux
historiques et scientifiques et du Conseil supérieur de la Statistique. Fondateur de l’Économiste français et
rédacteur au Journal des Économistes (1851).
La durée moyenne des cycles est de 6 – 10 ans. Ces cycles sont liés à des variations conjoncturelles
de l’activité économique qui influencent le comportement des agents économiques en termes de consommation et de production.
Ces cycles comportent deux phases et deux retournements :
- 1ère phase : l’expansion. La demande importante permet l’augmentation de tous les indicateurs économiques. (prix, production, profit, investissement, emploi…)
- 1er retournement : la crise. Juglar affirme que « La cause de la dépression, c’est la prospérité ». il
s’agit d’un retournement brutal dû à la surchauffe de l’économie.
- 2ème phase : la dépression. L’offre est supérieure à la demande, ce qui provoque la baisse de tous les
indicateurs économiques. Cette dépression, en favorisant la baisse des prix
et des salaires, permet un assainissement de l’économie, d’où la reprise.
- 2ème retournement : la reprise. Renversement de tendance annonçant une nouvelle expansion et donc
un nouveau cycle.
Mais l’économie est toujours en déséquilibre. Lorsque la demande est supérieure à l’offre, les prix
puis la production augmentent ; mais au lieu de parvenir à une situation d’équilibre (La hausse des prix permet d’augmenter l’offre et de diminuer la demande), l’économie se retrouve dans une situation inverse :
l’offre devient supérieure à la demande, ce qui se traduit par une baisse des prix et de la production.
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(3) Les cycles Kitchin. Joseph Kitchin (1861-1932) est un statisticien anglais qui a mené des travaux sur
les cycles économiques. En 1923, Joseph Kitchin publie dans le Harvard University Press un article intitulé
"Review of Economic Statistics" montrant l’existence de cycles d’une durée de quarante mois à partir des
séries sur les économies américaine et britannique de 1890 à 1922.
Son étude est basé sur les travaux de Clément Juglar. Il a décelé des cycles mineurs au sein même
des cycles de Juglar. Ces cycles sont donc de l'ordre de trois à quatre années. Ces cycles courts seraient au
nombre de deux au sein de chaque cycle de Juglar.
Ce cycle a une faible amplitude. On ne remarque ni de vraies crises, ni d’expansions fortes, mais seulement des accélérations économiques et des décélérations.
Il existerait une certaine périodicité dans la gestion des stocks. Ainsi, des périodes durant lesquelles
les entreprises stockent (d’où une production plus forte) succéderaient à des périodes durant lesquelles les
entreprises épuisent leurs stocks (d’où une production moins forte).
II.
Les explications des fluctuations économiques.
Les fluctuations cycliques de la croissance peuvent être dues à différentes transformations au sein de
l’environnement économique. Les chocs de demande, les chocs d’offre, le cycle du crédit et la déflation par
la dette sont des facteurs explicatifs de celles-ci.
On appelle « choc » une modification, brutale et inattendue de l’environnement économique provoquant des variations sur le niveau de la production des entreprises, et par suite du PIB. Un choc affecte soit
la demande, soit l’offre.
Les chocs peuvent être positifs lorsqu’ils permettent la réalisation des grands équilibres économiques
(cf. carré magique de N. Kaldor) ou négatifs lorsqu’ils ont pour conséquence une dégradation de l’activité
économique et du niveau de l’emploi.
Les chocs peuvent être symétriques ou asymétriques. On appelle choc symétrique un évènement
exogène ayant un impact similaire sur la demande agrégée et/ou l’offre agrégée des différents pays d’une
zone économique (par exemple, la C.E.). On appelle choc asymétrique (ou spécifique) un évènement ayant
un impact macro-économique seulement dans un pays, ou avec une intensité différente selon les pays (par
exemple, une variation de la demande dans un secteur de spécialisation ; un évènement politique ou social).
A. Les chocs de demande.
L’irrégularité de la croissance effective s’explique principalement par les variations de la demande
globale :
Lorsqu’une des composantes de la demande globale adressée aux producteurs se modifie, on parle de
choc de demande. Lorsque la demande globale est affectée par des chocs positifs (par exemples, hausse des
salaires réels, baisse des taux d’intérêt, hausse des dépenses publiques), sa hausse peut favoriser une phase
d’expansion. Inversement, si des chocs de demande négatifs se produisent (hausse des taux d’intérêt, hausse
des prélèvements obligatoires,…), ils peuvent provoquer une diminution de la demande globale et conduire
à une récession.
Ces chocs de demande risquent d’avoir un impact amplifié sur l’activité économique du fait du comportement des entreprises en matière de stocks. Ainsi, lorsque la demande ralentit, la production peut baisser
beaucoup plus fortement si les entreprises décident de réduire leurs stocks afin d’anticiper une baisse plus
importante de la demande ; la hausse du chômage et la baisse du nombre d’heures travaillées en général risquent alors de contribuer à accentuer ce ralentissement. Inversement, lorsque la hausse de la demande
s’accélère, les entreprises produisent d’autant plus qu’elles devront reconstituer leurs stocks et que des entreprises investiront pour étendre leurs capacités de production ; la baisse du chômage et la hausse du
nombre d’heures travaillées peuvent alors contribuer à entretenir l’augmentation de la demande.
Néanmoins, les effets à court terme des variations autonomes de la demande sur la croissance sont
d’autant plus réduits que les propensions à épargner et à importer des agents économiques sont élevées.
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B. Les chocs d’offre.
Les chocs d’offre correspondent à des variations des conditions de la production et ont pour origine
notamment la productivité ou les prix des facteurs de production.
Un choc d’offre positif peut s’expliquer par un choc technologique, qui crée un mécanisme
d’impulsion à la production et à l’emploi, puis un phénomène de propagation (diffusion à l’ensemble de
l’économie).
Une augmentation de la productivité permet de modifier la fonction de production. Par ailleurs, les
innovations permettent de générer des gains de productivité et d’abaisser les coûts unitaires de production de
production favorisant un choc d’offre positif : en abaissant les prix des produits, elles favorisent leur diffusion auprès des consommateurs et donc l’augmentation de la production.
Un choc d’offre positif permet donc d’améliorer la situation des producteurs par la diminution de
leurs coûts de production. Ils peuvent dès lors éventuellement produire davantage et tirer la croissance économique.
Les chocs d’offre négatifs sont généralement provoqués par une hausse du coût des matières premières, par des hausses de salaires supérieures aux gains de productivité ou par un alourdissement de la fiscalité sur les entreprises. En cas de choc d’offre négatif, l’activité économique devient plus coûteuse et les
entreprises les moins productives et compétitives risquent de disparaitre, entrainant une hausse du chômage.
C. Le cycle crédit et la déflation par la dette.
Le cycle du crédit contribue à expliquer le caractère endogène de l’instabilité de la croissance.
Remarque : Les chocs exogènes peuvent résulter d’un accident climatique (conséquences sur la production agricole), d’une hausse du prix de certains biens importés (matières premières par exemple), de
guerres, de révolutions ou d’actions de l’Etat. C’est une approche plus spécifique aux économistes Classiques. Les chocs endogènes sont inhérents au fonctionnement du système capitaliste. C’est une approche
plus spécifique aux économistes relevant de Marx ou de Keynes.
En période d’expansion, surtout si la situation économique est saine (faible taux d’intérêt, faible inflation), l’euphorie, « le paradoxe de la tranquillité » (Hyman MINSKI) joue. Les agents économiques
s’endettent, financent des investissements ou une consommation à crédit, ce qui dynamise la demande et
renforce la croissance donc l’optimisme général. Cependant, le taux d’endettement des agents augmente, des
crédits sont accordés à des agents économiques moins solvables, des comportements spéculatifs se développent, des bulles peuvent se former sur les prix de certains actifs.
REMARQUE : J.M. Keynes avait montré en 1936 dans la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de
la monnaie » que la valeur des titres sur le marché financier ne dépendait pas forcément des fondamentaux
(par exemple, les profits des entreprises) mais des anticipations des agents. Il comparait le fonctionnement
du marché financier à un concours de beauté où le gagnant est celui qui a deviné quelle sera la gagnante.
Sur les marchés financiers, les agents cherchent donc avant tout à prévoir ce que vont faire les autres, ce
qui explique l’apparition de comportements moutonniers et de prophéties autoréalisatrices à l’origine de
bulles spéculatives ou de krachs (une hausse excessive des prix sur un marché sans raison économique réelle).
Hyman Minski va développer les analyses keynésiennes en mettant en évidence que les crises financières étaient cycliques et inhérentes au fonctionnement du système financier. En période de croissance, un
optimum excessif amène les banques à accorder des crédits de plus en plus hasardeux. L’incapacité de certains de ces débiteurs à rembourser leurs dettes entraine une crise et une prudence excessive des banques.
Ainsi, en fixant des taux d’intérêt trop bas en période d’expansion, les banques centrales peuvent
amplifier les comportements à risque, tout comme les banques commerciales lorsqu’elles prêtent à des
agents économiques ayant des projets trop risqués. Ces excès peuvent conduire à une crise financière et
plonger l’économie réelle dans la crise par la conjonction des effets richesse négatifs sur les ménages, de la
destruction des capitaux propres des entreprises et des banques, du climat de pessimisme qui s’installe et qui
peut entrainer l’effondrement de la demande globale, de l’offre et de la demande de crédit.
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C’est ainsi que la dette (période d’expansion) conduit au boom économique et que celui-ci conduit à
la crise lorsqu’un évènement provoque le retournement des anticipations et la contraction de l’offre de crédit
des banques.
Le mécanisme de déflation par la dette (Debt deflation) a été décrit par Irving Fisher en 1933. Lorsque les agents économiques prennent subitement conscience de leurs dettes, ils vendent massivement leurs
actifs pour les rembourser. Généralisées, ces ventes aboutissent à la baisse du prix des actifs conduisant alors
à un accroissement de la part de l’endettement sur la valeur des actifs.
[cf. article Les Echos n° 20647 du 31/03/10]
La puissance de ce mécanisme tient à son caractère cumulatif : la fragilité du système bancaire rend
le crédit inaccessible aux PME qui, pour retrouver de la liquidité, licencient et baissent les prix. La baisse
des prix augmente le poids réel de la dette pour les entreprises endettées ce qui provoque une multiplication
des faillites, aggravant en retour la situation des banques.
REMARQUE : La déflation, c'est-à-dire la diminution des grandeurs nominales (prix, salaires, masse monétaire) qui s’accompagne en général de celles des grandeurs réelles (demande, production, emploi), pourrait assainir l’économie si elle favorisait à long terme le redémarrage de cette dernière. En effet, la déflation peut créer les conditions de la reprise, si elle élimine les producteurs les moins efficaces.
La baisse de l’investissement pendant la déflation réduit la demande de capitaux ce qui favorise la
baise des taux d’intérêt, tandis que le chômage contribue à la baisse des salaires. A un moment, le coût unitaire de production est si faible que l’activité des producteurs ayant survécu reprend. Cependant, l’existence
d’un tel phénomène de « régulation par la faillite » (Jacques Rueff) a été contesté par des économistes, notamment J.M. Keynes qui souligne que seule l’intervention de l’Etat peut permettre un redémarrage de
l’activité économique.
La stratégie du cycle de crédit montre que la récession est aggravée par les stratégies des établissements bancaires qui précipitent et amplifient la crise. En effet, le renchérissement du crédit et sa raréfaction
(crédit crunch) agissent sur la demande des ménages et celle des entreprises :
- Diminution de la demande des ménages (achats de biens de consommation à crédit, accession à la
propriété) : cette baisse provoque une diminution de l’activité économique, un risque de faillite pour les entreprises les plus vulnérables et une hausse du chômage.
- La diminution de la demande de biens d’équipements par les entreprises handicape la productivité
des entreprises, notamment à l’exportation.
Le cycle du crédit montre donc que les entreprises n’adoptent pas la même stratégie en période
d’expansion et en période de récession.
Expansion
hausse des crédits à
L’économie
hausse : consommation
investissement
Récession
baisse des crédits à
A l’économie
baisse : consommation
investissement
effets positifs
sur l’emploi
effets négatifs
sur l’emploi
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III.
Les pouvoirs publics peuvent-ils limiter les fluctuations économiques ?
A. Les justifications de l’intervention de l’Etat.
Il faut tout d’abord rappeler que tous les économistes n’accordent pas le même rôle à l’Etat.
- Dans la théorie néo-classique, le marché détermine en principe un équilibre unique et stable et l’Etat
libéral n’intervient que pour réduire les obstacles techniques qui empêchent la réalisation de l’allocation
optimale des ressources.
L’Etat ne peut être un centre unique de décision puisque les pouvoirs publics n’ont pas un comportement rationnel. En effet, l’Etat n’est que la résultante de tous les conflits internes à l’organisation sociale
(partis politiques, parlement, syndicats,…) et de ce fait ne peut avoir un comportement rationnel. Dans ces
conditions, le marché est la condition de l’optimum économique et l’action de l’Etat doit tendre à la neutralité.
- Après la crise de 1929, J.M. Keynes (1883 – 1946), dans « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt
et de la monnaie (1936) », va accorder à l’Etat un rôle essentiel dans l’activité économique. L’Etat devient le
représentant de l’intérêt général et c’est à ce titre que son intervention est revendiquée.
L’activité publique s’exerce lorsque l’intérêt collectif s’impose aux intérêts particuliers. Keynes mettra en évidence les dysfonctionnements du marché (externalités, biens collectifs, lutte contre les cartels,…),
préconisera le développement d’un secteur public important,… Avec Keynes, se développe la notion d’Etatprovidence. Néanmoins, l’économie doit d’abord rester régulée par le marché. Dans la période actuelle, les
analyses de Keynes ont trouvé un nouvel écho. Quel doit être le rôle de l’Etat lorsque l’activité économique
ralentit voire recule.
En effet, en période de ralentissement, le recul de l’activité économique entraine un chômage de
masse se développe et une baisse du revenu des ménages. Les jeunes connaissent plus de difficultés que
leurs ainés pour s’insérer sur le marché du travail. Cette situation provoque des tensions sociales et politiques, et encourage les mouvements qui prônent des changements radicaux dans l’organisation économique
et sociale. Sans intervention de l’Etat, l’économie peut entrer dans un cercle vicieux dans lequel la déflation
(fréquemment observée en période de crise grave) renforce les difficultés économiques.
La lenteur de l’ajustement de l’économie par la déflation a été soulignée par J.M. Keynes en 1931
dans une émission radiophonique dans laquelle il critiquait les économistes annonçant le retour au calme
après la tempête. L’intervention de l’Etat apparait d’autant plus nécessaire que l’ajustement par la déflation
peut ne pas se produire, notamment parce que les entreprises les plus vulnérables ne sont pas toujours les
moins efficaces. Inversement, en cas de croissance économique effective trop forte par rapport au potentiel
de croissance de l’économie, des tensions inflationnistes peuvent se manifester et être à l’origine d’un
cercle d’un cercle vicieux aux conséquences désastreuses. En effet, l’inflation se traduit par une baisse du
pouvoir d’achat de la monnaie, qui entame la confiance qu’ont les individus en elle, et par une perte de
compétitivité-prix au niveau international, ce qui peut avoir des effets négatifs sur les échanges extérieurs et
donc la production réalisée à l’intérieur d’un pays. Elle a aussi pour effet si les revenus n’augmentent pas au
même rythme que les prix, de provoquer une baisse du pouvoir d’achat des ménages ce qui provoquer un
ralentissement de l’activité économique. Enfin, elle provoque, lorsqu’elle n’est pas compensée par une
hausse des taux d’intérêt, des transferts de richesse des prêteurs (épargnants notamment) vers les emprunteurs (la baisse des taux d’intérêt réels favorise les emprunteurs).
B. La mise en place de politiques conjoncturelles.
Le diagnostic porté sur la nature des déséquilibres macroéconomiques détermine le type de politique
conjoncturelle à mettre en œuvre (cf. carré magique). Ces politiques, budgétaire et monétaire, ont principalement deux orientations :
- La politique de relance qui accorde une priorité à l’emploi. (1)
- La politique de rigueur qui accorde une priorité à la lutte contre l’inflation. (2)
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1. La politique de relance.
Lorsque la croissance de la demande globale ralentit, voire devient négative, l’écart entre la
croissance effective et la croissance potentielle se creuse. Les politiques conjoncturelles peuvent soutenir la
croissance effective. Elles consistent en une politique budgétaire de relance par une hausse du déficit de
l’Etat due à l’accroissement des dépenses publiques (hausse des prestations sociales, création d’emplois publics,…), à la réduction des impôts (baisse TVA, impôt sur le revenu, réduction fiscalité des entreprises,…).
On peut également mettre en place une politique monétaire expansive de soutien à l’investissement et au
système bancaire par la baisse du taux d’intérêt et/ou l’injection de liquidités. Ainsi, à l’occasion de la crise
de 2008, les banques centrales américaine et européenne (Fed et BCE) ont abaissé très rapidement leurs taux
d’intérêt directeurs et ont fourni la liquidité demandée par le marché. Les Etats ont laissé se creuser les déficits publics et ont en général mis en œuvre des plans de relance.
Les mesures prises visent donc à stimuler la consommation et l’investissement et, de manière générale, la demande globale, afin de relancer la production et à réduire le nombre de chômeurs.
2. La politique de rigueur.
Lorsque la croissance effective devient trop forte par rapport au potentiel de croissance de
l’économie d’un pays, on tend vers une « surchauffe » de l’économie et des tensions inflationnistes apparaissent. Il s’agit alors de mettre en place une politique de freinage de la demande globale en adoptant une
politique budgétaire restrictive : recherche de l’équilibre budgétaire, voire d’un excédent budgétaire, par
une diminution des dépenses publiques, une hausse des impôts… On peut également adopter une politique
monétaire restrictive en augmentant suffisamment les taux directeurs afin de limiter le recours au crédit.
Ainsi, la Banque centrale cherche à restreindre la création monétaire afin de réduire les tensions inflationnistes. Il s’agit donc d’une politique de désinflation.
Les mesures prises visent donc à ralentir la croissance de la demande globale et, par suite, à entrainer
une désinflation.
C. Les limites de ces politiques.
 La politique budgétaire est contrainte. Ainsi, la crise des subprimes a provoqué un choc sur la
demande. Les pouvoirs publics n’ont pas hésité à mettre en place des politiques budgétaires de relance soit
par la consommation, soit par l’investissement. Mais, la dérive des finances publiques (accroissement de
l’endettement de l’Etat) les a rapidement conduits à mettre en œuvre des politiques d’austérité sévères qui
risquent d’aggraver la récession sans réduire les dettes publiques.
 Les politiques conjoncturelles qui agissent sur la demande risquent de ne pas être efficaces en
réponse à un choc d’offre négatif dans l’économie. En effet, la politique conjoncturelle agit plus facilement
sur les variables de demande que sur les variables d’offre. Les chocs d’offre nécessitent, au contraire, des
ajustements structurels et institutionnels de l’économie qui exigent du temps.
 Par ailleurs, la France est insérée dans la zone euro où la conduite des politiques conjoncturelles est beaucoup plus difficile : la politique monétaire est décidée par la BCE pour l’ensemble de la zone
euro ; la politique budgétaire est contrainte par le Pacte de Stabilité et de Croissance (déficit budgétaire limité à 3% du PIB et dette publique à 60% du PIB), renforcé en 2012 par le Pacte budgétaire, qui n’offrent
qu’une coordination négative des politiques budgétaires nationales.
 REMARQUE : Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), plus connu sous
le nom de pacte budgétaire européen, a été signé le 2 mars 2012 à Bruxelles par les chefs d'Etat et de gouvernement de 25 Etats membres de l'Union européenne (tous sauf le Royaume-Uni et la République
tchèque). Ce traité prévoit l'application de règles renforcées en matière de lutte contre les déficits et l'endettement publics, mais aussi de sanctions possibles contre les Etats faisant preuve de laxisme dans ce domaine. Le traité entrera en vigueur au 1er janvier 2013, si 12 Etats membres de la zone euro l'ont ratifié.
Les autres Etats peuvent ratifier ensuite, et cela déclenche alors son application chez eux.
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Ce traité a été ratifié à ce jour par 13 d'entre eux (dont 9 de la zone Euro). Il entrera en vigueur dès
lors que 12 Etats dont la monnaie est l'Euro (on en compte 17) l'auront ratifié. Les signataires ont souhaité
qu'il s'applique au 1er janvier 2013.
 Par ailleurs, la politique budgétaire d’un Etat membre, lorsque celui-ci est de grande taille,
peut avoir un impact significatif non seulement sur l’économie de ce pays mais également sur l’ensemble de
la zone. Il existe donc des « externalités négatives » ou « effets de débordement ». La politique budgétaire
provoque des externalités sur :
- Le commerce extérieur (1)
- Le taux d’intérêt (2)
- La concurrence fiscale (3)
- Les effets d’offre (4)
(1) Une hausse du déficit public dans un pays stimule la demande dans ce pays, donc ses importations, et
par conséquent les exportations des autres pays. Cet effet est d’autant plus important que les pays commercent entre eux.
(2) Un déficit budgétaire dans un pays conduit normalement à une hausse des taux d’intérêt, soit par
réaction de la Banque centrale, soit par réaction des marchés financiers à la hausse de l’endettement public.
La Banque centrale (BCE) réagit uniquement aux agrégats de la zone (inflation, écart de production, dette
publique agrégée). Une relance budgétaire dans un pays peut donc conduire à une hausse des taux directeurs
de l’ensemble de la zone euro.
(3) Une baisse des impôts dans un pays peut avoir pour conséquence d’attirer des entreprises dans ce
pays au détriment des autres pays. Une même relance budgétaire peut donc avoir des conséquences différentes pour les pays partenaires, selon qu’elle résulte d’une stimulation de la demande ou d’une baisse de la
fiscalité. Dans le second cas, la demande et l’offre sont simultanément encouragées, et il n’est pas certain
que le pays qui relance accroisse ses importations.
(4) En modifiant sa fiscalité, un Etat membre modifie les conditions de l’offre de biens et de services
(par exemple, hausse de la TVA) et/ou de l’offre de travail (par exemple, baisse des cotisations sociales)
On constate donc que les différentes externalités de politique budgétaire agissent dans des sens différents et que l’effet global peut être incertain. Ainsi, une relance budgétaire en Allemagne peut avoir un effet
positif sur l’activité en France à travers le commerce extérieur (les exportations françaises vers l’Allemagne
augmentent), un effet négatif à travers le taux d’intérêt (les taux d’intérêt de la zone euro augmentent), un
effet négatif à travers la concurrence fiscale (une baisse des impôts attire les entreprises et les travailleurs
qualifiés en Allemagne) et un effet ambigu à travers l’offre (selon le type de mesure utilisée).
Toutefois, les études ont montré que les externalités budgétaires sont faibles. Mais, lorsqu’elles existent, elles sont vraisemblablement positives dans la mesure où une hausse du déficit budgétaire dans un pays
élève la demande des pays voisins.
 De plus, les effets des politiques conjoncturelles ne sont pas mécaniques. Les ménages et les
entreprises peuvent modifier leurs comportements suite aux modifications des politiques économiques. Par
exemple, une relance de la consommation par la distribution par l’Etat de revenus exceptionnels aux ménages peut échouer si ceux-ci préfèrent, par précaution, épargner ces revenus supplémentaires compte tenu
de la menace croissante du chômage ou de l’anticipation d’une hausse future des impôts destinés à contenir
la dette publique. Dès lors, ils modifient à la baisse leur propension à consommer. Une politique monétaire
expansionniste par la baisse des taux d’intérêt directeurs peut ne pas parvenir à accroître l’offre de crédit des
banques et la demande de crédit des ménages et des entreprises du fait du pessimisme des agents économiques: il n’y a alors pas transmission à l’économie réelle (la relance attendue de la demande et de l’offre ne
se produit pas). Il est donc de ce fait difficile de prévoir avec certitude les effets sur l’économie d’une modification de la politique budgétaire ou monétaire.
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