Les instruments économiques de la politique environnementale : politique énergétique et analyse préliminaire pour la construction d’un MEGC1 appliqué à la Roumanie Rodica SANDU-LOISEL CARE (Centre d’Analyse et de Recherche en Economie) Université de Rouen Résumé Avec l’élargissement de l’UE, la question du rapprochement législatif est posée pour les PECO et les Etats membres afin de trouver une position commune de négociation pour chacun des 31 chapitres de l’acquis. L’analyse de l’opinion publique montre une préoccupation croissante de la population pour la qualité de l’environnement, mais celle-ci perçoit souvent son amélioration comme étant une responsabilité de l’Etat. Dans ce contexte, compte tenu des conditions économiques et sociales actuelles en Roumanie, ce papier étudie l’intervention de l’Etat dans la politique environnementale par les instruments économiques. Ainsi, la mise en oeuvre de ces instruments est conditionnée par la capacité des secteurs public et privé et des ménages à payer pour la protection environnementale. Afin d’analyser la façon dont la Roumanie peut s’aligner aux exigences communautaires sans graves distorsions budgétaires, économiques et sociales, nous nous intéressons aux impacts que la réforme énergétique aura sur les ménages et sur la compétitivité industrielle. A cet effet, nous élaborons un modèle d’équilibre général calculable dynamique à long terme. Le projet se propose d’analyser les hypothèses de construction du modèle dans la perspective de simuler l’application d’un dosage de politiques énergétiques qui cadrerait au mieux avec le contexte juridique, économique et social roumain. Introduction 1 MEGC = Modèle d’Equilibre Général Calculable 1 L’adhésion des PECO à l’Union Européenne (UE) représente la préoccupation principale de ces pays, orientée dans un premier temps vers l’adoption de « l’acquis communautaire », organisées autour de 29 chapitres. Le processus d’intégration suppose l’adoption et l’application de la législation de l’UE dans tous les secteurs, l’environnement y compris. Les enjeux environnementaux qui en découlent diffèrent d’un pays à un autre en fonction des conditions macro-économiques et sectorielles, de la taille, de la localisation géographique et des structures productives, ainsi que des caractéristiques des milieux naturels. Dans le calendrier du futur élargissement de l’UE, le chapitre « Environnement », numéro 22, a été fermé2 avec Chypre, la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie. Les négociations continuent avec la Bulgarie et la Roumanie. Le processus d'élargissement, par la pression exercée sur les pays en vue de modifier leur politique environnementale, représente un instrument efficace du respect des normes écologiques de l'UE. Mais la transposition de l'ensemble de l'acquis communautaire s’accompagne, pour les Etats adhérents, d’un coût très élevé par rapport à leur produit intérieur brut. En ce qui concerne l'environnement, les PECO doivent non seulement adopter et mettre en œuvre la législation, mais également contribuer aux dépenses à hauteur de 2% à 3 % de leur PIB. Pour la Roumanie, les directives-clés, lourdes en termes d’investissements (17,8 mld euros, MAPM 2003), concernent l’approvisionnement et l’assainissement de l’eau, la gestion des déchets (décharges, incinérations et emballages) et la pollution atmosphérique (directives relatives aux grandes installations de combustion et à la qualité de l’air). Les coûts élevés de l’adoption de l’acquis et le développement économique expliquent l’allongement de la période d’adaptation 3. La pression que constituent ces besoins de financement est repartie entre le budget central, les budgets locaux et les prêts à long terme. A part les aides internationales (Phare, ISPA, SAPARD, la Banque Mondiale, la BERD, le Centre Régional de l’Environnement etc.), le financement est supporté dans tous les cas de figure par les ménages roumains. La capacité contributive des ménages est la clé de voûte de la politique de financement à mettre en place, mais à court terme elle semble limitée. La question que nous posons est de savoir comment financer le coût du rattrapage de l’acquis environnemental en intégrant les coûts des dommages environnementaux dans le prix du service directement payé par les consommateurs. Nous nous interrogeons sur la fiscalité à adopter pour alléger les charges des contribuables. Afin de décrire la manière dont la Roumanie a développé sa politique environnementale dans le souci de se rapprocher des normes internationales, nous illustrons dans la première section les modalités d’intervention publique à travers les instruments économiques. Dans une deuxième section, nous abordons une approche sectorielle pour mieux analyser les modalités d’application des instruments, en particulier les permis négociables d’émissions de CO2 dans le secteur énergétique, via un MEGC. 2 3 En décembre 2002, dans le contexte de leur intégration prévue pour le 1 er mai 2004. Jusqu’en 2020 pour le secteur des déchets et jusqu’en 2022 pour le secteur de l’eau (Salles, 2003). 2 1. Les instruments économiques de la politique environnementale : le cas de la Roumanie La complexité inhérente au processus de développement des PECO réside dans le difficile arbitrage entre croissance et qualité de vie d’une part, développement et environnement d’autre part. Une manière de réconcilier ces intérêts divergents est l’utilisation des instruments fiscaux et financiers dont la logique relève du concept de développement durable. La politique environnementale en Roumanie a été traditionnellement dominée par la régulation normative ; l’introduction des instruments économiques s’en heurte. Cela entraîne une transformation institutionnelle, mais le rôle prioritaire parmi l’ensemble des agents économiques appartient à l’Etat, puisque les forces de marché ne sont pas suffisantes pour assurer un développement durable. Dans cette section, nous présentons certains aspects de la transition roumaine vers l’économie de marché, les éléments qui justifient l’intervention de l’Etat dans la protection de l’environnement et les limites de cette dernière. 1.1 La transition en Roumanie Le point de départ du processus de transition a été plus difficile en Roumanie que dans les autres PECO. Les politiques autarciques ont conduit à une focalisation excessive sur les industries lourdes et les projets de grandes infrastructures. Durant les années 1980, le remboursement rapide d’une dette extérieure de 11 mld USD (20-30% du PIB) a imposé des sévères contraintes sur la population, avec une limitation des importations et une aggravation du retard technologique (Salles, 2003). A partir de 1991, les nouveaux gouvernements ont commencé une refonte institutionnelle et organisationnelle générale dans tous les secteurs et à tous les niveaux de l’économie, par une approche graduée souhaitant protéger les intérêts constitués et minimiser les coûts sociaux. La spécificité de la Roumanie, dix ans après sa transition, apparaît dans la structure économique poids des actifs dans le secteur secondaire, importance de la consommation d’énergie, poids de l’investissement public - et ensuite dans la qualité - relativement médiocre - des institutions qui assurent la représentation démocratique et qui régulent l'activité de marché (Labaronne, 2003). L’originalité de la transition à l’Est est que le volet démocratique a précédé le volet économique ; ainsi la Roumanie remplit les critères politiques de Copenhague. Mais elle n’est pas encore une économie de marché fonctionnelle puisque les structures politiques ont étaient mises en place avant le lancement des premières réformes économiques et institutionnelles. Cette stratégie n’a pas permis de produire des gains économiques et sociaux durables. La pauvreté a fortement augmenté et la part de la population pauvre était de 20% à 40% en 1999 (la Banque Mondiale, 2002). A partir de 2000, le pays a enregistré des progrès dans la réforme et la restructuration économique, favorisés en partie par le début des discussions sur l’accession à l’UE à Helsinki fin 1999. En effet, l'adhésion à l'Union européenne joue un rôle d'ancrage extérieur favorable aux réformes institutionnelles de nature politique ou économique dans les pays candidats. Les indicateurs récents montrent un certain nombre de développements positifs : croissance du PIB de 5.3% en 2001 (la plus forte d’Europe), 5% en 2002 et 4.5% en 2003 ; l’inflation qui était supérieure à 50% en 1999, a chuté à 18% en 2002 ; les réserves de devises de la banque centrale étaient de 7 mld USD fin 2002 (soit l’équivalent de cinq mois d’importations) ; le déficit budgétaire a été maintenu à 3.1% du PIB en 2001 et 2002 ; le volume d’exportations a 3 été le plus élevé de l’histoire du pays en 2002 ; le taux de chômage fluctue autour de 8% et les investissements directs étrangers augmentent (Salles, 2003). Même si la Roumanie reste le pays le plus pauvre accédant à l’UE (2000 USD/ hab., 5000 en PPA), l’ensemble des indicateurs conjoncturels apparaît favorable pour l’évolution économique du pays. 1.2 Les instruments économiques de la politique environnementale La théorie avance toute une série de raisons pour expliquer les défaillances du marché (externalités négatives, inexistence des droits de propriété sur l’environnement). En l’absence d’intervention de l’Etat par des mesures correctives, ces défaillances persisteront avec les résultats sous-optimaux qui en découlent. 1.2.1 Nécessité de l’intervention de l’Etat Le fondement de l’analyse économique de la pollution met l’accent sur les notions d’externalités, de biens publics et de droits de propriété. Le concept d’externalité est défini (Pigou, 1920) comme la situation où les décisions d'un agent affectent directement d'autres agents ; faute d'une définition incorrecte des droits de propriété, le marché ne fera pas payer l'agent pour l’effet négatif de son activité. Dans ce cas, la pollution apparaît comme une externalité dite négative, dont l’existence est liée à l’utilisation d’un bien environnemental public pour lequel se pose le problème d’existence de droits de propriété. On définit le bien public comme étant le bien ou le service dont la consommation est collective et non exclusive et pour lequel les droits de propriétés ne sont pas définis. En l’absence d’intervention des pouvoirs publics, les biens environnementaux sont généralement considérés comme des biens publics. Si des externalités existent, c’est parce qu’il est plus coûteux en terme de transactions de les faire disparaître que de les supporter. Le concept de coûts de transaction (Coase, 1960) traduit l’existence de coûts spécifiques dus à la coordination d’un grand nombre d’agents qui suppose des coûts de recherche de partenaires, des coûts de contrats, des coûts de collecte de données et du contrôle du niveau de pollution. Les coûts supportés par les agents sont, dans ce cas, supérieurs aux bénéfices attendus (Beaumais, Chirouleu-Assouline, 2001). Internaliser les externalités rend nécessaire l’intervention de l’Etat par des instruments tels que les normes, les taxes, les subventions et les marchés de droits, qui permettent de réaliser l’optimum, mais avec des effets redistributifs différents. L’expérience des pays industrialisés dans le domaine de la promotion de la politique environnementale sert de base pour étudier la possibilité de son adaptation au cadre juridique, économique et social spécifique à la Roumanie. Le souci de la politique roumaine pour la protection de l’environnement se retrouve dans l’introduction des concepts de développement durable et du principe pollueurpayeur dans le nouveau cadre de la loi environnementale adoptée en 19954. Malgré la préoccupation croissante de la population pour la qualité de l’environnement, l’analyse de l’opinion publique montre que celle-ci perçoit souvent son amélioration comme étant une responsabilité de l’Etat. Les consommateurs et les producteurs ne suivent pas souvent la rationalité économique dans leur choix et sont gouvernés par l’inertie de l’habitude, l’indifférence à la protection de l’environnement, le bas revenu et le taux élevé d’actualisation (Mima, 1996) qui caractérisent la population roumaine après 40 ans de 4 La Loi n° 137/1995, du 31 décembre 1995 4 communisme. Dans ce contexte, il appartient à l’Etat d’intervenir pour élargir cette rationalité par l’utilisation d’un ensemble de politiques qui contient à la fois des instruments réglementaires, économiques et persuasifs (la responsabilité en matière d’environnement, les accords volontaires et l’éducation écologique). 1.2.2 Les instruments de la politique environnementale en Roumanie Les instruments réglementaires fixent les concentrations maximales d’un polluant donné dans les différents milieux tels que l’air et le sol, en recourant soit à la contrainte soit à la mise en place de mécanismes incitatifs, laissant un fort degré de liberté aux agents. Les instruments les plus répandus sont les normes de qualité de l’environnement et les permis d’activité accordés à la base des normes fixées et des caractéristiques techniques de l’activité. La Roumanie était déjà dotée de systèmes de normes de qualité de l’environnement (la loi n° 9/1973, complétée par la lois n° 127/1994), souvent bien plus sévères que celles des pays de l’OCDE et pour autant complexes et difficiles à administrer. Les permis d’activité sont obligatoires pour la pollution atmosphérique et pour l’utilisation des ressources en eau. Les instruments économiques reposent sur l’hypothèse que les marchés sont les plus efficaces pour traiter une multitude d’informations qui orientent les décisions des agents de telle sorte que la répartition des ressources soit réalisée. Le rôle du signal prix est donc déterminant (Vallée, 2002). Nous allons présenter brièvement les taxes et les redevances, les subventions, le Fonds pour l’environnement et les permis négociables. Les taxes environnementales permettent d’amener le producteur pollueur à internaliser les effets externes engendrés par son activité. Elles participent au financement public général et sont destinées à lancer un signal-prix, au sens où leur revenu n’est pas directement affecté au financement de la politique environnementale. La Roumanie n’applique aucune taxe sur les émissions atmosphériques, bien que des propositions aient été faites (la taxe sur le contenu en souffre des combustibles, la taxe sur les émissions atmosphériques) (REC, 2002). Toutefois, il existe des pénalités sur les émissions atmosphériques lorsque les niveaux autorisés sont dépassés, mais celles-ci sont mises en application au cas par cas et ne sont pas liées corrélativement à la quantité de pollution émise. Le bas niveau des pénalités (100- 400 EUR ; Bluffstone, 1997) ne fournit aucune incitation pour les entreprises à réduire leur pollution et leur but est, pour l’instant, éducatif. Les redevances sont en revanche des paiements en contrepartie de services rendus, dans des domaines tels que l’eau, l’air, le bruit et les déchets. Une redevance environnementale peut être prélevée purement dans le but de changer les comportements préjudiciables à l'environnement et sans aucune intention d'engendrer des recettes, même si ces dernières sont probables. Les redevances que le système roumain prévoit sont prélevées pour la consommation directe et pour l’assainissement de l'eau de 56 euros/ménage/an, et pour la collecte des ordures et les décharges des déchets de 22 euros/ménage/ 2003 (Salles, 2003). Les subventions représentent un transfert monétaire versé aux pollueurs pour qu’ils polluent moins. Leur utilisation soulève la question de leur compatibilité avec le principe pollueurpayeur puisque le financement de la politique environnementale s’appuie sur les contribuables. Les subventions ont diminué dans tous les pays en transition presque dans tous les secteurs depuis 1990, résultat direct du déficit budgétaire de l’Etat. Comme dans l’Europe de l’Ouest d’ailleurs, elles jouent toujours un grand rôle dans les secteurs de l’énergie (5% du PIB en Roumanie ; Cossé, 2003), de l’agriculture et des transports. 5 Le Fonds roumain pour l’environnement, fonctionnel depuis juin 2002, est alimenté par une série de taxes prélevées sur un ensemble d’activités plus ou moins directement liées à des problèmes environnementaux : collecte et recyclage des déchets, émissions de polluants, emballage, production de substances dangereuses, acquisition de bois et commercialisation du tabac. Les prévisions de recettes annuelles, de l’ordre de 20 millions d’euros, sont destinées à financer, par des prêts à des taux préférentiels ou par des subventions non-remboursables, des projets portés par des acteurs privés ou publics (collectivités locales ou territoriales ; Salles, 2003). Les permis d’émissions négociables représentent un instrument de marché dont le fonctionnement et la mise en place exigent l’appui de l’Etat. Après la fixation en préalable des contraintes quantifiées, l’instrument équivaut à un système d’échange de droit de propriété sur l’environnement. Des propositions pour un tel instrument ont été faites pour les émissions de SOx, NOx et les particules en suspension, également pour les décharges dans l’eau de DBO5, nitrogène et phosphate (REC, 2002). Le protocole de Kyoto représente à ce jour le principal instrument international de mise en place de permis négociables dans l’objectif de limiter les émissions de gaz à effet de serre, et en particulier le CO2. La Roumanie a ratifié le protocole en mars 2001 avec l’engagement de réduire de 8% les émissions de CO2 par rapport à l’année 1989. L’analyse de la politique occidentale a permis l’identification de quelques parties semblables dans la politique roumaine et ainsi que d’autres, incompatibles avec le système national en vigueur dont la section suivante en identifie quelques unes : les défaillances de l’intervention publique dans l’application des instruments, les faibles contraintes budgétaires et le système fiscal. 1.3 Obstacles à la mise en place des instruments Les points faibles de certaines hypothèses, comme l’introduction de l’information imparfaite et de la rationalité limitée, conduisent à relativiser les qualités théoriques des différents instruments et viennent expliquer les défaillances de l’intervention publique. 1.3.1 Défaillance de l’intervention publique En effet, l’information est imparfaite pour tous les agents. Comme externalité positive, elle peut apparaître sous la forme de la distribution de l’information sur la nouvelle technologie entre les agents économiques, sans coût additionnel pour les adopteurs. Comme externalité négative, l’information se révèle limitée et coûteuse dans le cadre de la relation principalagent (Jensen, Meckling, 1976). Appliquée dans l’optique de Laffont-Tirole (1993) 6 , les agents ont tout intérêt à manipuler l’information qu’ils communiquent aux autorités publiques, de manière à minimiser le coût privé de la réglementation. Si les firmes anticipent que le réglementeur va mettre en place une taxe sur la pollution, elles ont tout intérêt à sousestimer leur coût marginal de dépollution de façon à ce que la taxe soit la plus basse possible. Les agents peuvent donc se garantir des rentes informationnelles grâce à l’information cachée dont ils disposent en raison des faibles sanctions auxquelles ils s’exposent (de 100 à 400 EUR). Un problème délicat mais à la fois prédominant est le risque de corruption des La demande biologique en oxygène (DBO) correspond à la quantité d’oxygène consommée pour réaliser par voie biologique l’oxydation des matières organiques biodégradables contenues dans l’eau usée. 6 Le principal = le régulateur, l’agent = les acteurs économiques, l’information = leur coût de dépollution. 5 6 inspecteurs environnementaux, surtout en absence de transparence et de responsabilité (Rotillon, 2002). La rationalité économique semble limitée, au sens de Simon (1955), tant au niveau des firmes que de l’Etat. Au niveau des firmes, l’exemple révélateur est le cas de la prise de décisions, du fait des capacités de calcul limitées des agents afin de résoudre des problèmes d’optimisation et de déterminer les conséquences de leurs actions. La rationalité d’investissement public peut être limitée par les intérêts politiques ou personnels : un politicien, par exemple, qui reste dans un poste pour 2-3 ans, peut ne pas avoir un intérêt personnel à promouvoir un projet qui a un temps de retour plus long que son mandat. Elle peut être également le résultat de ressources financières limitées : en général, plus l’équipement est performant, plus il est cher (conséquence : le prolongement de la période transitoire jusqu’en 2022 pour la gestion des déchets). La mise en place des taxes environnementales selon le schéma occidental se traduit par l’augmentation des prix se répercutant d’abord sur les pollueurs, puis sur les consommateurs. Certes, l’introduction de nouveaux instruments dans la politique environnementale nécessitera une réforme fiscale environnementale. Cette section passe en revue quelques aspects expliquant les faiblesses du système fiscal en Roumanie, qui traitent d’un coté les contraintes budgétaires laxistes et d’un autre la lourde fiscalité qui pèse sur la société et sur les agents économiques. 1.3.2 Les politiques budgétaires et fiscales actuelles : source d’inefficacité des nouveaux instruments Dans les pays en transition avancés, le renforcement des contraintes budgétaires pour toutes les entreprises a été la clé de leur croissance. Bien que l’effet immédiat soit le déclin de l’emploi agrégé, des postes financiers ont pu être disponibles pour financer les nouveaux projets. Ainsi, les secteurs autrefois récepteurs de ressources, sont devenus compétitifs et créateurs d’emplois. Dans les pays où les réformes économiques sont lentes, à l’image de la Roumanie, les contraintes budgétaires des entreprises sont soit permissives, soit renforcées sans assurer la complémentarité en améliorant le climat d’investissement. Dans ce cas, il est possible qu’un ancien secteur soit supprimé avant qu’un nouveau ne le remplace. Afin d’écarter ce risque, il y a une tendance à une politisation des contraintes budgétaires, surtout dans les secteurs où le gouvernement a investi ou bien dans un souci de protection sociale. Au niveau des pollueurs, les taxes accompagnées par des politiques budgétaires laxistes n’ont pas d’impact sur leur comportement, comme le montre le rapport de la Banque mondiale (1992). Elles peuvent apparaître sous la forme d’exonérations de taxes, de subventions fiscales et financières et d’arriérés de paiement ; ces derniers s’élèvent à 40% du PIB en 2000, dont un tiers dans le secteur énergétique (Ahrend, Martins, 2003). La Roumanie a maintenu, pendant toute la période de la transition, la fiscalité la plus lourde parmi les PECO. La tendance dans l’évolution du système des taxes a été la baisse du montant engendré par les taxes sur le profit des entreprises ; ceci a entraîné la hausse de la part des taxes sur les revenus individuels (Pradeep, 2003). Cela s’explique par la stratégie d’allégement de la fiscalité auprès des entrepreneurs en faveur de projets d’investissement. Ce changement se répercute surtout sur les ménages par l’augmentation des taxes indirectes 7 (TVA, accises) représentant 38% du total des taxes contre 30% dans les pays industrialisés. Or, l’introduction des taxes environnementales engendrera une nouvelle augmentation des prix, qui se répercutera, de nouveau, sur les consommateurs et donc, l’application du principe pollueur-payeur dépendra de la capacité des ménages à payer pour la protection environnementale. En 2001, presque 29% de la population roumaine (soit 6 millions d’habitants) était pauvre, parmi lesquels 11,8% (2,6 millions) sous le seuil de pauvreté7. Dans ce contexte, est justifiée la forte opposition envers toute mesure d’augmentation des taxes sans réforme fiscale. Cela impose une restructuration économique prenant en compte toutes ces réalités sociales. De plus, penser la réforme fiscale environnementale en Roumanie, dans le sens du transfert des revenus fiscaux liés au travail en direction de l’environnement, nous mène à comparer les bas revenus engendrés par les taxes environnementales avec le niveau des cotisations sociales salariales ; celles-ci représentent environ 11% du PIB. C’est une marge qui, en dépit du bas revenu par habitant, est comparable à celle prélevée dans l’UE. Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer une éventuelle substitution des postes financiers sans distorsions budgétaires graves. Ainsi, la transition en Roumanie induit des difficultés économiques et des problèmes sociaux qui exigent l’intégration graduelle des instruments économiques pour la protection environnementale. Pour mieux analyser les modalités permettant de contourner ces difficultés, nous essayons d’analyser les conditions d’introduction d’un seul instrument économique environnemental (les permis négociables appliqués aux émissions de CO2) dans le secteur énergétique, le plus grand émetteur de CO2. Cette approche microéconomique est complétée par un cadre macroéconomique d’analyse afin de prendre en compte les relations interindustrielles, l’Etat, les ménages et le reste du monde. 2. Politique énergétique et analyse préliminaire à la construction d’un MEGC appliqué à la Roumanie Cette section propose le passage en revue des spécificités du secteur énergétique en Roumanie afin de construire le cadre particulier de la transition de ce secteur vers le système libéral d’organisation, dans la perspective d’une approche par la modélisation en équilibre général calculable. Pour cette analyse, l’étude dégage les hypothèses des choix des spécifications d’un MEGC. 2.1 Approche sectorielle – l’analyse des spécificités du secteur énergétique roumain La Roumanie a été le producteur principal de ressources énergétiques au début du XXème siècle, avec une production significative de gaz naturel au niveau de l’Europe ; elle détient toujours un portefeuille diversifié de ressources énergétiques (charbon, pétrole, gaz, hydroénergie, uranium). Cependant, le secteur énergétique roumain a connu des grandes difficultés financières depuis 1989. Les prix de l’électricité, du gaz et de l’énergie thermique ont été maintenus en dessous des coûts de production, et surtout inférieurs au coût marginal à long terme. De plus, le taux bas de collecte des factures énergétiques a affaibli la performance financière du secteur. En conséquence, l’investissement manque dans le secteur, beaucoup d’installations sont obsolètes et inefficientes, et la production d’énergies primaires est en Il faut tenir compte dans l’interprétation de ce résultat du fait que l’économie informelle en Roumanie représente 40% du PIB (Salles, 2003). 7 8 déclin. L’indépendance énergétique est actuellement stable (77,3% en 2000), due à la baisse de la demande de 50% (1989-2001), mais elle diminuera dans l’avenir (50,1% en 2030 (CE, 2003)), puisque la production nationale de pétrole se stabilisera au potentiel maximal d’exploitation, la production du gaz continue son déclin et les mines de charbon non-rentables seront fermées. Malgré la baisse de la consommation, l’intensité énergétique reste quatre fois supérieure aux standards européens, et trois fois à ceux américains (Cornillie, Fankhauser, 2002), résultat d’une lente restructuration des entreprises d’Etat. 2.1.1 Réforme structurelle Dans les pays de l’Europe de l’Est le secteur énergétique se maintient comme le secteur le plus „socialiste”, puisqu’il il sert en priorité aux objectifs idéologiques, géopolitiques et sociaux, sans tenir compte de critères économiques. La réorganisation structurelle en Roumanie a commencé par une réforme des institutions formelles et des lois. Elle a tenté d’introduire les relations contractuelles entre les agents, afin de considérer le coût réel de production dans la prise de décision pour que le gouvernement et les consommateurs puissent concevoir l’énergie comme produit avec un certain coût au delà de ses fonctions de service public. Les objectifs actuels consistent à mettre en place une réglementation plus transparente susceptible d’orienter les entreprises énergétiques vers le profit et de réduire leur rôle comme instrument de bien-être et d’emploi, ainsi que d’exposer davantage le secteur aux investissements privés. L’épuisement du modèle traditionnel de financement et les contraintes financières ont engendré un large débat sur le mode d’organisation de l’industrie énergétique roumaine et sur l’efficacité des compagnies publiques. La restructuration du secteur énergétique a été et continue d’être l’un des plus longs et controversés processus. Le débat autour du choix du modèle organisationnel à développer oppose les deux types dominants en Europe de l’Ouest : français et anglo-saxon. La tendance naturelle des économies en transition serait le choix du modèle français, au moins pour le gaz et l’électricité. Ce modèle semble plus proche comme structure et organisation de l’héritage du secteur énergétique, c’est-à-dire la protection envers la compétition et les influences extérieures (Von Hirschhausen, Waelde, 2000). L’accent mis sur la planification centrale et sur les projets à grande échelle (ex l’énergie nucléaire) et l’idée que l’énergie est un service public fournit par une compagnie d’Etat sont des facteurs qui indiquent des afinités qui détermineraient le choix du modèle français. Une étude Phare effectuée par EdF France recommandait au secteur énergétique roumain dans les années 90 le modèle francais, ce qui s’est révélé être une erreur puisque cela a maintenu l’inefficience dans le secteur électrique et a renforcé le pouvoir et l’influence du monopole d’Etat (Leca, 1998). Ainsi, le modèle choisi est, au moins en théorie, le système libéral anglo-saxon. Le gouvernement roumain a adopté le plan de restructuration du secteur énergétique en trois étapes (IEA, 2000) : dans une première étape (juin 1998) le monopole d’Etat a été transformé dans une holding (Conel) avec deux unités de production d’énergie thermique (Termoelectrica) et hydroélectrique (Hidroelectrica) et une unité de distribution (Electrica). Dans une deuxième étape (2000), la holding a été divisée en centres de profit en vue de privatiser les compagnies de production et de distribution. A partir de 1998, des agences de régulation ont été établies (ex l’Autorité Nationale de Régulation, 1999) et le commerce d’énergie a été consolidé par la création d’un opérateur qui assure l’administration du marché d’énergie (Opcom SA). 9 Le secteur énergétique reste la propriété de l’Etat, à l’exception de la moitié du secteur pétrolier. L’étape suivante de la restructuration se propose la privatisation des compagnies de production et de distribution d’énergie électrique et thermique à l’exception de la compagnie Hidroelectrica et de la compagnie de transmission d’électricité qui resteront propriété d’Etat. Le marché de distribution et de transmission reste réglementé par l’Etat, tandis que le degré d’ouverture du marché d’électricité est de 33% de la demande et du marché gazier de 25%. Étant donnée la forte incidence macro-économique que les prix de l’énergie ont sur les finances publiques, sur le commerce extérieur et la balance de paiements, sur la compétitivité des différentes industries et les salaires réels à travers les dépenses des ménages, nous proposons l’analyse de la structure tarifaire dans ce secteur. L’objectif est d’évaluer l’effet de l’ajustement des prix suite à la restructuration sectorielle et l’alignement des prix intérieurs sur le coût d’opportunité international. 2.1.2 La réforme des prix de l’énergie La ligne de conduite du gouvernement dans l’ajustement des prix est de fixer les prix de l’énergie de façon à ce qu’ils répondent davantage à une logique économique, et de supprimer les subventions versées à la production énergétique. Cependant, l’alignement des prix sur les coûts économiques signifie une hausse au-dessus des possibilités de paiement d’une partie notable de la population et des industriels, et peut créer une nouvelle spirale inflationniste. Malgré tout, les gouvernements ont suivi une logique de majoration des prix énergétiques vers les prix de référence, de façon graduelle afin d’éviter un bouleversement économique et social. Le prix en détail du gaz naturel a augmenté de 40 USD/ 1000 m3 pour les ménages (60 USD pour les industriels) en 2001 à 124,5 USD/ 1000 m3 pour les ménages et à 114,1 USD/ 1000 m3 pour les industriels en novembre 2003. Le tarif augmentera à 170 EUR / 1000 m3 jusqu’à la date d’adhésion (2007) (D. I. Popescu, Ministre de l’Economie, Adevarul, novembre 2003). Le prix de production de l’électricité est proche de son coût de production. Il fluctue entre 40 et 52,8 USD/ MWh, ce qui représente 50% du prix moyen des Etats membres au niveau des ménages (Cossé, 2003). En particulier, la tarification horaire a été introduite pour mieux refléter les coûts marginaux et aussi la charge dans la capacité. Dans le secteur thermique, le prix national de référence représente presque 70-80% des coûts moyens de production. Ce prix est deux fois inférieur au prix dans l’UE, mais comparable au prix des pays candidats. Malgré ces ajustements tarifaires, des graves distorsions persistent dans le secteur énergétique et dans ses relations interindustrielles. L’origine réside dans la faible performance de la collecte, le manque d’investissement, les subventions et les compensations. La modernisation des secteurs électrique obsolète, du transport d’énergie et des centrales thermiques et du secteur dépend fortement de la capacité d’investissement. Actuellement, le manque de profit et du capital a ajourné le renouvellement du parc énergétique. Dans les secteurs thermique et électrique, les pertes s’élèvent respectivement à 25-40% et 10% de la production. Quant aux investissements privés, étant donné la structure dénaturée des prix de l’énergie, à part le secteur pétrolier, l’environnement d’affaire ne présente pas encore les incitations nécessaires pour impliquer le secteur privé. Du côté des consommateurs, les prix bas d’énergie ont engendré des distorsions car ils ont maintenu actives les compagnies nonrentables et ont encouragé le gaspillage dans la consommation. 10 Le montant total des subventions s’élève à 5% du PIB en 2000-2001, un niveau supérieur au déficit budgétaire (3-4% du PIB ; Salles, 2003). Les industriels en sont les plus grands bénéficiaires, les subventions accordées sont égales à 3% du PIB. Sans discrimination concernant leur revenu, les ménages bénéficient aussi des subventions, en plus desquelles sont accordées les subventions à but social, sous forme des tarifs sociaux d’électricité (0.1% du PIB, 2001) et du gaz naturel. L’énergie thermique est subventionnée en amont, par les aides budgétaires accordées à sa production et pour le secteur charbonnier (0.5% du PIB), et en aval, par les subventionnes tarifaires accordées aux ménages. Les subventions restent non transparentes et la plupart ne sont pas enregistrées dans le budget central (Cossé, 2003), ce qui reflète la faiblesse des pratiques budgétaires. Les dépenses parafiscales sont une pratique commune dans le cadre des relations Etatindustrie et prennent des différentes formes : l’accumulation d’arriérés, les paiements budgétaires sous forme de garanties au secteur énergétique, l’annulation des arriérés (de 0,5% à 1,5% du PIB). De telles pratiques soulagent la charge financière des compagnies énergétiques, mais elle encourage la culture du non paiement qui s’élève à 2,8% en 2001. Le taux moyen de collecte des entreprises et des ménages pour la consommation d’électricité, gaz et énergie thermique, se situe entre 80 et 95% (Ahrend, Martins, 2003). Le monopole d’Etat, Conel, réalisait la collecte des factures 50% en numéraire, 25% en coupons de compensation, 25% à titre de dettes (IEA, 2000). Chaque entreprise est concernée par la survie de ses fournisseurs et de ses clients, pour sécuriser les approvisionnements et les débouchés, à travers même de formes non-monétaires de paiement (le crédit interentreprises, le troc et les compensations). L’environnement des pays en transition se caractérise avant tout par la difficulté de monétariser les transactions économiques. Le développement de ce type de coordinations non monétaires témoigne des facteurs inertiels de la transformation des économies planifiées car le troc a constitué une relation économique importante de l’économie planifiée (Locatelli, 1999). L’annulation des arriérés, les accords de troc et de compensation encouragent l’indiscipline financière. L’expérience des autres pays montre les avantages de la privatisation par des investisseurs stratégiques étrangers afin de maximiser les revenus et de renforcer les incitations pour l’efficience énergétiques. De plus, les firmes privées peuvent mieux se détacher du contexte politique et elles possèdent des connaissances techniques et les moyens financiers exigés par l’investissement (Locatelli, 1999). Un autre aspect spécifique au secteur énergétique dans les anciens pays socialistes représente le niveau élevé de l’intensité énergétique. La trajectoire de la consommation énergétique esteuropéenne diffère de l’Europe Occidentale. En effet, les deux chocs pétroliers ont été des phénomènes spécifiques à l’Ouest et ils n’ont pas affecté le développement est-européen, protégé contre les fluctuations des prix du marché international par les relations avec la Russie. 2.1.3 Intensité énergétique La Roumanie fait partie des pays dont l'intensité énergétique (1,4 tec/1000 USD (Cossé, 2003)) est supérieure à la moyenne communautaire (0,4 tec/ 1000 USD), pour des raisons de climat (froid en hiver) et de structure économique. Elle se caractérise par un poids important de l’industrie lourde dans le PIB et par une certaine réticence des gouvernements de restructurer ce secteur délicat. 11 La transition de l’Europe de l’Est vers le capitalisme libéral occidental est interprétée comme une étape importante vers le développement durable de l’Europe. L’argument le plus solide est le transfert d’efficience énergétique de l’économie occidentale vers l’Europe de l’Est, ce qui conduit à une consommation énergétique inférieure et moins polluante. Cela est valable au moins pour le secteur industriel, puisque la transition vers le style de vie occidentale engendrera une consommation plus polluante (extensive en transports et moins reliée aux transports en commun, grands habitats). En fait, l’intérêt de considérer l’incidence de l’intensité énergétique sur l’évolution économique future ne porte pas autant sur la consommation énergétique, mais surtout sur les changements dans l’intensité énergétique. Ainsi, à partir des tendances observées dans les autres pays en transition, quelques facteurs paraissent dominants dans l’évolution de l’intensité énergétique industrielle, notamment les paramètres de la reforme économique, comme le montre l’étude de Cornillie et Fankhauser (2002) qui retient la privatisation, la restructuration des entreprises et la réforme du secteur énergétique. Pour l’analyse des facteurs engendrant la baisse de l’intensité énergétique, nous introduisons les variables explicatives suivantes: le prix, les contraintes budgétaires, le progrès technique et l’avancement de la réforme économique. Une augmentation de 100% des prix déterminerait la réduction de 17% de l’intensité énergétique selon le rapport de BERD, 2002. L’importance des signaux-prix est donnée à la fois par les tarifs énergétiques et par le taux de la collecte des factures énergétiques. Ce dernier indicateur joue un rôle fortement défavorable sur la politique tarifaires et en pratique, il varie de 80 à 95% (Ahrend, Martins, 2003). Sa prise en compte dans le MEGC, sera réalisée dans l’étape du calibrage où le prix réel à la consommation sera minoré du taux non collecté des factures énergétiques. Les faibles contraintes budgétaires au niveau des firmes jouent un rôle défavorable sur le choix optimal des facteurs de production. L’hypothèse de départ est que l’entreprise utilisant un input de façon inefficiente fera de mêmes avec tous les autres inputs, et cela en raison des faibles pressions financières sur tous les facteurs de production. L’input de référence pourrait être la consommation intermédiaire évaluée par rapport à la consommation nécessaire pour certaines technologies plus propres, et par rapport au processus industriel. Nous pouvons également choisir comme mesure des contraintes budgétaires faibles, l’emploi, évalué comme rapport entre l’emploi effectif et l’emploi nécessaire (Cornillie, Frankhauser, 2002). L’intensité énergétique est une fonction décroissante du progrès technique. En effet, le potentiel de diminution d’intensité se montre important en Roumanie compte tenu du fait que les choix technologiques ne sont pas arrêtés. De plus, les transferts de technologies plus performantes seront significatifs dans le contexte du partenariat avec les pays membres de l’UE. L’avancement de la réforme économique indique le degré de restructuration et de privatisation des entreprises 8 , la libéralisation des prix, la réforme énergétique, la démonopolisation et l’introduction de la discipline commerciale. Ainsi, les pays dont les 8 Une étude de la BERD (Cornillie et al, 2002) explique la multi-collinéarité entre les variables de la privatisation et de la restructuration, c’est-à-dire l’effet de la restructuration diminue sans la variable de la privatisation et vice-versa, c’est-à-dire la privatisation sans restructuration n’est pas suffisante pour améliorer l’intensité énergétique. 12 réformes sont les plus avancées, ont la plus basse intensité énergétique, puisque la transition peut créer les structures et les incitations pour la baisse de l’intensité énergétique. L’importance de l’intensité dans l’évolution future de la politique énergétique roumaine détermine le choix de cet indicateur, analysé comme critère de désagrégation sectorielle, afin de considérer la consommation énergétique de chaque secteur dans la valeur ajoutée par rapport à la moyenne communautaire d’intensité énergétique. 2.2 MEGC L’objectif de ce modèle est d’analyser les conséquences potentielles de l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, en particulier de l’accession au marché communautaire d’énergie, de l’alignement de la législation roumaine à l’acquis énergétique et de la refonte structurelle exigée par ce processus. Les études portées sur l’élargissement de l’UE à l’Est (Baldwin et al 9, 1997) montrent que les avantages des pays de l’Est sont nettement supérieurs aux gains que le processus ramène aux pays membres. Nous nous attendons donc à une augmentation du bien-être en Roumanie suite à l’élargissement. Pourtant, l’alignement à la législation énergétique communautaire suppose l’adoption d’une série de mesures qui auront comme effets particuliers l’augmentation du prix de l’énergie et la suppression des subventions. L’adoption en partie de ces mesures se sont traduites en 2002 par la baisse des revenus à la consommation pour les ménages roumains (Cossé, 2003). Par conséquent, l’augmentation attendue du bien-être est mise en cause et exige d’approfondir l’analyse afin de trouver les politiques fiscales qui pourrait envisager la réforme énergétique sans graves distorsions budgétaires et sociales. Les motivations du choix de l’approche par modélisation en équilibre général calculable sont multiples. D’abord c’est un outil adéquat à l’évaluation des développements futurs de l’offre et de la demande d’énergie, analysés à travers plusieurs scénarios de variation, sous l’effet des changements structurels pendant la période d’étude. Ensuite, le MEGC prend en compte les interactions entre les marchés, les substitutions possibles entre les facteurs de production et la réallocation intertemporelle des ressources. De plus, le recours à des approches économétriques rendrait difficile la construction des séries temporelles détaillées sur les indicateurs énergétiques et environnementaux, en raison du manque et/ou transparence des données. L’analyse du développement en Roumanie met l’accent sur l’interaction complexe qui existe entre économie, énergie et environnement. Le type de modèle qui cadre le mieux avec le profil de la problématique et du pays repose sur les modèles à petite 10 économie ouverte. Le point de départ du modèle le représente les MEGC appliqués aux pays développés (SPOT – Belgique (Bréchet, 1999), MEGAPESTE – France (Beaumais, 1995), Hybris – Danemark (Jacobsen, 1998) …) et aux pays en transition (PRINCE - Pologne (Piazolo, 2000) CGE – LI Lituanie (Galinis, van Leeuwen, 2000), EFOM-ENV – Roumanie (Voogt et al., 1998)…). 9 Cité par Piazolo, 2000 Bien que, du point de vue de la taille, la Roumanie représente le deuxième grand pays parmi les PECO, du point de vue du rôle joué dans la politique énergétique régionale, c’est une petite économie dont le comportement est de « price taker ». 10 13 Tout en considérant les spécificités de la transition, la modélisation repose sur des comportements optimisateurs classiques des producteurs et des consommateurs intertemporels. Par rapport aux modèles standard, ce modèle présente l’intérêt d’inclure les émissions de CO2 et le marché des permis négociables, deux catégories de ménages (riches et pauvres), le progrès technique et les indicateurs de la transition tels que l’avancement de la réforme économique. Le choix des facteurs de production est assez classique pour ce type de modèle (KLEM). L’analyse des relations factorielles et des substitutions possibles entre l’énergie et les autres facteurs de production, exige de distinguer entre le capital (K), l’énergie (E), le travail (L) et la consommation intermédiaire non-énergétique (M). 2.2.1 La désagrégation sectorielle La désagrégation sectorielle réalisée dans cette étape préliminaire comporte quatre secteurs. Compte tenu de la problématique étudiée, nous distinguons d’abord deux secteurs énergétiques : électrique et non-électrique. Ensuite, en raison de la forte intensité énergétique, nous distinguons les secteurs intensif et non-intensif en énergie. En effet, l’intensité énergétique est un critère d’analyse du secteur énergétique souvent rencontré dans la littérature de spécialité : le modèle EFOM-ENV Romania utilise une fonction inverse de l’intensité énergétique, notamment l’efficience énergétique, introduite comme variable endogène dans le secteur de production énergétique et de consommation industrielle. L’intérêt d’analyser le secteur énergétique à travers l’intensité énergétique est d’abord la possibilité de désagrégation sectorielle de l’économie, adaptée à la situation roumaine, fortement énergivore, et à la disponibilité des données qui rendra accessible la construction de la matrice de comptabilité sociale. Ensuite, l’analyse de l’intensité énergétique peut expliquer certaines tendances et différencier entre les facteurs qui déterminent la baisse de la demande d’énergie, avec une implication inter-sectorielle vaste. Dans la perspective d’analyser la contribution des secteurs économiques à la pollution atmosphérique, une plus fine désagrégation serait selon le critère d’intensité en émissions de CO2, ce qui nécessiterait une base de données complète pour chaque secteur concerné. Dans les conditions du manque de données, nous allons approximer, dans une étape future, le niveau d’émissions, proportionnellement à la consommation d’énergie de chaque secteur. Par exemple, le niveau sectoriel d’émission peut être obtenu en multipliant la consommation finale de charbon, gaz ou pétrole par un coefficient d’émission. Le seuil qui délimite la désagrégation entre le secteur intensif en énergie et non-intensif est considéré la moyenne communautaire d’intensité énergétique de 0.4 tep/1000 USD que nous avons convertie en tce/1 milliard lei, ce qui signifie environ 38,41 tec/1 mld lei. Ainsi, les branches situées en dessous de ce seuil font partie du secteur non-intensif en énergie, et ceux qui se trouvent au-dessus sont inclues dans le secteur intensif (Tableau 1). Dans la consommation énergétique, ont été prises en calcul l’électricité, l’énergie thermique et les autres sources d’énergie : charbon, coke, gaz, produits pétroliers et sources d’énergie non conventionnelles. 14 Tableau 1. Analyse de l’intensité énergétique par branche économique (1999) Consommation énergétique (C°) ,10 3 tec therm 676 autres 9 165 Intensité energétique (tec/ mld lei) C 11 ( ) VA 44,9442 Activité Production (mld lei) (VA) Industrie Total électr. 12 344 2 503 1. Métallurgie 3 898 903 31 2 964 110,517 35 270.3 2. Chimie 3. Equipement constr. métal. 4. Prods minér. nonmétalliques 5. Aliments… 6.Construction 2 156 1 600 355 354 230 121 1 571 1 125 94,345 62,125 22 852.2 25 754.5 1 592 223 28 1 341 117,045 13 601.6 881 403 146 72 97 32 638 299 14,345 15,34 61 413.4 26260.2 7. Papier 8. Textiles 9. Meubles 10. Bois 11. Eau 12.Caoutchouc 13. Vêtements 14. Métaux fér Services Transport Agriculture 373 236 233 231 212 182 142 77 2 288 4 489 664 66 37 42 23 154 32 16 57 nd 184 97 22 22 28 16 8 16 17 0 nd 56 106 285 177 163 192 50 134 109 20 nd 4 249 461 89,294 26,840 24,997 22,993 45,085 25,986 10,248 69,620 12,81 85,00 9,21 4 177.2 8 792.8 9 320.9 10 046.5 4 702.2 7 003.6 13 855.5 1 106.0 178592,81 52809,702 72096,0 274651.4 Source : ENERO, Centre pour la Promotion de l’Energie propre, ICEMENERG, 2002 INSE, Institut National de Statistiques de Roumanie 11 L’intensité énergétique est calculée comme rapport entre la consommation énergétique (1 tec) réalisée pour la 9 production de 10 unités du PIB, exprimé en monnaie nationale (équivalent à 54 552.39 EUR au cours du 30/12/1999 de 1EUR= 18 331 lei, http://cursvalutar.kappa.ro). 15 Les secteurs productifs ont les composantes suivantes : 1.1 Thermique 1. Secteur électrique (SEL) 1.2 Hydraulique 1.3 Nucléaire 2.1 Charbon 2. Secteur Non électrique (SNEL) 2.2 Gaz 2.3 Pétrole brut 2.4 Produits pétroliers 3. Secteur Intensif en énergie (SIE) 3.1.1 Métallurgie 3.1.2 Chimie et fibres synthétiques 3.1.3 Equipements et machines métalliques de construction 3.1.4 Autres produits minéraux non métallique 3.1.5 Papier et pâtes à papier 3.1.6 L’assainissement de l’eau 3.1.7 Métaux ferreux 3.1 Industrie 3.2 Transports 4. Secteur Non intensif en énergie (SNIE) 4.1 Industrie 4.1.1 Aliments, boissons, tabac 4.1.2 Textiles et produits textiles 4.1.3 L’industrie des meubles 4.1.4 L’industrie du bois 4.1.5 L’industrie du caoutchouc et produits plastiques 4.1.6 Constructions 4.1.7 Vêtements en fourrure, cuir, textiles 4.2 Services 4.3 Agriculture 16 Dans la section suivante, nous présentons les principales hypothèses qui ont conduit au choix des spécifications et à l’écriture des équations dans les secteurs de la production et de la consommation, dans un cadre statique d’analyse. 2.2.2 Le producteur La structure arborescente suit le même principe dans les quatre secteurs de production ; seules diffèrent certaines élasticités de substitutions entre les facteurs de production et les paramètres techniques correspondant. Par exemple, la substitution entre le capital et le travail est plus forte dans les secteurs intensifs en capital (secteur électrique) que dans les secteurs intensifs en travail (secteur tertiaire ; Pizzati, 2002). Figure 1. La structure arborescente de la production Yi Vi (KLE) Si (KE) Mi CES (S, L, A i , i , i ) SIE Li SNIE CES (K, E, B i , i , i ) Ki Ei SEL domestique Leontief ( M,V,a,b) importé domestique importé domestique importé SNEL domestique importé Nous considérons dans chaque secteur un producteur type en situation de concurrence parfaite qui cherche à réaliser une allocation optimale des facteurs de production. Ainsi il adopte un comportement de minimisation des coûts des facteurs sous la contrainte de la fonction de production. Au niveau supérieur de la structure, l’entreprise répartit sa production entre les 17 consommations intermédiaires non-énergétiques (M) et un agrégat (V) de capital-travailénergie, à la base d’une fonction Leontief, sous l’hypothèse de complémentarité des deux facteurs : M V , a b Y i = Min La demande optimale de consommation non-énergétique dépend du paramètre technique, a, et de la production sectorielle Y i : Mi = a Yi Au deuxième niveau, les consommations non-énergétiques sont réparties entre les biens issus des secteurs intensif en énergie et non-intensif (selon une fonction CES12), étant importés ou provenus de la production nationale (selon une spécification à la Armington (1969), de substituabilité imparfaite entre les biens importés et les biens domestiques). Le choix d’une fonction de type CES est justifié par les possibilités de substitutions qui existent entre les différentes formes d’énergie se trouvant à la base de la production des biens intensifs et nonintensifs en énergie. Les prévisions de la CE, 2003, montrent une tendance à la baisse dans l’utilisation du charbon, du gaz et du pétrole jusqu’en 2030, et à la hausse de la part du nucléaire et des ressources renouvelables (hydro, biomasse, déchets). L’agrégat KLE se décompose en facteurs tels que le travail et le composite (S) de capitalénergie, du fait que la substitution entre le capital et l’énergie diffère de la substitution entre l’énergie et le travail, étant notamment plus forte à long terme. Le composite KE occupe une place importante dans toutes les structures productives, du fait que l’objectif de l’analyse le constitue l’étude des possibilités de réduction de l’intensité énergétique par l’apport technologique du capital. En effet, le potentiel est important dans tous les secteurs. Dans le secteur industriel, l’intensité énergétique peut diminuer de 8,6% par an jusqu’en 2010 et de 3,8% annuellement jusqu’en 2020 ; dans le tertiaire, de 1,6%, respectivement 1,1, etc. (Commission Européenne, 2003). Le programme à ce niveau consiste toujours dans la minimisation des coûts des facteurs sous la contrainte de la fonction de production, qui répartit le facteur travail et le composite capital-énergie selon une technologie CES : Vi = Ai L 1 i iL 1 1 i i 1 i iS 1 1 i i S 1 1 1 i La résolution du programme conduit aux conditions de premier ordre qui déterminent la part optimale du facteur travail : Li = 12 PVi i 1 A i iL V i PLi Constant Elasticity of Substitution 18 i Ensuite, les parts optimales du capital et de l’énergie dans le composite S sont déterminées par une technologie CES selon le même principe : PS K i = B i 1 iK S i PK i PS 1 E i = B i iE S i PE i i et i Au niveau le plus désagrégé, l’énergie est décomposée entre les consommations issues du secteur électrique et celles provenues du secteur non-électrique, reparties entre les biens domestiques et importés. Cette étape d’analyse ne comporte pas d’hypothèse chiffrée sur les élasticités de substitution entre les facteurs de production. Ainsi, nous avons recours à la souplesse de la fonction CES, même dans les cas où l’élasticité de substitution est forte (exemple : entre le capital et l’énergie à long terme dans le secteur électrique) ou faible (exemple : entre le capital et le travail dans les services). Le premier cas se traduit par une élasticité unitaire et une fonction Cobb-Douglas serait plus adéquate, alors que dans le deuxième cas, une fonction Leontief est la forme la plus usuelle pour les facteurs complémentaires. Mais l’incertitude attachée aux certaines élasticités sera enlevée par les tests de sensibilités appliqués au modèle. Ainsi, en raison de l’hypothèse initiale d’équilibre général, le choc induit sur une élasticité de substitution provoque la réaction dans le modèle entier, donnant le signal sur la justesse du choix des élasticités. Au cas contraire, des ajustements supplémentaires seront effectués afin de rendre le modèle plus robuste, pour que l’impact soit proportionnel au choc induit. La modélisation du marché des permis négociables suppose l’introduction du prix des permis dans le prix total de production (P Yfinal ) (Bréchet, 1994) : P Yfinal = P Y + P PEN ( CO2 - CO 2 ) Le programme dépend de l’objectif fixé ( CO 2 ) pour chaque producteur quant à la quantité de pollution émise. Elle dépend du coût marginal de réduction de la pollution : si le coût marginal est supérieur au prix du permis, le producteur choisit d’acheter des permis proportionnellement à la quantité d’émissions dépassant le seuil admis ; au cas contraire, le producteur choisit de réduire la pollution et de vendre le surplus de permis. Au niveau national, l’objectif fixé consiste dans la réduction de 8% des émissions de CO2 par rapport à l’année 1989, par la ratification du protocole de Kyoto (2001), ce qui témoigne d’une volonté politique favorable à la mise en place du système de permis négociables. En participant à ce marché, la Roumanie serait en situation de vendeur de permis si nous considérons la baisse de l’intensité en CO2 de 195,89 millions tonnes en 1989 à 95.23 en 2001 (Commission Européenne, 2003). La complexité de la problématique réside dans la difficulté d’estimation du vrai coût marginal de réduction de la pollution et de la mise en place du marché des permis, puisque en Roumanie les structures institutionnelles sont instables, les droits de propriétés ne sont pas encore bien établis, la corruption est forte et la conscience écologique peu développée (Blanchard et al, 1997). 19 2.2.3 Le consommateur La consommation totale est répartie entre la consommation publique (l’Etat) et la consommation privée (les ménages). L’Etat consomme des biens issus des secteurs électrique (SEL g ) et non-électrique (SNEL g ) et des secteurs intensif (SIE g ) et non-intensif en énergie (SNIE g ). Les dépenses gouvernementales (DG) égalisent les recettes de l’Etat (RG), sous l’hypothèse de déficit budgétaire nul : RG = DG et DG = a 1 SEL g + a 2 SNEL g + a 3 SIE g + a 4 SNIE g , où a i est la part de la consommation sectorielle gouvernementale dans la consommation d’Etat totale et i = 1,2,3,4. Les recettes de l’Etat sont formées de façon générale par les impôts perçus sur les facteurs de production (capital, travail, énergie), sur les revenus des ménages, les taxes indirectes (la TVA, les accises), les taxes sur les exportations et les importations (les droits de douanes), etc. Leur spécification par rapport à la base de prélèvement nécessite une recherche plus fine, pas toujours facile, dans les conditions où le rôle dominant de l’Etat dans l’économie rend des fois son comportement non transparent et imprévisible. Au niveau des ménages, la consommation est répartie entre les biens provenant également des secteurs électrique, non-électrique, intensif et non-intensif en énergie, selon la figure 2, dont la nomenclature est donnée par INSE, 2003 (Institut National de Statistiques de Roumanie). Figure 2. La structure de la consommation privée Secteur électrique - Electricité - Energie thermique Secteur non-électrique - Secteur intensif en énergie - L’assainissement de l’eau - Transport Gaz Charbon Bois Produits pétroliers C ménages Secteur non-intensif en énergie 20 Aliments, boissons, tabac Textiles et produits textiles Meubles Services Le choix de la structure fonctionnelle décrivant le comportement du consommateur est assez classique pour la modélisation de la consommation des ménages. Ainsi, la technologie choisie est de type LES13, ce qui permet d’assurer aux ménages une consommation minimale C i du bien agrégé i pour l’ensemble des biens n répondant aux besoins de base. Figure 3. La structure arborescente de la consommation privée C LES (P, C, C i , P i , C , C i , i , ) ) SEL SNEL domestique importé SIE domestique importé domestique SNIE importé domestique importé Le consommateur cherche à minimiser le budget affecté à la consommation sous la contrainte de la fonction de la consommation. Min PC C sous la contrainte C– C = i C i C i i1 4 1 1 1 1 1 1 , où C est la consommation agrégée des biens C i issus des quatre secteurs (i = 1,2,3,4) ; C est la quantité minimale agrégée des consommations C i qui représente la quantité minimale des biens du secteur i nécessaire à chaque ménage ; i est la part du bien agrégé du secteur i consommé dans la consommation totale C et représente l’élasticité de substitution entre les consommations des biens provenant des quatre secteurs. La résolution du programme conduit aux conditions de premier ordre qui déterminent les parts optimales des consommations par secteur, qui dépendent de C i , de i et de la part du prix agrégé par secteur P i dans le prix agrégé de la consommation totale (P) : 13 Linear Elasticity Substitution 21 P C i = C i + i C C Pi Lors du calibrage, l’analyse porte en particulier sur le prix réel à la consommation, en raison de la politique des subventions menée par l’Etat roumain et des bas revenus qui mettent certains ménages en impossibilité ou retard de paiement ( 26 % en 2002, INSE, 2003). Tout d’abord, la question des subventions est analysée dans la perspective de leur suppression. Aux problèmes actuels liés à la répartition des revenus, s’ajoute la part importante des subventions accordées à la consommation selon le principe de transfert uniforme vers tous les ménages, sans tenir compte de leurs revenus. La réforme budgétaire consiste dans le remplacement du système onéreux et peu efficace de subventions par des aides accordées aux ménages les plus défavorisés. L’identification des bénéficiaires ayant besoin d’une assistance sociale exige une plus grande transparence dans l’identification des subventions à supprimer et un système rigoureux d’allocation des aides budgétaires. Le programme du consommateur dans notre MEGC se propose de tester une politique budgétaire de suppression des subventions et d’introduction des aides sociales d’Etat aux ménages défavorisés, identifiés selon une clé de répartition des ménages entre riches et pauvres. Il s’agit d’un seuil (S k ) indiquant la part de la facture énergétique dans les dépenses totales, sous la forme générale suivante : Sk = k Pk1 n j1 j Pj1 , où il s’agit de n biens consommés par le ménage et du bien k comme l’agrégat des biens énergétiques. En pratique, dans le cas des ménages roumains, ce seuil est d’environ 9,9% (INSE, 2003). Une autre question est soulevée par la hausse des prix énergétiques comme le conséquent de la restructuration de l’industrie énergétique. Cela entraînera l’augmentation des tarifs pour que les coûts de production soient récupérés et une marge de profit soit possible. Par exemple, la privatisation de la compagne pétrolière Petrom engendrera la hausse des prix des produits pétroliers et la mise en place d’une taxe de développement comprise entre 20-25% du prix (D. I. Popescu, Ministre de l’Economie, Adevarul, 2003) afin de permettre la modernisation des secteurs de production et de distribution. Certes, les prix augmenteront plus vite que les revenus des ménages et à court terme ils seront obligés de baisser leur demande d’énergie correspondant aux besoins les plus compressibles. Dans cette situation, une nouvelle hausse des prix énergétiques semble irréaliste dans l’absence d’ajustement des postes budgétaires. Une solution possible réside dans une réforme tarifaire réalisée de façon graduelle avec la baisse des coûts de production, suite aux gains en efficience énergétique. Mais toute mesure de maîtrise d’énergie exige le financement de telles technologies moins intensives, ce qui pose le problème de récupération des coûts d’investissement par les paiements des contribuables. Donc, le payeur final reste le ménage dont la capacité de paiement semble limitée. 22 2.2.4 Le commerce international Grâce à sa position géographique en Europe Centrale et à sa localisation à proximité de la Mer Noire, la Roumanie joue un rôle majeur dans la création du marché unique énergétique à l’échelle européenne, par l’accès de plusieurs voies de transit sur le territoire roumain, pour le transport d’électricité, du gaz et du pétrole brut. La Commission européenne prévoit l’ouverture totale à la concurrence jusqu’en 2005 pour toutes les entreprises et les activités économiques afin d’accroître l'efficacité économique. Ainsi, la concurrence conduira les producteurs d'électricité à mieux utiliser les ressources et les consommateurs à choisir leur fournisseur. Le prix du transport sera indépendant de la distance -ce qui garantit effectivement que tout client peut choisir un fournisseur sur une zone très vaste-, et un régulateur indépendant supervisera le fonctionnement du marché et garantira le droit d'accès aux réseaux. Les effets de la libéralisation des marchés d’énergie se sont concrétisés en Roumanie dans les changements qui ont remodelé le secteur énergétique par la séparation des activités de base et l’intégration horizontale. Le degré d’ouverture du secteur énergétique est, au moins en théorie, de 33% sur le marché d’électricité et 25% sur le marché du gaz. La modélisation du commerce international utilise un programme classique d’écriture des importations et des exportations suivant une spécification d’Armington ; elle suppose la minimisation du coût du panier formé par les deux types de biens. La particularité réside dans le choix de l’acteur « le Reste du Monde », puisqu’il peut se situer au niveau de l’UE, par la connexion de la Roumanie au marché unique européen d’énergie et, au sens plus large, au niveau de l’UCTE 14 avec laquelle la Roumanie s’est connectée en 2003. Encore, il faut rappeler la relation particulière que la Roumanie développe avec la Russie et l’Ukraine, et avec les Etats balkaniques et la REF Yougoslavie. Dans ce contexte, nous nous demandons dans quel cadre international se feront les choix énergétiques de la Roumanie, selon le dynamisme de la demande et de l’offre internationales d’énergie et des sources d’énergie, selon l’évolution de la technologie et son incidence sur le prix des ressources. La complexité de l’analyse réside dans la comparaison des élasticités de substitution entre les différentes zones. Dans une étape future, le modèle comportera une description plus précise du commerce international, surtout suite à l’adhésion des dix pays en transition qui témoignent d’un important surplus de capacité de production d’électricité (en moyen 57% de la capacité installée). Conclusion Cette étude a présenté dans une première partie les instruments utilisés par la Roumanie dans sa politique environnementale afin de satisfaire aux exigences communautaires dans la perspective de sa proche adhésion à l’UE (2007). Les difficultés de l’adoption des systèmes législatif et fiscal environnementaux trouvent leurs origines dans la divergence existant entre les niveaux des salaires et les niveaux de développement entre les deux zones. En particulier, l’analyse porte sur les enjeux de la mise en place des permis négociables comme instrument 14 Union pour la Coordination de la Transmission d’Electricité 23 de marché dans la lutte contre la pollution des émissions de CO2. Leur mise en place en vue de la participation de la Roumanie au marché international des permis à polluer (européen ou mondial) exige une analyse macro et microéconomique liée à la source principale d’émissions de CO2, le secteur énergétique. L’étude a recourt à un outil souvent utilisé dans le traitement de ce sujet, un MEGC dynamique, à long terme, qui comporte plusieurs étapes. Une première consiste dans l’identification de la problématique (section 2.1) et de la nature des questions que nous nous posons, notamment sur le développement économique-énergétique-environnemental de la Roumanie. Basée sur l’observation empirique et sur la littérature de spécialité, cette étape permet de déterminer le degré de désagrégation du modèle (section 2.2.1) et le choix des formes fonctionnelles exprimant le comportement du producteur (section 2.2.2) et du consommateur (section 2.2.3). Le comportement des autres agents économiques, comme l’Etat et le reste du monde, sera décrit dans une autre étape de l’analyse et encore plus explicite lors de l’étape de calibrage. Par la suite, l’analyse s’orientera vers la collecte des données, pas toujours facile et motivante, pour la construction du cadre comptable du modèle. Ensuite nous essayerons de reproduire la situation de référence compte tenu des variables exogènes et des paramètres résultant de l’opération de calibrage. Les dernières étapes, de choix des scénarios et de simulations des variantes de politiques économiques, permettront d’arriver à l’objectif final : l’interprétation des variations des prix et l’examination des effets micro et macroéconomiques que les chocs induits entraînent. Le marché des permis négociables occupera une place particulière dans la réflexion sur l’engagement assumé par la Roumanie en 2001 dans le cadre du protocole de Kyoto de réduction des émissions de CO2 de 8%. Ce type d’analyse constitue un outil d’aide à la décision publique de choix d’un instrument économique ou fiscal afin d’adopter une stratégie de croissance économique dans la perspective de développement durable. Bibliographie Ahrend R., Martins J. 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