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Déposé à ka SACD
LA CONTROVERSE DE VALLADOLID
par Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr )
PERSONNAGES
Le conquistador, l'Indien, l'évêque Bartholomé de las Casas,
le chanoine Sepulveda, un cardinal envoyé par Rome.
L'HISTORIEN DE SERVICE - La conquête de l'Amérique par les Espagnols et les Portugais fut
dévastatrice. Non seulement parce que les maladies apportées par les Européens ravagèrent les
populations envahies, mais aussi parce que nombre d'Indiens furent massacrés ou réduits en esclavage
et condamnés à cultiver pour leurs nouveaux maîtres les terres qu'on leur avait confisquées. L'Eglise
désapprouva, mais fut impuissante à faire respecter la justice… Cette histoire s'est répétée mille fois au
cours des temps.
1- Les Indiens devenus des esclaves
LE CONQUISTADOR - Si au moins tu savais quelques mots de notre langue… "Bâton", tu connais?
L'INDIEN - Non, connais pas.
LE CONQUISTADOR - Tu vas comprendre… (il lui donne un coup de bâton)
L'INDIEN - C'est ça, bâton…? Ça va, j'ai compris!
LE CONQUISTADOR - Si tu as compris bâton, tu as tout compris.
L'INDIEN - J'ai tout compris.
LE CONQUISTADOR - Alors, va-t'en dans la forêt me couper des arbres. Voilà une hache…
L'INDIEN - Bâton?
LE CONQUISTADOR - Oui
L'INDIEN - Alors j'y vais…
LE CONQUISTADOR - Non, va plutôt me retourner ce champ de maïs. Voilà une bêche…
L'INDIEN - Bâton?
LE CONQUISTADOR - Oui
L'INDIEN - Alors, j'y vais.
LE CONQUISTADOR - Non, après tout, va, descends dans cette mine et ramène-moi de l'or. J'aime
l'or! J'aime l'or infiniment! Voilà un pic…
L'INDIEN - Bâton?
LE CONQUISTADOR - Oui
L'INDIEN - Alors, j'y vais. Mais…
LE CONQUISTADOR - Tu ne voudrais tout de même pas que moi, le conquistador, qui ai traversé les
mers, qui ai affronté tous les périls, qui ai combattu avec l'épée ...la sueur, le sang, la fatigue, le
froid et le chaud, les privations…! tu ne voudrais pas que moi, maintenant, je prenne le pic, ou la
bêche, ou la hache… Le bâton me suffit. Sais-tu ce que c'est qu'un esclave?
L'INDIEN - Esclave? Non, je ne sais pas.
LE CONQUISTADOR - Moi, maître, toi, esclave. Je dis: fais, tu fais. Tu fais, ça veut dire: tu
travailles, tu travailles. Et puis après, tu travailles encore et tu travailles encore… Et si je veux,
je te vends, je t'achète. Je te revends, je te rachète. Ou je t'échange… Pour quatre-vingt esclaves,
j'ai une jument. Tu vois comme tu es peu de chose! Moi, je sers le vrai Dieu! Tes dieux à toi ne
sont que des démons. Et mon vrai Dieu à moi, non seulement il me donne de l'or, mais il me fait
faire des choses justes. Et mon épée est faite de bon acier trempé. Toi, tu n'es qu'un amas de
péchés, paresseux, voleur, menteur, fornicateur. Moi, je suis le maître, toi tu n'es qu'une sorte
de… bestiau! J'ai des poules, des cochons, des chevaux… et des esclaves. Or donc, va me
chercher de l'or dans ma mine, du bois dans ma forêt, du cacao dans mon champ… Oui, parce
que tout est à moi, maintenant. Mon roi me l'a donné et mon pape a approuvé ce que mon roi a
fait. Et toi, je te mets une chaîne aux pieds pour que tu ne puisses pas t'enfuir. Si tu le fais,
j'envoie mes chiens, je t'écorche, je te dépèce et je te vends comme de la viande de boucherie.
D'ailleurs, la chair humaine, vous aimez ça, vous autres! Compris ce que c'est qu'un esclave?
L'INDIEN - Pas tout compris, mais le sens général de ton discours, oui. Ça me suffit largement!
(pendant les scènes qui suivent l'indien reste assis à écouter ce qui se dit)
2 – Les Indiens ne sont pas des bêtes, ce sont des hommes
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Je vous demande pardon d'interrompre une conversation privée,
mais tout ça, c'est interdit. Toi, l'Indien, tu n'es pas un esclave, ces mines, ces champs, ces forêts,
cet or t'appartiennent. Et toi, le conquistador…
LE CONQUISTADOR - Holà, toi qui parles si haut et dis des choses si stupides, qui es-tu?
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Mon nom est Bartholomé de Las Casas et je suis l'évêque de ces
Indiens que tu persécutes.
LE CONQUISTADOR - Même à un évêque, il n'est pas permis de divaguer. N'es-tu pas comme moi
un espagnol? Ces Indiens, qui ne méritent pas le nom d'homme…
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Ils sont semblables à nous pourtant, et ce sont bien des hommes!
LE CONQUISTADOR - Mais non, vieux frère, ils ne sont pas semblables à nous et ils ne sont pas des
hommes! Je vais te dire des choses que tu ne connais peut-être pas, dans ta naïveté.
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Vraiment? Eh bien, vas-y, dis-les moi.
LE CONQUISTADOR - Ces Indiens sont des sauvages et ils adoraient des dieux qui sont des
démons… Va voir ce qu'il reste de leurs temples et tu y trouveras des statues terrifiantes! Ils
adoraient donc des dieux qui sont des démons et ils leur offraient jadis sans aucune retenue des
sacrifices humains...
BARTHOLOME DE LAS CASAS - S'ils ne sont pas des hommes, comment peuvent-ils offrir des
sacrifices humains?
LE CONQUISTADOR - Ne pinaille pas! Ecoute plutôt. Leurs prisonniers de guerre, leurs serviteurs,
leurs criminels… ils les faisaient monter au sommet de leurs pyramides et là-haut, avec un
couteau de pierre, ils leur arrachaient le cœur pour l'offrir à leurs dieux… Leurs dieux, dans
leurs esprits, étaient assoiffés de sang, il fallait leur en offrir matin et soir…
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Ces choses, hélas, je les sais mieux que toi.
LE CONQUISTADOR - Et ensuite, ils jetaient les cadavres en bas de la pyramide et s'en partageaient
les restes. Ce sont des bêtes, pas des hommes.
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Oui, je les ai vu de mes yeux commettre un bon nombre de
péchés… Comme si nous n'en avions pas commis nous aussi, plus grands peut-être que les leurs,
nous qui étions chrétiens! Et pourtant, comme je l'ai écrit, ils ne sont pas des bêtes, mais des
hommes. Comme nous, ils se tiennent debout, ils boivent, ils mangent comme nous, ils dorment
et font des enfants comme nous. Ils commercent entre eux, écrivent des livres, font de la
géométrie, construisent des villes, administrent des empires... Aucune ville de nos pays n'est
comparable à Mexico! Et lorsqu'ils ont été délivrés de leurs superstitions – horribles, je l'avoue ils sont doux et humbles… Ils sont même capables d'apprendre notre langue et de comprendre
notre religion. Certains raisonnent aussi et parlent avec beaucoup d'éloquence. Et d'ailleurs
beaucoup se sont convertis.
LE CONQUISTADOR - Sacrilège! Jésus-Christ n'est pas mort pour eux! C'est impossible.
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Qu'en sais-tu?
LE CONQUISTADOR - Et il est tout à fait évident qu'ils n'ont même pas d'âmes….
3 – N'était-il pas juste de réduire les Indiens en esclavage?
LE CHANOINE SEPULVEDA - Pardonnez- moi d'intervenir dans votre dispute. Mon nom est
Sepulveda, Je suis un théologien et je m'entends particulièrement bien dans toutes les matières
difficiles de la politique et de la religion. Je vous propose mon aide.
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Votre aide! Avez-vous jamais été aux Amériques?
LE CHANOINE SEPULVEDA - A quoi bon? Ce sont matières dont on raisonne mieux de loin.
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Vous le croyez vraiment?
LE CHANOINE SEPULVEDA - Certainement. Je comprends assez bien les choses et je suis de toute
façon l'auteur d'un livre sur ces sujets qui fera date… Aujourd'hui, ma thèse sera d'une part que
les Indiens appartiennent à ce genre, je ne dirai pas de bêtes, non, non, mais de sous-hommes qui
sont, comme le dit Aristote, par nature destinés à servir. D'autre part je soutiendrai qu'ayant été
vaincus et faits prisonniers au cours d'une guerre juste, il est doublement légitime que leurs
vainqueurs en aient fait effectivement leurs esclaves.
LE CONQUISTADOR - Voilà un discours bien articulé.
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Si les discours pouvaient tuer, celui-ci le ferait. Il l'a fait
d'ailleurs. Mais est-ce celui qui articule le mieux son discours qui doit en fait avoir raison?
LE CONQUISTADOR - Voyons d'abord ce que dit Aristote.
LE CHANOINE SEPULVEDA - Que parmi les hommes, il y en a qui sont clairement faits pour être
des maîtres et d'autres qui sont clairement faits pour être des esclaves.
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Que veut dire "clairement"?
LE CHANOINE SEPULVEDA - Que cela se voit tout de suite, à la première rencontre, au premier
coup d'œil… Ils sont d'une espèce inférieure, ce qui ne peut en aucun cas faire illusion.
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Qui en décidera?
LE CHANOINE SEPULVEDA - Leur comportement, depuis que nous avons débarqué là-bas, le
manifeste aux yeux de tous.
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Pas à mes yeux en tout cas, j'en ai donné tout à l'heure toutes les
raisons à ce monsieur que voilà. De plus, je ne savais pas qu'Aristote fut un Père de l'Eglise et
qu'il ne puisse pas se tromper. Aristote n'est pas si bon chrétien que vous ou que moi. Et que
dites-vous de cette "juste guerre"? Il me semble que celle que nous avons menée contre les
Indiens ne l'était pas vraiment. Ils ne nous menaçaient pas le moins du monde.
LE CHANOINE SEPULVEDA - Cette guerre était juste, pour deux raisons…
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Parce que nous étions les plus forts?
LE CHANOINE SEPULVEDA - Vous riez parce que vous croyez avoir trouvé un argument contre
moi. Je pourrais vous répondre que si Dieu nous a fait les plus forts, c'est probablement parce
qu'il veut que nous montrions notre force… Non, je dirai simplement que les victimes
innombrables que ces peuples faisaient sous prétexte de religion criaient vers nous, pour que
nous venions à leur aide. Et deuxièmement je dirai que de toute façon, l'Evangile fait devoir aux
princes chrétiens de prendre tous moyens pour arracher les peuples à leur impiété. Par
conséquent, les guerres qu'ils leur font, sans même qu'ils aient à s'en préoccuper, sont justes.
Sans mentionner le fait qu'elles permettent de la mise en valeur de richesses coupablement
inemployées!
BARTHOLOME DE LAS CASAS - On voit bien, pardonnez-moi, que vous n'avez jamais mis les
pieds là-bas! Je dis, moi qui les ai vus, qu'ils sont pleinement hommes et que la guerre que nous
leur avons faite est injuste...
4 – Si, les Indiens sont des hommes, mais dans la pratique...
LE LEGAT DU PAPE - Sa Sainteté le Pape m'a chargé de vous mettre d'accord. Et voici ce qu'il dit…
TOUS – Nous vous écoutons pieusement.
LE LEGAT DU PAPE - Tout d'abord les guerres que nous leur avons faites ne sont nullement justes.
LE CHANOINE SEPULVEDA – Comment cela…?
LE LEGAT DU PAPE - Je regrette, maître Sepulveda! Il n’y avait point de menace de leur part. Ce
point est acquis: nos guerres furent injustes. Et ensuite, les Indiens doivent être considérés
comme des hommes à part entière, avec une âme véritable, en tout point semblable à la nôtre.
Notre bien-aimé frère Bartholomé de las Casas nous en a convaincus.
L'INDIEN – (ironique) Me voilà bien rassuré!
BARTHOLOME DE LAS CASAS - Merci, votre Eminence.
LE LEGAT DU PAPE - Et par conséquent, les dits Indiens ne peuvent pas être réduits en esclavage et
ceux qui l'ont été doivent être libérés.
L'INDIEN – Seigneur, permettez que je sous baise les mains!
LE CONQUISTADOR - Pardonnez-moi, votre Eminence, mais que vont devenir toutes les propriétés
des Espagnols qui sont actuellement cultivées par des esclaves. Vous les condamnez à la ruine!
LE LEGAT DU PAPE - Cela ne vaut-il pas mieux que de voir les âmes des Espagnols condamnées à
brûler en enfer?
BARTHOLOME DE LAS CASAS – Excellente réplique!
LE LEGAT DU PAPE - Mais rassurez-vous, je vous ôte ce souci. Les propriétés qui ont été enlevées
aux Indiens devront leur être restituées… Ainsi, vous n'aurez plus la charge de les cultiver.
Quant à l'or que nous leur avons pris… certains voudraient le considérer comme le juste prix
payé par eux pour le bienfait de leur évangélisation, mais ce serait considérer la foi, qui est un
don de Dieu, comme une marchandise. Nous exigeons donc que leur or leur soit rendu.
LE CONQUISTADOR - Mais alors, mais alors… Et moi? Et moi? Et moi? Que me reste-t-il?
LE LEGAT DU PAPE - La gloire, selon certains, ou la honte, selon d'autres…
LE CONQUISTADOR – Mais, Eminence, je ne suis pas seul dans mon cas… Ouvrez vos yeux et vos
oreilles! Ce n'est certainement pas la première fois dans l'Histoire, et ce n'est certainement pas la
dernière, qu'un royaume riche et puissant en envahit un autre, pauvre et faible, et lui prend les
richesses dont il dit qu'il est fait mauvais usage… Les Romains autrefois tout autour de la
Méditerranée pour recruter des esclaves ou des soldats, plus tard les Barbares dans le sud de
l'Europe pour s'installer sur les terres des vaincus! Et nous donc en Amérique, pour nous
approprier de l'or, et les Portugais ensuite un peu partout pour capturer des esclaves. (changeant
de ton) Sans parler – je les vois venir quand je regarde au loin - les Français qui s'en iront un
jour en Afrique et ailleurs pour se fournir entre autre de bois précieux, les Anglais au Transvaal
pour s'approprier des diamants des Boers, les Japonais en Extrême-Orient pendant la seconde
guerre mondiale, pour y puiser des matières premières, les Allemands en Russie pour conquérir
des terres à blé, et maintenant les Américains en Irak pour se procurer du pétrole… Cela se vit
chaque jour! Et je n'en cite que quelques-uns. Un fort s'attaque à un faible! Et alors? Le faible
n'avait qu'à être fort. Guerre juste ou non, cela n'a rien à voir. L'Eglise voudrait-elle figer les
nations et paralyser tous les grands mouvements de progrès et d'enrichissement qui se font dans
le monde? La guerre est la mère de toutes choses. Et d'ailleurs la forte Eglise catholique, avec
son évangélisation, n'est-elle pas elle aussi une conquérante qui veut convertir tous les faibles
peuples qui ne croient pas ce qu'elle croit?
LE LEGAT DU PAPE - Calmez-vous, mon ami. Nous ne pouvons pas ne pas… Je veux dire que nous
savons parfaitement que les paroles que nous prononçons restent vaines, mais nous devons les
prononcer. Cela soulage du moins notre conscience. Nous ne pouvons pas ne pas parler! Non
possumus non loqui! C'est une formule que nous avons inventée et qui nous va fort bien. Mais
une fois que nous l'avons prononcée… nous sommes totalement impuissants à empêcher la
généreuse force des peuples forts de se déployer toute seule et, pour ne pas les abandonner à
eux-mêmes, nous leur accordons tout de même notre bénédiction…
LE CONQUISTADOR - Et alors, comme ça, nous pouvons garder notre or, nos terres, nos diamants,
nos esclaves, notre pétrole…?
LE LEGAT DU PAPE - Mais naturellement… Vous n'aviez pas compris? Et que le Dieu tout-puissant
– le Fort d'entre les forts! - vous bénisse dans tous les siècles des siècles.
L'INDIEN - Alors, c'est toujours "bâton"?
LE CONQUISTADOR - Eh oui, c'est toujours "bâton"! Assez rigolé, au travail.
RAPPEL HISTORIQUE
Entre 1492, date du premier voyage de Christophe Colomb, et les années 1550, les Portugais et les Espagnols déferlèrent sur
l'Amérique du sud. Christophe Colomb, lui-même pour commencer, Cabral ensuite au Brésil en 1500, puis Cortès au
Mexique en 1518 et Pizarro au Pérou en 1532, pour ne citer que les principaux.
Bien qu'accompagnés de religieux et ayant l'évangélisation pour objet principal, ces voyages exploratoires furent avant tout
des conquêtes… Et en effet, à peine débarqués, les "conquistadors" - tel était leur nom - prirent violemment
possession des territoires découverts. Ils y firent la guerre avec beaucoup de conviction, apportèrent avec eux des
maladies auxquelles les indigènes n'étaient pas préparés à résister, détruisirent autant que possible toute trace de ces
civilisations qu'ils ne comprenaient pas, massacrèrent des populations sans défenses, violèrent les femmes, prirent
possession de l'or et des terres, s'attribuèrent les uns aux autres des "encomiendas" c'est-à-dire des propriétés dont les
habitants devinrent leurs esclaves, obligés de travailler dur pour en exploiter les richesses au profit de leurs maîtres…
Les exactions furent d'autant plus incontrôlées qu'elles eurent lieu à plus de trois mois de navigation des Etats au nom
desquels elles étaient commises. Certains auteurs estiment qu'elles firent disparaître entre 70 et 80% des populations
d'origine! Ce qui n'était certainement pas la meilleure façon de "mettre en valeur" la conquête… Quant à l'attitude de
l'Eglise, représentée par quelque franciscains ou dominicains, elle resta ambiguë.
Bartholomé de Las Casas (1474-1566), fils d'un des premiers compagnons de Christophe Colomb, s'engagea à 18 ans pour un
premier voyage vers l'île Saint-Domingue, ou il devint propriétaire d'une encomienda (voir plus haut). Revenu en
Europe, il se fait ordonner prêtre dans les années 1505-1510. Puis il retourne au nouveau monde et, en entendant les
sermons de Antonio Montesinos, prend conscience des injustices commises à l'égard des Indiens: "Vous êtes tous en
état de péché mortel à cause de votre cruauté envers une race innocente"… Très choqué, il retourne en Espagne pour
travailler à la cause des Indiens. En 1513 le Pape décide que les Indiens doivent reconnaître l'Eglise. S'ils refusent on
peut le leur imposer "par le fer et par le feu". Las Casas prend définitivement le parti des Indiens. Des lors, il mène
une vie aventureuse entre l'Espagne et l'Amérique (il fera quatorze traversées), toujours à la recherche de moyens pour
rendre la colonisation plus humaine. En 1522, il entre dans l'ordre des Dominicains où il trouve autorité et appui. Il
inspire la bulle du Pape Paul II Sublimis Deus qui ordonne "que les Indiens soient traités comme des hommes et ne
puissent être privés de leur biens ou de leur liberté." Mais qu'est-ce qu'une bulle? Après de nombreuses péripéties, on
lui propose (en 1544) de devenir l'évêque du Chiapas (l'une des provinces les plus pauvres du Mexique, où opère de
nos jours le fameux "sous-commandant Marcos"!). Il démissionne en 1550 et rentre en Espagne pour continuer à se
battre, par la parole et par la plume, pour la cause des Indiens. Il est alors opposé au chanoine Sepulveda, qui soutient
que les Espagnols ont mené au nouveau monde des "guerres justes", dont l'esclavage des Indiens, qui sont des soushommes sans âmes, est une légitime conséquence… L'enjeu économique est énorme. Au terme de la conférence,
l'envoyé du Pape déclare que, quoiqu'on puisse en penser, les Indiens ont une âme…! Mais sur le terrain, cela ne
change pas grand-chose. Bartholomé de Las Casas continue à batailler… Il meurt en 1566 à l'âge de quatre-vingt
douze ans. Une statue de Las Casas a été érigée et se dresse encore dans la capitale du Chiapas.
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