N° 221 - medecine.ups

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N° 221
Algodystrophie
Nécrose idiopathique.
- Diagnostiquer une algodystrophie.
I - Introduction
Encore appelées syndrome neuro-trophique, les algodystrophies réalisent un syndrome vasculosympathique caractérisé par :
- un syndrome clinique particulier, pseudorhumatismal,
- une déminéralisation osseuse sans atteinte de l'interligne articulaire,
- un syndrome biologique normal.
Elles surviennent dans des contextes étiologiques variés, tantôt évidents, tantôt difficiles à mettre en
évidence et sur des terrains particuliers.
II - Etude radio-clinique
A- sur le plan clinique :
L'algo-dystrophie se manifeste au niveau d'une région articulaire et va évoluer en deux stades :
a) Stade 1 (OEDEME) : ou phase chaude.
- Douleurs souvent vives, limitant le jeu articulaire et créant une impotence. Elles peuvent revêtir
une allure neuro-sympathique avec acroparesthésies et hypersudation.
- Gonflement : modéré ou très étendu, il déborde de toute façon le cadre étroit de l'articulation.
C'est un œdème diffus, régional. La chaleur locale est augmentée, la rougeur cutanée peut être très
marquée.
L'ensemble est pseudo-arthritique.
b) Stade 2 (FIBROSE) ou phase froide
Après des semaines d'évolution, la douleur a tendance à s'atténuer, quoique persistant lors
de la mobilisation. Le gonflement disparaît pour faire place à une atrophie et une rétraction des
parties molles périarticulaires. La succession des deux phases n'est pas abrupte et une phase
intermédiaire parfois prolongée, en associe les signes. En fin d'évolution, la fibrose domine:
- la peau est amincie, sèche,
- les poils peuvent s'atrophier, puis disparaître,
- la fibrose des éléments capsulo-aponévrotiques continue à conférer au syndrome
neurotrophique une allure pseudo-rhumatismale :
. limitation et même blocage permanent des mouvements articulaires (épaule, hanche)
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. flexion irréductible du genou avec perte de la mobilité latérale de la rotule. Impression
tactile de « genou blindé ».
. rétraction permanente des doigts et des orteils,
- on peut observer des épaississements nodulaires des aponévroses :
. palmaire (ressemblant à la maladie de DUPUYTREN : rétraction primitive de l'aponévrose
palmaire),
. plantaire (ressemblant à la maladie de LEDDERHOSE : rétractation primitive de
l'aponévrose plantaire).
B- Sur le plan radiologique et scintigraphique
On retiendra 4 points fondamentaux :
1°) L'apparition des premiers signes radiologiques est en retard sur la clinique. Il peut arriver que la
déminéralisation soit encore importante, alors que le malade s'achemine vers la guérison clinique.
A l'inverse, les premières semaines d'évolution sont pures de toute traduction radiologique.
L'hyperfixation scintigraphique est précoce, elle précède les signes radiologiques. Elle peut
manquer et même être remplacée par une hypofixation, surtout chez l'enfant. Elle est régionale et
remonte sur la diaphyse.
2°) Le signe radiologique de l'algodystrophie est la déminéralisation osseuse.
- Trois aspects contemporains de la phase de pleine évolution :
a) Déminéralisation « en bande » métaphyso-épiphysaire,
b) Aspect « moucheté », plus diffus et hautement caractéristique,
c) Déminéralisation diffuse, homogène, réalisant l'aspect d'os « de verre ».
Algodystrophie du pied gauche : déminéralisation hétérogène diffuse
- Un aspect séquellaire :
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Déminéralisation de type « fibreux », traduisant la réparation incomplète,
grossière et définitive de la perte calcique. Cet aspect peut permettre un diagnostic
rétrospectif plusieurs années après la guérison.
- Les interlignes articulaires resteront normaux (+++), ce qui différentie l'A.D des arthrites
inflammatoires chroniques, type P.R, ou infectieuses. Bien entendu, ce caractère radiologique
négatif d'un très haut intérêt ne prend toute sa valeur qu'au fur et à mesure de l'évolution (car,
rappelons-le, le pincement articulaire des arthrites peut demander des mois avant d'être évident).
- Il faut toujours être documenté sur les 3 étages des membres (épaule-coude-main ou
hanche-genou-pied) et les 2 membres homologues.
Fréquence des formes tripolaires radiologiques ou scintigraphiques, même si l'atteinte clinique
paraît unipolaire.
C- Sur le plan biologique
Absence de tout syndrome inflammatoire (mais certaines étiologies peuvent altérer le syndrome
biologique et ce caractère négatif disparaît).
III - Diagnostic
La clinique est trompeuse, mais on retiendra :
. la diffusion de l'œdème qui n'a pas la topographie strictement articulaire des rhumatismes
inflammatoires, . la succession des deux phases cliniques, . la note vasculo-sympathique.
L'apport de la radiographie et la scintigraphie est important :
-
Radio : .déminéralisation sans atteinte des interlignes,
. mais elle est en retard sur la clinique.
-
Scintigraphie (polyphosphates marqués au Technetium : 99 m Tc EHDP ou MDP) intérêts :
 plus précocemment parlante que la radiographie, fixation évocatrice « panrégionale », souvent bi ou tripolaire, alors que la clinique ne l'est pas,
 aide dans l'identification des formes localisée.
 pièges : scintigraphie iso et hypofixantes, surtout dans l'A.D de l'enfant.
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Algodystrophie de hanche droite : hyper fixation diffuse
3) Le bilan biologique est normal.
4) Le contexte étiologique, lorsqu'il est connu, est un élément majeur pour
l'orientation diagnostique (+++).
IV DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
La phase chaude peut évoquer une arthrite septique ou une arthrite inflammatoire mais il n'existe
pas de fièvre, pas d'altération de l'état général, pas d'adénopathie dans le territoire drainant
l'articulation concernée. De même les examens biologiques demandés systématiquement sont
négatifs : la VS et la CRP sont normales ainsi que l'électrophorèse des protides. S'il existe un
épanchement articulaire, l'articulation sera ponctionnée, toujours dans le but d'éliminer une arthrite
septique, ou une arthrite inflammatoire. Le liquide articulaire sera de type mécanique,
paucicellulaire. Enfin, radiologiquement, même quand il existe une importante déminéralisation
sous-chondrale, l’interligne articulaire est toujours respecté contrairement à une arthrite septique
dans laquelle le pincement est précoce.
V FORMES CLINIQUES
Formes évolutives
Il est classique d'affirmer au malade qu'il guérira toujours : cela le rassure ; toutefois, de façon
exceptionnelle, l'algodystrophie peut être grave entraînant des troubles trophiques et une raideur
articulaire majeurs incompatibles avec une fonction correcte du membre. Plus couramment de
discrètes séquelles peuvent persister longtemps, à la main ou au pied en particulier.
Formes partielles et parcellaires
Au genou par exemple, la rotule peut être touchée de façon isolée
Formes extensives (localisations successives)
L’atteinte de plusieurs articulations, successivement, aux membres inférieurs doit faire chercher par
ostéodensitométrie, une déminéralisation sous-jacente qui “ entretient ” l’algodystrophie.
Formes récidivantes (exceptionnelles)
Il est classique de dire qu'une articulation ne peut être touchée qu'une seule fois par
l'algodystrophie.
Formes étiologiques selon la topographie
- Au niveau du pied et de la cheville, l'algodystrophie est fréquente et très souvent post-traumatique
ou post-immobilisation plâtrée.
- Au niveau des genoux, l'algodystrophie est souvent post-chirurgicale, post-arthroscopie. Dans la
phase froide, il peut y avoir une fibrose de la capsule articulaire responsable d'une limitation
importante des mouvements du genou. La rotule est très souvent touchée, radiologiquement : c'est
“ l'os chéri ” de l'algodystrophie.
- Au niveau de la hanche, l'algodystrophie est souvent spontanée, parfois favorisée par des
trou-bles métaboliques : hyperlipémie, hyperuricémie. Au début, les radiographies peuvent
être normales et le diagnostic différentiel avec l'ostéonécrose se pose. Il faut alors réaliser
une imagerie par résonance magnétique qui montre un hyposignal diffus en T1 qui se
transforme en hypersignal en T2. Dans la nécrose, les anomalies sont plus localisées, à la
partie supéro-externe de la tête fémorale, il y a rarement un rehaussement du signal en T2.
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Algodystrophie : RMN : séquences T2 : Hypersignal diffus de l’extrémité supérieure du fémur
- Aux membres inférieurs : pieds, chevilles, hanches, l'algodystrophie, surtout lorsqu'elle sur-vient
hors traumatisme, peut être favorisée par l'ostéoporose, l'ostéomalacie, en particulier l'ostéoporose
compliquant une tubulopathie rénale.
-Aux membres supérieurs, l'algodystrophie touche fréquemment de façon associée l'épaule et la
main, c'est le syndrome épaule-main qui peut révéler une insuffisance coronarienne, compliquer un
infarctus du myocarde, un dysfonctionnement thyroïdien, un problème neurologique (tumeur
cérébrale, AVC), un cancer bronchique, être associée à un traitement par antituberculeux, ou
barbituriques.
-A l'épaule, l'algodystrophie peut revêtir une forme particulière intéressant surtout la capsule et
donnant une limitation très importante des mouvements de l'épaule : on parle alors de “ capsulite
rétractile ” ou d’épaule “ gelée ”. La radiographie est le plus souvent normale, la scintigraphie peut
ne pas fixer, et le diagnostic est fait par l'arthrographie qui permet aussi le traitement, en rompant
les adhérences capsulaires.
VI TRAITEMENT
TRAITEMENTS MEDICAMENTEUX
Les Calcitonines (Calsyn®, Calcitar®, Miacalcic®, Cibacalcine®) sont efficaces en phase chaude
; on les administre quotidiennement pendant 15 jours, puis 2 à 3 fois par semaine les 15 jours
suivants. Elles peuvent occasionner des effets secondaires ennuyeux : nausées, vomissements,
flush. Pour éviter ces effets secondaires, l'injection doit être effectuée, le soir au coucher et le
produit peut être administré avec du Primpéran® injectable. Dans les formes graves, on peut
réaliser des perfusions de Calcitonine (300 ou 400 unités de Calcyn® dans 500 ml de glucosé isotonique pendant 4 à 5 jours). Elles n’ont cependant plus l’AMM dans cette indication
Récemment, l'Arédia® (nouveau bisphosphonate) a été employé, hors AMM (autorisation de mise
sur le marché). Bien qu'il semble améliorer certains patients atteints de formes sévères et résistantes
aux traitements classiques, une étude randomisée, contrôlée, n'a pas prouvé sa supériorité comparé
au placebo. Il est administré en perfusion, 60 à 90 mg en 4 heures, une seule fois. Le Fosamax* 70
mg un jour sur 2 a fait récemment l’object d’une étude cntrôlée, randommisée, contre placébo,
positive.
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Les injections intraveineuses, dans le membre concerné, sous garrot, d'alpha bloquants
(réserpine ou guanétidine) sont parfois efficaces.
Les alpha-bloquants, les béta-bloquants par voie générale, la griséofulvine sont inutiles : leur effet
bénéfique n'ayant jamais été démontré.
Traitements physiques
La mise en décharge de l'articulation soulage le patient; la kinésithérapie doit être douce sans
entraîner de douleur avec une mobilisation passive de l'articulation concernée. Les bains écossais
(alternance d’eau chaude et froide) sont préconisés. Il ne faut pas immobiliser complètement
l'articulation siège de l'algodystrophie car cela aggraverait la maladie. A l'inverse, il ne faut pas
mobiliser intempestivement l'articulation douloureuse.
Il faut dire au malade qu'il s'agit d'une affection bénigne qui guérit toujours et administrer au
besoin des antidépresseurs ou des anxiolytiques.
OSTEONECROSE DE LA TETE FEMORALE
L’ostéonécrose (ON) se définit comme la mort cellulaire des composants de l’os : moelle
hématopoïétique et graisseuse, trabécules osseuses. Ce n’est pas une maladie spécifique mais plutôt
l’aboutissement final de différentes situations pathologiques dans lesquelles existe une perturbation
de la circulation intra-osseuse de la tête fémorale. Ceci explique les dénominations usuelles de
“nécrose avasculaire” ou de “nécrose aseptique”. Cependant, une fois exclue une nécrose d’origine
septique, il vaut mieux éviter le terme de “nécrose avasculaire” car les ON ne sont pas toujours
d’origine vasculaire et la physiopathologie vasculaire de la nécrose n’est pas toujours clairement
établie sauf pour les ON secondaires à une fracture du col fémoral.
L’atteinte de la hanche est la plus fréquente et la plus sévère des ostéonécroses épiphysaires.
C’est une affection d’autant plus invalidante qu’elle touche l’adulte jeune, en pleine période
d’activité et qu’elle est souvent bilatérale. En dehors des causes traumatiques, les facteurs
favorisants sont principalement la corticothérapie et l’alcoolisme.
Sur le plan pratique, il importe de faire le diagnostic d’ON aux stades potentiellement réversibles de la maladie, lorsque la tête fémorale est encore sphérique. L’IRM a profondément modifié
nos possibilités diagnostiques à ces stades. Ultérieurement, la tête fémorale effondrée (séquestre) ne
laisse guère le choix dans nos possibilités thérapeutiques, représentées essentiellement par la
prothèse totale de hanche.
POUR COMPRENDRE : DONNEES FONDAMENTALES
ANATOMOPATHOLOGIE
L’ON concerne les deux tissus de l’os : les ostéocytes et les cellules médullaires. La nécrose
médullaire est observée plus précocement. Le seul signe de nécrose du tissu osseux est la
disparition des ostéocytes dont les cavités sont déshabitées. Selon le stade de la maladie,
plusieurs aspects peuvent être décrits.
Aux stades avancés, observés sur les têtes fémorales prélevées lors de remplacements
prothétiques, le séquestre triangulaire est constitué de trabécules osseuses mortes, sans ostéocyte,
mais à l’architecture conservée, alors que la moelle devient un magma sans structure reconnaissable
à l’exception, parfois, du contour des adipocytes. La fracture sous-chondrale à l’origine du
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collapsus est généralement située dans l’os sous-chondral mort. Le tissu mort du séquestre est
habituellement en continuité avec la zone concave de “réparation” qui comporte une prolifération
fibro-vasculaire et, au-dessous, une zone de résorption osseuse active avec une apposition d’os
vivant néoformé sur les restes des vieilles trabécules mortes.
Plus intéressantes sont les lésions observées (i) avant la constitution du séquestre, telles qu’elles
peuvent être décrites sur les carottes osseuses obtenues par forage, ou (ii) en cas de tête effondrée
enlevée chirurgicalement, dans la métaphyse, loin de la zone du séquestre. Les lésions médullaires
les plus précoces sont l’œdème, les hémorragies, la fibroréticulose, l’hypocellularité, la nécrose des
cellules hématopoïétiques, la désorganisation et l’atrophie réticulaire éosinophile des adipocytes.
Ces lésions sont d’abord focales puis s’étendent.
L’anatomopathologie de l’ON est complexe car on est en général confronté à une ischémie
chronique incomplète avec des lésions ischémiques vraies, les lésions réactionnelles secondaires et
des phénomènes de reconstruction qui peuvent être à la fois successifs et concomitants selon
l’ancienneté de la nécrose et le site observé. Une classification des lésions observées en quatre
types a été proposée (tableau I).
Pathogénie
Une interruption de la circulation dans la tête fémorale est le mécanisme le plus fréquent. En cas
de fracture déplacée du col ou de luxation, une rupture vasculaire majeure survient. Dans la maladie
des caissons et la drépanocytose, l’ON est attribuée à l’engorgement circulatoire dans les sinusoïdes
par les bulles d’azote ou les cellules falciformes trop rigides.
Cependant, le mécanisme de l’ischémie et de la nécrose dans les autres cas d’ON nontraumatique reste mystérieux. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées :
1. Possible rôle de microfractures et de l’ostéoporose. On a supposé que des microfractures
répétées dans la zone d’appui pourraient induire des micro-lésions vasculaires et donc une
ischémie dans cet os fragile. Cependant, l’ON ne semble pas être une complication de
l’ostéoporose post-ménopausique.
2. Des troubles vasculaires primitifs, touchant le versant artériel, veineux ou capillaire feraient de
l’ON un “angor de la hanche”. Des études artériographiques récentes ont donné un regain
d’intérêt à cette vieille hypothèse. De plus, les stéroïdes favorisent le développement d’une
hypertension et d’une artériosclérose coronaire et le terrain de l’ON est très comparable à celui
du diabétique, de l’artéritique ou de l’alcoolique avec hypertriglycéridémie et hyperviscosité
sanguine.
3. L’interruption expérimentale du drainage veineux de l’os induit une ON mais ce facteur n’est
pas prouvé chez l’homme. Certes, le drainage veineux est diminué comme le montre la
phlébographie intra-médullaire, mais ceci n’est que le reflet du ralentissement circulatoire
intra-osseux en général. Enfin, la théorie du “syndrome de compartiment” (Ficat) stipule une
compression de la microcirculation intra-osseuse par une augmentation de la pression intramédullaire dans le réseau trabéculaire rigide et inextensible. Mais on ne sait si cette hyperpression est primitive ou secondaire.
4. L’embolie graisseuse. Jones, aux USA, a montré des embolies graisseuses du poumon et du
rein venant d’une stéatose hépatique et a induit des ON expérimentales en injectant du lipiodol
intra-artériel. Mais il n’est pas prouvé que les gouttelettes lipidiques observées dans les vaisseaux sous-chondraux de la tête fémorale nécrotique viennent du foie. Jones propose 3 origines
possibles pour cette embolie graisseuse : stéatose hépatique, déstabilisation et coalescence des
lipoprotéines plasmatiques et éclatement de la moelle graisseuse médullaire.
5. L’hypertrophie des cellules graisseuses. Depuis plus de 10 ans, le groupe de Wang, aux USA,
fait la démonstration expérimentale que les stéroïdes produisent un gonflement des adipocytes
de la moelle et une augmentation de la pression intra-médullaire avec réduction circulatoire.
Ces constatations restent à être démontrées dans l’ON post-cortisonique humaine.
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POUR LE DIAGNOSTIC : EPIDEMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE ET IRM
Etiologie
Des causes bien individualisées sont connues depuis longtemps : les fractures du col du fémur,
notamment sous-capitales, interrompent la majeure partie de la vascularisation de la tête fémorale.
La fréquence de l’ON est alors de 30% au moins et augmente dans les fractures déplacées, notamment chez l’adulte jeune. La luxation et la luxation-fracture sont moins souvent en cause que les
fractures du col, mais la fréquence de l’ON est élevée surtout si la réduction est faite plus de 6
heures après la luxation.
La maladie des caissons, la drépanocytose, la maladie de Gaucher et la radiothérapie pour cancer
: le plus souvent, ces causes représentent un petit pourcentage de cas, sauf pour la drépanocytose
qui est la principale cause de nécrose dans certains pays africains.
L’ON est souvent observée, associée à bon nombre d’autres affections. Ces associations,
quoique statistiquement significatives, ne fournissent pas, à l’heure actuelle, d’explications
physiopathologiques claires à la genèse de la maladie (tableau II).
EPIDEMIOLOGIE
Incidence
En 1962, Mankin et Brower rapportaient 5 cas d’ON bilatérales de hanche et dénombraient 22
cas supplémentaires dans la littérature de langue anglaise. Dix ans plus tard, Marcus et al.
présentaient une série de 53 observations avec atteinte bilatérale. Ainsi, ce diagnostic était fait de
plus en plus souvent, à la fois par l’amélioration des conditions du diagnostic et à cause d’une
augmentation de fréquence actuelle de la maladie.
Bien que nous n’ayons pas de chiffres précis sur la fréquence de cette maladie, on estime le
nombre de nouveaux cas décelés annuellement aux USA à 15 000, et le comité japonais de
surveillance des ON estimait à 2 500 – 3 000 le nombre d’ON non traumatiques de la tête fémorale
recensées chez des adultes dans l’année 1988 : 34,7 % de ces cas étaient dus au traitement par
corticoïdes, 21,8 % à l’alcoolisme et 37,1 % étaient considérés comme idiopathiques.
Sexe
La maladie survient plus souvent chez l’homme que chez la femme et le sex-ratio
homme/femme est de l’ordre de 8:1 à 2,6:1 selon les séries.
Age
La répartition des âges est large. La grande majorité des cas cependant est inférieure à 50 ans.
L’âge moyen des ON féminines excède d’environ 10 ans celui des hommes.
Tableau II
Facteurs étiologiques de l’ostéonécrose
ON D’ETIOLOGIE CONNUE
Traumatique
Fracture du col du fémur
Luxation
Luxation-fracture de la hanche
Non-traumatique
Maladie des caissons et des
plongeurs
Maladie de Gaucher
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Drépanocytose
Radiothérapie
ON avec facteurs étiologiques suspects
Traumatique
traumatismes mineurs (contusion)
Non-traumatique
Corticoïdes +++
Alcoolisme +++
Perturbations du métabolisme
lipidique
Hyperuricémie et goutte
Grossesse
Transplantation rénale
Lupus érythémateux aigu disséminé
Autres collagénoses
Artériosclérose
Autres maladies vasculaires
occlusives
Diabète sucré
Intoxication au tétrachlorure de
carbone
Syndromes d’hypofibrinolyse
Syndromes d’hypercoagulation
Syndrome des antiphospholipides ?
SIGNES CLINIQUES
Les signes fonctionnels n’ont rien de spécifique. Le malade peut souvent rester asymptomatique
et la maladie être diagnostiquée sur la radiographie réalisée à cause de douleurs de la hanche
opposée (“hanche silencieuse” de Marcus).
A l’inverse, il arrive que le malade se plaigne de douleurs pendant des semaines ou des mois
sans que la radiographie montre la moindre anomalie.
La douleur siège le plus souvent dans l’aine, mais peut aussi être dans la fesse, la cuisse et même
dans le genou, comme toute douleur d’origine coxo-fémorale. Elle est habituellement augmentée
par la mise en charge mais peut persister au repos. Ultérieurement, le malade peut constater une
boiterie puis une limitation des mouvements.
L’examen est, lui aussi, non spécifique. Les mouvements de la hanche sont souvent dans les
limites de la normale, même lorsque la radiographie montre une ON à un stade avancé. Quand la
tête fémorale s’est affaissée, la limitation articulaire est plus marquée et douloureuse.
Examens complémentaires
Modifications radiologiques (fig. 1)
Les anomalies radiologiques débutent dans la tête fémorale : déminéralisation diffuse, zone
claire centro-céphalique plus ou moins cernée par une bande dense, sclérose linéaire, mais la tête
fémorale reste parfaitement sphérique sur les clichés de face et de profil de l’articulation, sans la
moindre clarté sous-chondrale. Ces anomalies ne sont pas spécifiques de l’ON.
Ultérieurement, une clarté sous-chondrale (“crescent sign”) apparaît, signant la fracture souschondrale. Ce signe est quasi-pathognomonique de l’ON, ainsi que les autres signes observés plus
tardivement : aplatissement ou méplat de la tête fémorale dans la zone d’appui, voire enfoncement
de cette zone. La sphéricité de la tête est alors perdue. Une plage triangulaire de sclérose osseuse
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apparaît ensuite dans la zone d’appui de la tête fémorale. L’interligne articulaire et le cotyle sont
encore intacts.
Enfin, une arthrose secondaire se développe avec le pincement articulaire, l’ostéophytose, la
sclérose et les géodes sous-chondrales du toit du cotyle. Une destruction complète de la tête
fémorale est parfois observée.
Mais, aux stades précoces de la maladie, les radiographies standards sont normales. A ce stade
pré-radiologique, le processus pathologique peut être détecté par les techniques suivantes.
La scintigraphie osseuse
La scintigraphie osseuse utilise un agent ostéotrope (méthylène bisphosphonate) marqué par un
traceur radioactif (technetium-99m). Cette technique utilisée depuis plus de 15 ans dans les ON,
montre une hyperfixation en rapport avec la néoformation osseuse ou simplement avec l’activité
métabolique accrue autour du foyer de nécrose. Cet examen est très sensible car il montre des
hyperfixations même au stade pré-radiologique de la maladie. Il a cependant ses limites :
- il est totalement aspécifique sauf dans les rares cas où est observée une zone d’hypofixation au
centre d’une plage hyperfixante (image de “cold in hot” des auteurs anglo-saxons).
- l’hyperfixation ne peut être bien appréciée que par comparaison avec la hanche opposée et donc
une atteinte bilatérale est de diagnostic plus difficile.
- sa sensibilité est plus faible aux stades pré-radiologiques où l’hyperfixation n’est notée que
dans 70 % des cas.
La tomodensitométrie
Les images obtenues par cet examen montrent la sclérose précoce du centre de la tête fémorale
(“signe de l’astérisque”) et fournissent une meilleure évaluation de la taille du séquestre. Surtout,
les coupes axiales transverses du scanner montrent très bien la partie antérieure de la tête fémorale,
préféren-tiellement touchée par l’ON. Certains affaissements antérieurs minimes ne sont détectés
que par la tomo-densitométrie.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
L’IRM est utilisée dans l’ON depuis 1983. D’un point de vue technique, il est essentiel
aujourd’hui d’explorer une hanche suspecte d’ON avec des séquences d’images pondérées en T1 et
en T2 et de réaliser des coupes frontales et axiales. L’existence d’une prothèse de hanche
controlatérale n’est pas une contre-indication à l’examen.
L’image de base de l’ON, retrouvée dans 96 % des cas, est une zone d’hyposignal sur les
séquences pondérées en T1 et en T2. Cette zone d’hyposignal siège en regard de la zone nécrosée
sur la radiographie (zone antéro-supérieure de la tête, le plus souvent), dans les cas d’ON typiques
au stade d’effondrement. Cette zone d’hyposignal peut être homogène ou hétérogène avec des
taches d’hyper-signal au sein de la zone hyposignalante, aussi bien sur les séquences pondérées en
T1 que sur celles pondérées en T2.
L’image la plus caractéristique est une bande fine d’hyposignal en T1 et en T2, allant d’un bord à
l’autre de l’os sous-chondral en dessinant une courbe plus ou moins concave vers le haut. Cet
aspect est surtout bien visible pour des ON peu étendues. Il est présent dans 60 à 80 % des cas. Sur
les séquences pondérées en T2, une ligne d’hypersignal bordant en dedans la ligne d’hyposignal
(“signe de la double ligne” ou de la “double bande”) est considérée comme très spécifique de l’ON
et décrite dans 50-80 % des cas. Dans les formes plus extensives, la bande d’hyposignal peut
prendre un aspect serpentin et irrégulier, mais qui va toujours d’un bord à l’autre de l’os souschondral. Parfois, la zone d’hyposignal adopte une forme plus étendue qu’une simple ligne. Dans
les ON précoces (avant la rupture de la corticale) la zone supéro-interne délimitée par la bande ou
la double bande est le plus souvent normo- ou hyperintense sur les séquences pondérées en T1,
alors que dans les ON avancées (avec rupture de corticale), cette zone est le plus souvent
hypointense (fig. 2).
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L’épanchement articulaire est bien visualisé comme un hypersignal en T2. Dans l’ON les
épanchements sont plus fréquents et plus abondants que chez les témoins, surtout à partir du
moment où la sphéricité céphalique est perdue.
IRM coupe de profil, séquence T2. Bande serpentine d’hyposignal. Noter l’hypersignal de
l’épanchement au pôle inférieur de la tête.
L’IRM est un examen sensible (sensibilité de l’ordre de 95 %), apte à détecter les ON asymptomatiques, spécifique (de l’ordre de 98 %), reproductible et fiable : toutes les têtes fémorales avec
effondrement, même minime, affichent une image IRM typique, ce qui est de peu d’utilité. Aux
stades précoces, avant l’affaissement, l’IRM a la meilleure sensibilité et la meilleure précision,
comparée à toutes les autres techniques d’exploration. Seul facteur limitant : son coût et
l’accessibilité aux machines.
Classification des ON
La séquence des modifications radiologiques ou des modifications observées par les autres
méthodes d’investigation, ont servi de base à plusieurs classifications de la maladie.
Récemment, un Comité International de Nomenclature, rassemblant les différents auteurs de ces
classifications, a établi un système essayant de regrouper les classifications préexistantes en un
ensemble cohérent pouvant servir de base internationale à des évaluations épidémiologiques et des
comparaisons thérapeutiques.
• Stade 0 : Toutes les explorations sont normales et le malade est asymptomatique. Le diagnostic
est fait sur une base purement histopathologique. Ce stade, est utile à définir pour des études
nécropsiques et pour définir l’ON silencieuse qui peut être découverte lors d’une intervention sur la
hanche controlatérale. Il n’a pas d’utilité pratique.
• Stade 1 : les radiographies de face et de profil sont normales ainsi que la tomodensitométrie. La
maladie est suspectée grâce aux autres examens (scintigraphie, IRM, exploration fonctionnelle
osseuse). Sa confirmation ne peut être qu’anatomopathologique (biopsie), qu’IRM en cas d’image
de “double bande” en T2, ou scintigraphique en cas de “cold in hot spot”. A ce stade, le malade
peut ou non se plaindre de sa hanche.
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• Stade 2 : des anomalies radiologiques sont observées dans la tête fémorale ou le col (sclérose
linéaire, déminéralisation focale ou kystes). La tête fémorale est cependant parfaitement sphérique,
sans clarté sous-chondrale. A ce stade, le malade peut ou non se plaindre de sa hanche.
ON stade 2 : zone de condensation arciforme
sans rupture du contour de la tête.
• Stade 3 : La sphéricité de la tête est compromise. Une fine opacité sous-chondrale, arciforme, en
croissant (“coquille d’œuf”), épousant la forme de la tête qui est encore sphérique. Ce stade n’est
pas constant et peut être sauté. Quand il existe cependant, il est le tournant de la maladie.
ON stade 3 : signe de la coquille
d’œuf sous-chondrale.
• Stade 4 : Un méplat apparaît - avec son corollaire : l’élargissement focal de l’interligne - qui
signe le stade irréversible de l’ON. Ce décrochage du pourtour de la tête survient généralement
dans la partie antéro-supérieure ou supérieure de la tête, dans la zone d’appui. Ce décrochage,
lorsqu’il est minime, est mieux vu sur la tomodensitométrie que sur la radiographie. La hanche
devient douloureuse dans la majorité des cas, si elle ne l’était pas avant.
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ON stade 4 : décrochage supéro-externe du contour de la tête.
• Stade 5 : un pincement de l’interligne articulaire vient s’ajouter aux autres signes préexistants.
C’est l’arthrose secondaire à l’effondrement de la tête, avec sa sclérose et ses géodes souschondrales du cotyle, plus ou moins associées à une ostéophytose.
• Stade 6 : Une destruction étendue de la tête fémorale apparaît.
• Evolution : Les stades 0 à 2 sont potentiellement réversibles ou non évolutifs. Les stades 4 à 6
sont irréversibles. En outre, les stades 2 à 4 de cette classification sont subdivisés selon l’étendue de
la zone nécrosée.
• Tout le pronostic de l’ON réside dans le dépistage de l’effondrement de la tête fémorale par
fracture sous-chondrale, caractérisé radiologiquement par le décrochage et la perte de la sphéricité
de la tête fémorale : avant effondrement (Stades 1 et 2), la stabilisation est possible; après
décrochage (stades 3 et 4), l’ON est irréversible et l’arthrose secondaire s’installe. La fracture souschondrale est donc le tournant de la maladie. Elle conditionne les indi-cations thérapeutiques.
L’IRM permet de dépister précocement l’ON, mais seuls la radiographie et la tomodensitométrie
ont une résolution suffisante pour affirmer si la sphéricité de la tête est ou non conservée.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Aux stades 3 et 4
Les radiographies sont démonstratives et aucun problème de diagnostic ne se pose.
Aux stades tardifs 5 et 6
Lorsque le malade est vu pour la première fois, sans radiographie préalable, il est difficile, voire
impossible de diagnostiquer l’ON comme cause de cette destruction de la hanche. A ces stades
cependant, la question n’a plus grand intérêt pratique puisque la seule possibilité thérapeutique est
la prothèse totale de hanche.
Les stades précoces, 1 et 2 de la maladie.
Au stade 1, toutes les maladies touchant la hanche, que ce soit le cartilage, l’os ou la synoviale,
peuvent être discutées. Fondé sur la radiographie standard et les facteurs de risques du malade, un
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algorithme décisionnel peut être proposé (cf. schéma). L’arthrographie de hanche permet de
découvrir une chondromatose, une synovite, une tumeur synoviale, une pathologie du bourrelet, un
amincissement localisé du cartilage dans la zone d’appui signant une arthrose débutante.
Au stade 2, la radiographie standard ne montre qu’une déminéralisation partielle aspécifique. Deux
autres affections de la tête fémorale peuvent — dans certaines formes de début — ne pas montrer
davantage d’anomalies sur la radiographie : l’algodystrophie sympathique réflexe de la tête du
fémur et la fracture (fissure) de stress du col fémoral. Dans ces formes initiales, non seulement la
radiographie est normale ou subnormale, mais ni la scintigraphie osseuse ni la tomodensitométrie
ne peuvent toujours faire la différence. L’IRM le peut en montrant des aspects différents selon les
cas : dans l’algodystrophie, l’hyposignal diffus sur les séquences pondérées en T1 devient un
hypersignal sur les séquences pondérées en T2, avec absence de bande d’hyposignal (fig. 2); dans
la fissure de stress, le trait fissuraire donne une bande d’hyposignal en T1 qui est plus linéaire que
dans l’ON et ne va pas d’un bord sous-chondral à l’autre. Sur les séquences pondérées en T2, une
ligne d’hypersignal encadre la zone fracturaire.
POUR LE TRAITEMENT : FORAGE OU PROTHESE ?
Quelles sont les bases
des choix thérapeutiques ?
A défaut de parfaitement connaître la physiopathologie de la maladie, ces bases sont
l’histoire naturelle de la maladie, le risque d’ON en fonction de facteurs étiologiques, le
volume de la nécrose et les données propres au malade (âge, sexe, activité professionnelle et
sportive).
L’histoire naturelle
Elle se confond avec la mise en décharge de la hanche. Cette mise en décharge de la hanche
malade, de un à plusieurs mois, en utilisant cannes ou béquilles, donne de mauvais résultats dans
toutes les séries. Bien qu’il n’y ait que peu de publications décrivant les résultats de cette démarche
thérapeutique, il semble que, en l’absence d’intervention chirurgicale, la progression soit inévitable
à partir du moment où la nécrose est symptomatique. Une revue exhaustive récente de la littérature
de ces 30 dernières années arrive aux mêmes conclusions (tableau III) quel que soit le stade évolutif
de la maladie (tableau IV) et quelles que soient les étiologies. L’atteinte symptomatique est
bilatérale d’emblée dans près de 40 % des cas. Quand la hanche controlatérale est asymptomatique,
ou bien elle est déjà radiologiquement anormale (stade 2 : 45 % des cas) et elle évoluera 3 fois sur 4
vers une forme classique, ou bien la radiographie est normale (stade 1 : 55 % des cas) et 3 fois sur
quatre il n’y aura pas de nécrose dans les années suivantes.
Le risque de survenue d’une ON chez des sujets cortisonés ou greffés a été évalué sur des IRM
systématiques faites périodiquement à de tels malades. Quand une ON apparaît à l’IRM, elle le fait
dans les 6 premiers mois suivant le début de la corticothérapie. Rares sont les cas détectés après ce
délai. Une telle ON ‘magnétique’ apparaît dans un tiers des cas mais seules 20 % des ON
‘magnétiques’ évolueront vers des signes radiologiques et 10% vers des signes cliniques avec un
effondrement (stades 3 et 4). Au total donc, ce sont moins de 10 % des malades sous corticothérapie pour collagénoses qui développeront une nécrose classique (stades 3 et 4) avec un recul de
l’ordre de 3 ans, alors qu’un tiers d’entre eux en présentent des signes à l’IRM. Cet examen très
sensible et très spécifique permet un diagnostic très précoce, mais ce diagnostic n’autorise
probablement pas à tirer des conclusions sur l’évolution clinique ultérieure de cette ON
‘magnétique’ pure, et ne permet donc pas de prendre une décision thérapeutique préventive. En
outre, si cette IRM découvre une ON alors que la hanche est indolore et radiologiquement normale
(“ ON magnétique pure ”), la possibilité de régression partielle ou totale est grande (45 % des cas)
et la probabilité d’évolution vers une aggravation est faible : refaire une IRM au bout d’un an de
corticothérapie permettra de mieux faire la part des choses.
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Le volume de la nécrose
Des travaux d’IRM récents tendent à remettre en cause l’intérêt du forage. Ils sont fondés sur
l’évaluation du volume de la nécrose et sa topographie dans la tête fémorale. Globalement si le
volume de la nécrose est de moins de 20-30 % du volume total de la tête le risque d’effondrement
serait quasi-nul rendant le forage inutile. Dans le cas contraire, l’effondrement surviendrait quoi
qu’on fasse, rendant le forage inefficace. Ceci est en contradiction avec les résultats globaux du
forage (tableau III).
De quels moyens dispose-t-on ?
Traitement préventif
Quand le risque d’ON est élevé, et quand un facteur étiologique est accessible au traitement, la
prévention est la meilleure solution :
 la plupart des accidents de décompression des plongeurs peuvent être évités si les règles de
décompression sont respectées (remontée vers la surface lente en respectant des paliers de
décompression).
 l’hyperlipémie, le diabète, l’intoxication alcoolique doivent être traités ou minimisés.
 chaque fois qu’un traitement cortisonique est entrepris à doses moyennes ou fortes, surtout audessus de 20 mg/j d’équivalent prednisone pour plus d’un mois, le risque d’ON doit être
apprécié et mis en balance avec les bénéfices escomptés de cette thérapeutique.
Traitement médical
Il comporte :
1. la mise en décharge de la hanche malade pendant au moins 4 à 8 semaines, en utilisant des
cannes anglaises. Si elle est classique, cette thérapeutique — utilisée seule — ne semble
d’aucune utilité autre qu’antalgique (tableaux III et IV).
2. les vasodilatateurs pourraient être utiles dans le traitement des stades précoces. Bien qu’il soit
difficile de prouver l’efficacité de ces vasodilatateurs périphériques (Naftidrofuryl, papavérine,
Vincamine), ils semblent utiles. Ces médicaments sont largement utilisés en Afrique noire dans
le traitement des crises de drépanocytose et semblent réduire la pression intra-osseuse. En outre,
ils diminuent rapidement la douleur de ces malades là où les AINS ou les antalgiques ne sont
pas toujours efficaces.
3. les anticoagulants sont proposés en cas d’hypo-fibrinolyse mais pour quelle durée et avec quel
risque, administrés au long cours ?
4. des résultats prometteurs ont été récemment rapportés avec des champs électromagnétiques
pulsés, en application externe chez ces malades. Cette technique contraignante (port d’un corset
contenant l’électro-aimant plaqué sur le grand trochanter 8 à 12 heures par jour pendant
plusieurs mois !) est en cours d’évaluation.
Traitement chirurgical
Le forage du col et de la tête fémorale. Il agirait par décompression (diminution de
l’hyperpression intra-osseuse) et stimulation du processus de réparation grâce à une réponse
d’angiogénèse. Il supprime la douleur dès les premiers jours postopératoires. L’efficacité de cette
technique est encore l’objet d’évaluation et de controverses et les bons résultats varient, selon les
séries, de 34 à 100 % des cas mais ils sont de toute façon meilleurs que ceux de la simple mise en
décharge (tableaux III et IV). Les mauvais résultats de certaines séries peuvent s’expliquer par des
insuffisances techniques. Les deux seules études prospectives, randomisées, versus traitement
médical montrent, sur les ON stades 1 ou 2, avec au moins deux ans de recul, 75 % d’amélioration
clinique, 61 % de stabilisation radiologique contre respectivement 29 % et 39 % dans les groupes
témoins.
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Le forage est à réserver aux stades précoces, avec une tête fémorale encore sphérique. Le
recours à un cliché de face de la hanche malade avec un rayon ascendant de 30°, voire à une
tomodensitométrie, peut s’avérer indispensable pour affirmer qu’un léger méplat n’existe pas qui
viendrait transformer cette ON ‘débutante’ en un véritable stade 3 pour lequel les chances de succès
du forage seraient bien moindres.
L’adjonction d’une greffe osseuse dans le canal de forage, qui utilise de l’os cortical ou
spongieux, qui fait appel à une greffe vascularisée ou non, entraîne aussi une décompression de la
tête fémorale. Des essais de comblement du canal de forage par des facteurs de croissance osseuse
(BMP : Bone Morphogenetic protein) ou par une autogreffe de moelle sont en cours d’évaluation.
De nombreuses ostéotomies dans différents plans ont été proposées. Leur but est de déplacer la
zone nécrosée hors de la zone d’appui et de la remplacer par une portion saine de la tête fémorale.
Ces ostéotomies sont délicates à réaliser et peu d’équipes les pratiquent.
L’arthroplastie à cupule, les remplacements prothétiques céphaliques sont presque
complètement abandonnés devant les difficultés techniques à les réaliser, leurs résultats aléatoires
et depuis que la prothèse totale de hanche a prouvé son efficacité.
La prothèse totale de hanche. Lorsque la nécrose a déformé la tête fémorale et lorsque le
retentissement clinique est trop important la mise en place d’une prothèse est le seul recours.
Opération classique, ses résultats à long terme dans cette indication sont cependant moins bons que
dans d’autres circonstances du fait de descellements plus fréquents, probablement du fait du plus
jeune âge de ces malades et d’une plus grande utilisation de la prothèse, mais aussi à cause de la
nécrose elle-même puisque à âge égal les résultats sont meilleurs dans les coxarthroses. Le résultat
est aussi fonction des facteurs étiologiques de la nécrose : il est meilleur dans les ON posttraumatiques ou idiopathiques que dans celles qui sont secondaires à une corticothérapie, un lupus
ou une transplantation. Les résultats sont également médiocres dans l’ON de la drépanocytose
conduisant certains à traiter l’aplatissement de la tête par injection de ciment acrylique dans la zone
nécrosée jusqu’à correction de cet effondrement. L’utilisation de prothèses sans ciment semble
donner des résultats encourageants mais avec un recul de plus de 7 ans les échecs par descellement
restent nombreux (20 %), surtout chez les sujets les plus jeunes.
Quelles indications ?
Malgré les incertitudes actuelles, il semble possible d’indiquer les grandes lignes à proposer selon le stade de la maladie. Il est nécessaire de déterminer si l’intégrité de la plaque
sous-chondrale est respectée ou non, en utilisant les méthodes les plus sensibles à notre
disposition. Aux stades de pré-effondrement, le forage, associé ou non à la greffe osseuse, est
une méthode correcte, au moins lorsque le volume de la nécrose n’est pas trop important. En
cas de volume supérieur à 50 % il faudrait conseiller de compléter le forage par un
comblement. Aux stades ultérieurs, avec un méplat ou un effondrement évident, la prothèse
totale de hanche devient la solution la plus raisonnable. En cas de signe de la coquille d’œuf
(stade 3) ou de petit méplat, surtout chez les sujets jeunes, la décision est plus difficile à
prendre : forage + greffe osseuse ou ostéotomies peuvent être des alternatives.
les différents stades évolutifs radiologiques de l’ostéonécrose de la tête fémorale
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hanche
normale
anom alies
de la tr am e
de la tête
stade 1
stade 2
stade 2
méplat
supéroexterne
coquille
d’œuf
décr ochage
bipolaire
stade 4
stade 3
pincem ent :
ar thr ose
secondair e
anom alies
de la tr am e
de la tête
stade 4
ar thr os e +
effondrement du
pôle s up.
stade 6
stade 5
TABLEAU I : TYPES ANATOMO-PATHOLOGIQUES DE L’OSTÉONÉCROSE
(d’après Arlet & Durroux)
Types
Description des lésions
Type I
Les anomalies qui prédominent sont et limitées à la moelle mais parfois on peut
observer des cellules spumeuses et de petites zones de nécrose réticulée
éosinophile de la moelle graisseuse. La lésion la plus commune, dans ce type,
est l’œdème interstitiel ou plasmostase. Ces lésions ne sont pas spécifiques de la
nécrose et ne permettent pas un diagnostic anatomopathologique à ce stade.
Type II
Nécrose médullaire. Les espaces médullaires sont emplis d’un tissu nécrotique
avec une nécrose réticulée éosinophile s’étendant sur un ou plusieurs
centimètres. Les lésions médullaires les plus précoces sont l’œdème, les
hémorragies, la fibroréticulose, l’hypocellularité, la nécrose des cellules
hématopoïétiques, la désorganisation et l’atrophie réticulaire éosinophile des
adipocytes. Ces lésions sont d’abord focales puis s’étendent.
Type III
Nécrose médullaire du type II + nécrose trabéculaire. Le seul signe de nécrose
du tissu osseux est la disparition des ostéocytes dont les cavités sont
déshabitées. Il faut 50 à 100 % de lacunes vides pour affirmer la nécrose
trabéculaire.
Type IV
Nécrose mixte de type III + petites plages de fibrose. Les trabécules mortes sont
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entourées par des appositions d’os vivant signant la réparation.
Tableau III : résultats comparés du traitement par la mise en décharge ou par
forage dans le traitement de l’ON. Revue de 30 ans de littérature
[Mont et al. 1996]
Paramètres
Nombre de malades
Durée moyenne de suivi
(mois)
Amélioration clinique
Non-progression
radiologique
Recours à une prothèse totale
Mise en décharge
819
34
Forage
1206
30
22 %
26 %
64 %
63 %
76 %
33 %
Tableau IV : même étude que tableau III. Résultats cliniques
(% d’amélioration clinique) en fonction du stade radiologique
Stade radiologique
Stade 1
Stade 2
Stades 4 et 5
Mise en décharge
35 %
31 %
13 %
Forage
84 %
65 %
47 %
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