Emprise publicitaire
La publicité récente de McDonald’s cherche donc à « bousculer les idées reçues » selon le titre de
l’encart, et à démontrer que, vraiment, le « Big Mac » ne fait pas grossir : puisqu’un menu « Best
of », qui apporte la bagatelle de 987 calories, ne couvrirait que 35 % à 40 % des besoins
caloriques journaliers des Français, pourquoi s’en priverait-on ? Hélas ! les données de
McDonald’s sont dépassées depuis trente ans au moins. De plus en plus sédentaire, le
consommateur occidental dépense moins de 1 800 calories par jour en moyenne (contre 5 000
pour le chasseur nomade de la préhistoire et 3 000 pour l’agriculteur du XIXe siècle). Entre
sodas, barres de céréales et autres grignotages « énergétiques », il ingurgite au moins
200 calories de junk food par jour. Il ne lui reste plus que 1 600 calories à consommer pendant
les repas pour rester à l’équilibre énergétique, et donc ne pas grossir.
Le calcul est simple. Avec, à midi, un menu « Best of Big Mac » avec des frites, il reste
600 calories à répartir entre le dîner et le petit déjeuner. Lequel devrait constituer, à en croire un
autre mythe créé de toutes pièces, et sans aucun fondement scientifique, par les marchands de
céréales (Kellog’s, Nestlé...), au moins un quart de notre ration calorique quotidienne (soit pas
loin des 600 calories restantes). Bref, ne dînez pas, et surtout pas des petits plats « allégés » tout
préparés vantés par les mêmes industriels de l’agroalimentaire, qui sont souvent plus caloriques,
plus riches en graisses et bien plus salés que leur équivalent préparé à la maison (3).
De même, après un happy meal (« repas heureux ») au McDonald’s – 760 calories, soit 50 % des
besoins énergétiques d’un enfant de 5 ans –, mettez votre bambin à la diète, surtout s’il a pris des
céréales particulièrement riches en sucres et en graisses au petit-déjeuner !
Alors, que faire ? Faudrait-il interdire la publicité télévisée pour ces produits, notamment lors
des plages horaires consacrées aux enfants ? Certainement pas ! répondent les producteurs
d’émissions enfantines, qui verraient ainsi leurs ressources diminuer d’environ 40 %. Ceux-ci
insistent sur la diversité des causes de l’obésité chez l’enfant : absence des parents lors des repas,
manque d’exercice physique (en partie lié au temps passé devant la télé) ; et bien évidemment
importance... des produits tout préparés dans l’alimentation quotidienne. Au contraire, pour la
British Diabetes Association, qui pousse les pouvoirs publics britanniques à agir en ce domaine,
une régulation, voire une interdiction totale, s’impose.
A l’appui de cette thèse, on peut citer des chiffres : sur les 22 minutes de publicité que regardent
chaque jour les petits Britanniques, un cinquième concerne des céréales présucrées, des
confiseries, des chips, des boissons sucrées ou des produits de restauration rapide. Alors que les
dépenses pour ces produits représentent 59 % du total du chiffre d’affaires de la publicité
télévisée dans le secteur de l’alimentation, ce pourcentage s’élève à 77 % durant les plages
horaires des émissions enfantines – et, si l’on ajoute les produits lactés, respectivement 78 % de
l’ensemble des programmes et 96 % de ceux qui sont destinés aux enfants (4). Or, sans que l’on
puisse prouver la causalité, on constate que les enfants regardant beaucoup la télévision
consomment davantage ce type de produits (5).
Le débat est ouvert et il sera sans doute un des enjeux de la révision prochaine de la
réglementation européenne de la télévision (6). En attendant, si vraiment McDonald’s et les
autres compagnies de fast-food veulent agir pour la santé publique, qu’elles cessent de s’abriter
derrière des salades alibis, visant bien plus à attirer de nouvelles catégories (femmes actives) qui
boudaient leurs restaurants qu’à modifier le comportement alimentaire de leur cœur de cible.
Qu’elles modifient plutôt la charge calorique de leurs produits- phares : avec un peu moins de
mayonnaise et de graisses dans le pain, le menu « Big Mac » peut passer sous la barre des
800 calories, soit 20 % en moins, surtout si l’on ose remplacer les sacro-saintes frites ne serait-ce
que par un autre féculent non frit.
A moins, évidemment, que les sociétés de restauration rapide n’aient de bonnes raisons pour ne
pas le faire. Les nutritionnistes de l’agroalimentaire connaissent bien cette étonnante réalité
physiologique : si le cerveau humain est capable d’évaluer la teneur en énergie des aliments et de
réguler son appétit en fonction de cette variable essentielle, cette aptitude disparaît au-delà d’une
certaine densité énergétique (7). Même si une mégabarre chocolatée (« Snickers », par exemple)
pèse 100 grammes, elle apporte plus de calories qu’un steak de 400 grammes servi avec pommes
de terre et brocolis. Mais, lorsque les aliments sont trop denses en calories, le cerveau, perdu,
n’arrive plus à calculer ce que le corps doit encore ingérer pour couvrir ses besoins.
Ce « grignotage » n’est pas considéré comme le repas qu’il est (la même chose est vraie pour les
sodas riches en sucrose ou en fructose dont le contenu calorique n’est pas identifié par le
cerveau). Serait-ce pour cette raison que la plupart des produits des fast-foods dépassent
allégrement cette limite ? Ainsi, plus les produits sont caloriques, moins ils induisent la satiété, et
donc plus ils incitent à continuer à consommer – qui résistera à un petit milk-shake de plus à
« seulement »... 365 calories ? Forcer l’agro-alimentaire à limiter la teneur énergétique de ses