Nelson Rodrigues : l’affirmation d’un théâtre d’identité
brésilienne
Nelson Rodrigues est né à Recife en 1912.
En 1917, sa famille vient s'établir à Rio de Janeiro où son père, journaliste, fonde le
quotidien A manha où Nelson fait à treize ans ses débuts à la rubrique des faits-divers.
Il écrit sa première pièce, La femme sans pêché, en 1941. En 1943, sa seconde pièce, Robe
de mariée, révolutionne les traditions théâtrales au Brésil et les conceptions scéniques en
usage. Il obtient là le plus grand succès de son théâtre. Les pièces qui suivirent, Album de
famille (1945), Ange noir (1946), Dame des noyés (1947), sont interdites par la censure. Il se
voit obligé de rencontrer lui-même les autorités pour les convaincre de lever les sanctions.
Album de famille ne sera pas autorisé pendant vingt ans. Bon nombre d'intellectuels se
prononcent contre son théâtre. Il décide de nommer son théâtre, "théâtre désagréable". Il
écrit à ce propos : « Avec Robe de mariée, j'ai connu le succès; avec mes pièces suivantes,
je l'ai perdu et pour toujours. Dans cette observation il n'y a ni regret ni dramatisation. Il y a
simplement la reconnaissance d'un fait et son acceptation. Car depuis Album de famille, j'ai
pris une voie qui peut désormais me conduire vers n'importe quel destin sauf celui de la
gloire. Et quelle serait cette voie ? Je réponds : celle d'un théâtre que l'on pourrait qualifier de
désagréable. Et pourquoi "pièces désagréables" ? Certains l'ont déjà dit, parce qu'il s'agit
d'œuvres pestilentielles, fétides, capables à elles seules de provoquer le typhus et la malaria
parmi le public. »
Les dix-sept pièces qui constituent sa dramaturgie, et qui ont été répertoriées par son
exégète et ami Sabato Magaldi en trois cycles, les tragédies mythiques, les pièces
psychologiques, et les tragédies cariocas, ont été composées avec régularité jusqu'en 1965. Il
n'écrira ensuite plus que deux pièces.
Nelson Rodrigues est l'auteur de nombreux romans publiés sous le pseudonyme de
Suzana Flag. Avec, à la fin des années cinquante, la publication quotidienne dans le journal
Ultima Hora de ses chroniques La vie comme elle est, sa célébrité et sa renommée se
propagent alors dans tout le Brésil.
Après sa mort survenue le 21 décembre 1980, à l’age de 68 ans, Nelson Rodrigues
devient le dramaturge le plus représenté et le plus respecté du théâtre moderne brésilien.
Sabato Magaldi, ami du dramaturge nous donne une tentative d’explication dans son texte,
A peça que a via prega : « Personne avant Nelson n’avait appréhendé si profondément le
caractère du pays. Ni montré, sans voile mystificateur, l’essence même de la nature
humaine. Le portrait sans retouche de l’individu, effrayant à beaucoup d’égards, fascine en
réalité et assure sa pérennité à la dramaturgie rodriguéenne ». Après un rejet très violent des
critiques, Nelson Rodrigues devient le dramaturge essentiel du Brésil, il invente une forme
singulière basée sur le flash-back, et la représentation scénique du rêve et de l’inconscient.
Alain Ollivier dans les année 1990, a été le premier metteur en scène à faire entendre
dans notre pays l’écriture de Nelson Rodrigues, il a monté successivement Valse n°6, Ange
Noir et Toute Nudité Sera Châtiée. Traduit en 1990 par Angéla Leite- Lopes, Le Baiser sur
l’Asphalte va donc s’offrir au public français pour la première fois.