Florent Bussy Hannah Arendt, la politique et la pensée Introduction

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Florent Bussy
Hannah Arendt, la politique et la pensée
Introduction
Nous étudierons ici la manière dont Hannah Arendt a compris la relation entre la
pensée et l’action ou encore entre la philosophie et la politique. L’idée directrice de son œuvre
est que la « vie contemplative » a oblitéré, tout au long de l’histoire de la philosophie, la « vie
active », et que dans cette dernière, l’action n’a elle-même jamais été reconnue comme telle,
mais toujours subordonnée au savoir-faire technique.
Le privilège accordé à la pensée pure lui paraît constituer un oubli, constitutif de la
tradition philosophique de Platon à Heidegger, de ce qui est au cœur de l’existence humaine,
la pluralité. La pensée pure est en effet censée appartenir à un être capable de n’être vraiment
lui-même que dans le « dialogue silencieux de l’âme avec elle-même » (Platon), parce qu’il
peut alors parvenir, par la dialectique, à la vérité universelle, qui dépasse les opinions
changeantes et subjectives. Arendt procède ainsi tout au long de son œuvre à l’analyse des
fondements de la tradition philosophique et à la déconstruction de l’illusion de la pensée pure.
Pour ce faire, elle propose une redéfinition complète des domaines de la vie active
(travail, œuvre et action), et elle met en évidence l’importance de l’action dans une existence
humaine accomplie, parce que, c’est dans l’action que les hommes intègrent leur condition de
pluralité, en même temps qu’ils assument leur mortalité et exercent leur capacité à
« entreprendre quelque chose de neuf » (spontanéité).
Si l’on peut faire un parallèle entre l’analyse initiée par Arendt et l’entreprise
phénoménologique, dans sa volonté de retourner aux choses-mêmes, on doit pourtant
remarquer que la centralité de l’action dans l’œuvre de la philosophe constitue une antiépochê, le rejet « d’une mise hors circuit de l’attitude naturelle ». L’oeuvre d’Arendt récuse
en effet toute forme de dualisme entre l’opinion (ou le sens commun) et la vérité, entre le
paraître et l’être, entre l’ego et le monde commun.
Il convient donc de mettre en évidence ce que vise Arendt, en montrant que le
privilège accordé à la pensée pure constitue une abstraction, ignorante de ce qui fonde la
pensée, à savoir l’inscription de l’être humain dans une pluralité humaine indépassable, à
1
l’intérieur de laquelle il fait l’expérience de l’identité et de la différence, de son historicité et
de sa liberté.
Le totalitarisme : la destruction de la pluralité et du monde
Le point de départ de notre étude peut être l’analyse menée par Arendt des régimes
totalitaires, au début des années 50, parce qu’elle met en évidence, d’une manière concrète,
quoi que encore peu développée du point de vue philosophique, l’ensemble des aspects que
nous avons évoqués auparavant.
Son analyse du totalitarisme permet de le distinguer clairement des régimes
despotiques et d’en montrer le caractère radical. Les régimes despotiques ou tyranniques sont
caractérisés par l’absence de lois, la soumission à l’arbitraire du despote (le despotès est chez
les Grecs le maître de maison, et en particulier le maître des esclaves, qui n’est soumis à
aucune limite ; le tyran, c’est celui qui a pris le pouvoir par la force et l’exerce en dehors de
tout principe légal). Arendt montre, en s’appuyant sur Montesquieu, que le principe d’action
qui régit les relations entre les particuliers comme entre les particuliers et le pouvoir, à
l’intérieur de la tyrannie, c’est la peur (l’honneur dans les aristocraties, et la vertu dans les
républiques).
Contrairement au despotisme, le totalitarisme est soumis à des lois, mais des lois
extérieures à l’action humaine, les lois de l’idéologie (lois de la Nature pour le nazisme et de
lois de l’Histoire pour le communisme), des lois qui, au lieu de donner un cadre commun aux
actions humaines (incertaines), d’assurer une stabilité à l’intérieur d’une condition humaine
soumise au changement, sont des lois du mouvement, indifférentes aux décisions humaines et
soumettant les hommes à un ébranlement continuel de la société dans laquelle ils vivent.
Par ailleurs, les régimes totalitaires détruisent toute protection juridique au profit de
la séparation entre les « ennemis objectifs » du régime (c’est-à-dire toutes les populations que
l’idéologie décrit comme responsables de la division sociale, alors qu’ils sont, le plus souvent,
innocents de toute résistance) et les populations qui sont censées former seules la base de la
nouvelle organisation sociale (Prolétariat, race aryenne, au Cambodge « le peuple ancien »
agraire et communautaire).
Concernant l’absence de lois servant à encadrer l’action, à donner une protection
juridique : les régimes totalitaires ne s’adressent pas aux hommes dans leur pluralité, mais ont
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pour objectif de parvenir à la formation d’un Homme unique, qui agisse sans se rapporter à
lui-même et obéisse de manière mécanique. Ils font ainsi disparaître l’action, au sens de
l’activité par laquelle les hommes manifestent leur individualité, au sein d’un espace commun
de paroles et de décisions. Pour Arendt, ces régimes ne laissent de ce fait place à aucun
principe d’action, qu’ils récusent au contraire au profit de l’idéologie.
« Ce dont a besoin le règne totalitaire pour guider la conduite de ses sujets, c’est d’une
préparation qui rende chacun d’eux apte à jouer aussi bien le rôle de bourreau que celui de victime.
Cette préparation à deux visages, substitut d’un principe d’action, est l’idéologie »1.
En mettant l’action de côté, le totalitarisme détruit le monde, c’est-à-dire l’espace
commun qui sépare et relie tout à la fois les hommes, qui les unit et les individualise en même
temps, au profit de masses anonymes dans lesquelles ils ne peuvent que se laisser entraîner
par le mouvement ou se condamner à un sentiment d’impuissance. Quand les hommes ne
peuvent discuter, par la parole, le sens de leurs actions, ils ne sont plus en mesure de
manifester leur individualité, de s’en saisir, de la faire exister au milieu des autres et donc de
la faire reconnaître, ils connaissent la « désolation », dans laquelle ils ne réussissent pas à
entretenir de relation avec eux-mêmes, faute d’en entretenir avec les autres.
La pluralité, le monde comme espace commun étant ainsi empêchés, c’est non
seulement l’action qui disparaît au profit d’un comportement prédéterminé par l’organisation
totale de la société, mais la pensée autonome, se modelant sur les expériences de la réalité,
parce que l’idéologie impose un « sur-sens » au réel, une fiction qui récuse tout ce qui ne
serait pas en accord avec elle. Arendt dit que l’idéologie est la « logique d’une idée »2, c’està-dire un enchaînement d’idées qui doit permettre de dire de manière exhaustive le sens du
réel.
« Les idéologies admettent toujours le postulat qu’une seule idée suffit à tout expliquer dans
le développement à partir de la prémisse, et qu’aucune expérience ne peut enseigner quoi que ce soit,
parce que tout est compris dans cette progression cohérente de la déduction logique »3.
1
2
3
Le système totalitaire, trad. J.-L. Bourget, R. Davreu et P. Lévy, Paris, Seuil « Points », 1972 p. 215.
Idem, p. 216.
Ibidem, p. 218.
3
Cette étude du totalitarisme n’a pas de soubassement philosophique véritable. C’est à
cette lacune que répond La condition humaine (1958), puisque ce livre met en évidence les
caractéristiques permanentes de la condition humaine qui seules permettent de comprendre ce
qu’est l’humanité de l’homme - qu’on ignore le plus souvent, parce qu’on en a une image
mutilée, une image solipsiste - c’est-à-dire la condition de pluralité qui l’inscrit dans un
monde commun, lequel préexiste à chacun mais que l’action contribue à transformer.
Pluralité, vie active et pensée
Arendt fait apparaître les principales caractéristiques de la pensée et de la vie active,
leur unité fondée dans la condition humaine de pluralité, ce qui lui permet d’éclairer la
signification de l’illusion philosophique de la domination de la première sur la seconde et de
tous les dualismes prédominants dans les représentations philosophiques. Pour Arendt, à la
suite d’Aristote, l’homme est un animal politique, sa pensée et son action s’inscrivent dans
une « paradoxale pluralité d’être uniques »4.
Pour Arendt, la condition humaine se caractérise par la natalité, la spontanéité et la
pluralité. Les hommes et les femmes donnent naissance (natalité) à des enfants qui ont une
faculté d’entreprendre quelque chose de neuf (spontanéité), qui se distinguent les uns des
autres non pas naturellement, mais parce qu’ils manifestent leur singularité par l’action et par
la parole. Ils sont pluriels de manière irréductible.
Mais cette pluralité ne s’exprime pas dans tous les aspects de leur existence (vie
active et pensée). Arendt distingue, comme on le sait, trois dimensions de ce qu’elle nomme
la « vita activa ».
Le travail est la condition de la vie humaine, il permet la production de biens
consommables qui assurent la conservation de la vie. Pour les Grecs, il se rapproche de ce fait
de la nature, parce qu’il est commun à toutes les espèces vivantes.
L’œuvre se distingue du travail, parce qu’elle produit des biens durables et introduit
une artificialité qui distingue le monde humain de la nature. Les œuvres ont connu des
évolutions importantes et traduisent directement l’intelligence acquise au cours de l’histoire.
4
Condition de l’homme moderne, trad. G. Fradier, Paris, Presses-Pocket « agora », 1983 p. 232
4
Pourtant, elles n’expriment qu’imparfaitement la condition humaine, parce que, sans être
indifférentes à la pluralité des hommes (division sociale des tâches, coopération), la
singularité y est réduite car personne n’y est irremplaçable et une tâche technique est d’abord
une relation avec des savoirs et revient à une situation de solitude (la solitude de l’artisan dans
son atelier).
L’action est la traduction directe de la condition de pluralité, parce qu’elle est le
produit de la capacité des hommes d’initier quelque chose, en dehors de toute prévisibilité,
dans la mesure où elle n’a pas de but lui préexistant et ne relève donc pas de l’instrumentalité
mais de la liberté et aussi parce qu’elle n’a pas de finalité extérieure aux relations entre les
hommes, comme nous l’a appris Aristote (distinction de la praxis et de la poiésis), vu que les
hommes agissent toujours les uns par rapport aux autres, les uns sur les autres et même
ensemble (ce qu’Arendt nomme « action de concert »). De plus, l’action s’associe
naturellement à la parole, elles sont toutes les deux des facultés de manifester sa singularité
devant les autres.
Pour Arendt, l’être humain, parce qu’il possède cette faculté d’agir et de parler, ne
peut pleinement réaliser son être que dans l’espace public. De ce fait, il n’existe pas de
pensée, non plus que de liberté qui soit séparée de la condition de pluralité des hommes.
Si l’œuvre de l’homo faber réussit bien à créer un monde d’objets durables, il ne
s’agit pas encore d’un monde humain, doué de signification. C’est l’action (qui exprime la
liberté humaine) et la parole qui le peuvent. La pensée s’inscrit dans ce cadre, puisque les
facultés mentales d’un être humain ne peuvent être séparées de la place qu’il occupe dans une
société.
« Bien que ces activités [les activités mentales grâce auxquelles nous nous distinguons des
autres espèces animales] présentent entre elles de grandes différences, toutes ont en commun d'être
une dérobade au monde tel qu'il apparaît et un repli sur le soi. Ce ne serait pas bien grave si nous
n'étions que simples spectateurs, démiurges lancés dans le monde pour veiller à ses besoins, pour en
jouir, pour nous en distraire tout en conservant quelque autre région en guise d’habitat naturel. Mais,
en fait, nous sommes du monde et pas simplement au monde ; nous aussi sommes des apparences avec
nos arrivées et nos départs, nos apparitions et nos disparitions ; et, bien que venus de nulle part, nous
nous sentons équipés de pied en cap pour faire face à tout ce qui nous apparaît et prendre part au jeu
du monde. Ces attributs ne se volatilisent pas quand nous nous trouvons engagés dans des activités
5
mentales et fermons volontairement les yeux du corps, pour reprendre la métaphore platonicienne, afin
d'ouvrir ceux de l'esprit »5.
Cet énoncé signifie que nous n’avons pas d’identité hors du monde commun, que le
rattachement à l’humanité plurielle n’est pas une déchéance dans une quotidienneté
inauthentique à la manière d’Heidegger, mais au contraire la signification de toute vie
authentique, engagée, libre, assumant la condition humaine.
Pourtant, l’histoire de la philosophie accorde une place importante et durable à l’idée
d’une séparation de l’âme et du corps, de l’homme et du monde, de la contemplation et de
l’action, en concevant les premiers comme indépendants et supérieurs en dignité aux seconds.
Arendt récuse toutes les séparations par rapport au monde, au corps, à la sensibilité,
à la réalité expérimentée, à ce que les hommes reçoivent donc et qui s’imposent à eux comme
leur condition. « Etre en vie signifie occuper un monde qui précédait votre arrivée et survivra
à votre départ »6. Il s’agit d’une critique de la métaphysique, laquelle métaphysique revient
chaque fois qu’on récuse le réel au nom d’une réalité inaccessible aux sens et censée
commander ce que l’on perçoit (la mathesis universalis cartésienne comme la cité de Dieu du
christianisme ou le monde intelligible platonicien). Il y a aussi quelque chose de
métaphysique dans le totalitarisme, non seulement dans la sur-réalité idéologique mais aussi
dans la mise entre parenthèses de ce qui est spontanément transmis aux hommes, le monde,
les liens sociaux, la moralité.
Cette critique croise la réduction phénoménologique, mais contrairement à la
perspective husserlienne qui conduit à la saisie de mon existence comme un moi pur, il s’agit
pour Arendt de mettre entre parenthèses tout ce qui se substitue à l’expérience première que
les hommes font de leur condition (de pluralité).
La fuite à l’égard du monde procède de la dévalorisation de la condition humaine,
considérée comme sans noblesse, aveugle, trop diverse pour être saisissable et comprise. La
pluralité a ainsi largement été considérée comme un défaut à dépasser. Ce qui dérange en elle,
c’est son insaisissabilité. Les hommes, parce qu’ils sont pluriels et libres, sont immaîtrisables.
De même l’action est imprévisible et irréversible, ce qui impose de sérieuses limites à la
volonté de maîtrise.
5
La vie de l’esprit, volume 1, La pensée, trad. L. Lotringer, Paris, PUF « Philosophie d’aujourd’hui », 2000, p.
37.
6
Idem, p. 35.
6
La philosophie est de ce fait depuis ses origines en rupture avec l’action. Et la
politique elle-même a souvent tenté d’écarter la pluralité au profit de l’unité et de rendre
l’humanité intelligible, notamment en se réduisant à l’action de légiférer, qui a un résultat
clairement identifiable, parce qu’elle fixe des cadres qui introduisent de la stabilité dans les
affaires humaines. Elle s’apparente alors au travail de l’artisan (fabrication, œuvre).
Une éthique de l’amour du monde : l’exemple des droits de l’homme
Pour Arendt, la politique, qui ne se réduit pas à l’exercice du gouvernement
(distinction commandement-obéissance), est ce qui donne pleinement sens à la condition de
pluralité, puisque dans la politique, on s’expose, on décide, on justifie ses décisions par la
parole. C’est le moment par excellence où les hommes se rencontrent, réalisent ce qu’ils sont,
réfléchissent et pensent de la manière la plus lucide et la plus alerte, deviennent donc des êtres
complets.
Arendt met en évidence les tendances déjà fortes dans les années 50 et 60 vers un
économisme et un technicisme dépolitisés, traduisant une indifférence à l’égard du monde
commun. Contre ces tendances, Arendt fonde une éthique de la préservation du monde,
comme espace qui relie et sépare les hommes, condition de leur humanisation, de leur
intégration à une communauté et de leur individualisation.
Notre auteur traque toutes les formes de prétendue autonomie individuelle,
d’essence aristocratique dans le cas de la philosophie grecque ou d’essence démocratique
dans le monde moderne de l’État de droit et de la société économique. Cela est dangereux, le
désintérêt pour l’action et la politique tend à rendre les hommes superflus, parce que
l’existence humaine n’a pas de consistance propre, quand elle se réduit à la seule dimension
naturelle du vivre. Pour Arendt, il n’existe pas de droits inhérents à une nature humaine
immuable, dont les hommes pourraient jouir, tout en ne faisant partie d’aucune communauté
humaine donnée. Les apatrides, réfugiés et victimes des régimes totalitaires sont privés de tout
droit, en étant expulsés de leur communauté d’origine ou déchus de leurs droits nationaux
(lois de Nuremberg, 1935). Il n’y a pas de droits qui transcendent notre appartenance au
monde, entendu comme domaine d’expression de la pluralité humaine agissante.
Ainsi les droits de l’homme doivent-ils être compris non comme un droit naturel
mais comme le « droit d’avoir des droits », c’est-à-dire le droit d’appartenir à une
communauté qui protège la spontanéité des hommes, leur capacité d’agir, et qui ne les
7
considère donc pas comme des atomes sociaux, dont on pourrait éventuellement décider
l’éradication ou la marginalisation, si le besoin s’en faisait sentir pour la société prise comme
un tout.
« Être privé des Droits de l’Homme, c’est d’abord et avant tout être privé d’une place dans
le monde qui rende les opinions signifiantes et les actions efficaces. Quelque chose de bien plus
fondamental que la liberté et la justice, qui sont des droits du citoyen, est en jeu lorsque appartenir à la
communauté dans laquelle on est né ne va plus de soi, et que ne pas y appartenir n’est plus une
question de choix, ou lorsqu’un individu se trouve dans une situation telle qu’à moins de commettre
un crime, la manière dont il est traité par autrui ne dépend plus de ce qu’il fait ou ne fait pas. Cette
situation extrême, ni plus ni moins, est la situation des gens que l’on prive des droits de l’homme. Ce
qu’ils perdent, ce n’est pas le droit à la liberté, mais le droit d’agir ; ce n’est pas le droit de penser à
leur guise, mais le droit d’avoir une opinion. Dans certains cas les privilèges, et dans la plupart les
injustices, les anathèmes ou les condamnations leur sont infligés au gré du hasard et sans aucune
relation avec quoi que ce soit qu’ils fassent, qu’ils aient fait ou pourraient faire. Nous n’avons pris
conscience de l’existence d’un droit d’avoir des droits (ce qui signifie : vivre dans une structure où
l’on est jugé en fonction de ses actes et de ses opinions) et du droit d’appartenir à une certaine
catégorie de communauté organisée que lorsque des millions de gens ont subitement perdu ces droits
sans espoir de retour par suite de la nouvelle situation politique globale »7.
Le droit est en effet garanti exclusivement par l’appartenance à une communauté,
parce qu’il n’y a qu’en elle que des garanties peuvent être accordées à chacun par tous. « Il
semble qu’un homme qui n’est rien d’autre qu’un homme a précisément perdu les qualités qui
permettent aux autres de le traiter comme leur semblable »8.
Les hommes ne peuvent pas compter sur leur seule existence individuelle pour leur
garantir des droits.
Conclusion
Le totalitarisme a réalisé une potentialité tragique de « l’acosmisme » (indifférence
à l’existence du monde), de la prétendue indépendance de la pensée, de la nature humaine à
l’égard du monde commun, d’une intelligence technique séparée de la responsabilité politique
et du sens commun (Eichmann).
7
8
L’impérialisme, trad. M. Leiris, Paris, Seuil « Points », 1984, pp. 281-282
Idem, p. 288.
8
La philosophie d’Arendt s’efforce donc de constituer une éthique du monde
commun, de l’action politique, c’est-à-dire de mettre le souci pour le monde au cœur d’une
critique des crises qui secouent la modernité.
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