journal-16-janvier-2017-1

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EDITORIAL.
« Le plus important : prendre son destin en main, comprendre
que le seul escalier menant au ciel est celui qu’on se construit
soi-même, sur terre » Terry Hayes.
Cette phrase m’a fort interpellée parce que je crois qu’elle est
très vraie.
Cet escalier ne se construit pas d’un coup avec une grue, une
bétonneuse et un bulldozer, il faut le réaliser marche par marche,
un taillant chaque pierre à la main afin qu’elles soient lisses,
s’emboîtent et se superposent parfaitement, ensuite il faut les
cimenter. Cet escalier s’élève petit à petit, jour après jour grâce à
toutes les petites choses de notre vie quotidienne.
C’est à chacun personnellement de faire le choix de sa vie et de
la mener comme il l’entend. Qui mieux que soi-même est
capable de louvoyer entre les méandres de la vie, de grimper
jusqu’au sommet des montagnes de respirer l’air pur et de
regarder le merveilleux panorama ou d’affronter la mer et tous
ses dangers pour profiter du calme après la tempête, d’être
sensible à la détresse d’autrui, mais aussi de saisir les mains
tendues pour nous venir en aide ? Chacun a la liberté de choisir
ce qu’il fera de sa vie. Il y aura des hauts et des bas, de grandes
joies et des déceptions, des épreuves et des bonheurs, mais nous
avons tous au fond de nous la faculté de surmonter ces
expériences positives et négatives. Bien sûr, il n’est pas toujours
évident de garder le cap, mais si l’on s’accroche au gouvernail et
que l’on croit à la vie et à l’amour, rien n’est impossible !
C’est à chacun qu’il revient d’emmagasiner tout l’amour que
l’on nous donne pour le faire rayonner autour de nous. Chacun
est libre de s’ouvrir au monde, à la vie et à l’amour, ou de rester
fermé comme une huître et d’être hermétique à l’autre.
L’amour, c’est donner, mais avant tout donner de soi : de son
temps, de son écoute, de sa compassion, de ses conseils, de son
énergie et de sa joie de vivre. C’est notre but et notre challenge à
au Fonds Vanessa Bolle. Lorsque nous voyons le sourire revenir
chez ceux qui souffrent d’anorexie et que nous sentons qu’ils
reprennent confiance et qu’ils retrouvent le respect d’euxmêmes, cela nous donne tant de joie !
Je vous souhaite une merveilleuse année 2017, une année
remplie d’amour et de paix !
Virginie BOLLE
L’Anorexie : une nouvelle addiction
Il est probable que l’on se soit trompé sur les critères
diagnostiques de l’anorexie mentale : les patientes n’auraient
pas peur de grossir, mais prendraient plutôt plaisir à
maigrir.
Laure, 18 ans, brillante élève, perfectionniste et très efficace dans
tout ce qu’elle entreprend, a peur de grossir. À la maison, la
jeune fille cherche tous les prétextes – appel de sa meilleure
amie, travail à terminer, etc. – pour ne pas se mettre à table ou ne
pas finir son assiette. Elle mange de moins en moins. Sa famille
s’en rend compte, mais la jeune fille, devenue maigre, rétorque
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qu’elle va très bien. Jusqu’au jour où elle doit être hospitalisée à
cause de sa maigreur, sa vie étant désormais en danger. Laure
souffre d’anorexie mentale. Aucun médicament efficace n’existe
à ce jour. Un pour cent des patientes décèdent chaque année (par
suicide ou dénutrition) : c’est la pathologie psychiatrique la plus
mortelle. Mais la recherche sur cette maladie piétine. Pourquoi ?
Peut-être parce qu'elle n’est pas correctement définie. C’est du
moins l’hypothèse émise par Philip Gorwood et ses collègues du
Centre de psychiatrie et de neurosciences de l’Hôpital SaintAnne, à Paris. Ils viennent en effet de montrer que les
anorexiques n’auraient pas peur de grossir, mais prendraient
plutôt plaisir à maigrir.
Selon le Manuel « Diagnostique et statistique des troubles
mentaux », l’anorexie mentale repose sur trois critères : une
restriction alimentaire menant à la perte de poids ; une perception
déformée de son poids et de son corps ; et une peur intense de
grossir. Les chercheurs ont testé ces critères directement auprès
de 70 patientes. Ils leur ont montré des images de personnes
maigres, avec un poids « normal » et en surpoids, tout en
évaluant leurs émotions à l’aide d’un test de « conductance
cutanée » qui mesure la transpiration de la peau. Les
photographies des personnes de poids normal ou en surpoids
provoquaient chez les patientes la même réaction émotionnelle
que chez les sujets témoins non anorexiques. En revanche, les
images de personnes maigres déclenchaient chez les anorexiques
des émotions positives. En d’autres termes, pour les patientes, la
maigreur serait « agréable ». De plus, les jeunes malades
estimaient très bien le poids des silhouettes qui leur étaient
présentées et savaient donc que les images qui suscitaient chez
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elles des émotions positives correspondaient à une grande
maigreur.
L’anorexie mentale serait dont associée au plaisir de maigrir.
D’autres études vont dans ce sens. On a montré que la ghréline,
l’hormone qui nous pousse à nous alimenter et dont la
concentration est très élevée chez les anorexiques, s’associe à la
dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le « plaisir »
(l’effet récompense), et en augmente ainsi la quantité dans le
striatum, une région cérébrale profonde appartenant au circuit de
la récompense (qui intervient aussi dans les addictions). Une
autre étude a même révélé par IRM fonctionnelle que le striatum
des patientes regardant des images de maigreur s’activait
fortement.
Récapitulons : les anorexiques ne semblent pas avoir de
mauvaise perception du poids, elles n’ont pas peur des images
d’obésité et apprécient la maigreur. Deux des trois critères de
diagnostic seraient-ils faux ? Gorwood n’hésite pas à répondre
« oui ». Comme lui, plusieurs chercheurs et médecins pensent
désormais qu’il ne faudrait pas considérer l’anorexie comme une
pathologie du registre de la phobie, mais plutôt comme une
maladie du même type que les addictions. De sorte que la prise
en charge ne serait pas la même !
Laure est soignée pour son évitement « phobique » des aliments
caloriques : on lui réapprend progressivement à accepter la
nourriture. Or il est probable qu’il faudrait plutôt la
« désintoxiquer ». La remédiation cognitive qui permet
d’améliorer la flexibilité mentale (les patientes étant souvent
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« obsédées » par l’envie de maigrir) pourrait être efficace, ainsi
que la thérapie de pleine conscience, pour « réapprendre » le
plaisir à manger.
Bénédicte Salthun-Lassalle
« Jamais seule… »
Sur quoi je m’appuie pour être heureuse de vivre, pour me
réjouir d’être vivante, pour m’émerveiller quand je pense à mon
existence, au fait d’être vivante, à mon corps, cette « machine »
inimaginable, incroyable, tellement extraordinaire, à mon
intelligence, ma sensibilité, ma profondeur intérieure ? Sur quoi
est-ce que je m’appuie pour me lever le matin, pour m’élancer
dans ma journée, pour prendre mes responsabilités, m’engager là
où il est bon que je le fasse ? Sur quoi je m’appuie pour dépasser
les forces d’inertie en moi... ?
Sur moi, rien que sur moi ?
Si je ne compte que sur mes propres fores, la tâche pourra
paraître bien lourde lorsque je traverserai un moment difficile,
lorsque je manquerai de confiance en moi, lorsque le doute
m’étreindra, lorsque des peurs m’envahiront, lorsque je ne
trouverai pas de sens à ma vie….
Comment ne pas me laisser déborder alors par des idées
négatives, quand je me sentirai fragile, seule, pas reconnue,
oubliée, abandonnée, pas écoutée, pas comprise, quand je n’aurai
qu’une image négative de moi-même…… ? Cela peut arriver à
un moment ou un autre d’un parcours de vie. Dans ces moments
de traversées douloureuses, comment me faire confiance pour
avancer ? Impossible, semble-t-il….
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J’ai connu de tels moments et ai appris à oser prendre le risque
de regarder ma vie avec une bonne dose d’humilité. Je ne suis
pas à l’origine de ma propre existence…. Et si je fais une
relecture objective du cours de l’Histoire, je me dois de consentir
au fait que La Vie n’est pas créée par l’Homme seul…. Elle est
reçue. Il y a bien sûr un processus d’évolution, puisque nous
sommes le produit d’une longue et lente évolution de l’espèce.
Mais au départ, au commencement de la vie - et quelle que soit
l’interprétation que nous donnions à ce « départ » -, il faut
reconnaître que la vie, le « vivant », est donné, qu’il n’est pas
fabriqué par une quelconque intelligence ou volonté humaine.
A partir de ce constat objectif, il est bon de prendre le temps
d’intégrer ce fait historique, de le laisser prendre de la place en
soi : « ma vie m’est donnée ». Chacun donnera une signification
qui lui est personnelle à ce don : je reçois ma vie de La Vie, je
reçois ma vie de l’Energie, je reçois ma vie de Dieu, Allah….
Mais toujours est-il qu’il y a un mouvement vivant qui est à
l’origine de la vie en moi. Il y a en moi comme une source de
Vie qui coule en moi, me donne d’être un(e) vivant(e), donne
vitalité à mon corps, me permet de faire des choix libres, de
donner une direction positive à mon existence, d’entrer en
relation.
Faire le pas de reconnaître cette Source de vie en soi-même est
capital. D’abord pour ne pas se sentir seul et abandonné à soi
seul aux heures difficiles lorsque la tristesse, la désespérance,
l’angoisse, le manque de confiance en soi se font lourds à porter.
Je peux alors rentrer en moi-même et chercher à entrer en contact
avec La Source en moi, descendre en moi-même et chercher les
traces dans mon corps de ce mouvement vital originel (la
respiration par exemple : je n’ai jamais rien fait de moi-même
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pour respirer dès le premier moment). A certains moments, il y
aura à dépasser le scepticisme qui peut se dresser en obstacle et
revenir à un constat objectif, intellectuel : je ne suis pas la source
de ma vie. Ce constat important me force à me rendre au réel. Je
peux alors entrer dans une gratitude pour tout ce possible en moi.
La gratitude est une attitude qui donne l’élan, la joie, le souffle.
Faire ce chemin est d’autant plus important si l’on réalise que
l’anorexie est de nature addictive. Si je deviens dépendant d’un
mécanisme de privation de nourriture qui me donne l’illusion
que je peux contrôler, comme je l’entends, le parcours de ma vie
en faisant fi des lois naturelles de la vie du corps, je vais alors à
contre-courant de ce cadeau de vie qui m’est fait. Je suis
prisonnier de l’illusion que j’ai tout pouvoir sur mon existence,
que je suis au-dessus des lois de la nature. Je me prends alors
pour l’origine de moi-même, ce qui va à l’encontre d’un constat
purement objectif et n’est donc qu’illusion.
Face à un processus d’addiction, il faut de manière répétée et
systématique opposer ce constat : je ne suis pas la source de ma
propre vie. Me le répéter encore et encore…. L’addiction me
rend dépendant d’une illusion, d’une tromperie ; se rendre à
l’évidence d’une vie reçue me rend à ma source qui n’a jamais
cessé de couler en moi depuis le premier instant…. Il faut
m’accrocher à ce réel de toutes mes forces, encore et encore et
demander le soutien de personnes qui peuvent m’aider à
reconnaître cette vie en moi. Le comportement addictif est une
prison ; la source de vie me rend libre.
Bernadette Lemaire
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A propos de certaines causes pouvant entraîner
l’anorexie
Notre société est une société d’image. Et l’image de la femme
qui nous est proposée est mince, voire plus, représentation
associée à un mode de vie valorisant et actif. Les images sont
retouchées, les mannequins sont elles-mêmes d’ailleurs souvent
anorexiques.
Les tailles des vêtements dans les magasins sont également en
décalage par rapport à la réalité. Phénomène qui crée là encore
frustration, sensation d’anormalité… Le souci essentiel est que la
plupart des femmes ne peuvent atteindre ces critères. Il y a une
part de génétique dans la morphologie ou la stature.
Il est par ailleurs étonnant de constater que culturellement, la
relation particulière entre une femme et son poids s’installe très
tôt. Statistiquement, les bébés de sexe féminin sont moins nourris
que ceux de sexe masculin. La mentalité « régime et restriction »
est très vite présente, car là où les garçons sont peu éduqués, on
insiste très précocement sur l’attention qu’elles doivent porter à
leur alimentation. Il y a déjà les prémisses d’une désorganisation
alimentaire où satiété, les besoins naturels sont déjà négligés ou
absents.
En dehors du point de vue strict de l'alimentaire et de l'image, de
manière plus psychologique et générale, la jeune fille ou la jeune
femme est également victime d'un conditionnement, le même
d'ailleurs que celui contre lequel les féministes montent
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régulièrement au créneau. Voici quelques éléments de ces
stéréotypes culturels, proprement judéo chrétiens :
- Les garçons ont le droit de prendre des risques, de faire des
bêtises. Les filles doivent être dans la retenue, la raison et la
précaution : anxiété et contrôle.
- Dans la vie relationnelle, le garçon a souvent le droit d'exposer,
d'agir en fonction de ses besoins et émotions. La jeune fille est
encouragée à la diplomatie, à s'effacer pour entretenir le lien
familial : inhibition et hyper empathie.
A ces phénomènes culturels viennent s'ajouter des éléments
contemporains : la femme travaille, participe activement à la vie
économique tout en gardant ses prérogatives familiales (ménage,
organisation...). Il y a un cumul dangereux qui vient augmenter la
pression et l'excès de contrôle.
Aujourd’hui, la femme moderne doit être à la fois :
- indépendante (subvenir à ses besoins)
- forte (lutter contre le sexisme, professionnel et social)
- sensible (être à l'écoute)
- séduisante (correspondre aux canons de l'époque)
- active (manger vite)
- libérée (être gourmande et se faire plaisir)
- maman (cuisinière et nourricière)
- au centre du lien familial
- mince (produits allégés…)
- naturelle (manger des produits sains)
- diététique (consommer des produits équilibrés)
- maitresse de ses affects négatifs
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- maîtresse de son corps (activité physique et sportive)
- maîtresse de son image (esthétique…)
Autre élément important, la femme moderne a également
l’opportunité de modeler son corps de manière artificielle
(chirurgie esthétique).
La femme moderne est sous contrôle : contrôle de sa vie, de soi,
de son image, de son alimentation, de ses émotions, de son corps,
de ses désirs, de sa liberté... Tout est contrôle : l'anorexie en est
l'expression paroxystique.
Voici donc un réel et micmac identitaire qui favorise le
développement de désordres alimentaires au gré de toutes ces
informations contradictoires et de l’impossibilité bien entendu de
s’y conformer intégralement.
L’anorexique a perdu toute confiance en elle. Si elle arrive à
retrouver cette confiance en elle, elle est sauvée. C’est ce
qu’essaye de faire le Fonds Vanessa Bolle. Personne ne
réalise à quel point faire confiance à une anorexique et croire
en elle peut l’aider à sortir de l’enfer de la maladie !
Une perception de soi déformée
Les patients anorexiques se perçoivent souvent comme étant bien
plus gros qu'ils ne le sont réellement ce qui représente un grand
mystère pour les médecins. Cela pourrait être lié au
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fonctionnement de certaines zones du cerveau atteintes par la
maladie.
EMDR
Un traitement qui pourrait venir en aide
aux anorexiques et aux boulimiques
C’est par hasard, lors d’une promenade en mai 1987, que la
psychologue américaine Francine Shapiro découvrit que ses «
petites pensées négatives obsédantes » disparaissaient quand elle
faisait aller et venir rapidement ses yeux de gauche à droite. Il ne
lui en fallut pas davantage pour proposer l’exercice à ses
collègues, l’expérimenter auprès de ses patients et créer
l’EMDR, avec des résultats éclatants – notamment pour les états
de stress posttraumatique (ESPT) subis par les victimes de
conflits, d’attentats, de violences sexuelles ou de catastrophes
naturelles.
Devenue chercheuse au Mental Research Institute de Palo Alto,
le docteur Shapiro a reçu en 2002 le prix Sigmund Freud, plus
haute distinction mondiale en psychothérapie. Entre-temps,
soixante mille praticiens avaient été formés à l’EMDR dans plus
de quatre-vingts pays, une association humanitaire était née pour
intervenir après les grandes catastrophes. Les études, dont celles
sur les ESPT menées par l’administration américaine chargée des
anciens combattants, ont confirmé l’efficacité de l’EMDR. Les
personnes traitées se comptent aujourd’hui par centaines de
milliers, avance Francine Shapiro (aux Etats-Unis, chaque
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victime directe ou indirecte d’une catastrophe -attentat, accident
d’avion… - a la possibilité d’être traitée rapidement par EMDR).
QUAND ?
Après un traumatisme
La méthode ne s’applique pas qu’aux grands chocs, mais aussi
aux plus petits traumatismes, comme les expériences pénibles
laissant un souvenir trop empreint de souffrance. « Venue
consulter pour des angoisses et des paniques auxquelles je ne
trouvais aucune cause, raconte Cécile, la quarantaine, j’ai choisi
un souvenir pénible où j’avais pris la fuite. Après une série de
“balayages”, j’ai senti une douleur très forte dans mes jambes.
Mon thérapeute m’a alors demandé de regarder ses doigts et a
répondu : “OK, on va faire partir ça !” La douleur et l’émotion
liées au souvenir ont disparu en moins de temps qu’il n’en faut
pour le dire, j’étais scotchée ! Puis, nous avons installé une
croyance positive à la place de la croyance négative en
rapport avec cette émotion. “Je suis nulle” devait être
remplacé par “Je suis quelqu’un de bien”. Soudainement très
calme, je me suis sentie respirer comme jamais. »
L’EMDR peut aussi se révéler efficace dans d’autres types
d’affections, comme la toxicomanie, l’anorexie ou la dépression.
« Cette méthode voit s’ouvrir sans cesse de nouvelles
perspectives, telles la dépression sans cause traumatique ou la
schizophrénie à ses débuts », explique Jacques Roques,
psychologue, psychanalyste et vice-président d’EMDR-France.
Seuls les cas de psychose, les états suicidaires et les troubles
cardiaques récents figurent parmi les contre-indications
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COMMENT ?
Dissocier émotion et souvenir
Souvenir et émotion négative contre croyance positive. Le secret
serait-il dans la tension entre ces représentations contradictoires,
dans leur évaluation plusieurs fois par séance, ou réside-t-il dans
les mystérieux balayages des yeux ? Marie, institutrice
trentenaire, en livre les détails : « Je devais, en restant dans mon
souvenir et dans l’émotion qu’il suscitait, fixer les mouvements
que la thérapeute faisait avec sa main, de gauche à droite. Une
quinzaine d’allers-retours cadencés, amples et précis, larges de
un mètre environ. Ensuite, nous avons fait une pause en reparlant
de la scène et de mon émotion. J’avais le sentiment qu’elle
cherchait à m’y faire rentrer tout à fait. Après la deuxième
séquence de mouvements, je me sentais différente, plus calme.
Nous avons recommencé encore deux fois, avec des pauses où
l’on évaluait le degré de l’émotion. A la fin, j’étais apaisée. »
L’EMDR reprend certains éléments de l’hypnose, de la
sophrologie, de la psychanalyse, de la gestalt-thérapie, mais aussi
et surtout des sciences cognitives. Si, dans la majorité des cas, le
souvenir traumatique ne s’évanouit pas, sans pouvoir expliquer
précisément le pourquoi, il arrive parfois que le patient soit
incapable de retrouver l’image correspondant au moment le plus
aigu du trauma ! Le réconfort ne vient pas par suggestion ou la
relaxation, et encore moins par immersion avec « visite » des
lieux du drame. Il ne repose pas sur des mots, des images ou des
sons, comme dans la majorité des thérapies. « C’est différent,
explique Marie. On est au cœur d’une émotion qui nous emporte,
et petit à petit elle nous quitte, ou du moins va se blottir quelque
part où elle ne fait plus mal. On sait qu’elle est là, qu’on l’a
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vécue, mais c’est un souvenir. » « Je regarde le passé autrement,
précise Claire, 50 ans, consultante. Au lieu de subir, je me sens
protégée et plus dynamique. »
POURQUOI ?
Désactiver l’émotion
Même si l’EMDR pose en postulat que l’esprit possède, comme
le corps, une capacité à s’auto guérir, on peut s’interroger sur une
telle simplicité. La réponse réside dans une conception nouvelle
du traumatisme, qui fait appel à la neurologie. « Chaque
événement douloureux laisse une marque dans le cerveau,
précise le psychiatre David Servan-Schreiber, qui a introduit la
méthode dans l’Hexagone, et qui a fondé l’association EMDRFrance. Celui-ci effectue alors un travail de “digestion”
permettant aux émotions qui accompagnent le souvenir de se
désactiver. A moins que le traumatisme ait été trop fort ou ait
frappé à une période où nous étions vulnérables. Dans ce cas, les
images, les pensées, les sons et les émotions liés à l’événement
sont stockés dans le cerveau, prêts à se réactiver au moindre
rappel du traumatisme. Dans l’EMDR, le mouvement oculaire
“débloque” l’information traumatique et réactive le système
naturel de guérison du cerveau pour qu’il complète son travail. »
Sans afficher de certitudes, Francine Shapiro propose un
rapprochement entre l’EMDR et le sommeil à mouvements
oculaires rapides, ce moment où l’on rêve mais où s’effectue
également la répartition mémorielle. Car évidemment, tout
repose sur la mémoire, sur l’encodage du souvenir et des
émotions qui l’accompagnent. Ce qui soignerait, dans l’EMDR,
c’est de « reformater » cet encodage. Replongé dans son passé
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afin d’être au plus près des perceptions sensorielles éprouvées au
moment de l’événement, le patient est conduit, grâce à une
stimulation sensorielle, à concentrer son activité cérébrale sur le
présent. De cette polarisation naîtrait la possibilité de retraiter le
traumatisme par dissociation de l’émotion et du souvenir. D’où
le fait que celui-ci ne disparaisse pas. Il se délivre de sa charge
émotionnelle, comme après un deuil.
INDICATIONS
L’EMDR s’adresse à toute personne présentant des symptômes
post-traumatiques tels que décrits dans le DSM IV : toute
personne ayant été victime d’un traumatisme au cours duquel sa
vie, ou celle de quelqu’un d’autre, a été mise en danger (une
catastrophe naturelle, un accident de la route, un hold-up, un
abus sexuel, un viol ou encore un rejet ou une humiliation de la
part d’un frère ou d’un copain de classe, un regard ressenti
comme méprisant ou dégradant…).
Nous pouvons distinguer 2 types de traumas :
Traumas uniques et récents comme les accidents de voiture,
catastrophes naturelles, agressions, viols,… (résolution rapide).
Traumas répétitifs et datant de l’enfance : maltraitance, abus,
négligences affectives…
L’EMDR a longtemps été considéré comme la thérapie de l’Etat
de Stress Post-Traumatique. Aujourd’hui, cette même méthode
est également et le plus souvent d’ailleurs utilisée pour traiter des
troubles de l’estime de soi, des troubles de l’adaptation comme
les deuils, divorces, difficultés au travail…
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D’une manière plus générale, cette méthode s’applique à tous les
cas où notre système de croyances a été remis en question, où
notre relation au monde et aux autres a été bouleversée. La
découverte brutale de sa propre fragilité et de l’insécurité du
monde est la conséquence du traumatisme. Ce qui produit une
blessure psychologique qui se manifeste par une baisse de
l’estime de soi, un sentiment de responsabilité par rapport à
l’événement traumatique, l’impression de manquer de
contrôle et de sécurité. (Ces symptômes peuvent aussi être
significatifs) Blessures souvent bien enfuies et néanmoins
bien présentes chez les personnes souffrant d’anorexie ou de
boulimie.
LA MÉTHODE
Celle-ci est bien codifiée et comprend plusieurs étapes. Après
avoir une bonne alliance thérapeutique avec le patient, le
thérapeute va s’assurer que le patient possède les ressources
nécessaires pour aborder le travail de désensibilisation du
trauma. Il cible ensuite l’événement traumatique en utilisant un
protocole rigoureux qui garantit la bonne conduite du traitement.
Le thérapeute invite le patient à réaliser des séries de
mouvements oculaires en même temps qu’il pense au souvenir
traumatique. Ceci amène une désensibilisation du traumatisme et
donc une diminution significative des symptômes désagréables
jusqu’à ce que l’événement traumatique n’amène plus ou peu de
perturbations. Vient ensuite la phase de consolidation du travail
thérapeutique en stimulant la confiance du patient dans sa
capacité de « faire face » et lui permettre ainsi d’intégrer
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l’événement traumatique dans son passé d’une manière
acceptable.
L’AVANTAGE DE LA MÉTHODE
Il réside dans son efficacité et sa rapidité. En effet, un trauma
unique peut être résolu en trois séances. Dans les cas de trauma
complexe qui demandent une préparation plus importante et un
travail plus long, l’EMDR s’intègre comme outil dans une
approche psychothérapeutique plus large en alternance avec
d’autres techniques .Les résultats restent constants et durables
dans le temps. En effet, les études montrent que 84 à 90% des
personnes ayant subi une situation traumatisante (viol, accident,
perte d’un être cher, guerre) ne présentent plus de symptômes
après le traitement par l’EMDR.
AVEC QUI ?
Choisir un thérapeute agréé
Cette réactivation traumatique n’est pas sans risque. « Beaucoup
de choses remontent entre les séances, raconte Cécile. J’ai eu par
exemple un flash concernant un gros traumatisme subi dans ma
petite enfance, dont j’avais complètement oublié l’existence. »
Un traumatisme pouvant en cacher un autre, il est indispensable
de pratiquer l’EMDR avec un psychiatre ou un psychologue
dûment formé. Ils sont actuellement plus d’une centaine en
France.
DE QUOI S’AGIT-IL ?
EMDR : Eye Movement Desensitization and Reprocessing, ou
désensibilisation et reprogrammation par des mouvements
oculaires.
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LE PRINCIPE : « Si un événement douloureux a été mal
“digéré” explique le psychiatre David Servan-Schreiber, les
images, les sons et les sensations liés à l’événement sont stockés
dans le cerveau, prêts à se réactiver au moindre rappel du
traumatisme. Le mouvement oculaire débloque l’information
traumatique et réactive le système naturel de guérison du cerveau
pour qu’il complète le travail. »
« Jusqu’à présent, la psychothérapie était fondée sur une idée :
seules l’écoute et la parole guérissent, explique Jacques Roques,
vice-président d’EMDR-France. On parlait des problèmes
psychiques uniquement en termes de sémantique – la rencontre
de la mort pour les états de stress posttraumatique, par exemple.
Or on se rend compte maintenant de l’importance du
fonctionnement cérébral. La psyché est indissociable de son
substrat neurologique : on peut restimuler le traitement de
l’information de manière parfois fulgurante, contredisant l’idée
reçue selon laquelle il faut du temps pour guérir».
Néanmoins, l’accueil et l’écoute de type analytique et
rogérienne sont précieux si ce n’est indispensable, en particulier
pour les personnes souffrant de troubles alimentaires. Il s’agit en
effet de développer un niveau de contact et de confiance suffisant
pour que la personne laisse entrevoir ce qu’il en est de ses
blessures précoces ayant porté atteinte à sa sécurité de base, sa
capacité de canaliser ses émotions, mais aussi et surtout à
l’estime d’elle-même. Le travail sera ensuite axé sur les défenses
mises en place, tout particulièrement les troubles dissociatifs (cfr.
Le soi hanté de O. van der Hart).
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C’est assez méconnu mais, dans la thérapie EMDR, la question
de l’attachement occupe une place très importante. C’est en effet
à travers l’éprouvé (dès la vie intra-utérine) et les expériences
précoces que se constitue notre socle et, à partir de là, notre
capacité de régulation des émotions ainsi que nos compétences
ou angoisses face à autrui et au monde. A la suite de Freud,
Shapiro considère que quasi toutes les pathologies psychiques
sont la conséquence de traumas précoces (parmi lesquels les
troubles de l’attachement occupent une place importante).
Souvent, les patients sont effrayés et/ou honteux de leur profond désir,
de leur profond besoin d'amour et de contact, soit parce que ce désir et
ce besoin n'ont pas reçu de réponse adéquate, soit parce que leur besoin
était tellement intense qu’ils n’ont pas reçu autant d’attention et
d’amour qu’ils en avaient besoin. Les choses se cristallisent,
s’enfuissent, et lorsque les patients en ont conscience ils ont le
sentiment qu’ils n’ont plus l’âge, qu’ils n’ont pas le droit de demander
ce dont ils ont besoin. En conséquence, ils nient leur besoin pour
prévenir la honte, la culpabilité et le rejet. Le travail le plus difficile en
thérapie est souvent d'aider les patients à reconnaître et à apprivoiser
cette part d’eux-mêmes afin de d’apaiser la haine d’eux-mêmes et le
sentiment de ne pas être digne… d’être aimé et de vivre tranquille.
Vous l’aurez compris, si l’EMDR permet parfois d’obtenir une
totale résolution en une à trois séances (dans le cas de traumas
bien circonscris comme un accident de la route, un licenciement
violent ou un échec sentimental), pour ce qui concerne le
traitement de l’anorexie, il faut s’attendre à un travail plus long.
L’ambivalence du patient (désir et à la fois incapacité ou refus de
prendre une place dans la vie) et les résistances inconscientes
font de ce trouble un des plus grands défis rencontrés par les
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thérapeutes de tout bord. Soyez donc attentif, si vous vous
intéressez à cette approche thérapeutique, à choisir une personne
expérimentée et ayant une bonne connaissance des troubles
dissociatifs.
A LIRE :
“Des yeux pour guérir” de Francine Shapiro et Margot Silk
Forrest.
Aidée d’une journaliste, la créatrice de l’EMDR livre enfin ses
secrets en français, avec nombre d’explications et d’exemples à
l’appui (Seuil, 2005).
“Guérir” de David Servan-Schreiber.
Dans son livre best-seller, le docteur David Servan-Schreiber
consacre plusieurs chapitres à l’EMDR, qu’il définit comme une
« auto guérison des grands traumatismes » (Pocket, 2005).
“EMDR, une révolution thérapeutique” de Jacques Roques.
En s’adressant au grand public comme aux professionnels, ce
psychanalyste, ex-praticien au CHU de Nîmes, fait œuvre
didactique et offre un portrait complet de l’EMDR : troubles,
traitement, développements cliniques (Desclée de Brouwer,
2003).
« Le soi hanté, dissociation structurelle et traitement de la
traumatisassions chronique », de Onno Van der Hart, Kathy Steele et
Ellert R.S. Nijenhuis. Un livre un peu exigent, mais mondialement
reconnu comme La Référence en la matière (de Boek, 2010)
« L’EMDR, préserver la santé et prendre en charge la maladie »,
Cyril Tarquinio and Pascale Tarquinio. (Elsevier Masson 2015)
Françoise Henry
Rue Victor Lefèvre 14 à 1030 Bruxelles
Tel 0496 10 28 24
emdrbruxelles.com
20
Numéro vert à l’écoute des anorexiques et des
boulimiques
067 22 21 20
Lundi, mardi et mercredi de 12h à14h
1250 nouveau cas par an
2e cause de décès chez les jeunes après les accidents de la route
5% de la population souffre d’anorexie boulimie
Plus on agit vite et tôt, meilleur est le pronostic !
A Lire
Jamais assez maigre. Journal d’un top model
Victoire Maçon Dauxerre
Ed. Les Arènes 2016
Un témoignage poignant de vérité, décrivant la lente descente
aux enfers d’un jeune top model, forcée à l’anorexie pour
survivre dans ce milieu révoltant de la haute couture où les
jeunes filles sont considérées comme des « cintres ».
Ce livre est outre une mise en garde envers ce dangereux métier
de mannequin qui fait rêver, un grand message d’espoir pour les
jeunes souffrant d’anorexie et de boulimie. Il montre l’énorme
importance de l’amour et du soutien des parents, grands-parents
et frères et sœurs dans le combat de l’anorexique contre la
21
maladie, ainsi que la nécessité d’avoir un médecin ouvert et
encourageant dans un cadre accueillant et un traitement
multidisciplinaire avec de très nombreuses activités.
Témoignage
Je vais vous montrer qu’on peut toujours s’en sortir !
Bonjour les filles !
Voilà, je reviens enfin. Je voulais m'excuser pour tout le mal que
je vous ai fait, je n'avais pas conscience que l'anorexie était une
maladie et que je vous influençais avec mes propos.
Comme vous avez pu le constater j'ai supprimé tous mes anciens
post, je ne voulais pas vous faire souffrir plus longtemps. C'est
donc dans cette optique que j'ai envie de créer un nouveau blog.
Je ne sais pas encore si je change de blog ou si je reste ici mais
ce que je peux vous dire, c'est que ce sera un blog d'entraide. On
pourra tous venir ici pour parler de ses problèmes en restant
anonyme, je ferai mon maximum pour vous donner des conseils
qui m'ont permis de m'en sortir.
Je fais un dernier paragraphe pour vous dire qu'être pro ana
n'est pas un jeu ni un mode de vie, c'est une maladie. Si vous
voulez maigrir, je peux très bien le comprendre, mais ne vous
affamez pas, faites du sport mangez à votre faim, mais de
manière saine, mais n'arrêtez pas de manger pour ana, elle
n'en vaut pas la peine.
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Voilà, je vous souhaite bon courage pour la suite, prenez bien
soin de vous ! On se retrouve très vite.
Clarou
Témoignage sur le blog d’une jeune fille « pro ana » sortie de
l’anorexie.
Ce petit mot vaut de l’or parce qu’il démontre avec beaucoup de
lucidité le mal que peuvent faire les sites « pro ana »
Bravo et merci Clarou, poursuis ton chemin, la vie est si belle et
vaut la peine d’être vécue !
Bienvenue au cirque… au cirque de la vie…
Tout commence par une naissance
Se grandir dans l’espace des rires
Apprendre à se laisser surprendre
Comprendre que tout peut attendre
Lire et relire autant qu’on respire
Regarder et voir par-delà le miroir
Aimer à volonté sans perdre pied
Décrocher lune ou étoile de brume
Semer des grains de folie en poésie…
LE CIRQUE DES COULEURS
Découvrir les nuances d’espérance
Colorer de patience l’expérience
Apprivoiser doucement les pigments
Distinguer et fusionner les ombres
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Orienter les lueurs d’un projecteur
Ravir le public de tons magiques……
LE CIRQUE DES AROMES
Que sont devenus ces parfums
Qui distinguent l’un de chacun
Que sont devenues ces senteurs
Qui épicent nos riantes humeurs
Eclats de délices à chaque repas
Nous laissant un palais sans voix
Que reste-t-il de nos grands-mères
Et de leurs recettes héréditaires ?
LE CIRQUE DES SENTIMENTS
Jongleurs de pluie et de beau temps,
Ils allument nos cœurs adolescents
Promesses de moments intimes
Ou synonymes de pantomimes
Dans l’arène ils nous entrainent
Sans prévision de quelque peine
Chacun libre de trouver l’équilibre
Entre rêve et figures libres
LE CIRQUE DES ESPOIRS
Parfois déçus souvent vécus
Ils sont notre pain quotidien
Guide de nos multiples chemins
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Ils nous font vivre et conspirent
Au gré de leurs discrets soupirs
A nous de les garder en forme
En les nourrissant sans norme
Et en y croyant follement,
Car c’est cela, le cirque de la vie.
Anita Vaxelaire
Toute l’équipe de la rédaction du petit journal du
Fonds Vanessa Bolle, vous souhaite une
Année 2017 parsemée de petits bonheurs !
Si vous désirez…
- nous écrire… envoyez votre courrier à l’adresse suivante :
Fonds Vanessa Bolle
Av. Winston Churchill 254
1180 Bruxelles
Belgique
- nous téléphoner formez le numéro : 00 32 2 346 48 54
- soutenir l’action du Fonds et lui permettre de développer
l’aide qu’elle tente d’apporter aux jeunes victimes d’anorexie ou
25
de boulimie, vous pouvez manifester votre générosité en versant
votre don sur le compte n°
IBAN BE10 0000 0000 0404
BIC BPOTBEBI
de la
Fondation Roi Baudouin
Rue Brederode 21
1000 Bruxelles
Avec la mention : 181/2550/00046 : Fonds Vanessa Bolle
Le Fonds Vanessa Bolle a besoin de vous !
Les dons faits à la Fondation Roi Baudouin pour le FONDS
VANESSA BOLLE donnent droit à une attestation fiscale à partir
de 40 € (art.145/33).
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Editeur responsable : Fondation Roi Baudouin pour le Fonds
Vanessa Bolle.
Rédaction : Bernadette Lemaire, Virginie Bolle, Dimitri vanden
Abeele, Françoise Henry, Gaëtane Bolle.
Mise en page et impression : Marc Dewalque
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