RIVOT L .E .
Docimasie.
Traité d’analyse des substances minérales
Paris 1886
ANTIMOINE.
Sb= 806,45.
L'antimoine est d'un blanc grisâtre ; il a un très bel éclat à la cassure fraîche, mais il
se ternit assez rapidement à l'air humide. Lorsqu'il est parfaitement pur, il a la
texture cristalline assez prononcée ; la surface des culots et des lingots, refroidis avec
une certaine lenteur, présente des ramifications cristallines qui rappellent la
disposition des feuilles de fougère. Il communique aux doigts une odeur particulière;
sa saveur est très sensible.
L'antimoine est dur et fragile : il se laisse aisément réduire en poussière fine; sa
densité varie de 6,7-1 à 6,86.
Il entre en fusion un peu au-dessus du rouge sombre ; il donne des vapeurs à une
température un peu plus élevée : ces vapeur» uni une odeur alliacée, notablement
différente de celle que répandent les vapeurs d'arsenic.
Chauffé au rouge vif dans un creuset fermé, et sous une couche un peu épaisse de
matières fixes en fusion, il donne des vapeurs très appréciables; mais, cependant, il
ne perd que très lentement de son poids. Au contraire, lorsque l'antimoine est
chauffé jusqu'au rouge vif dans un courant de gaz, qui n'exerce sur le métal aucune
action chimique, il est volatilisé avec une assez grande rapidité ; on ne parvient,
cependant, que très difficilement à le faire passer en totalité à l'état de vapeurs. Au
point de vue des essais de laboratoire, aussi bien que pour le traitement
métallurgique, l'antimoine offre l'inconvénient d'être très volatil, sans être distillable
comme le zinc et le cadmium.
L'antimoine ne décompose l'eau qu'à une température assez élevée. A la
température ordinaire, dans l'eau aérée, l'antimoine s'oxyde assez promptement par
l'oxygène de l'air, sans qu'il y ait dégagement de gaz.
Sous l'influence des acides non oxydants, l'antimoine ne décompose facilement
l'eau qu'à l'aide de la chaleur : ainsi, par exemple, on peut traiter le métal très divisé
par l'acide chlorhydrique étendu ' et froid, sans qu'il se dégage de l'hydrogène, sans
qu'il se forme du chlorure d'antimoine. L'acide chlorhydrique un peu concentré, agis-
sant à la température de 50 à 60 degrés, dissout, au contraire, très rapidement
l'antimoine, surtout lorsque le métal est très divisé. L'action de l'acide sulfurique
étendu est un pou plus énergique que celle de l'acide chlorhydrique.
Le métal très divisé, imprégné d'acide chlorhydrique, d'acide sulfurique ou
d'acides organiques, exposé au contact de l'air, attire assez rapidement l'oxygène ; il
se produit des sels d'oxyde d'antimoine. Il s'oxyde encore plus promptement au
contact de l'air, lorsqu'il est imprégde liqueurs alcalines; il se forme dans ce cas
des composés de l'oxyde d'antimoine ou de l'acide antimonique avec les alcalis.
L'acide azotique très étendu dissout rapidement, à froid, l'antimoine métallique; la
dissolution contient un sel très instable, l'azotate d'oxyde d'antimoine : elle se
trouble, lorsqu'on cherche à la concentrer, ou lorsqu'on la fait chauffer doucement.
L'acide azotique un peu concentré attaque l'antimoine avec beaucoup d'énergie; il se
forme de l'acide antimonique, qui apparaît sous forme d'une masse blanche; un peu
gélatineuse, se rassemblant avec une grande lenteur, passant partiellement à travers
les pores du papier, lorsqu'on cherche à la recueillir sur un filtre. Lorsque l'acide
antimonique, produit par l'action de l'acide azotique, est entièrement rassemblé. la
liqueur acide, parfaitement claire, ne renferme que des traces d'antimoine.
L'eau régale très chlorhydrique dissout aisément le métal : la dissolution est assez
stable ; on peut l'étendre d'un peu d'eau sans qu'elle se trouble, mais elle laisse
déposer une partie de l'antimoine lorsqu'on lui ajoute une grande quantité d'eau. La
liqueur acide ne se trouble pas par addition d'eau lorsqu'on a mis dans cette liqueur
chlorhydrique un peu d'acide tartrique.
L'eau régale très azotique agit très énergiquement sur l'antimoine métallique,
mais ne le dissout que partiellement : la liqueur acide, séparée par décantation de
l'acide antimonique non dissous, se trouble dès qu'on l'étend d'eau, à moins qu'on
n'ait eu l'attention de lui ajouter d'abord une certaine quantité d'acide tartrique.
Antimoine et hydrogène. L'hydrogène, gaz formé, et l'antimoine métallique ne se
combinent pas; mais lorsque l'un des deux corps se trouve à l'état naissant en contact
avec l'autre, il se forme de l'hydrogène antimonié. Le composé est gazeux; il se
rapproche beaucoup de l'hydrogène arsénié par l'ensemble de ses propriétés. Il
prend naissance dans un certain nombre de réactions analytiques, et sa formation est
fréquemment une cause de perte d'antimoine.
On ne cherche à le produire que dans une seule circonstance, dans l'appareil de
Marsh, lorsqu'on veut reconnaître la présence d'une très faible quantité d'antimoine
dans une substance minérale. On opère absolument comme nous l'avons indiqué
dans notre premier volume pour la recherche de l'arsenic.
On verse dans l'appareil une liqueur sulfurique, contenant l'antimoine à l'état
d'acide antimonique : cet acide est réduit par le zinc, et le métal se combine avec
l'hydrogène à l'état naissant. L'hydrogène antimonié se forme relativement avec pi
us de lenteur lorsque la liqueur acide, contenue dans l'appareil, contient du
peroxyde de fer, ou d'autres corps oxydants, qui retardent beaucoup la réduction de
l'acide antimonique. Le dégagement du gaz hydrogène antimonié a lieu, au
contraire, avec plus de rapidité lorsqu'on introduit dans l'appareil de Marsh la
liqueur sulfurique, préalablement traitée par l'acide sulfureux : la liqueur sulfurique
ne contient plus de peroxyde de fer, elle renferme l'antimoine à l'état d'oxyde;
l'oxyde est réduit par le zinc beaucoup plus promptement et plus facilement que
l'acide antimonique.
Pour mettre en évidence l'antimoine contenu dans les gaz qui se dégagent de
l'appareil, on opère comme pour l'arsenic. On allume l'hydrogène à l'extrémité du
tube effilé, on coupe la flamme par une surface de porcelaine. L'hydrogène antimonié
est décomposé par la chaleur de la flamme : l'antimoine métallique se dépose plus ou
moins complètement sur la surface froide. On obtient le dépôt de la totalité de
l'antimoine sur la porcelaine, en dirigeant l'opération de telle manière que la flamme
soit très courte, en coupant la flamme très obliquement par la porcelaine, et en
donnant à la porcelaine un mouvement lent qui mette constamment une surface
froide en contact avec la flamme.
Les conditions du maximum de sensibilité de l’appareil de Marsh pour la
recherche de l’antimoine sont tout à fait les mêmes que celles que nous avons fait
connaître pour la constatation de l’arsenic. L’antimoine étant moins volatil et un peu
moins facilement oxydable à l’air que l’arsenic, on arrive plus aisément à obtenir des
taches assez intenses.
On peut encore constater l'antimoine en décomposant l'hydrogène antimonié dans
le tube de verre que traversent les gaz, en chauffant le tube avec une lampe à alcool :
l'antimoine se dépose sous forme d'anneau ou de miroir métallique à une faible
distance du point chauffé.
Antimoine et oxygène. L'antimoine, chauffé au contact de l'air, un peu au-dessus
du rouge sombre, brûle assez vivement, avec production de fumées blanches d'oxyde
d'antimoine. Dans un courant d'air un peu rapide, ou dans l'oxygène, il se produit
toujours de l'acide antimonique en mo temps que l'oxyde d'antimoine. On no
connaît que deux composés bien définis de l'antimoine et de l'oxygène, l'oxyde SbO3,
et l'acide antimonique Sb2O3.
On a considéré pendant longtemps comme un oxyde particulier le composé qui est
représenté par la formule Sb2O4 : on l'a désigné sous le nom d'acide antimonieux. On
admet actuellement que ce composé est un antimoniate d'oxyde d'antimoine.
Toutes les combinaisons de l'antimoine et de l'oxygène sont décomposées, à une
température plus ou moins élevée, par le charbon, par le soufre, pur l'hydrogène, par
l'oxyde de carbone, par plusieurs métaux. Lorsqu'on les chauffe au rouge à l'abri du
contact de l'air, après les avoir intimement mélangées avec du sel ammoniac, le
métal se volatilise presque eu totalité à l'état de chlorure d'antimoine.
Antimoine et chlore. L'antimoine a pour le chlore une grande affinité : il forme
avec lui deux chlorures, dont les compositions se rapportent aux formules Sb 2Cl3,
Sb2Cl5. Ces composés peuvent être préparés à l'état anhydre par In voie sèche : on
les obtient presque toujours par voie humide dans les opérations analytiques, en
traitant par l'acide chlorhydrique ou par l'eau régale, le métal, les sulfures, l'oxyde
d'antimoine ou l'acide antimonique.
PROTOCHLORURE SB2CL3. II est d'un blanc grisâtre, très fusible, distillable au-
dessous du rouge sombre; ses vapeurs se condensent en un liquide, dont l'aspect est
analogue à celui du beurre en fusion; il cristallise en tétraèdres. Il attire l'humidité
de l'air, et se transforme en un liquide jaunâtre, sans qu'il paraisse y avoir décom-
position du chlorure,
Mis en présence d'une quantité d'eau un peu grande, il se décompose ; on obtient
une liqueur fortement acide et laiteuse, de laquelle se dépose lentement une matière
blanche, qui contient principalement de l'oxyde d'antimoine. La liqueur claire
renferme de l'acide chlorhydrique, et lient en dissolution do l'oxyde d'antimoine.
On évite je trouble que produit l'eau en ajoutant de l'acide chlorhydrique, de
l'acide tartrique et môme d'autres acides organiques;
on admet qu'il y a cependant décomposition du chlorure, et que la liqueur claire
contient l'oxyde d'antimoine dissous dans les acides.
Lorsqu'on ajoute un très grand volume d'eau à la dissolution chlorhydrique, elle
se trouble, et laisse déposer très lentement de l'oxyde d'antimoine retenant un peu de
chlore. Cet effet ne se produit pas dans les liqueurs qui contiennent une proportion
suffisante d'acide tartrique : c'est ordinairement l'acide tartrique qui est employé,
dans les opérations analytiques, pour empêcher les dissolutions chlorhydriques de
se troubler quand on les étend de beaucoup d'eau.
Le dépôt qui se produit par addition d'eau dans une liqueur chlorhydrique, se
dissout assez facilement dans l'acide chlorhydrique concentré, au moins lorsqu'on
fait agir l'acide sur le dépôt encore humide; après dessiccation à 100 degrés, la
matière ne se dissout que lentement et difficilement dans l'acide.
L'acide azotique concentré décompose rapidement le protochlorure à l'aide de la
chaleur, et le transforme en grande partie en acide antimonique; l'action de l'acide
azotique étendu est très lente. surtout à froid. Lorsqu'on fait agir l'acide azotique sur
la dissolution chlorhydrique de l'oxyde d'antimoine, il y a transformation rapide de
l'oxyde en acide antimonique, mais ce dernier reste dissous; il ne se produit un
précipité d'acide antimonique que dans le cas la liqueur chlorhydrique est très
étendue et ne contient que très peu d'acide libre.
Le protochlorure d'antimoine se combine avec un certain nombre de chlorures
alcalins et de chlorures métalliques. Les chlorures doubles ont été fort peu étudiés.
Le chlorure d'antimoine se dissout sans altération dans les dissolutions concentrées
des chlorures de potassium et de sodium, chauffées jusqu'à 100 degrés; par refroi-
dissement de ces liqueurs, on obtient des cristaux tétraédriques de grandes
dimensions, qui ne renferment qu'une faible proportion de chlorures alcalins.
L'ammoniaque, les alcalis fixes, les carbonates alcalins, enlèvent complètement
l'acide chlorhydrique à l'oxyde d'antimoine ; lorsqu'on fait agir ces réactifs en excès
sur la dissolution chlorhydrique de l'oxyde d'antimoine, on obtient un précipité
d'oxyde d'antimoine hydraté qui reste insoluble dans l'ammoniaque en excès, mais
qui se dissout dans les alcalis caustiques ; il n'est pas tout à fait insoluble dans les
carbonates alcalins.
La dissolution chlorhydrique de l'oxyde d'antimoine décompose un certain
nombre de sels métalliques, notamment le chlorure d'or; elle agit cependant comme
réductif moins énergique que la dissolution chlorhydrique de protoxyde d'étain.
PERCHLORURE Sb2 Cl3 Le perchlorure, préparé par voie sèche, par l'action du
chlore gazeux et parfaitement desséché sur l'antimoine métallique, est un liquide
incolore, très volatil, distillable sans altération, répandant a l'air des fumées blanches
très intenses. Mis en contact avec une quantité d'eau un peu grande, il est presque
complètement décomposé, en acide antimonique qui se dépose lentement, et en
acide chlorhydrique qui retient en dissolution une certaine proportion d'acide
antimonique.
On admet que la décomposition du chlorure en acide chlorhydrique et en acide
antimonique a lieu encore lorsqu'on met le chlorure en contact avec de l'eau
fortement acidifiée par l'acide chlorhydrique ; mais la liqueur reste claire ; l'acide
antimonique est dissous en totalité par l'acide chlorhydrique. L'acide tartrique et
plusieurs autres acides organiques s'opposent encore plus efficacement que l'acide
chlorhydrique à la précipitation de l'acide antimonique par l'eau.
L'acide antinomique récemment précipité, non desséché est soluble dans l'acide
chlorhydrique, mais plus lentement que l'oxyde d'antimoine, également non
desséché. La liqueur acide se trouble, et laisse déposer une partie de l'acide
antimonique, lorsqu'on l'étend d'eau ; ce trouble par addition d'eau ne se produit
plus lorsqu'on a mis une certaine quantité, quelques déci grammes, d'acide tartrique.
La dissolution de l'acide antimonique dans l'eau régale chlorhydrique se trouble
par addition d'eau bien plus facilement que la dissolution chlorhydrique ; dans ce cas
encore, l'acide tartrique permet de maintenir la totalité de l'acide antimonique en
dissolution, alors même qu'on ajoute une très forte proportion d'eau.
Lorsqu'on chauffe longtemps à 100 degrés, ou bien lorsqu'on cherche à concentrer
par évaporation lente une dissolution chlorhydrique contenant de l'antimoine, les
vapeurs acides qui se dégagent entraînent une quantité très appréciable du métal.
L'addition d'acide tartrique empoche bien les liqueurs acides de se troubler pendant
l'ébullition ou pendant l'évaporation, mais elle ne s'oppose pas à l'entraînement de
l'antimoine par les vapeurs acides.
Antimoine et soufre. L'antimoine forme avec le soufre deux composés bien définis,
Sb2 S3, Sb2S2, qui répondent par leur composition à l'oxyde d'antimoine et à l'acide
antimonique. Le premier se trouve dans la nature en assez grande abondance dans
un grand nombre de localités, et constitue le minerai le plus ordinaire de l'antimoine;
le second no peut être obtenu que très difficilement à l'état de pureté parfaite, par
l'action de l'hydrogène sulfuré sur une dissolution chlorhydrique et tartrique très
étendue, contenant l'acide antimonique.
On prépare en pharmacie divers composés de l'antimoine, le kermès, le soufre doré,
etc., qui contiennent principalement les deux sulfures d'antimoine, mélangés
intimement avec des proportions variables d'oxyde d'antimoine et de divers autres
composés; nous ne parlerons ici que des deux sulfures Sb2S2, Sb2S6.
PROTOSULFURE. Le sulfure naturel se présente en cristaux ou en masses
cristallines; il est gris et son éclat est assez vif; il est fusible au rouge sombre et très
notablement volatil à une température un peu plus élevée ; il n'est pas distillable. Le
sulfure fondu se prend par refroidissement en une masse grise, douée d'un éclat
métallique assez vif, présentant une texture cristalline rayonnée, tout à fait
caractéristique.
Il est complètement réduit par l'hydrogène au rouge sombre; à ce degré de
chaleur, l'antimoine ne donne que des vapeurs peu abondantes, même dans un
courant gazeux, en sorte que la réduction du sulfure par l'hydrogène peut
quelquefois être utilisée dans les analyses pour obtenir l'antimoine métallique.
Cependant, dans celle réduction, il y a toujours perle appréciable d'antimoine, soit
que le métal se volatilise en partie, soit qu'il se forme une petite quantité d'hydrogène
antimonié.
Le sulfure d'antimoine est presque complètement décomposé par le charbon à une
température élevée ; mais cette action ne peut pas être utilisée dans les opérations
analytiques, car il y a toujours perle considérable du métal par volatilisation.
Chauffé lentement au rouge sombre en présence d'une quantité d'air limitée, le
sulfure d'antimoine se grille avec rapidité ; il ne se produit pas d'acide sulfurique;
tout le soufre se volatilise à l'état d'acide sulfureux : l'antimoine passe à l'état d'oxyde
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