Soutenue par une notation positive et une liquidité de marché abondante, la titrisation a vu son
marché exploser en quelques années : décuplement des marchés d’ABS et de CDO américains,
quintuplement de ceux européens.
L’application, depuis 2005 pour les sociétés cotées européennes, des normes IFRS (IAS 39 spécialement)
permettent la valorisation de ces produits titrisés en fair value (mark-to-market ou mark-to-model). Ceci a pour effet
de faire pénétrer la valeur de marché dans le bilan des sociétés.
Le caractère procyclique de l’IAS 39 fait que si la
valorisation « gonflait » généreusement les bilans, la moindre crise de confiance garantit ces derniers d’un
dégonflement plus instantané encore, à l’image de la crise actuelle.
3) La titrisation responsable de la crise des subprimes ?
Fin 2006, lorsque la bulle immobilière a commencé à se dégonfler aux USA et que les prix de l’immobilier
résidentiel ont dégringolé, une grande partie des ménages américains ayant souscrit des emprunts à taux variable,
dits subprimes ou Alt-A, a vu le montant de ses mensualités exploser et s’est retrouvée dans l’impossibilité de faire
face à ses échéances. Le nombre des saisies d’habitation est alors monté en flèche. Ce fut le début de la bérézina…
Dans le contexte actuel, issu de la crise financière de 2007, les économistes aussi bien que les investisseurs
ou le public ont besoin de se trouver des coupables tout désignés. Il est ainsi très facile de vouer la titrisation aux
gémonies, ce que beaucoup de spécialistes ont fait: “il faut enterrer la titrisation”, “il faut revenir à la banque, aux
prêts, aux garanties” etc.
Mais c’est oublier que ce n’est pas la titrisation qui a provoqué l’effondrement du secteur immobilier aux
USA. Son concept n’a rien à voir avec celui des crédits subprimes, crédits accordés à des ménages peu solvables à
fort risque de défaut de paiement en cas de retournement de conjoncture.
La titrisation est même davantage la
victime de cette crise, au sens où l’on a titrisé de tels actifs “pourris”, qui se sont par la suite retrouvés
disséminés un peu partout dans le monde, sans que leur porteur ne sache vraiment de quoi il s’agisse.
De
plus, il s’est avéré que les crédits défaillants sont principalement ceux non pas supervisés par la FED (origination
bancaire) mais par les Etats Fédérés (origination non bancaire).
L’implication de la titrisation dans la crise se situe donc plutôt au niveau du défaut de
réglementation qui a accéléré son essor, de son manque de transparence à un certain stade ou au niveau
des évolutions inconsidérées qu’ont pu développer certains ingénieurs financiers.
Un problème apparaît avec ces évolutions sauvages, lorsque les propriétaires des produits
finaux (CDO, CDO²…) n’ont plus la moindre idée des actifs sous-jacents qu’ils recouvrent
et du risque qu’ils portent
. Et la crise de faire basculer d’une non-corrélation des risques de défaut
des sous-jacents titrisés à la dissémination globale du risque de marché.
Les normes comptables et financières n’ont jamais été adaptées à un développement
exponentiel de la titrisation
. Par exemple,
la norme comptable américaine US GAAP n°140
autorise l’enregistrement d’un gain immédiat lors de la titrisation
, ce qui encourage l’émetteur
à ignorer la capacité de l’emprunteur à faire face aux obligations futures qu’implique sa dette…
III / Les enjeux actuels
A) Préserver tout ce qui fait la force de la titrisation…
Les problèmes actuels ne doivent pas occulter le fait que
durant une décennie, la titrisation a soutenu
une formation de capital rapide et appuyé une croissance énorme du crédit
, ce qui a été profitable à la
consommation des ménages, aux investissements des entreprises, et donc à la croissance et au développement des
économies occidentales, en peine de points de croissance supplémentaire face à la poussée asiatique.
En outre,
la titrisation permet le fractionnement du risque entre une multitude de porteurs et
permet potentiellement de le redistribuer pour parvenir à une répartition optimale
. Comme le disait Alan