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présente :
Le Baiser sur l’Asphalte
de Nelson Rodrigues
Mise en scène de Thomas Quillardet
Théâtre Mouffetard, Paris
13 Septembre- 10 novembre 2005
Contacts :
Thomas Quillardet. [email protected] ou 06.03.89.81.92.
Emmanuel de Sablet. [email protected] ou 06.60.44.40.26
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« Le véritable dramaturge, celui qui ne feint pas et qui ne triche pas, se limite
à creuser dans la chair et dans l'âme, à travailler sur les passions sans espoir
qui
nous
arrachent
des
plaintes
profondes
et
irréductibles.
Cela fait souffrir, dira-t-on. D'accord. Mais le théâtre, c'est avant tout une
cour d'expiation. Il serait peut-être plus logique que nous ne voyions les pièces
non pas assis, mais ahuris et à genoux. Car ce qui se passe sur la scène, c'est
le jugement du monde, notre propre jugement, le jugement de ce que nous
avons pêché »
Nelson Rodrigues.
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L’équipe artistique et administrative
Équipe artistique :
Angéla Leite Lopes : traductrice
Thomas Quillardet : metteur en scène
Aliénor Marcadé- Séchan: assistante
Maria Clara Ferrer : dramaturge
Mélina Vernant : Scénographe
Version scénique du texte : Thomas Quillardet et Maria Clara Ferrer.
Comédiens:
Claire Lapeyre-Mazerat, Aurélien Chaussade, Alice Le Strate, Julien Saada,
(Distributions en cours)
Équipe administrative
Emmanuel de Sablet : Administrateur
Au Brésil : Giovana Soar : Administratrice
Production
Coréalisation : Compagnie Mugiscué Théâtre Mouffetard.
Avec le soutient de : Brésil, Brésils- année du brésil en France. l’AFAA.
Partenaires sollicités : ARCADI, Mairie de Paris, Mairie de Rio, ADAMI, J.T.N.
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Compagnie Mugiscué- présentation
Le choix d’une écriture contemporaine dissonante
Le projet artistique de la compagnie est fondé sur le choix d’auteurs du
XXème siècle travaillant sur les nouvelles formes d’écritures théâtrales. Les
textes et les dramaturges originaux, subversifs, provocants, orientent donc
naturellement le choix des metteurs en scène et comédiens associés à la
compagnie.
Le théâtre contemporain métissé/exilé
L’intérêt de la compagnie pour les écritures contemporaines
étrangères ou empreintes d’une double culture est aussi au coeur de sa
démarche artistique. Les trois premières réalisations de Mugiscué illustrent
cette volonté:
- L’argentin Copi (Mise en scène de Les Quatre Jumelles présentée à Paris
entre Mai 2003 et Septembre 2004).
- La franco-sénégalaise Marie N’Diaye (Mise en scène de la pièce Hilda,
présentée à Paris entre Avril et Mai 2004).
- Célébration, un texte écrit par Maria Clara Ferrer, brésilienne, fera l’objet
d’une mise ne scène de l’auteur dans le cadre de la compagnie en mars
2005.
Cet intérêt se confirme en 2005 avec l’organisation de Teatro em
Obras, festival de dramaturgie brésilienne, dans le cadre de la manifestation
Brésil, Brésils du Ministère des Affaires Étrangères, qui mobilisera tous les artistes
de la compagnie.
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Nelson Rodrigues : l’affirmation d’un théâtre d’identité
brésilienne
Nelson Rodrigues est né à Recife en 1912.
En 1917, sa famille vient s'établir à Rio de Janeiro où son père, journaliste, fonde le
quotidien A manha où Nelson fait à treize ans ses débuts à la rubrique des faits-divers.
Il écrit sa première pièce, La femme sans pêché, en 1941. En 1943, sa seconde pièce, Robe
de mariée, révolutionne les traditions théâtrales au Brésil et les conceptions scéniques en
usage. Il obtient là le plus grand succès de son théâtre. Les pièces qui suivirent, Album de
famille (1945), Ange noir (1946), Dame des noyés (1947), sont interdites par la censure. Il se
voit obligé de rencontrer lui-même les autorités pour les convaincre de lever les sanctions.
Album de famille ne sera pas autorisé pendant vingt ans. Bon nombre d'intellectuels se
prononcent contre son théâtre. Il décide de nommer son théâtre, "théâtre désagréable". Il
écrit à ce propos : « Avec Robe de mariée, j'ai connu le succès; avec mes pièces suivantes,
je l'ai perdu et pour toujours. Dans cette observation il n'y a ni regret ni dramatisation. Il y a
simplement la reconnaissance d'un fait et son acceptation. Car depuis Album de famille, j'ai
pris une voie qui peut désormais me conduire vers n'importe quel destin sauf celui de la
gloire. Et quelle serait cette voie ? Je réponds : celle d'un théâtre que l'on pourrait qualifier de
désagréable. Et pourquoi "pièces désagréables" ? Certains l'ont déjà dit, parce qu'il s'agit
d'œuvres pestilentielles, fétides, capables à elles seules de provoquer le typhus et la malaria
parmi le public. »
Les dix-sept pièces qui constituent sa dramaturgie, et qui ont été répertoriées par son
exégète et ami Sabato Magaldi en trois cycles, les tragédies mythiques, les pièces
psychologiques, et les tragédies cariocas, ont été composées avec régularité jusqu'en 1965. Il
n'écrira ensuite plus que deux pièces.
Nelson Rodrigues est l'auteur de nombreux romans publiés sous le pseudonyme de
Suzana Flag. Avec, à la fin des années cinquante, la publication quotidienne dans le journal
Ultima Hora de ses chroniques La vie comme elle est, sa célébrité et sa renommée se
propagent alors dans tout le Brésil.
Après sa mort survenue le 21 décembre 1980, à l’age de 68 ans, Nelson Rodrigues
devient le dramaturge le plus représenté et le plus respecté du théâtre moderne brésilien.
Sabato Magaldi, ami du dramaturge nous donne une tentative d’explication dans son texte,
A peça que a via prega : « Personne avant Nelson n’avait appréhendé si profondément le
caractère du pays. Ni montré, sans voile mystificateur, l’essence même de la nature
humaine. Le portrait sans retouche de l’individu, effrayant à beaucoup d’égards, fascine en
réalité et assure sa pérennité à la dramaturgie rodriguéenne ». Après un rejet très violent des
critiques, Nelson Rodrigues devient le dramaturge essentiel du Brésil, il invente une forme
singulière basée sur le flash-back, et la représentation scénique du rêve et de l’inconscient.
Alain Ollivier dans les année 1990, a été le premier metteur en scène à faire entendre
dans notre pays l’écriture de Nelson Rodrigues, il a monté successivement Valse n°6, Ange
Noir et Toute Nudité Sera Châtiée. Traduit en 1990 par Angéla Leite- Lopes, Le Baiser sur
l’Asphalte va donc s’offrir au public français pour la première fois.
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Publications de Nelson Rodrigues en français
Valse n°6 et Dame des noyés - Editions Christian Bourgois. 1990.
Traduction Angela Leite-Lopes. Préface de Louis-Charles Sirjacq.
Collection "Le Répertoire de Saint-Jérôme".
Ange noir - Editions des Quatre Vents. 1988.
Traduction de Jacques Thiériot, précédée d'une présentation de
Sabato Magaldi.
La pièce a fait l'objet d'une nouvelle publication, Jacques Thiériot
ayant relu sa traduction pour la création de la pièce en France en
mars1996.
Toute nudité sera châtiée et Le baiser sur l'asphalte - Actes Sud
Papiers.
Traduction Angela Leite-Lopes (mai 1999).
Robe de Mariée - Actes-Sud Papiers. 1999.
Théâtre latino-américain contemporain (1940 - 1990). Traduction de
Jacques et Téresa Thiériot.
Le théâtre complet de Nelson Rodrigues est publié aux éditions Nova
Aguilar et Nova Fronteira (quatre volumes), publication accompagnée
d'une étude de Sabato Magaldi.
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Le Baiser sur l’Asphalte- une tragédie brésilienne moderne
I- L’histoire
Cunha, commissaire de police aux pratiques plus que douteuses, a de bonnes raisons
de se plaindre du journaliste Amado Ribeiro, à cause de ses articles, il a perdu toute
crédibilité et sa carrière est compromise : celui-ci l’accuse d’avoir frappé une femme
pendant sa garde à vue l’obligeant à avorter. Tentant de faire oublier ce scandale, Amado,
toujours à la recherche d’un « scoop » et avide de reconnaissance, vient lui proposer une
nouvelle affaire. L’après- midi même il a assisté à une scène propice aux commentaires et
aux interrogations : un bus a renversé un jeune homme et un passant s’est jeté sur la victime
pour l’embrasser sur la bouche avant qu’elle ne meure. N’y a-t-il pas là matière à une
enquête délicieusement scandaleuse, qui réunirait tout le monde dans une belle unanimité
contre l’homosexuel présumé ? Cunha et Amado décident d’en savoir plus sur ce fait divers.
Ils n’hésiteront pas à utiliser tous les moyens pour déformer et tirer le meilleur parti de cette
histoire qui les aidera, pensent-ils, à grimper les échelons sociaux de leur profession.
L’homme qui a embrassé le mourant s’appelle Arandir et il est marié. Après une garde
à vue musclée menée par le journaliste et le commissaire qui l’accusent d’être homosexuel
et d’avoir commis un adultère, il rentre chez lui où sa femme, Selminha, l’attend.
Le lendemain, le journal de Amado Ribeiro met à la une, la photo d’Arandir barrée
d’un titre explicite: Le baiser sur l’Asphalte. Progressivement se dessinent les ravages que
provoque la presse à scandale dans la vie d’Arandir. Ses collègues de bureau veulent des
explications et l’accusent d’être homosexuel. Selminha, elle, est confrontée aux moqueries
de ses voisines et surtout aux insinuations de son père, Aprigio, qui fait tout pour l’éloigner de
son mari. Le doute s’installe en elle. Arandir de son coté à du mal à se justifier et devient de
plus en plus isolé. Il trouve du réconfort dans les bras de Dalia, sa belle- sœur, amoureuse de
lui en secret.
La tension grandit entre Selminha et Arandir : la veuve de l’homme renversé par le
bus, payée par le commissaire, lui confirme que son mari et Arandir entretenaient des
rapports intimes. Fuyant la calomnie, Arandir se réfugie dans un hôtel bon marché pour
prendre du recul sur la situation. Là, il reçoit la visite de son beau-père qui lui sera fatale.
II- pourquoi monter cette pièce- choix thématiques
La manipulation médiatique : la parole qui tue.
Le Baiser sur l’Asphalte n’est pas une pièce revendicatrice ou qui entendrait
dénoncer la stigmatisation d’une communauté sexuelle. Le message délivré par Rodrigues
dans cette pièce est bien plus universel. La manipulation médiatique, la rumeur, la parole qui
tue sont les éléments fondateurs de ce texte. La raison de mettre scène Le Baiser sur
l’Asphalte aujourd’hui se situe là. Dans nos sociétés où celui qui ne possède pas la force
oratoire est écrasé, il nous semble important de donner à voir les rouages d’une parole
mensongère véhiculée par les médias. C’est en ce sens que le message de Rodrigues
résonne à notre époque. La parole télévisuelle a un impact incroyable au Brésil comme en
France et s’adresse de manière inquiétante à tout un chacun avec force et sans remise en
cause réelle. Le Baiser sur l’Asphalte en est le témoignage glaçant. Nous nous attacherons
donc à mettre en valeur le fonctionnement de la rumeur plutôt que son propos.
La cellule familiale : la crise du patriarcat.
Rodrigues, notamment à travers le personnage de Selminha, dénonce aussi
l’hypocrisie et les non dits de la cellule familiale. A l’acte I, elle proclame comme pour
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conjurer le sort : « Papa, je suis la femme la plus heureuse du monde ». Dès lors, Rodrigues
n’aura de cesse de laisser apparaître les failles et les zones d’ombre de la vie de Selminha et
de sa famille, devenant ainsi le symbole des scléroses de nos sociétés modernes. La moitié
des scènes du Baiser sur L’Asphalte se passe dans la maison de Selminha (Sept scènes sur
quatorze que contient la pièce). Rodrigues se plait à décrire, avec beaucoup d’ironie,
l’intérieur de la famille brésilienne. Il en fait ressortir les horreurs et les pulsions dramatiques.
C’est surtout la figure du père qui est attaquée (comme dans toutes les pièces de
Rodrigues de cette époque). Dans le baiser, Il nous montre un père en pleine quête
d’identité, n’assumant plus le pôle virile et stable que la société latine (au sens large) a
toujours attaché à l’image paternelle. Rodrigues se sert d’ailleurs d’un procédé
mélodramatique à la fin du Baiser pour finir de brouiller définitivement l’image tant protégée
du « père ». Interrogeant ainsi les fondements de nos référents latins et européens.
L’éthique individuelle incorruptible.
Le Baiser sur l’Asphalte est aussi une pièce politique. Pas seulement parce qu’elle
illustre la corruption des fonctionnaires de l’état et des journalistes, mais surtout parce qu’elle
répond à une conviction profonde de Rodrigues. Pour lui, toute unanimité est bête, seule une
éthique individuelle incorruptible est la forme supérieure de l’existence. Rodrigues, dans ces
écrits, cite à de nombreuses reprises le Dr Stockman, protagoniste de Un Ennemi du Peuple
d’Ibsen, qu’il aimait tant : « l’homme le plus puissant du monde est aussi le plus seul ». Il fait
dire à son personnage principal, alors que celui-ci approche de la mort : « Dalia, écoute,
dans toute ma vie, la seule chose qui mérite d’être sauvée c’est ce baiser sur l’asphalte !
Pour la première fois de ma vie ! Pour un instant je me suis senti bon ! (…) c’est merveilleux !
C’est merveilleux, les gens ne peuvent pas comprendre. Merveilleux de donner un baiser à
qui est en train de mourir. Je ne regrette pas, non. Je ne regrette pas. ». Arandir représente
ainsi une figure de la pureté morale. Juste et bon, donc forcément seul face au chœur des
médiocres.
III- construction dramatique- appuis pour la mise en scène
Une narration implacable.
La construction narrative de la pièce est une machine de destruction implacable.
L’action se passe en quatorze scènes réparties sur trois actes de longueur égale. Le
changement de tableau est constant pendant ces trois actes. On peut relever sept tableaux
différents qui s’enchaînent pendant un même acte. Par exemple, dans l’acte I, on passe du
commissariat à la maison de Selminha pour revenir au milieu de l’acte au commissariat. Les
scènes sont donc jointes par un montage cinématographique tranchant. Un langage
elliptique continu, comme c’est le propre de toutes les pièces de Rodrigues, y correspond.
Ce langage ne sert pas seulement à caractériser tel ou tel personnage ; il souligne aussi le
rythme échevelé de l’action où tout se bouscule. La scénographie du spectacle devra donc
respecter cette construction narrative en « scènes simultanées ». Nous créerons un espace
lisible pour chaque tableau sans appesantir le rythme du spectacle avec des changements
de décor trop imposant.
Le mélange des genres
La modernité du baiser réside aussi dans le mélange de différents styles de théâtre.
D’un coté Rodrigues revalorise l’esthétique populaire et n’hésite pas à tirer les situations vers
le kitsch ou le mauvais goût (comme par exemple la scène avec la veuve et le corps de son
mari qui « exhale ».). L’action, comme nous l’avons déjà dit, se passe dans les familles de
classe moyenne de Rio de Janeiro. Les personnages emploient donc un langage un peu
désuet (surtout Selminha et son père) ou vulgaire (le commissaire et son délégué).
Rodrigues confronte cet univers populaire à un genre plus noble, celui de la tragédie.
Il en utilise tous les codes : les personnages sont guidés par leurs pulsions sexuelles, par leurs
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passions. Il existe aussi une certaine fatalité leurs destins, tout comme les malédictions qui
frappaient les familles grecques. Chaque personnage représente une entité obsessionnelle
propre : la société, le couple, le malheur, l’espoir. En mêlant ces deux éléments l’auteur
progresse inexorablement vers un dénouement qui introduit un événement inattendu et
plutôt mélodramatique. Cette « révélation finale » provoque un volte- face dans
l’expectative construite par la pièce, en introduisant un élément, sinon invraisemblable, du
moins non préparé dramaturgiquement de manière efficace. C’est un moyen pour l’auteur
de mêler code tragique et code mélodramatique pour éviter toute complaisance et
permettre à la mise en scène d’échapper au réalisme.
Les dialogues : le vers rodriguien
Comme nous l’avons explicité précédemment, Rodrigues introduit dans sa technique
narrative la flexibilité du cinéma et les flottements de l’inconscient. De là, existe une
constante rupture du langage réaliste, même si personne mieux que lui, au brésil, n’a su saisir
au vol la vivacité du parler populaire. Les dialogues font alterner, selon la nécessité, la phrase
aseptisée, voire incomplète, et l’envolée poétique, libérée de toute préoccupation
quotidienne. Il crée un rythme particulier, une tension de jeu d’une extrême théâtralité. Les
personnages ne se construisent pas à partir de ce qu’ils disent, ils sont impulsés par l’acte de
parler. Il faut cependant noter qu’il n’ y a pas, de la part de Nelson Rodrigues, de volonté de
reproduction de ce qu’on appelle le langage parlé. Ce sens de la langue entraîne un travail
de création, car l’auteur emprunte à la structure propre au portugais parlé au Brésil les
ressorts de la théâtralité.
IV- principaux axes de mise en scène
Le chœur des acteurs- le chœur des médiocres
« Dans la tragédie, le langage est détenu par le peuple- chœur (…). C’est son verbe qui fait
de l’événement autre chose qu’un geste brut, et par le pouvoir de liaison propre à l’homme,
tissant la chaîne des mobiles et des causes, constitue la tragédie comme une Nécessité
comprise, c'est-à-dire une Histoire pensée »
Roland Barthes,
Revue Théâtre Populaire n°2
Notre inscription générationnelle est celle d’années où les utopies communautaires- le
communisme entre autre- se sont effondrées, tandis que l’individualisme a montré plus que
ses limites. Faire du théâtre, mettre en scène le Baiser sur l’Asphalte c’est avant tout se
poser une question : comment être ensemble ?
Nous tenterons de privilégier l’énergie collective des acteurs, la musicalité du
traitement du texte, sa dimension lyrique, poétique et quotidienne. Nous fixerons des
codes, des règles de jeux formels communs posés comme principes régissant le plateau.
Ces principes afficheront une reconnaissance directe du spectateur comme destinataire.
A ce titre, Le sou titre du Baiser sur l’Asphalte choisi par Nelson Rodrigues est
important : Tragédie Carioca, autrement dit, tragédie de Rio de Janeiro. Par cette
indication on veut souligner que Rodrigues inscrit son texte comme une tragédie antique,
d’où l’importance d’utiliser un chœur d’acteur pour refléter les méandres de la narration.
Cette notion semble essentielle au regard de l’universalité de l’histoire du Baiser sur
l’Asphalte. Car le chœur représentera aussi le regard de la société qui juge et qui infléchit
le cours du drame qui se joue devant nous. Ils représenteront le « chœur des médiocres »
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face à la bonté d’Arandir, qui restera désespérément seul. Au fur et à mesure de la
narration nous insisterons sur la solitude du personnage. Lentement, Selminha et Dalia (les
alliées d’Arandir) rejoindront le chœur des médiocres (de la société), entraînant Arandir
vers la mort.
Le chœur sera aussi un point d’équilibre entre les trois personnages « narrateurs »
(Cunha, Aruba, Ribeiro) et les quatre personnages de la famille victime. Dès qu’un acteur
quittera le jeu il rejoindra le chœur et se positionnera par rapport à lui. Le chœur sera aussi
responsable de l’unité et de l’équilibre du plateau.
Les comédiens seront donc amenés à travailler la neutralité de leur corps en position
debout et à prendre conscience qu’un simple mouvement de regard a une signification s’
il est fait en accord avec le groupe. Dès les premières répétitions notre travail préparatoire
sera d’ailleurs consacré à la formation de ce chœur et à la recherche de sa cohérence
scénique. Cela nous permettra aussi de poser les fondations de notre travail pour que les
acteurs portent la même parole théâtrale et la défendent à l’unisson.
Une scénographie consacrée aux comédiens
Avec le souci de raconter une histoire, le plus simplement possible, la scénographie
valorisera l’être humain présent sur le plateau et la parole prononcée. En ce sens, nous
travaillerons sur un espace scénique nu où seuls les éléments les plus représentatifs seront
présents comme par exemple une machine à écrire pour représenter un bureau ou une
table avec les éléments du dîner pour représenter un intérieur familiale. Nous jouerons sur la
fluidité des changements de décor pour respecter le rythme de scènes simultanées qui
fondent le rythme de la pièce. Tous les éléments seront mobiles et joueront sur l’éphémère,
le fragile et le provisoire relatif à la théâtralité.
Nous insisterons sur la prise en charge collective du plateau. Visuellement, le plateau
sera donc consacré aux comédiens. C’est leur corps et leur parole qui seront mis en valeur.
Ils seront tous présents du début à la fin, sans sorties. Ils coexisteront donc tour à tour dans
l’action et hors de l’action.
Notre principe scénographique se déterminera au cours des répétitions avec les
acteurs. Il s’agira de partir de l’ensemble pour construire du jeu sur le plateau et non de
réinstaurer après coup de l’unité sur un plateau hiérarchisé et scindé.
Le phrasé de Nelson Rodrigues- le rythme du spectacle
Le phrasé de Nelson Rodrigues oscille toujours entre réalisme et poésie. Ces répliques
issues de l’acte I du Baiser sur l’Asphalte en sont le meilleur exemple :
Selminha : « et je te dirai même plus. Parfois je pense. Que. Je pense que papa a
davantage ressenti mon mariage que la mort de maman. Il ne vient jamais à la maison.
Ne téléphone même pas. C’est moi qui l’appelle. Ou alors. Il n’aime pas Arandir. Tu pense
que. »
Ou encore dans l’acte III :
Arandir : « Plus jamais. C’est dire que. On me traite d’assassin et. Je sais ce qu’ils veulent ces
crétins ! Ils veulent que je doute d’un baiser qui. Je n’ai pas dormi Dalia, je n’ai pas dormi.
J’ai passé une nuit blanche ! J’ai vu le jour se lever. Et je n’ai fais que penser au Baiser sur
l’asphalte ! Je me suis demandé, à moi, mille fois : -si un homme entrait ici, maintenant, un
homme. Un homme. Et. (…)
A la lecture de ces deux vers, la spécificité de l’écriture de Nelson Rodrigues saute
aux yeux. Il utilise des mots et des structures syntaxiques simples, parfois même populaires,
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en les syncopant. Jouant ainsi sur le rythme des phrases, obligeant le comédien à
appréhender son texte comme une véritable partition musicale. Par cette manière d’écrire
ses dialogues, Rodrigues influe directement sur le rythme du spectacle. La narration est
toujours en marche et ne s’arrête jamais, il n’y a pas de pause dramaturgique. Les
personnages sont emportés par l’histoire sans avoir de réflexion sur celle- ci, et donc, sans
pouvoir la dominer. C’est la force des dialogues de Rodrigues. Il met ainsi en évidence la
force de la parole sur les esprits et la nécessité de posséder l’art rhétorique pour se
défendre dans une société où tout est communication et parole. Arandir par exemple, le
protagoniste principal de la pièce, ne possède pas cet art de la rhétorique et meurt écrasé
par ceux qui le possède comme le journaliste qui utilise cet art de la parole comme une
arme.
Partant de cette réflexion, nous axerons le travail sur la mise en valeur de la prise de
parole, sur son échec parfois, et surtout sur son pouvoir meurtrier. La force de la rumeur
publique qui décime une famille. Dans ce but, une question nous guidera dans les premiers
de temps de répétition: comment se faire entendre, avec quels moyens et surtout pour
qui ? Nous tenterons de remettre en cause nos acquis linguistiques, la sonorité, la diction et
la prononciation et surtout notre rapport à l’adresse sur un plateau de théâtre. Certains
passages du texte seront dits dans la langue de l’auteur, en portugais, pour retrouver
l’origine et les rythmes de la langue de Nelson Rodrigues. Certains comédiens français
diront donc aussi certains courts passages en portugais passant d’une langue à l’autre
laissant échapper un autre rapport aux mots et à la langue.
V- univers scéniques
Exemples de scénographies Chorales
La Mouette d’Anton Tchékov mis
en scène par Eric Lacascade.
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Verratenes Volk, mise en scène d’Einar schleef.
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Pistes pour la direction d’acteurs: entre réalisme et monstruosité
Exemple pour le personnage de Selminha : une caricature de la ménagère des années 60
qui laisse entrevoir des pulsions refoulées et une lâcheté mesquine.
Mullholland Drive de David Lynch
Exemple pour le duo Aruba/ Cunha: Comme les deux protagonistes de Funny Games, Cunha
et Aruba détruisent le noyau familiale avec une extrême violence, froide et contenue.
Funny Games de Michael Haneke
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L’équipe artistique
Mise en scène : Thomas Quillardet
Après avoir suivi de nombreux ateliers de théâtre au Lycée Montaigne sous la
direction de Christian Gonon, il rentre en 1998 aux Ateliers du Sapajou, dirigés par Annie Noël.
Il y suit des cours d'interprétation, de chant, de diction et d'acrobatie sous la direction de
Philippe Carbonneaux, Arnaud Meunier, Paul Golub et Valentine Cohen. A la suite de cette
formation, il rencontre Stanislas Nordey, dans le cadre d'un stage au Théâtre National de
Bretagne. Il retravaille avec lui en mai 2003.
Il rentre en 2000 dans la compagnie Jean-Louis Martin-Barbaz où il devient l'assistant à
la mise en scène d'Hervé Van der Meulen sur un opéra de Jacques Offenbach, et Le
Triomphe de l'Amour de Marivaux. C'est également au sein de cette structure qu'il joue sous
la direction de Patrick Simon dans Le Repas de Valère Novarina, et sous la direction d' Yveline
Hamon dans Les Trois Sœurs et La Cerisaie de Tchekov. Pour ces deux spectacles il réalise
cinq courts-métrages. Il interprète aussi le rôle de Frontin dans Le Petit Maître Corrigé de
Marivaux mis en scène par Sabine Gousse au Théâtre de La Tempête à la Cartoucherie. Il
joue enfin dans La Cuisine d'Arnold Wesker mis en scène par Jean-Louis Martin- Barbaz au
Théâtre Sylvia Monfort.
En 2002, il décide de se consacrer à la mise en scène et fonde la Compagnie
Mugiscué avec laquelle il crée Les Quatre Jumelles de Copi au théâtre Essaïon et à Agitakt
en 2004. Il travaille actuellement à la préparation d’un festival de dramaturgie brésilienne
dans la cadre de Brésil, Brésils- une saison brésilienne en France. Il dirige aussi des ateliers
théâtre en milieu scolaire. Il y sensibilise ses jeunes élèves à l’écriture théâtrale
contemporaine. Il crée en ce moment, dans le cadre des Cartes Blanches du Conservatoires
National d’Art Dramatique, une Visite Inopportune de Copi avec des élèves de cette
institution.
Traduction : Angéla Leite- Lopes
Après des études de théâtre à l'Université de Rio de Janeiro, de 1976 à 1981, elle a
soutenu une thèse de doctorat en philosophie sur Le tragique dans le théâtre de Nelson
Rodrigues à l'Université de Paris I en 1985. Cette thèse a donné lieu au livre Nelson Rodrigues,
trágico, então moderno, paru en 1993 à Rio de Janeiro, aux éditions UFRJ/Tempo Brasileiro.
En 1990, Christian Bourgois Editeur publie sa traduction de Valse n° 6 et Dame des
Noyés de Nelson Rodrigues. Elle a également traduit du même auteur Le Serpent qui a fait
l'objet d'une lecture mise en espace au Centre Georges Pompidou à Paris, en 1992.
En 1998, Deux perdus dans une nuit sale de Plínio Marcos a été publié dans sa traduction par
Funarte. La pièce a été lue au Salon du Livre de Paris en mars 1998 par Thierry Trémouroux et
Emílio de Mello et au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis sous la direction de Michel Didym
dans le cadre de la manifestation "Du monde entier" en 1998.
Pour le théâtre brésilien,
elle a traduit des pièces françaises : Le Cid de Corneille et Tailleur pour Dames de Georges
Feydeau, mais aussi les pièces de Valère Novarina et de Serge Valletti. Elle a collaboré au
livre La scène moderne de Giovanni Lista aux éditions Carré/Actes-Sud.
Depuis juillet 1998, elle enseigne aussi au Cours d'Arts Scéniques de l'Ecole des BeauxArts de l'Université Fédérale de Rio de Janeiro.
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Dramaturgie : Maria Clara Ferrer
Née à Rio de Janeiro, au Brésil, elle arrive en France en 1996 à l’âge de quatorze ans.
Elle suit une formation de comédienne au Studio Alain de Bock entre 1998 et 2000. En 1999,
elle joue dans le spectacle Chahut (crée à partir des textes de Thomas Bernhard) mise en
scène par Sylvia Roche, présenté au festival d’Avignon. Elle joue dans un spectacle de caféthéâtre Récits de Femmes de Dario Fo. En 2001 dans le cadre d’un cours d’initiation à la mise
en scène, elle rencontre le metteur en scène Jacques David. Elle suit avec lui pendant deux
ans un stage : « Formation à la Création Théâtrale », à l’issu duquel elle joue dans le
spectacle L’hospice des comédiens, d’après Marat-Sade de Peter Weiss. En parallèle, elle
suit des études universitaires d’Art du Spectacle à Paris III. En 2003, elle traduit la pièce J’étais
dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce pour le portugais du
Brésil. Elle fait différents stages : clown (avec Serge Poncelet), voix-chant (avec Farid Paya),
danse-théâtre(avec Pascal Queneau). Elle participe au CDN de Nancy à un stage de jeu
avec François Berreur sur le théâtre de Lagarce. En 2004, elle écrit sa première pièce
Célébration, qu'elle met en scène actuellement.
Scénographie : Mélina Vernant
C'est en 1998 qu'elle s'essaye pour la première fois à la scénographie de théâtre dans
un atelier de son lycée. Elle décide par la suite, après des études en arts du spectacle,
d'intégrer une école d'art en 2000. Là elle se spécialise dans la photo et dans le graphisme.
Elle réalise diverses installations plastiques qui seront exposées dans un squat d'artistes à
Montreuil. En 2002, en rentrant aux Beaux Arts de Paris, elle suit des ateliers pour appréhender
la création d'univers sonores particuliers, qu'il s'agisse de musique ou de sons crées de toute
pièce. Elle participe en Juillet 2003 à une rencontre internationale d'art contemporain à
Bordeaux. En mai 2004 elle est à l’initiative d’une exposition de vêtements faits sur mesure
dans le hall des Beaux Arts. Elle expose aussi à Beyrouth dans le cadre d’un échange
international.
COMEDIENS
Alice Le Strat- Selminha
Après deux années de formation passées au conservatoire municipal du 18 ème
arrondissement de Paris, elle intègre en 2000 l’école de Jean Louis Martin Barbaz à Asnières.
Dabs cette structure, elle suit des cours d’interprétation, de chant d’escrime, de danse. Elle
travaille avec Chantal Deruaz et Patrick Simon. A la suite de cette année de formation elle
entre à l’école du théâtre National de Strasbourg (T.N.S) pour trois ans. Elle travaille, avec
Daniel Znick, Guillaume Vincent. En 2003, elle joue Collapsars, mis en scène par Gildas Milin.
En 2004, à sa sortie du T.N.S, elle joue dans Lulu mis en scène par Stéphane Braunshweig.
Membre du Jeune Théâtre National, elle intègre Mugiscué en 2005.
Julien Saada- Cunha
Il intègre le cours Florent, en 1997 où il tavaille pendant trois ans avec Christian
Cloarec. En 2000, il entre au Studio- Théâtre d’Asnières. Ses professeurs sont : Hervé Van Der
Meulen, Jean Louis Martin Barbaz, Chantal Deruaz. Il reste dans cette école un an et intègre
le Conservatoire National de Paris (C.N.S.AD). Pendant trois ans il va travailler notamment
avec, Eric Ruf, Joël Jouanneau, Phillipe Adrien et Daniel Mesguich. Parallèlement, il joue Le
Marchand de Venise à la Comédie Française sous la direction d’Andrej Seweryn. Membre du
J.T.N depuis 2004, il intègre Mugiscué en 2005.
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Claire Lapeyre Mazerat- Dalia
Elle rentre en 1998 à l’école du Théâtre National de Chaillot où elle suit des cours
d’interprétation, d’improvisation et de danse. En 2000 elle entre à l’école du studio, dirigée
par Jean Louis Martin Barbaz. Elle joue sous la direction de Patrick Simon et de Yveline
Hamon. En parallèle, elle joue à Blois et à AVIgnon avec la compagnie du Hasard, sous la
direction de Nicolas Peskine. En 2001, elle crée Lez’armuses et met en scène La Nuit des Rois
de Shakespeare qui sera joué à Bangui, dans le cadre d’un échange Franco- africain. En
2003, elle intègre l’école du C.D.N de Limoges dirigé par Pierre Pradinas. Là, elle travaille
avec Claudia Stavisky, Mathias Langoff et Paul Chiributa.
DISTRIBUTION EN COURS
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Antoine Aubry (musicien), Zineb Benzekri (danseuse), Raphaèle Bouchard (comédienne),
Jeanne Candel (comédienne), Emmanuel De Sablet (administrateur du projet Brésil),
Daniel Collados (comédien), Maria Clara Ferrer (auteur), Sylvain Fournel (administrateur),
Julie Jacovella (comédienne), Flora Guillem (attachée de presse), Marie Kousnetsova
(comédienne), Julie Kpéré (comédienne), Audrey Lamarque (comédienne), Claire LapeyreMazerat (comédienne),Alice Le Strate (comédienne), Aliénor Marcadé- Séchan
(comédienne), Marie Musset (comédienne), Thomas Quillardet (metteur en scène),
Aurélien Vernant , (conseil rédactionnel), Mélina Vernant (scénographe),
Martin Vielajus (metteur en scène).
2004- 2005 : les activités
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Du 6 avril au 8 mai 2004 : Hilda de Marie Ndiaye au théâtre du Proscenium.
Du 20 septembre au 16 octobre 2004 : Les Quatre Jumelles de Copi à Agitakt.
- 13 seprembre au 10 novembre 2005 : Manifestation Teatro em Obras.
- Ateliers artistiques en milieu scolaire avec le rectorat de Paris
Contacts
Compagnie mugiscué
3 rue Ernest Renan
75015 Paris
Emmanuel de Sablet, administrateur :
06 60 44 40 26/ 01 45 70 89 60
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