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Evidemment, nous avons abandonné cette thèse depuis longtemps mais elle a eu le mérite de mettre
les observations et les connaissances en ordre.
Par la suite, les ethnologues ont plutôt mis l’accent sur les spécificités de chaque société, les
unes étant techniquement très avancées (les sociétés développées occidentales) alors que d’autres
développent des connaissances très pointues sur les structures familiales (les aborigènes d’Australie),
les unes mettant l’accent sur la coopération (les Arapesh étudiés par Margaret Mead) alors que
d’autres valorisent l’individualisme et le conflit (les mundugomor étudiés par Mead). Bref, les
ethnologues mettent en avant les différences de Culture (au sens sociologique et ethnologique du
terme) d’où le terme de « culturalisme » attribué à ce type d’approche. Par exemple, Ruth Benedict
montra que les sociétés peuvent être classées en « sociétés apolliniennes » et « sociétés dyonisaques »
: dans les premières le comportement typique de l'individu est tourné vers une recherche d'harmonie et
de coexistence pacifique; la méditation et l'intégration au groupe tiendront une place importante. Au
contraire, dans les sociétés "dyonisiaques" l'individualisme et l’agressivité sont valorisées; et, à la
méditation, on privilégie la recherche de "l'extase" (dans l'usage de drogues par exemple). Dans ce
type de travaux il apparait que le comportement individuel, aussi libre soit il, est, dans ses grandes
tendances, déterminé par la culture du groupe ou de la société à laquelle on appartient. Cependant, il
existe une dérive possible de ce culturalisme qui est de considérer que les différentes cultures sont
incompatibles entre elles et on refuserait alors tout contact entre sociétés. Mais ce serait avoir une
conception d’une culture monolithique et homogène par l’observation des sociétés nous ont montré
qu’elles sont en contact les unes avec les autres et échangent non seulement des biens mais aussi des
pratiques culturelles, des contes, etc...
Depuis longtemps les ethnologues s’étaient aperçus qu’on pouvait retrouver les mêmes
scénarios de mythes ou de légendes de par le monde. Une des premières théories pour expliquer cela
fut le « diffusionnisme » c'est-à-dire qu’on a pensé que les divers groupements humains ayant été en
contact ses ont échangés ces récits qui se sont peu à peu diffusés.
Cependant, les ethnologues se rendirent également compte qu’il y a aussi des récits semblables
dans des peuples qui ne peuvent manifestement pas s’être rencontrés. Un des plus grands noms de
l’ethnologie, Claude Lévi-Strauss, a retenu une autre hypothèse. Pour lui, l’esprit humain est partout le
même et les hommes inventent finalement les mêmes récits à partir des mêmes idées de base (ce qu’il
appelle des « mythèmes »). Donc il est inutile d’essayer de trouver la « première version » d’un récit
ou d’un mythe car elle n’existe probablement pas. Lévi-Strauss propose plutôt de comparer les
différents récits, la façon dont ils sont construits, c'est-à-dire de comparer leur « structure » (un peu
comme on pourrait comparer la structure squelettique de deux animaux différents). De même, il va
comparer les différentes techniques de mariage existant dans les différentes sociétés, les types de
famille, etc... On parle alors de « structuralisme ».
Lévi-Strauss est probablement l’ethnologue le plus connu au monde. On peut citer deux de ses
héritiers actuels : Maurice Godelier et François Héritier.
Remontons un peu dans l’Histoire en citant un autre ethnologue, Franz Boas, dont nous avons
déjà parlé puisqu’il a étudié et diffusé la pratique du « Potlatch » des indiens Kwakiutl de Colombie
britannique, pratique utilisée et développée par Marcel Mauss dans son article sur le Don puis
réutilisée par Polanyi dans son analyse du capitalisme (« la grande transformation »).
Les ethnologues étudient donc toutes sortes de « sociétés traditionnelles », que ce soit les
Inuits du Nunavut, les Hopis d’Amérique du Nord, les Nambikwara du Brésil, les Yorubas du Niger,
les Nas de Chine,...Ils s’intéressent à leur artisanat et à leurs techniques de production, à leurs règles
de mariage et de parenté, à leurs croyances, au chamanisme et au totémisme, à leurs stratifications
sociales et aux monnaies qu’ils utilisent. Pour faire ces analyses, ils n’ont guère le choix que pratiquer
des entretiens ou opter pour l’observation participante. Mais dans tous les cas, l’intérêt premier de