BIOENDOSCOPIES. L’endoscopie conventionnelle permet de détecter les aspects anormaux de l’image créée par la lumière blanche réfléchie par la muqueuse. Cependant, trois phénomènes sont limitatifs: - l’œil de l’endoscopiste ne détecte que le spectre de la lumière visible (400-700 nm) ; - la profondeur de pénétration dans la muqueuse est faible (<100 µm) car la bande visible est principalement absorbée par l’hémoglobine ; - la lumière blanche n’est pas cohérente, c’est-à-dire que la trajectoire des photons est diffuse et non pas organisée comme dans un laser. De nouvelles techniques de « bioendoscopie » telles que l’autofluorescence, la Narrow Band Imaging (NBI), la microendoscopie Confocale sont en cours d’évaluation dans plusieurs spécialités dont l’ORL. Elles sont basées sur la composition des tissus et les propriétés physiques de la lumière. AUTOFLUORESCENCE Les tissus sains contiennent des fluorophores endogènes dont l’excitation entraîne une autofluorescence. Les différences de fluorescence entre une muqueuse normale et pathologique sont liées aux différences de concentration et de distribution de ces fluorophores et aux changements de la microarchitecture tissulaire. Elles sont aussi influencées par la longueur d'onde d'excitation de l'éclairage appliqué. La fluorescence induite est basée sur l’administration de fluorophores exogènes (en général l’acide deltaaminolévulinique). Elle n’est pas indispensable pour l’examen des VADS. En pneumologie, elle n’est pas considérée comme un outil de dépistage des cancers bronchiques. Mais elle est intéressante comme examen de détection précoce dans une population à haut risque. En combinant la bronchoscopie en lumière blanche et en autofluorescence, la sensibilité de cet examen, dans la détection des lésions prénéoplasiques ou néoplasiques précoces, est augmentée de manière significative.1,2 En gastro-entérologie, l’autofluorescence semble améliorer la détection de polypes lors de la coloscopie. Ces performances sont décevantes dans la localisation oesophagienne.3 Dans les études en ORL, la technique d’autofluorescence a été évaluée soit lors de la microlaryngoscopie ou la laryngoscopie directe sous anesthésie générale,4-6 soit lors de la laryngoscopie indirecte sous anesthésie locale.7-10 Les principales études ayant traité de l’autofluorescence en cancérologie ORL (niveau 2-3) ont été colligées dans le tableau suivant. Etude Population étudiée 4 Malzahn et al 2002, Prospective Paczona et al 5 2003, Prospective Zargi et al 6 2000, Prospective Arens et al 10 2004, Prospective Mostafa et al 9 Déroulement de l’examen Sensibillité, Spécificité AF / Lumière blanche 127patients Microlaryngoscopie avec LB Se. 97.3% / ? puis AF Avec 111 lésions précancéreuses Sp 83.8% / ? ou cancéreuses laryngées suspectes 48 patients avec signes ou Endoscopie avec Se. 97.4% / ? symptômes suggérant un cancer endoscopes rigides en LB des VADS. puis AF Sp. 60% / ? Dont 37 localisations laryngées 108 patients avec une pathologie Microlaryngoscopie avec LB Se. 86.9% / 71% laryngée puis AF Sp. 82.8% / 80.6% dont 74 patients avaient des lésions suspectes après laryngoscopie indirecte 116 patients avec lésions Laryngoscopie indirecte Se. 90% / 84% précancéreuses ou cancéreuses LB+AF (endoscope rigide à laryngées suspectes 70°) Sp. 87% / 70% 40 patients ayant symptômes laryngés Puis microlaryngoscopie des Fibroscope flexible avec LB Se. 90.62% / 75% et AF 2007, Prospective Dont 32 tumeurs malignes Baletic et al 8 38 patients avec symptomatologie laryngée 2004, Prospective Puis microlaryngoscopie une Bonchoscope LB et AF Se. 92.1% / 73.68% Puis microlaryngoscopie Dont 8 tumeurs invasives La sensibilité des examens en autofluorescence pour le diagnostic des cancers laryngés variait de 90% à 97,4%.4-10 La spécificité de l’autofluorescence allait de 60% à 87%.4-10 Zargi et al 6 ont précisé les sensibilités en fonction des résultats anatomo-pathologiques. La sensibilité de l’autofluorescence était de 86,9% pour les lésions malignes (n=69), et de 53.8% pour les lésions précancéreuses (n=26, hyperplasie atypique, dysplasie sévère). Elle variait selon les types histologiques. Paczona et al 5 ont trouvé un taux de sensibilité de 97,4% et une spécificité de 60%. Zargi et al 6 ont comparé les résultats de la micro laryngoscopie en lumière blanche à ceux de l’autofluorescence. Entre les deux méthodes, il y avait une différence significative avec une supériorité de l’autofluorescence dans le diagnostic des tumeurs malignes, tandis que pour les lésions bénignes (n=238), la différence n'était pas statistiquement significative. Pour les lésions précancéreuses (n=26, hyperplasie atypique, dysplasie sévère), la sensibilité de l’autofluorescence était meilleure que celle de la lumière blanche (53.8 et 30.8% respectivement). Mais, cette tendance positive n’était pas significative. En combinant les deux techniques, ils ont montré une meilleure précision diagnostique. En effet, la sensibilité de la méthode combinée était de 97,1% et de 61,5%, respectivement, pour les lésions cancéreuses et précancéreuses. La spécificité était de 71,8%. Dans l’étude de Baletic et al 8, la sensibilité de l’autofluorescence était de 92,10%, et de 73,68% pour la micro laryngoscopie en lumière blanche. Il existe donc une amélioration des performances diagnostiques en combinant les deux techniques.11 Cependant, la cicatrisation, une hyperkératose et l'inflammation peuvent limiter la valeur prédictive de la méthode, que ce soit en laryngoscopie indirecte ou en micro- laryngoscopie.5,10,12 L’utilisation de l’autofluorescence dans les lésions cancéreuses récurrentes est plus difficile, ce qui peut conduire à une fausse interprétation des images.12 Les études pré-citées 4-10 et neuf autres également de niveau de preuve 2 à 3 ont fait l’objet d’une méta-analyse récente démontrant l’efficacité de l’autofluorescence dans le diagnostic précoce de lésions laryngées cancéreuses et pré-cancéreuses.13 NARROW BAND IMAGING L’endoscopie en Narrow Band Imaging, exploite une série de bandes d’émission bien choisies en fonction des spectres d’absorption de l’hémoglobine, des vaisseaux muqueux et sous-muqueux. Il en résulte une meilleure visualisation de la micro-vascularisation tissulaire ainsi qu’une image plus contrastée facilitant l’appréciation de la microarchitecture muqueuse.14 Bien développées en pneumologie et gastro-entérologie, son application à l’ORL est en cours de validation. L’analyse de la littérature isole essentiellement des séries de cas (niveau de preuve 4) : Initialement, Muto et al ont rapporté son intérêt dans le diagnostic précoce de lésions superficielles des VADS. Le diagnostic de 20 lésions in situ ou microinvasives oro ou hypopharyngées lors du bilan endoscopique oesophagien de patients.15 Watanabe et al ont dépisté avec le NBI 6 carcinomes in situ oro et hypopharyngés chez 217 patients examinés dans le cadre d’un carcinome oesophagien.16 Des cas de carcinomes micro-invasifs dépistés en NBI de localisation buccale (n=2) et de lésions métachrones pharyngées post-traitement radiochimiothérapique (n=2) ont également été rapportés.17,18 La sémiologie endoscopique des lésions épidermoïdes in situ pharyngées, laryngées ou buccales est comparable à celle décrite au niveau oesophagien.17-20 Plus récemment, des études avec de plus larges effectifs ont démontré le gain apporté par le NBI (avec vidéoendoscope) par rapport à l’endoscopie conventionnelle dans le dépistage de lésions métachrones pharyngées.21,22 Nonaka et al ont comparé le taux de détection du NBI (avec vidéoendoscope) effectué chez 91 patients suivis pour un carcinome oesophagien versus 333 ayant eu une endoscopie conventionnelle. Les sensibilités, spécifités, valeurs prédictives positives et valeurs prédictives négatives étaient respectivement de 100% (10/10), 97,5% (79/81), 83,3% (10/12) et 100% (79/79) 21. Ces mêmes données étaient respectivement de 97,7% (p<0,01), 98,9%, 86,3% et 99,8% pour Watanabe et al comparant l’endoscopie conventionnelle et le NBI dans la détection de lésions pharyngées sur une série de 667 patients atteints de cancer oesophagien.22 Ces études étaient réalisées à l’aide d’endoscopes gastro-intestinaux et le gain statistiquement significatif apporté par le NBI couplé au laryngoscope a été décrit dans la détection de lésions superficielles pharyngées.23 L’aide à la détermination des marges carcinologiques d’exérèse a également été proposée.24 L’apport du NBI seul, qui plus est associé à une colonne de vidéoendoscopie en haute définition dans le diagnostic, la recherche de lésions métachrones et la surveillance de cancers des VADS est avancé par Piazza et al, notamment chez les patients postradiques.14,25 En situation de primitif épidermoïde inconnu, dans la série de 28 patients de Shinozaki et al, trois patients ont eu un primitif identifié par le NBI, tandis que deux autres patients ont eu un primitif identifié par la TEP-TDM FDG.26 Une étude récemment publiée peut être considérée de niveau de preuve 2. Muto et al ont effectué une étude prospective randomisée multicentrique sur 320 patients. 27 Une supériorité significative du NBI dans la détection précoce de cancers superficiels ORL a été démontrée par rapport à l’examen en lumière blanche conventionnelle. Les auteurs concluent que cette technique pourrait devenir un standard. L’autofluorescence et le NBI sont à ce jour toujours en évaluation en France et ne constituent pour l’instant qu’une voie de recherche prometteuse pour l’optimisation du bilan endoscopique de nos patients. Ces techniques, notamment le NBI s’utilisent avec un vidéoendoscope augmentant nettement à lui-seul la résolution des endoscopies en lumière blanche. References 1. Hirsch FR, Prindiville SA, Miller YE, et al. Fluorescence versus white-light bronchoscopy for detection of preneoplastic lesions: a randomized study. Journal of the National Cancer Institute 2001;93:1385-91. 2. Lam S, Kennedy T, Unger M, et al. 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