Monsieur Henri Malosse, président du Comité économique et social européen, merci de nous accueillir dans cette maison. Monsieur Antonio Tajani, vice président du Parlement européen; Monsieur le Baron Phlippson, président de la Contribution Juive pour une Europe Inclusive; Excellences, chers amis. Nous sommes ici pour commémorer les vies de six millions de juifs, victimes des persécutions nazies et victimes de crimes contre l'Humanité. Le temps qui passe et le nombre de survivants s'amoindrissant, notre devoir de mémoire ne fait que se renforcer. Nous nous réunissons non seulement en mémoire de leurs souffrances, mais également pour affirmer que même ceux qui ne partagent pas nos idées, nos croyances ou même notre ethnie, partagent toutefois notre Humanité. Nous sommes aussi venus pour tirer une leçon des héros qui ont, pendant la guerre, mis leurs vies en péril pour l'Autre, parfois jusqu'à y trouver la mort. Ceux qui se sont reconnus dans cette Humanité commune, qui ont sauvé NOTRE monde de la tyrannie et qui sont devenus un exemple de dévouement à la Liberté. Il n'y a pas d'équivalent au mot "Souvenir" en hébreu. Le mot "Zikaron" veut dire mémoire. Cela nous donne une idée de ce que nous faisons quand nous commémorons: il n'est pas suffisant de se souvenir d'un épisode de l'Histoire par peur de l'oublier; nous voulons en faire une partie de notre mémoire commune, jusqu'à le graver dans notre chair, pour ne jamais permettre la répétition de telles horreurs. Quand nous nous réunissons dans ce temple de l'Espoir, au cœur du rêve européen, dévoué à promouvoir l'idéal de Liberté, à redonner un sens concret à la formule du Plus jamais ça, nous savons que l'utopie d'un monde parfait n'est pas vaine. Quand nous analysons les photographies d'avant-guerre représentant les membres du parti nazi, bien habillés, en costume-cravate, ils semblent être des gens ordinaires, qu'on rencontrerait un matin en prenant un café, qui se préparent à leur travail en tant que fonctionnaires dans un gouvernement qui représente une Nation éduquée et respectable. Il est troublant de constater a priori que des personnes à l'apparence moderne, qui pensent comme nous, peuvent en venir à être impliqués dans des actes criminels à l'encontre d'enfants, femmes, et civils. C'est davantage dérangeant quand nous réalisons que ces personnes brillantes et raffinées ont commis le pire génocide de l'histoire de l'Humanité. Beaucoup d'encre a été versé à ce sujet. D'aucuns ont suggéré que le Mal venait justement de la banalité des personnes, quand elles refusaient d'admettre les conséquences de leurs actes. D'autres ont parlé des déviances liées à l'exécution d'ordres criés haut et fort, sans la remise en question de l'autorité. D'autres encore ont considéré que c'était la suite logique de deux millénaires de haine propagée contre les Juifs qui permit à un leader enragé de promouvoir une solution finale à la question Juive. Certains penseurs religieux ont été jusqu'à affirmer que cela fut le fruit d'une société basée uniquement sur un Rationalisme exacerbé, sans la spiritualité nécessaire à nuancer les penchants égoïstes et pervers, menant au mépris de la Vie. C'est certainement un débat nécessaire, mais permettez-moi d'ajouter une dimension, qui trouve son origine dans l'idée très ancienne, avancée par des philosophes juifs du Moyen-âge espagnol, français, allemand, et européen en général, l'idée de Paix Universelle. Le Savoir est ce que ces philosophes ont considéré comme étant le meilleur antidote aux conflits humains. Le premier intérêt des vivants est de survivre et prospérer, et c'est de la menace à cet instinct primaire que surviennent la plupart des antagonismes. Quand les ressources rares ne comblent plus les besoins des personnes, il y aura nécessairement des gagnants et des perdants: c'est quand le gâteau semble trop petit que les guerres commencent. Maïmonide, un de ces grands philosophes du Moyen-âge croyait qu'une grande Science pouvait empêcher la plupart des conflits. Une connaissance sur la vie, l'histoire, la nature, l'astronomie, la compréhension du cerveau humain, de ses émotions et des instincts de base permettrait, selon lui d'éclairer le sombre univers de la nature humaine, d'éclairer la manière dont différents groupes, de camps variés et contraires, peuvent trouver des façons d'arriver à des buts communs, voire s'aider les uns les autres pour y parvenir. C'est l'Éducation qui peut nous aider à identifier les nouvelles ressources qui permettront d'apporter la prospérité au plus grand nombre. Maïmonide enseigne encore que la paix dans le monde sera le résultat d'une "inondation" de Savoir dans le monde. Il appelait ça, dans son langage, la "Connaissance de Dieu", car toute existence trouve sa source dans Dieu. En observant l'univers, en analysant les évidences et en multipliant les expériences, ce n'est pas seulement l'excellence scientifique qu'on atteint, mais également l'aboutissement spirituel. Je suis certain qu'il y a beaucoup à apprendre de ces idées aujourd'hui, d'autant plus que la technologie nous en donne les moyens. En savoir trop est loin d'être un problème, c'est même souvent la solution. Les atrocités de la Seconde guerre mondiale n'ont pas été perpétrées au nom de la Science, mas au nom de la Haine et du dogmatisme. Les excuses pseudo-scientifiques des nazis, comme l'étude des races et du darwinisme social démontrent très peu de sagesse et de compréhension du monde biologique, comme l'ont démontré depuis les scientifiques ayant étudié la question. Ce ne fut pas un excès de Science, donc, mais la prise en otage de certaines théories en faveur de plans malsains. Davantage d'éducation globale devrait amener à plus de tolérance. Si, encore, nous découvrons de nouvelles sources d'énergie, nous pourrons diminuer les guerres liées aux ressources naturelles. Si nous apprenons l'histoire des Nations et des religions, nous trouverons plus de choses pour nous unir, et aurons les bases pour réfuter les fondamentalismes. Car ce qui rassemble les extrémistes et les fondamentalistes, ce n'est pas la souffrance ou l'oppression, mais l'ignorance. Si nous voulons assurer un monde de paix pour les générations à venir, nous devons considérer l'éducation globale comme notre stratégie principale pour la lutte contre l'extrémisme, pas seulement dans notre partie du monde, mais partout, car une solution stable et à long-terme requiert l'adhésion de tous. L'éducation devrait donc être au cœur de notre politique étrangère. Même quand il est compliqué d'être optimiste et d'espérer un monde apaisé et pacifique, nous devons consacrer nos forces et nos cerveaux, comme l'écrit Einstein, de manière fanatique, pour atteindre cette paix globale, car la vie d'un seul individu en Europe, en Afrique, au Proche-Orient ou n'importe où dans le monde est tout aussi sacrée et devrait éveiller le même sens de responsabilité. Aujourd'hui nous affirmons que la flamme de l'Espoir ne s'éteindra pas. Merci.