travail - Société des Études anciennes du Québec

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Saint Paul et les valeurs chrétiennes
dans un monde romain et juif
Table des matières
Problématique……………………………………………………………………………3
1. Saint Paul et les valeurs chrétiennes…………………………………………………..7
1.1 La vie de Saint Paul…………………………………………………………..7
1.2 Universalité…………………………………………………………………...8
1.3 Pardon………………………………………………………………………..10
1.4 Justice sociale………………………………………………………………...11
1.5 Charité………………………………………………………………………..13
2. Les valeurs romaines et juives en opposition aux valeurs chrétiennes………………..15
2.1 Valeurs romaines……………………………………………………………..15
2.1.1 Plaisir et divertissement……………………………………………15
2.1.2 Violence……………………………………………………………16
2.1.3 Amour de la richesse……………………………………………….18
2.1.4 Piété………………………………………………………………...19
2.2 Valeurs juives………………………………………………………………...20
2.2.1 Exclusivité………………………………………………………….20
2.2.2 Respect de la loi……………………………………………………21
2.2.3 Tradition……………………………………………………………22
Conclusion……………………………………………………………………………….24
Médiagraphie…………………………………………………………………………….26
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L’apôtre du nom de Paul de Tarse a modelé le dogme chrétien que nous
connaissons aujourd’hui. Il propage notamment la foi chrétienne dans l’Empire romain,
un monde multiculturel et païen, dirigé par l’empereur Néron. Au cours de ses nombreux
voyages, il convertit plusieurs païens, apportant ainsi un aspect important d’universalité
dans cette religion naissante. D’autres valeurs nouvelles sont présentées dans ses écrits,
tels que dans les Épîtres aux Corinthiens, dans l’Épître à Philémon et dans l’Épître aux
Galates. Ces lettres, bien qu’elles traitent de sujets spécifiques, laissent place à une
interprétation plus large, notamment en ce qui a trait à l’idéologie que Saint Paul souhaite
véhiculer. En effet, le christianisme en est encore, à cette époque, à ses débuts. Les
différents croyants du Christ ne sont pas encore unifiés, car plusieurs mouvements se
côtoient tout en restant plutôt marginaux. Le judaïsme présent à l’époque de l’Empire
romain compte de nombreuses sectes portant le message de différents prophètes. Ces
«messies», en concordance avec la tradition juive, rassemblent des sectes d’adeptes
autour d’eux. Parmi eux, la cellule de celui que l’on appelle maintenant Jésus Christ ne se
différencie pas vraiment de celles de ses contemporains. En effet, comme les autres
sectes juives, «leur christologie n’entame point encore le strict monothéisme israélite :
car s’ils professent pour leur Maître une vénération qui le hausse au-dessus de la
condition humaine, ils sont loin encore de l’identifier à Dieu. Et par ailleurs, du point de
vue de la Loi, ils se comportent en juifs, en juifs exemplaires.» (Lenoir, 2007, p.79)
Pourtant, après la mort de Jésus, on aperçoit toujours la création de petites «sectes»
convaincues de l’idée de celui-ci comme Messie et de sa résurrection. Certains de ses
apôtres comme Pierre et Jean, avec Jacques, celui qu’on désigne comme le frère du
Seigneur (Simon, 1960, p.36), se rendent à la tête d’un groupe nommé l’Église de
Jérusalem dont a fait partie, quelques temps, Paul de Tarse. Ce groupe s’efforce encore
de rester dans la tradition juive. La seule différence, alors, entre le christianisme et les
autres sectes israélites, est « de persister à reconnaître [Jésus] comme [messie] après son
supplice infamant voulu et provoqué par les autorités religieuse de la nation, de
proclamer que la mort du crucifié n’était pas définitive, qu’il était ressuscité puis monté
au ciel. » (Simon, 1960, p.6) D’ailleurs, les hauts placés de ce groupe ne cessent de
chercher à relier cette mort prématurée du Christ aux anciens enseignements judaïques.
Mais comment un Messie censé être bon et fort peut-il sembler si faible? Ils tentent de
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trouver des réponses juives à plusieurs conceptions chrétiennes déjà légèrement
divergentes. Paul se détache rapidement de ce groupe qui tente désespérément de lier leur
nouvelle branche religieuse au judaïsme auquel ils croient fermement. Ce sera la vision
de Saint Paul qui triomphera et qui servira de base à la doctrine du christianisme jusqu’à
nos jours, évinçant d’autres mouvements chrétiens comme Étienne et les hellénistiques,
l’Église de Jérusalem de Pierre et Jacques ou encore Apollos. Comment le christianisme
de Saint Paul a pu autant se développer au détriment des autres mouvements?
Selon plusieurs auteurs, l’aspect majeur qui permet à la pensée de Saint Paul de
s’imposer est le concept d’universalité. Pour Marie-Françoise Baslez, ce sont les
réflexions théologiques de Saint Paul qui font passer le christianisme d’une secte juive à
un salut pour tous. Jean-Noël Aletti avance que bien que la pensée de Saint Paul se
distance du judaïsme, elle ne renie pas pour autant les origines juives de son Église. Paul
voit son Église comme ayant un rôle de réconciliation entre ethnico (c’est-à-dire ceux
anciennement païens) et judéo-chrétiens. Elle est inclusive et cette union entre juifs et
non-juifs est un élément clé de son identité. Ainsi, Saint Paul défend une unité sans
distinction entre les ethnies, le sexe et les classes sociales. (Sarthou-Lajus) Frédérique
Lenoir appuie également cette idée voulant que l’universalité est l’élément le plus
important qui a fait en sorte que Paul l’a emporté sur les autres apôtres de son époque.
Quelques auteurs affirment également que ce qui permet au message de Paul de
dominer, c’est d’abord le fait qu’il se distingue de celui du judaïsme. Selon Frédéric
Lenoir, Paul est «un personnage [qui] tient un rôle central dans l’interprétation radicale
de la filiation divine du Christ qui conduira, à terme, à l’émancipation de l’église vis-àvis la synagogue». Plusieurs apôtres du Christ affirment que les croyants non-juifs ne
peuvent pas faire partie du peuple élu tant qu’ils ne sont pas circoncis, puisque c’est ce
qui est écrit dans la Torah. Paul choisit d’adopter une position qui va à l’encontre des
saintes écritures ainsi que de celle de la majorité des apôtres. (Aletti) Il joue un rôle
important dans les premières communautés mixtes d’Antioche qui encourage les gens de
toute origine à partager la foi. Ces agissements choquent les juifs puristes qui voient
leurs traditions bafoués et c’est ce qui crée une rupture entre les deux croyances. (Lenoir)
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Pour lui, “les croyants convertis du paganisme [...] ayant reçu l’Esprit Saint promis, étant
ainsi fils et filles de Dieu, n’avaient pas besoin de se faire juifs et de devenir membres du
peuple d’Israël pour appartenir pleinement au groupe des élus.” (Aletti) Aletti explique
que “si le groupe chrétien était resté dans le giron du judaïsme, il n’existerait
probablement plus aujourd’hui, car le leadership rabbinique, qui prévalut dès la fin du
Ier
siècle, exclut et élimina au cours des âges tous les mouvements juifs ne partageant pas ses
idées.” C’est la confession de foi qui sépare vraiment alors les juifs des chrétiens, la
reconnaissance de Jésus comme le Messie: «L’identification du Messie crée la séparation
entre juifs et chrétiens, en dépit de conceptions théologiques communes, et celle-ci
s’accélère après insurrection messianique de Bar Kochba, en 135, qui oblige les chrétiens
d’origine juive à un choix.» (Baslez, 2007, p. 39)
Lenoir et Bonnard identifient un autre aspect qui différencie Saint Paul. C’est sa
vision de la foi qui n’est pas gouvernée par la loi, judaïque ou romaine, qui accroche de
nombreux nouveaux fidèles que les autres sectes du Christ ne réussissent pas à
s’approprier. En effet, Saint Paul amène l’idée que seul le fait d’avoir la foi peut mener
au salut et à l’amour de Dieu, contrairement au judaïsme qui impose un système de lois.
Selon Lenoir, c’est cette caractéristique qu’a apporté Saint Paul au christianisme qui lui
permet cette expansion fulgurante qu’on lui connaît. En proclamant «la fin de la loi avec
le christ» (Romain, 10, 4), Paul libère la religion et la rend plus prompte à la conversion.
Pour Baslez et Aletti, le fait que Saint Paul soit capable d’user de rhétorique est
un autre facteur qui a permis à sa vision de subsister à travers le temps. En effet, son
«écriture fulgurante qui restitue aujourd’hui encore une présence exceptionnelle [...]»
(Baslez, 2007, p. 32) font de lui l’apôtre dominant de sa génération. Ceci s’explique par
l’éducation complète qu’il a reçue. En plus d’avoir étudié les écritures saintes, il connaît
bien la culture grecque et maîtrise la rhétorique. Aletti ajoute que : “Si son style n’a pas
les fioritures des écrivains d’alors, ce n’est pas par ignorance, mais par respect pour
l’Évangile (...) quant à ses argumentations, leur développement est dans l’ensemble
rigoureux : le moins que l’on puisse dire est qu’il sait raisonner.” Ainsi, les textes de
Saint Paul réussissent à rejoindre de nombreux fidèles, car l’apôtre sait comment
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véhiculer un message à travers l’écriture, en plus d’être capable de s’adapter à la culture
respective des peuples auxquels il s’adresse.
D’autres aspects chez Paul, toutefois, ne font pas l’unanimité. Pour Sarthou-Lajus,
la vision de Paul sur la résurrection du Christ a contribué à laisser sa trace. Alors que la
résurrection est le noyau de la pensée chrétienne, plusieurs, surtout les philosophes, ont
critiqué cette croyance car elle dépasse le cadre rationnel. Paul réplique en faisant la
distinction nette entre la raison et la foi. Cette rupture amène un nouveau mode de pensée
chez les chrétiens, où “ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est
faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes” (I Cor 1, 25). L’auteure croit donc que la
séparation de la raison et de la foi chez Paul contribue à sa singularité, tout comme sa
conversion non conventionnelle. En effet, il se convertit à la suite d’une révélation du
Christ, ce qui symbolise la révolution intérieure, le renouveau qui s’opère dans la vie. Cet
épisode, selon elle, ne touche pas seulement les chrétiens, car le message est plus large
qu’une simple conversion; il s’adresse à tous ceux qui ont oublié le sens de leur destiné,
qui ont effectué un repli sur eux-mêmes. Bonnard, toutefois, croit qu’affirmer que Paul
amenait une grande expérience religieuse ne suffit pas à convaincre qu’il est mieux que
les autres, car il «a ramené l’attention de ses correspondants, non sur ses propres
expériences, pourtant bien réelles, mais sur le Christ historique, c’est-à-dire sur le
crucifié.»
On constate donc que Saint Paul se démarque grandement des autres prédicateurs
du Christ de son époque. Il est en opposition directe avec les autres mouvements
chrétiens, qui tentent de rester proche de la ligne de pensée du judaïsme. Sa pensée
contredit tout autant les valeurs romaines dominantes à l’époque, celles-ci étant déjà
éloignées du paradigme monothéiste juif. C’est dans ce monde romain que le
christianisme naît et c’est d’ailleurs l’opposition importante entre les deux paradigmes
qui pousse de nombreux Romains à se convertir à la religion chrétienne. Ainsi, il est
pertinent de se questionner précisément sur: en quoi les valeurs chrétiennes s’opposentelles aux valeurs romaines et juives? Bref le christianisme de Saint Paul se différencie par
l’universalité, le pardon, la justice sociale et la charité. Les Romains, quant à eux, sont
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portés vers la recherche de plaisir, la violence, l’amour de la richesse et la piété. Les juifs,
à l’opposé, accordent une grande importance à l’exclusivité, au respect de la Loi, et au
respect de la tradition.
1. Saint Paul et les valeurs chrétiennes
Saint Paul est un personnage marquant pour le christianisme. En effet, il a écrit de
nombreuses lettres qui jettent les bases de l’Église telle que nous la connaissons
aujourd’hui. Ses écrits véhiculent des valeurs importantes à la religion chrétienne, qui
s’opposent directement au monde romain et aux valeurs juives de l’époque. Pour mieux
comprendre cette opposition, il faut d’abord étudier la vie de Saint Paul, pour ensuite
aborder les valeurs chrétiennes, qui sont principalement l’universalité, le pardon, la
charité et la justice sociale.
1.1 La vie de Saint Paul
Saint Paul naît Saul à Tarse en Turquie, dans une communauté de juifs
hellénistiques : « [...] cette diaspora juive qui connaît aussi bien la Torah que les poètes et
philosophes classiques, et qui parle sans doute mieux le grec que l’araméen ou l’hébreu. »
(Burnet, 2009, p. 68) Né dans une famille importante dans le commerce du textile, il
reçoit d’abord une éducation grecque, puis une formation de pharisien à Jérusalem.
(Corbin, 2007, p. 32) Les pharisiens sont l’une des sectes juives qui prolifèrent à cette
époque. Celles-ci font toutefois encore partie de la foi juive et se distinguent surtout par
certaines traditions ou doctrines qui diffèrent. Les pharisiens se démarquent eux par «leur
croyance à la double autorité de la Torah, à la fois comme Loi écrite et comme Loi orale ;
à leurs yeux, l'une et l'autre ont été révélées à Moïse au Sinaï et la seconde est destinée à
éclairer la première.» (Paul, Universalis, 2015) Ils sont ainsi un groupe accordant autant
d’importance à la tradition orale qu’à l’interprétation des écritures, des éléments présents
plus tard dans les méthodes de Paul. Toute sa vie le prédestine donc à devenir passeur de
culture. Paul vit une expérience mystique qui le pousse à se convertir au christianisme.
Celle-ci a lieu justement alors qu’il partait vers Damas pour pourfendre les chrétiens.
«Son appel et sa vison [...] le convertirent immédiatement et l’engagèrent à prêcher
l’Évangile avec la même ardeur qu’il avait mise à le combattre.» (Corbin, 2007, p. 32) Sa
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foi l’amène à prêcher partout dans l’Empire romain et non à rester centré sur la Judée. Un
des premiers endroits reste Antioche, lieu extrêmement important dans la propagation de
sa foi: «Si Jérusalem abrita la communauté de Judée, Antioche fut l’Église de la
diaspora» (Burnet, 2009, p. 68) Il voyage tout de même en actuelle Turquie, notamment
en Galatie mais aussi en Macédoine, à Corinthe, et finalement en Italie, où il meurt lors
des persécutions de Néron. Les voyages ont pour principal but de convertir l’oikos,
structure familiale grecque regroupant plusieurs classes d’individus autant esclaves que
maîtres, pour vraiment implanter les Évangiles: «Il n’a pas cherché à occuper le plus
grand espace possible, mais plutôt à créer des pôles chrétiens, en utilisant l’infrastructure
de l’Empire pour relayer son Évangile.» (Corbin, 2007, p. 35) Ses lettres, soit les épîtres,
sont d’une grande importance. Elles permettent à Saint Paul de faire savoir aux
différentes communautés chrétiennes auprès desquelles il prêche comment se déroulent
ses voyages et rappeler ses enseignements.
1.2 L’universalité
Comme il a été expliqué précédemment, Saint Paul s’est particulièrement
démarqué par l’importance qu’il accordait à la valeur de l’universalité, qu’il a élevée au
stade de fondement du christianisme. Sa pensée universelle s’est manifestée avant tout
par son désir de donner une place de choix aux païens. Paul en avait assez des
protestations qu’il suscitait parmi les juifs. Lorsqu’il prêchait pour annoncer la parole du
Messie, les juifs le contredisaient et l’insultaient, donc il choisit de s’adresser aux païens,
comme les Actes en témoignent: « C'est à vous [les juifs] premièrement que la parole de
Dieu devait être annoncée ; mais, puisque vous la repoussez, et que vous vous jugez
vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les païens. »
(Actes 13, 46) Paul n’est pas le seul à avoir accueilli des païens ; Pierre et Jacques, de
l’Église de Jérusalem, ainsi que les hellénistes, dont le chef de file est Étienne, ont
également converti des païens, mais dans une moindre mesure en comparaison avec celui
qu’on nomme « l’apôtre des gentils ». (Lenoir, 2007, p.76-77) Saint Paul se démarque
complètement des autres en « affranchiss[ant] les “gentils” (les étrangers) des contraintes
les plus caractéristiques de la loi mosaïque (la circoncision, les observances alimentaires).
» (Le Roux, 1998, p. 367) L’universalité de Saint Paul prend toute son ampleur dans cette
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décision. Il était évident que le mode de vie des convertis d’origine païenne était
extrêmement loin de celui des juifs pratiquants, donc « Pour Paul, il faut libérer les
sympathisants païens des prescriptions juives : Jésus seul est promesse de salut, non
l’application de principes jugés désormais obsolètes. » (Lenoir, 2007, p.77) L’Épitre aux
Galates en est le parfait exemple. Ce texte de Paul s’adresse au peuple celte habitant la
Galatie, une région de Turquie. Évidemment, les Galates ne connaissent rien à la loi
juive (Burnet, 2009, p.70), donc Saint Paul leur livre un message qui témoigne de sa
vision universelle: « Il n’y a plus juif ni grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a
ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus ». (Galates, 3, 28)
Paul en est venu à la conclusion que le Christ peut venir à tous et que c’est par la
croyance et non la naissance que l’on est sauvé. Ainsi, tout comme l’origine (juive ou
païenne) le genre et le statut n’ont plus d’importance pour l’obtention du salut. En effet,
l’universalité chrétienne fait en sorte que cette religion s’adresse également aux femmes.
La figure de Marie de Magdala en est la preuve ; nommée “l’apôtre des apôtres”, c’est
elle qui est la première à assister à la résurrection du Christ, et Jésus lui demande
d’annoncer la nouvelle à ses disciples. (Lenoir, 2007, p.79) Pour ce qui est du statut,
Paul convertit l’esclave Onésime, comme nous l’apprend l’Épître à Philémon : «Paul
croit avec certitude que toutes personnes dans le Christ sont de nouvelles créatures, de
même valeur sacrée. Ceci a clairement des implications sur ses points de vue sur la
relation entre les esclaves et maîtres chrétiens.» (Witherington, 2007, p.80) Bien que
l’esclave n’a pas beaucoup de valeur en tant qu'individu dans la société romaine,
l’universalité du christianisme le hisse sur un pied d’égalité par rapport à l’homme libre.
D’ailleurs, les premiers chrétiens mettent ce principe en application dans leurs pratiques.
Par exemple, lors des repas et eucharisties, tous mangent côte à côte à la même table, peu
importe qui ils sont. (Lenoir, 2007, p.73) Cette égalité universelle
est en rupture avec la morale de son temps - qu’elle soit
philosophique ou religieuse - qui reconnaissait le prochain
uniquement parmi les siens, appartenant au même peuple, à la même
caste, au même clan, à la même cité. Pour les juifs d’alors, nulle
égalité entre les juifs et les non-juifs. Nulle égalité non plus pour les
Grecs de l’Antiquité entre les Grecs et les barbares, entre les hommes
et les femmes, entre les citoyens et les esclaves. Pour Jésus, au
contraire, parce que tous les hommes sont fils du même Père, ils sont
tous frères, donc tous égaux. (Lenoir, 2007, p.71)
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Ainsi, le message d’universalité de Saint Paul prend ses racines dans celui d’égalité de
Jésus. L’incident d’Antioche, qui a lieu en 48, fixera l’universalité comme valeur
fondamentale du christianisme. Cet épisode oppose Pierre et Jacques de l’Église de
Jérusalem à Paul, l’apôtre des gentils : «Paul y raconte que, séjournant à Antioche en
même temps que Pierre, il aperçoit ces derniers faire table commune avec les paganochrétiens, enfreignant là les règles juives de pureté qui interdisent la commensalité avec
les païens. Soudain, pourtant, Pierre se dérobe : il craint en effet de s’attirer les foudres
des judéo-chrétiens originaires de Jérusalem qui viennent de faire irruption dans la
pièce…» (Lenoir, 2007, p.78) Paul est choqué par cette attitude hypocrite et confronte
Pierre. Lors de la réunion de Jérusalem en 48-49, que l’on considère comme «premier
concile», Pierre et Jacques se ravisent et acceptent la position de Paul, soit que les païens
ont leur place dans le christianisme et qu’ils n’ont pas besoin de respecter la loi
mosaïque. (Lenoir, 2010, p.117) On comprend donc que Paul est à la base de la valeur
d’universalité qui est aujourd’hui essentielle dans la religion chrétienne.
1.3 Le pardon
Le pardon est aussi une valeur primordiale pour le christianisme. Lors du sermon
sur la montagne, le Christ amène beaucoup de nouvelles idées et valeurs qui n’étaient pas
ou peu présentes dans le monde romain et juif dans lequel il vivait. En effet, «il [Jésus]
ose déclarer “Vous avez entendu qu’il a dit: tu aimeras ton prochain et tu haïras ton
ennemi. Eh bien! Moi, je vous dit: aimez vos ennemis!” (Matthieu 5, 43-44), assumant
sans sourciller l’inadéquation entre ses paroles et celles des anciens. » (Lenoir, 2010,
p.42) Il n’est pas dit textuellement, mais Jésus avance l’idée qu’il faut pardonner à ses
ennemis, et par la suite les aimer. Il faut pourtant faire la distinction entre le pardon et le
déni. Ce n’est pas le fait d’oublier ce que l’autre a fait et ça n'enlève aucune justice. Tout
est une question de protection. Autant la protection de futures victimes, mais aussi de
l’agresseur envers lui-même. Pour cela, il faut faire appel à la justice humaine : « Jésus
révèle le pardon comme un acte intérieur qui permet au coeur de l’homme de ne pas
entrer dans la spirale de la haine et de la violence.» (Lenoir, 2010, p. 86) Ainsi le pardon
est relié directement à une figure importante du christianisme, son prophète. C’est une
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toute nouvelle conception de l’un envers l’autre dans ce monde romain et juif. Même à
l’époque de Saint Paul, cette valeur n’est toujours pas respectée par la majorité, car elle
est très difficile à appliquer. Lorsque Jésus dit: «aime ton ennemi», Matthieu se pose la
question: «Combien de fois pardonnerai-je à mon frère? Sera-ce jusqu’à sept fois?» Et la
réponse montre bien ce que l’amour du prochain clame: « Je ne te dis pas jusqu’à sept
fois, mais jusqu’à soixante-dix fois. (Matt. 18, 21 et s.)» (Bultmann, 1969, p.85) Le but
étant, non pas de compter le nombre de fois qu’il faut pardonner, mais plutôt seulement le
faire quand il le faut pour ne pas que le cercle vicieux de vengeance commence et se
perpétue. Il est donc possible de dire que le pardon n’a pas vraiment de limite. (Lenoir,
2010, p. 86) C’est à travers le concept de l’amour que tout devient plus significatif pour
le Christ. « [...], en aimant, l’homme se détourne de lui-même et se dispose à rencontrer
son prochain, de même, en se repentant, il se livre lui même à Dieu afin d’être ainsi
ouvert à Sa grâce. En effet, seul peut implorer le pardon celui qui est prêt à pardonner
(Matth. 6, 12; Luc 7, 47), et seul a été réellement pardonné celui dont le pardon a rendu le
coeur bon (Matth. 18, 23-35; cf. Luc 7, 47). » (Bultmann, 1969, p. 89) La dimension de
pardon va plus loin encore que tout ça. Il faut aimer, il faut pardonner, mais il faut aussi
être capable d’avoir de la compassion pour son ennemi. Être capable de se mettre à sa
place et d’accepter ses gestes pour pouvoir passer à autre chose et être en mesure de
l’aimer : «Non seulement [le Christ] demande de ne pas répondre à la violence par la
violence; non seulement il suggère de dévoiler la fausseté de l’agresseur en adoptant
l’attitude strictement inverse à celle qu’il attend ; mais en plus il exige de l’aimer! [...]
Plus que le pardon, mais la compassion pour le persécuteur, même jusqu’à l’aimer. »
(Lenoir, 2010, p. 86) Ainsi, les concepts d’amour et de pardon se rapprochent,
particulièrement dans cette religion, et prouvent la présence du pardon dans la conception
chrétienne.
1.4 La justice sociale
À l’intérieur des valeurs dont Saint Paul fait la promotion vient aussi la justice
sociale, qui restera un concept central au christianisme. On retrouve donc cette justice
sociale sous plusieurs aspects, à la fois dans les écrits de Saint Paul mais aussi à
l’intérieur de l’idéologie chrétienne. L’égalité des droits est un de ces aspects, selon
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Marie-Françoise Baslez : «L’ecclésiologie paulienne est ainsi fondée sur la parité et la
réciprocité, ce qui exclut, par exemple, toute misogynie originelle : celle-ci n'apparaît
qu’au IIe siècle, conformément à une évolution générale de la société. » (Baslez, 2009,
p.39-40) Ainsi, dans la pensée de l'apôtre, l’égalité de tous les croyants semble être un
des aspects de la justice sociale chrétienne, bien qu’il existe plusieurs interprétations
contradictoires. Ce n’est cependant pas le seul aspect, et il existe d’autres formes
d’expression de cette valeur. Les chrétiens rejettent souvent la loi du Talion, mais aussi
d’autres lois avec un caractère de concession qui rendent acceptables certaines actions qui
peuvent s’opposer à la parole de Dieu. (Bultman, 1969, p. 82) Ainsi, toute loi qui
s’oppose à la valeur chrétienne de justice sociale est ignorée et rejetée par les disciples du
Christ. Les limites de la loi traditionnelle du Talion ne peuvent ainsi plus brimer la justice
de Dieu et celle de ses croyants, la justice sociale. À l’intérieur de ce contexte, la loi du
Talion se voit remplacée par le pardon qui semble plus juste: «Dans cette société juste
qu’il prophétise, les hommes devront savoir être miséricordieux, se rendre justice et se
pardonner mutuellement, de même que le père céleste leur rend justice et leur pardonne
aussi. (Mathieu, 6. 14)» (Lenoir, 2007, p.82) La justice sociale est dans le culte chrétien
l’expression de la justice divine, celle de Dieu. Dans cette perspective, le pardon devient
instrument et prescription de cette justice divine. Le pardon se retrouve alors dans la
valeur de justice sociale. Une telle notion de justice divine se retrouve aussi dans une
autre manifestation de cette conviction chrétienne. La «justice dans l’au-delà» est à la
base de sa jumelle sociale: «Quant au riche jeune homme qui le sollicite sur un moyen de
gagner la vie éternelle, Jésus lui prodigue pour ultime conseil de donner tous ses biens
aux pauvres afin d’avoir un trésor dans les cieux». (Matthieu, 19, 21)» (Lenoir, 2007, p.
81) Cela peut paraître contradictoire, de promettre la justice au royaume des cieux plutôt
que d’en faire promotion sur terre ; les chrétiens «sont des étrangers résidants (1 Pierre 2,
11), leur cité est dans le ciel (Phil. 3, 20) ; ils n’ont point ici-bas de cité permanente, mais
cherchent celle qui est à venir. (Hébr. 13-14) » (Bultmann, 1969, p.211-212) Or, cela a du
sens lorsque l’on considère que pour Jésus, la justice entre les hommes est plus
importante que la justice des hommes. (Lenoir, 2007, p.82) Autrement dit, la justice
sociale supplante la loi traditionnelle, pour Jésus, le fils de Dieu. Le divin montre donc
aux croyants que même si la justice arrivera une fois dans le royaume de Dieu, cette
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même justice doit être appliquée immédiatement sur terre. À travers tous ces aspects, soit
l’égalité des droits, le rejet de certaines lois traditionnelles et une vision divine de la
justice sociale, on peut voir une place importante pour la justice sociale dans les valeurs
chrétiennes.
1.5 La charité
Une autre des valeurs chrétiennes fondamentales est la charité. Saint Paul et les
autres disciples voient même en Jésus le renoncement et le legs de tout ce qui n’est pas
une nécessité. Saint Paul développe particulièrement cette valeur à travers ses épîtres.
L’anthropologue religieux Frédéric Lenoir affirme même que : « Le message du Christ
sur le don est résumé en une parole qui lui est attribué par Paul dans Les Actes aux
Apôtres, et que la majorité des exégètes reconnaissent comme un logion authentique : “Il
y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir” (Actes, 20, 35). » (Lenoir, 2007, p.81). En
effet, il défend que : « [l]’idée centrale du message évangélique n’est pas l’interdiction et
le mépris, mais la nécessité du partage. Jésus dénonce ceux qui accumulent les richesses
sans se soucier des pauvres qui vivent à leurs portes […] [C’est le message] que Jésus
entend délivrer : l’impératif du partage de la charité » (Lenoir, 2007, p.80). Cette valeur
est fondamentale au développement de la future Église chrétienne, surtout en ce qui a
trait à l’esprit de communauté et de fraternité. On retrouvera cet esprit dans de nombreux
textes de Saint Paul.
Dans sa première lettre aux Corinthiens, Paul fait l’éloge de l’agapè, de
cette charité fraternelle différente de l’amour passionnel, parce qu’elle
s’origine en Dieu qui est amour. Cette charité, décrite comme un
comportement de renoncement à soi, est ainsi une pratique fondée sur la foi
et l’espérance. Mais Paul affirme qu’elle est la plus grande de ces trois
vertus que la tradition désignera comme théologales, au sens où elles
mettent en communion avec Dieu (1 corinthiens, XIII, 13) (Meslin,
Universalis).
De plus, dans son épître à Philémon, Paul sait que c’est cette charité qui poussera
Philémon à accepter sa requête, qui est d’accueillir son ancien esclave échappé de chez
lui comme un frère et de l’affranchir. En effet, Onésime, cet esclave nouvellement
converti au christianisme, ne peut être une exception à l’amour de Philémon, puisqu’il
fait maintenant partie de tous les fidèles. Le fait qu’Onésime ait commis une infraction ne
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justifierait pas que Philémon l’accueille en esclave plutôt qu’en frère ; le maître doit
suivre la volonté de Dieu, soit être charitable envers son prochain, plutôt que d’écouter
son propre désir de punir le fautif, ou tout du moins plutôt que d’entretenir de la colère à
son égard (Phillips, 2008, p. 244-245). Malgré cet aspect plus fraternel de la charité,
celle-ci ne s’étend pas uniquement à la communauté chrétienne, mais elle s’inscrit plutôt
dans un profond désir de rester universelle. Pour les chrétiens, «les écrits johanniques
semblent limiter la charité aux frères dans la foi, tandis que les premiers Évangiles
insistent sur la dimension universelle de la charité chrétienne et sur l’aspect concret qui
en découle : l’obligation des bonnes œuvres » (Meslin, Universalis) C’est pourquoi le don
matériel est si particulièrement important pour les chrétiens. Pour eux, l’action est très
importante surtout en ce qui a trait à la charité. En proclamant cette action, ils remettent
même en question les fondements de la loi juive : « “Est-il permis le jour du sabbat, de
faire du bien ou du mal? De sauver une vie ou de la laisser périr?” (Marc 3, 4). Ce qui
signifie : une troisième solution, une sainte inaction, n’existe pas ; ne pas agir quand la
situation exigerait un acte de charité, ce serait mal agir. Si le jeûne n’est pas l’expression
d’une contribution sincère, il est vain (Marc, 2, 18 et s.). » (Bultmann, 1969, p.84) Ainsi,
la charité ne se caractérise pas uniquement à travers l’esprit de communauté et l’amour
du prochain, mais aussi dans le don concret de soi et de ses biens. Des collectes étaient
même organisées à travers la communauté de Jérusalem à la fois comme «œuvres
charitables», mais aussi en «témoignage de l’unité toujours menacée de l’Église du
Christ». Ces collectes avaient une importance particulière pour Paul, autant pour son
aspect matériel que théologique. (Bonnard, Universalis) La charité chrétienne englobe
plusieurs aspects de la chrétienté et, tout comme l’universalité, est l’une des valeurs que
Saint Paul a propagées le plus à travers ses voyages.
Ainsi, on constate que les valeurs d’universalité, de pardon, de justice sociale et
de charité ont une importance capitale dans la religion chrétienne, notamment grâce à
Saint Paul qui en a fait la promotion lors de ses voyages.
14
2. Les valeurs romaines et juives
La religion naissante qu’est le christianisme dans l’Antiquité se heurte au monde
romain et au monde juif de l’époque. Les trois visions sont radicalement différentes l’une
de l’autre, ce qui engendre des tensions entre les diverses communautés. En ce qui a trait
aux Romains, on peut notamment citer l’importance du plaisir et du divertissement, de la
violence, de l’amour de la richesse et de la piété. Pour les juifs, les concepts
d’exclusivité, de respect de la loi et de tradition sont particulièrement importants. Ces
valeurs seront comparées au paradigme chrétien expliqué précédemment.
2.1 Les valeurs romaines
2.1.1 L’importance du plaisir et du divertissement
Dans le contexte de la Rome antique, le plaisir prend une place d’une très grande
importance. Ce sont les loisirs qui donnent un réel confort au monde romain et qui
gardent les citoyens de Rome heureux. L’importance était telle que : « Il est une autre
forme de bonheur collectif que les Romains ont connue et pratiquée avec une telle
avidité que les témoignages en demeurent encore gravés dans le sol de Rome […] : je
veux parler des jeux. Ceux-ci ont revêtu une importance inouïe dans la vie quotidienne;
ils ont rythmé l’existence collective au point que ce luxe est devenu un besoin essentiel,
un droit absolu de la plèbe des grandes villes du monde romain. » (Meslin, 1985, p.175)
Ce plaisir peut être universellement partagé par tous les citoyens de Rome, qu’ils fassent
partie de la plèbe ou de la haute aristocratie ; tout citoyen a droit à l’amusement que peut
provoquer les jeux de cirques, par exemple. Cette universalité romaine qui peut sembler
similaire à celle de la chrétienté est pourtant aussi empreinte d’un certain mépris. En
effet, l’historien Patrick Leroux soutient que : « La plèbe aimait les jeux et les exigeait.
L’aristocratie affectait de les mépriser, mais elle y assistait volontiers et souvent avec le
plaisir du connaisseur.» (Leroux, 1998, p.152) Les jeux deviennent, durant l’Empire, de
plus en plus important pour les citoyens. Il passe de 76 jours par année, au début de
l’Empire, à 175 au milieu (Guignon, p.76). Le goût pour le sang et la violence comme
plaisir habitait particulièrement les citoyens romains: « Avant le christianisme, la
condamnation même des combats de gladiateurs se faisait rarement au nom de la
15
violence, de la barbarie du sang versé, de l’immoralité du spectacle. » (Leroux, 1998,
p.152) Le christianisme les condamne, pour leur contradiction avec les valeurs de justice,
de charité et de pardon qui ne sont pas compatibles avec le meurtre d’innocents pour le
simple plaisir. Malgré ces condamnations, les citoyens aiment avoir la possibilité de se
comparer à d’autres et de voir que leur condition est meilleure que celle des participants
aux jeux. Ainsi, il est réconfortant pour les Romains d’y assister : « [Les jeux] […]
faisaient partie intégrante du rite social […] Vils, taxés d’infamie, ravalés au rang
d’esclave, [les acteurs des jeux] permettaient au citoyen spectateur de se sentir différent,
de mépriser une condition peu enviable. » (Leroux, 1998, p.153) Un tel mépris de la
condition humaine ne peut pas être compatible avec l’amour du prochain transmis,
notamment par Saint Paul, à travers le pardon du Christ, elle ne peut même pas l’être
avec la notion d’universalité à cause du plaisir que ressentent les Romains à mépriser les
autres.
2.1.2 Violence
La civilisation romaine se caractérise par une violence quotidienne et normalisée.
On le voit d’abord par les nombreuses guerres menées durant la République et l’Empire,
particulièrement lors des conquêtes de nouveaux territoires. Cet état de combat continuel
affecte fortement les moeurs de la société romaine. L’esprit des conquêtes crée donc une
société où la violence fait partie des rapports usuels et devient la normalité. Cette
valorisation des rapports violents se trouve particulièrement dans les événements cruels
érigés en spectacle. Les jeux, divertissement très populaire durant l’Empire, ont pour
principaux spectacles les combats de gladiateurs, où s’affrontent des esclaves ou des
déserteurs. Ils sont condamnés à y mourir pour le plaisir des spectateurs. En plus de ceuxci s’ajoutent les gladiateurs volontaires. Cette contribution ne consiste pas, pour certains
historiens, à justifier ce spectacle: «Mais la participation de salariés, de gladiateurs qui
ont choisi cette mort infamante, parce qu’ils étaient des hommes perdus, criblés de dettes,
parvenus à un tel point de dégradation psychologique et morale qu’ils n’avaient plus
d’autre envie que de vivre encore un peu en ripaillant entre les combats, cette
participation est tout aussi scandaleuse.» (Meslin, 2015) À ces hommes contraints de se
vendre pour des raisons financières s’ajoutent des gladiateurs qui se louent pour un
16
combat. Ils recherchent principalement la possibilité de vaincre la mort et de montrer leur
courage face à elle. C’est d’ailleurs cette vision des jeux qui en fait le principal intérêt
pour les citoyens romains. Au début, les combats servent de cérémonie funéraire chez les
plus fortunés, qui souhaitent exposer la gloire du défunt par un spectacle grandiose.
Durant l’Empire, toutefois, la gladiature se détourne de cette signification et devient
plutôt un divertissement, tout en conservant sa valeur de fête religieuse. Les combats
restent toutefois pour les citoyens le paroxysme de la bravoure et de la virilité. Pour les
spectateurs, les combats sont une façon de vivre cette confrontation avec la mort par
procuration. On croit que «le spectacle de la mort, loin de nuire à l’homme, lui permet
d’accroître son courage et de se fortifier». (Boucher, 2001, p. 241) L'amphithéâtre est
donc un médium pour glorifier des valeurs essentielles au monde païen: «Le mépris de la
mort, le courage, la nécessité de se battre et surtout la nécessité de vaincre sont érigés en
idéal et sont présentés comme des moments de fête.» (Boucher, 2001, p. 241) Les
sacrifices religieux sont également touchés par ce rapport avec la mort et par la violence
qui en découle. En effet, les animaux sacrifiés servent en quelque sorte de prétexte pour
laisser libre cours à la férocité humaine: «Pour le reste, il allait de soi et, même, il était
bien vu qu’un Romain se laisse aller et se réjouisse pendant les grandes festivités. Seuls
alors la cruauté, les massacres et les plaisirs les plus intenses pouvaient rassasier son âme
“forte” et “virile”». (Boucher, 2001, p. 236) Les chrétiens s’opposeront farouchement à
ces cérémonies et jeux sanglants. Ils considèrent que la fascination des humains pour le
meurtre est la preuve de sa malédiction, le dieu romain de la mort, Thanatos, étant
directement associé au diable. (Boucher, 2001, p. 242) Aux IIe et IIIe siècles, les
chrétiens seront d’ailleurs particulièrement touchés par cette violence romaine par le biais
des persécutions. À la suite de l’incendie de Rome, ce sont eux qui sont reconnus
coupables par les autorités et qui en paient les frais lors des spectacles : « À leur
exécution on ajouta des dérisions en les couvrant de peaux de bêtes, afin qu’ils périssent
sous la morsure des chiens, et en les attachant à des croix pour qu’après la chute du jour,
transformés en lampes humaines, ils fussent condamnés.» (Lenoir, 2010, p. 103) Selon
Lenoir, d’ailleurs, ces faits n’ont rien d’étonnants, considérant que la société antique est
imbibée par la violence et que l’atrocité est un spectacle quotidien. Les persécutions, du
côté des chrétiens, sont perçues de façon radicalement différente. Celles-ci, plutôt que de
17
décourager les disciples et d’ébranler leur foi en Jésus, incitent des païens à se convertir
au christianisme, les persécutés montrant un courage hors du commun lors de leur
exécution. (Lenoir, 2010, p. 104) Comme les chrétiens ne craignent ni la mort ni la
souffrance, ils montrent un stoïcisme face à la douleur qui impressionne nombre de
spectateurs. Ainsi, il est clair que la société romaine de l’Empire est imbibée par la
violence, que ce soit par les guerres, les jeux, les sacrifices ou les persécutions. Ce mode
de vie est radicalement opposé au monde chrétien, particulièrement en ce qui a trait au
message d’amour et de pardon des Évangiles.
2.1.3 L’amour de la richesse
Dans la Rome antique, l’argent prend une place prépondérante dans la société.
D’abord, le statut social, entre autres est directement associé aux possessions de
l’individu, les personnages les plus influents possédant une fortune importante. Les plus
pauvres sont non seulement mis en bas de l’échelle sociale, mais sont également
méprisés, sans regard aux moeurs, à la loyauté ou aux qualités humaines des démunis.
(Robert, s.d., p. 10) La séparation sur la base de la richesse va même jusqu’aux places
assignées durant les jeux. Les riches sont placés en bas des gradins, alors que la plèbe et
les femmes se retrouvent dans les derniers rangs du haut. (Guignon, s.d., p. 78) Cette
séparation sociale est explicable par l’amour du luxe que les Romains développent tout
au long de l’Empire. En effet, les nombreuses conquêtes enrichissent de façon
significative une certaine partie de la population, ce qui lui permet de jouir des plaisirs,
d’avoir des loisirs et de devenir riches. La société romaine permet donc à des individus
d’accumuler des biens et du capital. (Valade, 2015) Cela va directement à l’encontre des
idéaux chrétiens de simplicité, puisque les possessions terrestres sont jugées futiles, le
salut étant le seul élément réellement important pour eux. Les chrétiens prônent la
pauvreté volontaire et le don de soi à travers la charité. De leur côté, les Romains portent
un intérêt marqué pour la richesse des individus et méprisent les démunis.
2.1.4 La piété
Dans le monde romain, s’il y a bien une chose qui fait partie intégrante de la vie
des citoyens et des non citoyens, c’est la piété. Son application dépasse celle de la
18
religion, car elle «régit» les rapports entre les gens d’une société ainsi qu’avec les dieux :
« La piété est la justice à l’égard des dieux », c’est ce que dit Cicéron dans son livre De
la nature des dieux. C’est une relation réciproque entre l’homme et ses dieux. Il n’y a
aucun livre qui dicte comment agir, ce sont au contraire des traditions qui dictent
l’exécution de rites, nécessaires à la cohabitation harmonieuse des dieux et des hommes,
selon leur conception immanente du monde. Au contraire, la religion chrétienne se base
sur les écrits sacrés des apôtres. Malgré ces nombreux rites conventionnels, il y a une
grande ouverture religieuse chez les Romains. « On se montre étrangement tolérant pour
tous les cultes pratiqués par d’autres peuples, fussent-ils soumis au joug de l’Empire. »
(Grimal, En ligne) Ce qui mène à dire qu’«il n’est plus exact de parler de “religion
romaine”; il s’agit des religions de l’Empire, des formes prises alors par les cultes des
différents pays intégrés dans la vaste communauté politique romaine.» (Grimal, en ligne)
C’est ce qui a permis à la religion chrétienne de s’intégrer tranquillement dans le monde
romain, tout en prônant le culte d’un seul Dieu. La religion romaine, à l’opposé de la
religion chrétienne, n’a pas d’enseignement ni d’initiation tel le baptême. Ce sont plutôt
des devoirs religieux qui sont obligatoires, mais intégrés depuis la naissance. Les rites
sont plus liés au statut social qu’à un choix personnel, à une communauté et non à un
individu. Tout comme la religion chrétienne, le code moral ou plutôt le code éthique de la
religion romaine régit les relations civiques. Cependant, pour les Romains, «la religion
[...] [est] une expérience où l’acte culturel importe plus que les dogmes et même que les
valeurs spirituelles.» (Meslin, 1998, p. 198) Contrairement à la chrétienté, les Romains
cherchent à obtenir, par leurs cultes et leurs rites, un plus grand bien-être terrestre pour la
communauté et non le salut de leur âme dans le monde céleste. Leurs dieux les aident en
tant que membre d’une communauté: « Tout acte communautaire comporte donc un
aspect religieux, et tout acte religieux possède un aspect communautaire. » (Scheid, 1998,
p. 22) La religion romaine n’a aucune autorité religieuse, ni chef publique qui lui dicte
comment agir. Les Romains possèdent des intermédiaires entre les dieux et les hommes,
mais ils ne possèdent pas d’autorité. (Sheid, 1998, p. 22) «Le Romain vit “sous l’oeil des
dieux”, mais, non sans paradoxe, il ne doit pas chercher à établir, par lui-même, des
rapports directs avec ceux-ci. [...] Seuls les prêtres, émanation du corps social, sont
qualifiés pour régler les pratiques. Un homme témoin d’un prodige (manifestation de la
19
volonté divine) prend aussitôt conseil; on consulte les précédents, et les autorités tirent la
conclusion. » (Grimal, en ligne) Les Romains vivent dans une conception du monde
immanente, c’est-à-dire que les dieux vivent dans le même monde qu’eux, voient tout ce
que l’homme fait, mais n’interviennent pas, ou très rarement, avec l’homme de manière
directe. Les nombreux rites effectués servent donc à se concilier les dieux qui font partie
intégrante de leur réalité. Donc encore une fois c’est un monde tout à fait différent des
chrétiens, qui arrivent avec un monde transcendant. Il s’agit d’un monde où Dieu voit
tout et sait tout à partir de son monde immatériel, immortel et qui n’appartient pas au
nôtre.
2.2 Les valeurs juives
2.2.1 L’exclusivité
L’exclusivité de la religion juive est en opposition directe avec l’universalité
chrétienne, ce qui est à la source de plusieurs conflits aux débuts du christianisme, tel que
celui d’Antioche. Cette valeur se manifeste dans le fait que les juifs sont convaincus
qu’ils appartiennent au peuple élu de Dieu, qui a été fondé par l’Alliance entre Dieu et
Abraham. Cette caractéristique de peuple de Dieu se transmet de façon héréditaire : ce
sont les descendants d’Abraham uniquement qui font partie de la nation d’Israël. (SedRajna, 2000, p.13) Du coup, il est impossible pour les païens d’espérer de se convertir au
judaïsme, puisque le sang d’Abraham ne coule pas dans leurs veines. On comprend donc
pourquoi Paul révolutionne le système de valeurs déjà en place en permettant aux gentils
de devenir chrétiens au même titre que ceux d’origine juive. Cela choque grandement les
juifs, car « le problème majeur [des chrétiens], aux yeux du judaïsme majoritaire, ne fut
pas tant qu’ils adoraient Jésus ressuscité, mais qu’ils admettaient aussi en leur sein une
aile non-juive. » (Folker, 2000, p.24) Effectivement, les juifs considèrent que leur foi est
mise en danger par le contact avec les peuples étrangers, donc avec les païens. Les
prophètes de l’Ancien Testament se faisaient alors le devoir de défendre les valeurs
propres au peuple juif et de rappeler constamment l’Alliance d’Abraham pour exclure ces
étrangers. (Sed-Rajna, 2000, p.15) D’ailleurs, les juifs marquent d’une façon physique la
distinction qui existe entre leur peuple et les autres par la circoncision. Cette pratique est
20
le symbole de l’union entre Dieu et la nation d’Israël, comme la Genèse le stipule: « Dieu
dit à Abraham : Toi, tu garderas mon alliance, et après toi, les générations qui
descendront de toi. Voici mon alliance que vous garderez entre moi et vous, c’est-à-dire
ta descendance après toi : tous vos mâles seront circoncis : vous aurez la chair de votre
prépuce circoncise, ce qui deviendra le signe de l’alliance entre moi et vous. » (Genèse,
17, 9-11) Ce rituel, ainsi que les nombreux autres présents dans le judaïsme, servent non
seulement aux juifs à conserver la pureté du corps, mais également à mettre une barrière
entre eux et les autres peuples. (Sed-Rajna, 2000, p.15) Paul décide d’abolir
complètement cette barrière qui préservait l’exclusivité de la nation juive en affirmant
qu’il n’est pas nécessaire de respecter la Loi pour avoir le salut. Évidemment, les juifs,
qui accordent une grande importance à l’exclusivité, désapprouvent complètement : « Si
vous ne vous faites pas circoncire selon la règle de Moïse, disaient-ils, vous ne pourrez
pas être sauvés. » (Actes, 15, 1) Effectivement, il est nécessaire de respecter l’Alliance,
en plus d’être descendant d’Abraham, pour être le peuple élu : « Ce que Dieu a accompli
dans le passé ne devient pas un objet de possession assuré ; au contraire, il faut que la
nation se l’approprie sans cesse en respectant l’alliance, c’est-à-dire en restant fidèle à
son histoire. Avoir conscience d’être appelé et élu, c’est, au sens originel et authentique,
avoir fermement conscience d’être fidèle à l’histoire, à ses bienfaits et à ses obligations. »
(Bultmann, 1969, p.41-42) Saint Paul rend la religion chrétienne beaucoup plus
accessible et ouverte à tous en mettant de côté ces conditions contraignantes pour obtenir
le salut. Les juifs, eux, tiennent profondément à l’idée de peuple élu, et désirent que leur
religion reste exclusive. Leur religion est nationale plutôt qu’universelle et s’adresse à
une minorité choisie plutôt qu’à tous ceux qui veulent y croire.
2.2.2 Le respect de la loi
La foi juive repose essentiellement sur le principe fondateur du respect de la Loi
sacrée. Ces principes sont dictés par la Torah, qui désigne d’abord seulement les cinq
premiers livres de la Bible (le pentateuque), ensuite l’ensemble des prescriptions à
respecter pour les adeptes. Ces écrits, toutefois, n’ont pas réellement un but restrictif: «
Le judaïsme se distingue des autres religions par le fait qu’il place au centre de la
Révélation la Torah, la “Loi”, qui se présente comme un ensemble de commandements
21
(mitswot) appelant à la sainteté, à l’éthique personnelle, à l’obligation de la justice. »
(Sed-Rajna, 2000, p. 15) Le Décalogue, dicté par Dieu à Moïse, est ainsi « la base
théologique, morale et rituelle du judaïsme ». (Sed-Rajna, 2000, p. 39) Pour les croyants,
le respect de la Torah est primordial car il établit directement leur relation avec Dieu.
Dans le judaïsme, « Dieu est représenté comme un roi » et agit comme un juge pour le
peuple. (Bultmann, 1969, p. 47) C’est la crainte de l’Éternel qui est enseignée dans les
écritures, non dans le sens de peur, mais bien au sens de respect de la volonté de Dieu.
Pour les juifs, la crainte et l’amour de Dieu forment un tout qui leur permet de respecter
les commandements et de le servir. (Bultmann, 1969, p. 27) Le respect des lois dictées est
donc primordial pour conserver ce lien avec le Créateur, d’autant plus que celui-ci peut à
tout moment retirer le statut privilégié du peuple élu qu’est le peuple juif: «Certes la
nation peut se fier à la fidélité de Dieu; mais à condition d’être, elle-même, fidèle! Elle
atteste cette fidélité dans le culte, dans lequel elle confesse Dieu, dans lequel elle
confesse son histoire.» (Bultmann, 1969, p. 42) Comme Dieu peut rejeter les juifs, il est
très important pour eux de respecter les commandements pour assurer le lien de fidélité
qui les lient à l’Éternel. C’est donc par l’éducation purement traditionnelle des
prescriptions de la Torah que se transmet le culte, où la Loi est enseignée et interprétée
selon les différentes situations de la vie quotidienne. (Sed-Rajna, 2000, p. 16) Ce discours
est bien différent de celui des chrétiens. Ceux-ci portent peu d’importance aux
prescriptions dans la vie quotidienne, car le salut est accordé aux repentants plutôt qu’à
ceux observant une ligne de conduite irréprochable.
2.2.3 La tradition
Une autre dimension centrale et définitive de la religion juive est la tradition. S’il
existe plusieurs manifestations de cette valorisation, la plus importante est l’observance
de rites. Ceux-ci sont multiples et variés mais ont comme élément commun de nous
indiquer clairement la place importante de la tradition dans les valeurs juives. Les fêtes
religieuses multiples sont un bon exemple de cette tradition. Selon Gabrielle Sed-Rajna,
on retrouve des fêtes tout le long de l’année comme Hanoukkah, Pessaah ou Rosh ha
shanah, pour en nommer quelques-unes. (Sed-Rajna, 2000) La présence de nombreuses
fêtes reflète définitivement un attachement à la religion, la plupart étant liées à des
22
événements de l’histoire juive. Ce ne sont cependant pas les seules prescriptions rituelles
observées au cours de l’année :
Tous les actes et toutes les entreprises de la vie quotidienne sont soumis à
la question de la pureté et ainsi une multitude de prescriptions rituelles
s’étend à la nourriture et aux boissons, à l’abattage et à la préparation des
aliments, aux ustensiles dans lesquels on les prépare, à la préservation du
corps contre les impuretés, aux ablutions, aux souillures qui provoquent
des maladies contagieuses, la mort et la naissance, l’apparition et la
disparition de la vie, les rapports avec les incirconcis sont très exactement
réglés eux aussi. (Bultmann, 1969, p. 73-74)
Dans cet extrait, il est possible de voir une grande variété de rites observés, entourant
toutes les sphères de la vie, du traitement réservé aux morts à la simple préparation de
repas. On peut aussi voir dans ces rites une raison du conflit entre chrétiens et juifs, dans
l’abandon de ces règles. C’est du moins la thèse que supporte Siegert Folker. Pour lui,
c’est la séparation de cette tradition par les chrétiens qui est en grande partie responsable
de la séparation du culte de Jésus des autres sectes juives. (Folker, 2000, p.25) De tous
les rites juifs liés à la tradition, un des plus importants du judaïsme, ou du moins l’un des
plus symboliques dans sa différence avec les chrétiens, est la circoncision . Celle-ci est un
autre aspect qui divise juifs et chrétiens, toujours selon Folker. Ce rituel est justement très
important, puisqu’il marque l’alliance entre Dieu et le peuple élu, mais ce n’est pas sa
seule raison d’être: «[L’Église juive] puise sa force de cohésion dans sa tradition
historique et se distingue des autres nations par ses rites, parmi lesquels la circoncision et
le sabbat revêtent dès lors, tout leur sens» (Bultmann, 1969, p. 49) Comme le montre
bien Bultmann, les rites servent d’outils de cohésion et montrent très clairement
l’importance de la tradition chez les juifs. La dernière manifestation des rites du judaïsme
se trouve dans la fréquentation de la synagogue. Celle-ci serait un élément central des
rites juifs, particulièrement des juifs hellénistiques, le groupe dont est issu Saint Paul.
(Bultmann, 1969, p.106) Pierre Grelot, pour sa part, voit aussi la synagogue comme
un élément central, mais elle prouve pour lui autre chose. Ce serait une autre preuve de
la valeur de tradition juive. La synagogue aurait un lien plus fort à la communauté qu’aux
rites, même si elle travaille définitivement à renforcer la tradition à l’intérieur du
judaïsme: «Sa dimension religieuse et spirituelle [la synagogue] n’eut d’abord qu’une
importance secondaire. En effet, jusqu’à la destruction du Temple [de Jérusalem] en 70
23
apr. J.-C., la seule activité religieuse communautaire qui s’y exerçait régulièrement fut la
lecture de la Torah, sa traduction en langue vernaculaire, la lecture des prophètes, et un
sermon le sabbat et les jours de fête. » (Grelot, 2000, p. 48) Ainsi, les activités pratiquées
dans la synagogue, même si elles ont un certain aspect rituel, restent essentiellement plus
liées à la communauté. C’est cette communauté qui se veut gardienne de la tradition et
qui à travers sermon et interprétation de la Torah maintien les pratiques traditionnelles.
Donc, pour rappeler les idées des différents auteurs, la valeur de tradition juive s’exprime
à travers sa communauté mais aussi ses rites, dont la non-observance par les chrétiens
divise les deux peuples. En abandonnant la circoncision chez les convertis et les règles
alimentaires, le christianisme se dissocie de manière définitive de la tradition juive.
Donc, les valeurs romaines et juives s’opposent directement aux idéaux chrétiens.
Ceux-ci, malgré leurs différences, ont réussi à s’adapter et ont même pris le dessus des
autres valeurs en présence, particulièrement à partir de la fin de l’Empire.
Pour conclure, on peut observer des valeurs importantes du christianisme
présentes à ses débuts dans l’Antiquité. Les plus importantes sont l’universalité, le
pardon, la justice sociale et la charité. Ces valeurs ont été largement répandues par Saint
Paul lors de la conversion des païens. De plus, l’apôtre a innové en apportant l’aspect
d’universalité dans la doctrine chrétienne naissante. Du côté des Romains, les valeurs
préconisées sous l’Empire sont l’importance du plaisir et du divertissement, la violence,
l’amour de la richesse et la piété. Finalement, les juifs sont plutôt portés vers
l’exclusivité, le respect de la loi et la tradition. Comme il a été montré dans ce travail,
toutes ces valeurs sont en contradiction avec l’idéal chrétien en pleine formation. Comme
l’histoire nous l’a montré, c’est le dogme chrétien qui forme le paradigme européen de la
fin de l’Empire jusqu’à l’Époque contemporaine. Il serait intéressant de se pencher
prochainement sur les raisons de ce triomphe des valeurs chrétiennes sur les visions
romaine et juive.
24
Médiagraphie
Articles de périodiques
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Christianisme, Paris, 2007, p. 31-40.
Boucher, François-Emmanuël, « Les sacrifices sanglants, les gladiateurs et les premiers
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Du Buit, P.M., « Le concile de Jérusalem », Aux origines du christianisme, Paris, 2000, p.
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Durand, Jean-Yves, «L'invention des centres de loisirs», Géohistoire La vie quotidienne
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Folker, Siegert, « Les judaïsmes au Ier siècle », Aux origines du christianisme, Paris,
2000, p.11-29.
Grelot, Pierre, « Quelles langues parlait-on au temps de Jésus? », Aux origines du
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Robert, Jean-Noël, «Ici, nul repos, ni de jours ni de nuit», Géohistoire La vie quotidienne
dans la Rome antique, hors-série, [s.l.], [s.d.], 136 p.
Thelamon, Françoise, « “Nous vivons avec vous mais”... Les chrétiens et les mœurs de
leur temps », Histoire du Christianisme, Paris, Éditions du Seuil, 2007, p. 42-46.
Tordjman, Gilles, «La religion guide tous leurs pas», Géohistoire La vie quotidienne dans
la Rome antique, hors-série, [s.l.], [s.d.], 136 p.
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[http://www.universalis.fr/encyclopedie/lemuria-et-parentalia/], (consulté le 2
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Demoule, Jean-Paul, Hatt, Jean-Jacques, « GAULE », dans Encyclopædia Universalis,
[http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/gaule/], (consulté le 2 novembre
2015).
25
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