
 
 QUELQUES REFLEXIONS  SUR LE THEME DE 
L’INFINI MATHEMATIQUE AU COLLEGE ET AU LYCEE 
 
 
  La modification, pour une classe ou une filière donnée, des programmes de mathématiques provoque 
chaque fois chez les professeurs chargés de cet enseignement, des réactions empreintes de nostalgie vis à vis des 
chapitres caducs et d’inquiétude vis à vis des notions nouvellement introduites. Au delà des habitudes à modifier 
dans  le  cadre  de  perspectives  nouvelles,  c’est  la  recherche  d’une  cohérence  globale  qui  apparaît  comme 
essentielle pour que les  mathématiques ne se réduisent pas aux yeux des élèves à un ensemble de  chapitres 
juxtaposés. Le tâche passionnante et difficile du professeur est donc de conduire, autant que faire se peut, un 
enseignement qui permet en définitive, aux élèves, de maîtriser des outils de plus en plus élaborés, égrenés au fil 
des chapitres, et d’en saisir la cohérence globale dans la résolution de problèmes. C’est en effet par la résolution 
de problèmes que les mathématiques prennent leur sens et affirment leur unité. Les découvertes les plus récentes, 
dans  le  domaine  de  l’algèbre  notamment,  n’ont  pu  être  menées  à  bien  que  grâce  au  concours  de  puissants 
résultats obtenus dans des domaines à priori très éloignés du but poursuivi. La question de la distribution des 
nombres premiers est, on le sait, intimement liée à la fonction dzèta de Riemann
, profondément ancrée dans 
l’analyse complexe. (A ce sujet on pourra consulter de nombreux et remarquables articles dans le n° spécial de la 
Recherche paru en octobre 2001). 
 Le thème de l’infini est partout présent en mathématiques (et pas seulement en mathématiques). Tantôt 
infiniment grand, tantôt comme le disait Drieu de la Rochelle « Une minute excessivement intense » ,  l’infini 
inquiète  et  fascine  par  les  problèmes  qu’il  suscite  et  surtout  par  les  paradoxes,  les  ruptures  d’habitudes 
qu’impose le passage du fini à l’infini. Dans ces quelques pages nous voyons dans un premier temps comment 
cette notion d’infini mathématique opère comme un « fil rouge» qui relie les apparents « tiroirs mathématiques » 
des  programmes  que  sont  l’algèbre,  la  géométrie,  l’analyse  et  les  probabilités,  et  nous  étudions  d’autre  part 
quelques  questions  mettant  en  évidence  les  perturbations  algébriques  ou  topologiques  qu’induit  le  passage  à 
l’infini.  L’idée  directrice  étant  de  balayer  l’ensemble  des  notions  mathématiques  des  programmes  de 
l’enseignement secondaire à l’aide de problèmes accessibles aux élèves et ayant en commun une idée donnée : 
ici celle de l’infini. 
 PREMIERE PARTIE : 
L’INFINI  EST PARTOUT 
 
1°) L’infini et les nombres : 
 a) Les entiers naturels et leur ensemble N . 
Utilisés depuis toujours, leur existence est postulée par les axiomes de Péano
. Lorsqu’un ensemble 
E est fini, il est impossible de construire une bijection entre E et l’un quelconque de ses sous ensembles stricts. 
Le bon sens voudrait donc qu’il y ait « moins » de nombres pairs que d’entiers naturels, mais si cette assertion 
est  vraie  lorsqu’on  considère  l’ensemble  {0,1,…,99},  elle  ne  peut  être  maintenue  dès  lors  que  l’application  f 
définie de N dans N par f(x)=2x est bijective. Ainsi, le caractère infini de N est affirmé par le fait qu’il peut-être 
mis en bijection avec l’un de ses sous ensembles stricts. Cantor
 a le premier défini un « étalonnage » de l’infini, 
appelant  0  le  cardinal  de  N  et  de  tous  les  ensembles  qui  peuvent  être  mis  en  bijection  avec  lui,  nommés 
ensembles dénombrables. Bien qu’à l’origine de ces cardinaux  transfinis, Cantor fut lui même stupéfait par ses 
propres découvertes ainsi qu’en témoigne sa correspondance avec Dedekind
 dans laquelle il écrit : « …tant que 
vous ne m’aurez pas approuvé, je ne puis que dire : Je le vois mais ne le crois pas. ». Il est très important de 
faire  part  à  nos  élèves,  souvent  habitués  à  des  réflexions  routinières  desquelles  le  doute  est  absent,  des 
étonnements et des interrogations de grands mathématiciens. Quelques activités allant dans ce sens peuvent être 
proposées :   Si n>1, les classes de congruence modulo n sont dénombrables. 
 L’ensemble des nombres premiers est dénombrable. 
 L’ensemble Z est dénombrable.  
 
b) Les rationnels, le même infini : 
Introduits  dès  la  classe  de  sixième,  ils  sont  appelés  quotients.  Ce  mot  de  vocabulaire, 
habituellement associé à la division Euclidienne (dividende, diviseur, quotient et reste) peut surprendre par sa 
nature en général non entière. Une cohérence peut être cependant trouvée si on appelle quotient le nombre par 
lequel il faut multiplier un entier b pour obtenir un entier a. Un tel quotient est donc un entier lorsque a est 
multiple de b, c’est un nombre nouveau lorsque a n’est pas multiple de b. Ce nombre sera noté par convention 
. Voici pour nos élèves et pour la première fois, l’occasion de découvrir d’autres nombres d’autant plus 
 
 Bernhard Riemann Hanovre 1826 Selasca 1866 
 Giuseppe Péano Cueno 1858, Turin 1932 
 Georg Cantor Saint Pétersbourg 1845, Halle 1918 
 Richard Dedekind Brunswick 1831, Brunswick 1916