Les 2 veuves, de Bedrich Smetana Les deux veuves est un opéra de Bedrich Smetana. Rédigé en tchèque, cet opéra nous raconte l’histoire de deux femmes ayant perdu leur mari à la guerre. La première, Karolina, après deux ans de veuvage, se montre à nouveau joyeuse et reprend en main son domaine. La seconde, Anežka, en revanche, se montre toujours aussi triste et réservée depuis la mort de son époux. Cependant, un homme est amoureux d’elle et souhaite l’épouser. S’ensuit alors un chassé-croisé où Anežka refuse de lui avouer ses sentiments pendant que sa cousine monte un plan pour qu’ils s’épousent. J’ai trouvé cet opéra très intéressant sur tous les plans. J’ai beaucoup aimé la mise en scène ainsi que la musique à laquelle j’ai été sensible. Enfin, j’ai trouvé que les deux actrices principales, Lenka Macikova et Sophie Angebault, jouaient et chantaient très bien. S’il y avait une image à retenir, je dirais que c’est la dernière où l’on voit Karolina qui va dans la chambre de son défunt mari avec une expression de douleur. Cette image m’a marquée car elle montre bien que sous ses airs joyeux, Karolina cache en fait une grande douleur ; celle de la mort de son mari. On voit bien à travers cette image, que Karolina n’est pas si heureuse qu’on le croit. Elle est en fait une figure tragique de l’opéra. Le livret (ou le texte) est très bien. Par moment, le livret est particulièrement émouvant. Par exemple, lorsqu’Anežka chante toute seule et qu’elle nous livre ses pensées. De plus, l’intrigue est bien construite. Et je pense que le message que le texte voulait faire passer est qu’il ne faut pas se fier aux apparences. En effet, on s’aperçoit à la fin qu’Anežka a plus vite surmonté la mort de son mari que Karolina. Malgré le deuil, la vie continue puisque l’amour renait mais en même temps, la blessure reste indélébile. Cet opéra a pour décor un grand salon bourgeois avec un escalier monumental qui monte à un étage où se trouvent plusieurs chambres notamment la chambre bleue de l’ancien mari. C’est un espace à la fois clos et ouvert. Les deux fenêtres ouvrent sur l’extérieur. À travers ces fenêtres, on voit un arbre avec des bourgeons qui symbolisent le printemps, le renouveau, l’amour… La tapisserie ornée d’arbres rappelle également ce symbole. Plusieurs meubles sont visibles sur scène : canapés, fauteuils, tables, bibliothèque, placard… Il y a aussi beaucoup d’animaux empaillés. Ces animaux qui semblent être vivants mais qui sont en réalité morts représentent peut-être la mort qui rôde « sous » la vie. De plus, dans la chambre bleue, on peut apercevoir une maquette d’avion qui rappelle le défunt mari mort à la guerre. Cette maquette symbolise le deuil personnel de Karolina qui, malgré sa joie de vivre, en est très blessée mais au-delà, la blessure persistante de la Première Guerre mondiale pour l’Europe malgré les années folles. Les lumières de l’opéra, quant à elles, sont assez douces, subtiles. À part celles de la chambre bleue qui sautent aux yeux. Cet éclairage contrasté entre la chambre et le reste de l’espace permet de mettre en valeur la mort tragique des maris même si la chambre demeure en arrière-plan. La musique de Smetana, que j’ai beaucoup aimée, accompagne vraiment les chants. Elle est la base sur laquelle s’appuie tout l’opéra et change continuellement de registre pour accompagner le caractère des personnages. En effet, elle se fait plus légère quand Karolina prend la parole et plus sombre lorsqu’Anežka chante à son tour. Cette musique est, en plus, magnifique. Les chanteurs sont aussi de vrais acteurs. Leurs visages sont pour tous très expressifs. Les déplacements sont très théâtraux accompagnés de grands gestes. Mais c’est ce qui rend cet opéra sublime. En plus, il y a une symbolique dans la gestuelle et les déplacements car Karolina qui est très gaie et très vive se déplacent souvent assez vite. En fait, elle ne s’assoit qu’à de rares moments tandis que sa cousine Anežka est plus posée et moins mobile. Les costumes sont d’époque lendemain de la Première Guerre mondiale (1920). Il y a une opposition entre Anežka portant toujours le deuil, qui reste habillée en noir et Karolina qui, elle, porte plutôt des couleurs chaudes. On voit bien dès le début que ces deux cousines n’ont pas la même personnalité ni la même conception de la vie. Enfin, la mise en scène était très bien. La metteuse en scène, Jo Davies, a pris le parti dès le début, de projeter un film pour que l’on comprenne que les deux maris sont morts à la guerre. Ce film était, je pense, non seulement essentiel pour comprendre mais aussi pour saisir l’intention générale de Jo Davies qui a voulu donner à l’intrigue une profondeur supplémentaire, celle d’une guerre qui a bouleversé une partie du monde. Ainsi, l’opéra, au-delà d’une histoire d’amour légère, acquiert une sorte de dimension tragique. La mise en scène, cependant, respecte l’opéra d’origine qui s’inspire de la comedia dell’arte avec des situations comiques et des quiproquos. Par exemple, lorsque l’homme s’agenouille devant Karolina pour lui expliquer qu’il est amoureux de sa cousine, Anežka apparait et pense qu’il ne veut pas l’épouser mais s’unir à sa cousine. Heureusement, l’affaire est vite réglée. Pour conclure, je voudrais souligner que cet opéra m’a beaucoup plu et qu’il m’a touchée. Moi qui m’attendais à m’ennuyer durant tout le long du spectacle, je me suis lourdement trompée. Léonore Fourré, 2nde E