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L’autorégulation dans le marché unique
et ses perspectives pour le marché unique des services
Bruno Vever
membre du Comité économique et social
Le Comité économique et social européen a dressé pour la première fois, dans un rapport
d’information que j’ai présenté et fait adopter le 10 février 2005, un tableau d’ensemble sur l’état de la
«corégulation» et de l’«autorégulation» dans le marché unique. Rappelons que ces approches
permettent aux acteurs économiques et sociaux de fixer eux-mêmes leurs propres règles de conduite.
Dans le cas de la corégulation, ils agissent à l’invitation du législateur et en fonction d’un instrument
juridique cadre qui en précise les modalités. Dans le cas de l’autorégulation, il agissent à leur propre
initiative, sans invitation ni interférence du législateur.
Le Comité économique et social et son Observatoire du marché unique (OMU) se sont intéressés de
longue date à ces approches, qui témoignent du rôle moteur des acteurs de la société civile dans la
construction de l’Europe. De nombreux avis du CESE dans des domaines très divers les ont appuyé.
Un code de conduite adopté par le Comité en octobre 2000 pour contribuer à une simplification des
réglementations a convenu de les promouvoir. La base de données PRISM de l’OMU a recensé près
d’une centaine d’initiatives en ces domaines, et constitue d’ores et déjà la première source
d’information européenne sur l’autorégulation et la corégulation. L’OMU a enfin organisé plusieurs
auditions concernant ces approches au cours des dernières années, qui ont directement contribué à
l’élaboration de ce rapport d’information.
Le rapport du Comité constate que ces modes alternatifs de réglementation se sont développés de
façon significative à l’échelle européenne au cours des dix à quinze dernières années, sous des
formes très diverses : engagements, déclarations, chartes, labels, codes de conduite, accords
contractuels. Les organisations socioprofessionnelles ont répondu à un questionnaire du Comité
qu’elles étaient impliquées pour 60% d’entre elles dans de telles approches, tandis que la moitié des
40% restantes envisageaient de s’y engager à l’avenir.
Ce développement a concerné de nombreux domaines. On citera en premier lieu les normes
techniques, notamment dans le cadre de la «nouvelle approche» de corégulation développée entre la
Commission et les organes européens de normalisation. On mentionnera aussi les codes de conduite
de professions, notamment dans les services. Des accords entre partenaires sociaux, tant
interprofessionnels que sectoriels, se sont développés depuis que le traité de Maastricht a reconnu la
capacité contractuelle de ceux-ci. Ces approches alternatives ont aussi concerné le commerce, avec
notamment des labels de sécurité dans les transactions sur internet, les services financiers, la
publicité, les relations entre l’industrie et les consommateurs, l’environnement, ou encore les
économies d’énergie.
Ce développement s’est souvent accompagné de celui, parallèle, de modes alternatifs de règlement
des litiges, souvent prévus par les autorégulations elles-mêmes, notamment dans les domaines de la
publicité, la vente directe, le tourisme hôtelier, les services financiers.
Jusqu’à récemment, il manquait à l’autorégulation un cadre juridique reconnu à l’échelle européenne,
au-delà des dispositions du traité de Maastricht de 1992 concernant les partenaires sociaux
européens. Un accord interinstitutionnel conclu le 16 décembre 2003 entre le Parlement, le Conseil et
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la Commission fini par préciser ce cadre : il définit tant l’autorégulation que la corégulation, organise
leurs modalités d’encadrement par les institutions européennes, et prévoit des rapports réguliers
d’information et d’évaluation de la Commission.
Pour sa part, le rapport d’information adopté par le Comité dresse déjà plusieurs constats :
Le Comité recense une série de bonnes pratiques souvent à l’origine de la réussite de corégulations et
d’autorégulations. On y relève d’abord un souci de l’intérêt général et de valeurs fondées sur la bonne
foi, le partenariat, le respect de la loi. La transparence des règles et des procédures est un point
important, tant en ce qui concerne l’objectif visé que la publicité des dispositions. La représentativité
des acteurs socioprofessionnels et leur capacité à tenir les engagements jouent aussi un rôle majeur,
à l’instar du contrôle et du suivi de ces engagements, qui peuvent être attestés par des labels ou des
guides de référence, et comporter des sanctions en cas de défauts d’application. Enfin, ces accords
comportent souvent des clauses de révision.
Le Comité note aussi certains avantages inhérents aux corégulations et aux autorégulations. Elles
contribuent à supprimer des obstacles parfois complexes au fonctionnement du marché intérieur. Elles
sont souvent plus simples à appliquer que des réglementations classiques, ayant été directement
conçues par les milieux directement concernés. Elles font généralement preuve de souplesse et de
rapidité, gages de leur faculté d’adaptation aux changements. Elles contribuent à désencombrer les
circuits législatifs, permettant au législateur de se concentrer sur l’essentiel, tout en lui laissant toute
latitude pour surveiller ces pratiques. Enfin, elles assurent une véritable coresponsabilité des acteurs
économiques et sociaux, qui renforce les bases de la construction européenne et son adaptation aux
nouveaux enjeux.
Les autorégulations ont aussi leurs limites face au législateur. Certaines peuvent s’avérer déficientes
en raison d’un suivi insuffisant de leur mise en œuvre et d’une absence de sanctions. Des problèmes
de pleine compatibilité avec la loi peuvent parfois être posés, notamment en matière de concurrence
ou d’éthique. Des autorégulations peuvent aussi s’avérer inaptes à suppléer au législateur, notamment
dans des domaines intéressant la santé ou la sécurité, même si elles peuvent l’appuyer et le compléter
utilement. Des remèdes peuvent parfois être apportés à ces limites en renforçant le dispositif même
d’autorégulation ou en resserrant le partenariat avec le législateur.
Le Comité conclut son rapport sur la nécessité d’optimiser les avantages de la corégulation et de
l’autorégulation, avec davantage d’espaces de libertés et une meilleure diffusion de l’information sur
ces initiatives, tout en palliant leurs limites, notamment en encourageant un suivi rigoureux et un
partenariat renforcé avec les pouvoirs publics. Un tel développement de ces approches sera utile à
tous. Les pouvoirs publics gagneront en efficacité en se recentrant tout en gardant un rôle de contrôle.
Les entreprises et les acteurs socioprofessionnels prendront davantage d’initiatives en ayant plus de
libertés et de responsabilités. Les consommateurs et les usagers bénéficieront de meilleurs services et
d’une sécurité accrue, tout en pouvant recourir aussi à des modes alternatifs simplifiés de règlement
des litiges. Quant à la construction européenne, elle bénéficiera d’une dynamique plus forte en
s’appuyant sur l’implication directe des acteurs de la société civile.
Le Comité, qui a convenu de renforcer sa coopération avec la Commission sur le développement de
ces approches alternatives de réglementation, continuera à l’avenir de faire régulièrement le point en
ces domaines, en s’appuyant sur son dialogue permanent avec les associations socioprofessionnelles
européennes et sur la rénovation en cours de sa base de données PRISM, qui est appelée à devenir
«la» base de données européenne de l’autorégulation et de la corégulation.
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