« Si une sœur vient à offenser une autre sœur, ou de parole, ou d’action, elle
ne laissera pas passer la journée sans lui demander pardon et sans réparer sa
faute.
Si deux s’offensent mutuellement, bénédiction à celle qui sera la première
à s’humilier, et à rechercher l’autre pour se réconcilier avec elle,
quoiqu’elle pense être la plus offensée. »
(OC X Const.19, de la charité, p.109)
Pour vivre une telle démarche de réconciliation, jour après jour, il faut prendre
conscience que c’est souvent « en amont » qu’il faut travailler, sur soi-même et sur
les relations fraternelles. Jean Eudes évoque cela à plusieurs reprises dans son
chapitre sur la charité fraternelle :
« Quand quelqu’un sentira en soi quelque aversion ou froideur au regard d’un
autre, qu’il prenne bien garde de ne pas s’y laisser aller, ni de rien dire, ou rien
faire, ou rien omettre par ce principe ; mais qu’il ne cesse de combattre ces
mauvais sentiments, par actes intérieurs et extérieurs de charité, jusqu’à ce
qu’il les ait vaincus…
La diversité des sentiments, tant sur les choses de spéculation que sur celles de
pratique, étant pour l’ordinaire la mère de la discorde et l’ennemie de l’union
des volontés, tous s’efforceront de l’éviter autant qu’il leur sera possible, et de
se garder de l’attache à leur propre sens, comme d’une peste très
pernicieuse de la paix et de la concorde… »
(OC IX, 213)
Il faut donc aller jusqu’à la racine de tous ces mouvements qui se font jour en nous
et qui apparaissent comme des obstacles sur le chemin d’une vraie réconciliation.
C’est pourquoi on doit y être attentif dès le début, et le discernement des candidats
doit tenir compte des dispositions profondes de chacun à ce niveau :
« L’amour désordonné de soi-même, qui nous attache à nos intérêts et
nous porte à la recherche de nos commodités et satisfactions, étant l’ennemi
mortel de l’union que nous devons avoir avec nos frères, et la source de toutes
les divisions, on ne recevra personne en la Congrégation, qui ne soit bien résolu
de travailler à bon escient à le faire mourir en soi, pour y faire vivre et régner le
vrai amour de Dieu et la véritable charité du prochain. »
(OC IX, 4/4, 223)
Dans cette perspective de vigilance constante, de renoncement à soi pour se donner
à Jésus afin qu’il puisse vivre et régner en nous, on comprend que Jean Eudes ait
voulu inviter ses frères à un moment quotidien de « relecture » de leur vie, dans ce
qu’il appelle « exercice avant midi ».
Plus qu’un « examen de conscience », c’est une prière d’adoration et de louange
devant les divers aspects du mystère du Christ. Cette contemplation devient désir de
conversion, et consentement à l’action de l’Esprit-Saint.
Au terme de ce moment où l’on s’est de nouveau « exposé » à l’amour sauveur, Jean
Eudes propose une prière tirée de l’Ecriture, qui combine les deux passages de Paul
dans sa lettre aux Corinthiens, que nous avons déjà cités :