
Comme si tout cela ne suffisait pas, l’entrée de notre pays en déflation aurait aussi des effets ravageurs pour ses
finances publiques. D’abord parce que l’anémie (= la faiblesse) de la consommation et de l’activité réduirait
mécaniquement les rentrées fiscales et creuserait d’autant les déficits. Et puis parce que, en l’absence d’inflation,
les taux d’intérêt réels – défalqués de la non-inflation ! – seraient forcément très élevés. La charge de la dette de
l’Etat deviendrait ainsi de plus en plus lourde au fil des mois, jusqu’à peser comme une enclume sur le
portefeuille des contribuables. Un cauchemar, on vous dit.
(…) Pas de panique ! Pour le moment, notre pays n’est pas encore entré en déflation. Jusqu’à preuve du contraire,
les consommateurs ne reportent pas leurs décisions d’achat parce qu’ils tablent sur des prix plus modérés
demain. Et si on les regarde de près, les baisses constatées sur certains biens ou services sont même plutôt saines.
C’est grâce au progrès technique, et non à la désespérance économique, que le prix des ordinateurs a chuté de
7,5% depuis un an, celui des téléviseurs de 10% et celui des appareils photo de 16%. Grâce à l’arrivée d’un nouvel
opérateur que les tarifs de la téléphonie mobile (et aujourd’hui des abonnements Internet) ont été scalpés sans
pitié ces dernières années.
[Toutefois, le danger est là] D’abord parce que, avec une inflation mesurée comprise entre 0 et 1%, la France, les
Pays-Bas, l’Italie et plus encore l’Espagne se situent dans ce que la BCE appelle elle-même une «zone de danger».
A ces niveaux, rien ne garantit en effet que ces pays ne soient pas déjà frappés par une baisse généralisée des
étiquettes. «Construire un indice des prix, ce n’est pas comme relever une température sous abri», note Bruno
Cavalier, chez Oddo Securities. Pour la plupart des Banques centrales, la stabilité des prix coïncide d’ailleurs avec
un objectif d’inflation à 2%, ce n’est sûrement pas un hasard.
Ensuite parce que les forces déflationnistes qui sculptent l’économie de la planète depuis le début des années 2000
restent extrêmement puissantes. A commencer, bien sûr, par la mondialisation. En imposant une concurrence
féroce entre tous les producteurs du globe, l’ouverture généralisée des marchés contribue depuis des années à
cisailler les prix dans à peu près tous les secteurs. Et le mouvement risque encore de s’amplifier avec le
déménagement progressif des usines des pays émergents vers les nations d’Afrique, aux rémunérations toujours
plus basses. Le chômage de masse – quand il y a la queue aux guichets d’embauche, les entreprises n’ont guère de
raisons de se montrer généreuses sur les salaires – et la faiblesse des cours des matières premières, très affectés
par la crise depuis 2008, contribuent eux aussi à faire plonger les coûts de production, et donc les prix. A eux
seuls, ces trois facteurs expliqueraient 60% des tendances déflationnistes observées ces derniers mois dans la zone
euro.
La course folle à la compétitivité à laquelle se livrent actuellement les pays du Vieux Continent n’arrange pas les
choses. Pour regagner des parts de marché, tous ou presque se sont lancés dans des politiques de diminution
drastique du coût du travail. En Espagne, par exemple, ce dernier a baissé de 7,4% rien qu’en 2012. «Un vent de
déflation salariale est en train de souffler sur l’Europe», confirme Xavier Timbeau, à l’OFCE. Certes, en France,
l’existence d’un salaire minimum et les rigidités du Code du travail ont pour le moment puissamment freiné ce
mouvement. Mais le plan de réduction des charges sociales de 10 milliards d’euros que s’apprête à présenter le
gouvernement devrait mettre notre pays dans la boucle.
Reste une dernière raison pour craindre le spectre de la déflation : l’extrême mollesse de la reprise sur nos vieilles
terres. Face à l’atonie de la consommation (elle devrait progresser tout au plus d’un maigre 0,6% cette année en
France), les entreprises sont en effet obligées d’en rabattre toujours plus sur leurs étiquettes – au risque de
massacrer leurs marges – si elles veulent continuer de vendre leurs produits. Les hommes en blanc de Danone
peuvent en témoigner. En février dernier, la direction d’Auchan, qui n’appréciait pas leur politique tarifaire, a fait
placarder l’affichette suivante au rayon frais de ses magasins : «Pour vous aider à vivre moins cher, Auchan
refuse les hausses de prix injustifiées de Danone. Plusieurs références ne figurent donc plus dans notre
assortiment.» A vous dégoûter de fabriquer des yaourts… La pression sur les entreprises est telle que «beaucoup
d’entre elles ont utilisé les sommes que l’Etat venait de leur verser au titre du Crédit d’impôt pour la
compétitivité et l’emploi pour ne pas répercuter les hausses de TVA», remarque Jean-Christophe Caffet, de
Natixis. «Le Cice est un accélérateur de la guerre des prix», confirme Serge Papin, le président du groupe Système
U, en assurant que «l’argent perçu par les distributeurs a été investi dans les prix et non dans les créations
d’emplois».
Sophie Rolland
Q1 /Retrouvez dans le texte l’explicitation des éléments du schéma ci-dessus (spirale déflationniste)
Q2 / Expliquez pourquoi les tendances déflationnistes ont « des effets ravageurs pour ses finances
publiques ».
Q3 / Complétez alors le schéma
Hausse des taux d'intérêt
réel
remboursement de la dette
et/ou nécessité de freiner
les dépenses publiques