ECE 2 – 2015/2016 Sujet de Khôlle n°11 A l’aide de vos connaissances personnelles et du dossier documentaire, vous traiterez le sujet suivant : Assiste-t-on au retour des guerres des monnaies ? Document 1 Si l’on est officiellement en régime de changes flexibles depuis près de quarante ans, cela ne signifie nullement que les politiques économiques n’influent pas sur les évolutions de taux de change. Certains pays, et c’est typiquement le cas de la Chine, maintiennent un ancrage et contrôlent explicitement leur taux de change. Mais même pour des monnaies déclarées flexibles (…), la politique monétaire (induit des) effets sur les structures de portefeuilles des investisseurs internationaux, et, in fine, sur la dynamique des taux de change. S’il en découle une dépréciation délibérée des taux de change, on devrait alors parler d’une « guerre des monnaies implicite ». Mais certains pays vont plus loin, en menant des interventions sur le marché des changes ou en mobilisant les contrôles de capitaux (…) afin de manipuler leur taux de change. On devrait alors parler d’une « guerre des monnaies explicite », de nature à contrecarrer les fondamentaux et à induire une dépréciation réelle ou à neutraliser une appréciation sur les marchés. D’où la notion, forgée dans les années 1930, de dépréciation compétitive ou de politique d’exportation du chômage (Beggar-Thy-Neighbor). Ces interventions ne conduisent pas, généralement, à une dépréciation des taux de change nominaux. Mais en présence d’excédents permanents de balances courantes et/ou de fortes entrées de capitaux, elles freinent la tendance à l’appréciation réelle de certaines monnaies, ce qui crée un avantage concurrentiel qui « booste » les exportations des pays concernés et qui pèse sur le commerce extérieur et l’emploi des autres économies. Pour qu’il y ait guerre des monnaies, il convient aussi que cette influence des politiques économiques sur les taux de change conduise à des situations de sous-évaluation, et donc à des écarts vis-à-vis d’un taux de change d’équilibre, avec évidemment toute la difficulté d’estimer, théoriquement et empiriquement, cette valeur de référence, par nature inobservable. Quels sont alors les pays coupables de telles manipulations ? Ils sont plus nombreux qu’on ne le croit. Si l’on se réfère aux travaux les plus récemment menés au Peterson Institute for International Economics, notamment par Joseph Gagnon, Fred Bergsten ou William Cline, en combinant différents critères (taille des interventions sur le marché des changes repérées par les variations du stock de réserves en devises, récurrence des excédents courants supérieurs à 3% du PIB, écarts vis-à-vis d’un taux d’équilibre théorique...), il y aurait une vingtaine de pays manipulateurs explicites des taux de change parmi lesquels figurent, dans les années 2010-2014, la Chine évidemment, Hong Kong, Taïwan, la Malaisie, les Philippines, la Corée, Singapour, mais aussi le Danemark, Israël, la Suède, la Suisse et occasionnellement le Japon. Source : André Cartapanis « L’euro et la guerre des monnaies en quatre questions », Les rencontres économiques d’Aix-en-Provence 2014 Document 2 On appelle « guerre des monnaies » une situation dans laquelle des pays ou zones monétaires tentent d’affaiblir leur monnaie de manière à gagner des parts de marché au détriment d’autres pays ou zones monétaires. Cette volonté concomitante est arithmétiquement impossible puisque tous les taux de change ne peuvent simultanément se déprécier. Le concept trouve son origine dans la période des années trente, époque marquée par de nombreuses dévaluations compétitives. Source : notes du CAE n°11 « L’euro dans la « guerre des monnaies » », janvier 2014 Document 3 Tout le monde le pense, mais Guido Mantega, le ministre des Finances brésilien, est l’un des rares responsables politiques à l’avoir admis publiquement : nous sommes en pleine guerre des monnaies. Des acteurs de poids, dotés d’une artillerie lourde, sont engagés dans une escalade d’interventions compétitives sur les marchés des changes. D’aucuns prétendent qu’un tel accès d’interventionnisme pourrait avoir le même effet qu’une politique généralisée d’assouplissement monétaire. Pratiquée par de nombreux pays, dont les Etats-Unis, elle consiste à injecter de liquidités dans l’économie afin de faire baisser les taux d’intérêt à long terme, et donc le cours 1 de la monnaie. C’est le seul outil qui reste pour soutenir l’activité lorsque les taux d’intérêt à court terme sont déjà proches de zéro. Ce coup de pouce aux exportateurs vise à compenser la faiblesse de la demande intérieure. Mais d’autres, plus nombreux, estiment qu’une course à la dévaluation compétitive risque d’attiser les tensions internationales. (…) Outre la Chine, dont l’intervention sur les marchés est l’une des principales causes de cette bataille des devises, plusieurs économies de premier plan sont particulièrement actives. Ainsi, pour la première fois depuis 2002, la Suisse a commencé l’an dernier à agir contre le franc (…) et sans parvenir d’ailleurs à enrayer réellement la hausse du franc face à l’euro. A l’instar de plusieurs pays d’Asie de l’Est, la Corée du Sud (…) est intervenue plusieurs fois cette année pour freiner l’appréciation du won. Et même le Brésil, qui depuis l’année dernière s’inquiète publiquement de voir un afflux de capitaux spéculatifs pousser le real à la hausse et déséquilibrer son économie, a autorisé son fonds souverain à vendre des reals pour le compte de l’Etat. Source : http://www.courrierinternational.com/article/2010/10/07/la-guerre-des-devises-est-declaree Document 4 Un taux de change est considéré comme « manipulé » si le pays a mis en œuvre des interventions ou des contrôles de change destinées à maintenir durablement une sous-évaluation du change par rapport à son niveau fondamental, et si l’objectif de cette sous-évaluation est de stimuler les exportations. Ces deux conditions sont très restrictives (…). En outre, le FMI n’a pas sur ce sujet de pouvoir de sanction. Finalement, aucun pays n’a jamais été sanctionné pour manipulation de son taux de change car la coordination est limitée entre FMI et OMC, mais aussi parce que les preuves de manipulation sont difficiles à réunir et le FMI hésite à pointer les pays « manipulateurs », surtout lorsqu’ils sont des membres importants. Devant les hésitations des organisations internationales, le danger est que le concept de manipulation de change ne soit traité au niveau de chaque zone monétaire, avec le risque de déclencher des guerres cette fois commerciales. (…) Les travaux empiriques existants montrent que les droits de douane ont beaucoup plus d’impact sur les échanges commerciaux que les taux de change, probablement parce que, contrairement aux fluctuations de change, ils peuvent être considérés comme durables. Ainsi, l’équivalent d’une sousévaluation de change de 10 % n’est pas un droit de douane de 10 %, mais plutôt un droit de douane de 1 %. Source : notes du CAE n°11 « L’euro dans la « guerre des monnaies » », janvier 2014 Document 5 : évolution du solde commercial chinois Source : M.Aglietta et G.Bao « La voie chinoise. Capitalisme et empire », O.Jacob, 2013, p. 198 2 Document 6 : évolution des réserves de change de la Banque populaire de Chine Source : M.Aglietta et G.Bao « La voie chinoise. Capitalisme et empire », O.Jacob, 2013, p. 198 Document 7 Source : Patrick Artus « A quoi ont servi les réserves de change très importantes », Revue d’économie financière, n°95, 2009 Document 8 En effet, la raison d’être de la libéralisation financière est de permettre aux pays présentant un excès d’épargne nationale d’investir dans les pays où l’épargne est insuffisante. Le libre mouvement des capitaux permet aux pays en développement de s’affranchir des contraintes financières et d’emprunter à l’étranger pour financer le rattrapage de leur stock de capital. Cela implique des déséquilibres du compte courant qui sont soutenables si ces pays affichent des niveaux de production et d’exportation plus élevés dans le futur. Le calcul du taux de change d’équilibre fondamental (FEER) proposé par John Williamson en 1983 repose sur ce type d’approche. Le FEER est le taux de change réel qui permet d’atteindre « l’équilibre externe » d’une économie dans le moyen terme (la production étant supposé atteindre son niveau potentiel). L’équilibre externe est défini non par l’équilibre de la balance courante mais par des cibles de compte courant correspondant aux flux de capitaux jugés « soutenables ». Le tableau suivant compare différents calculs de FEER pour la monnaie chinoise en 2003 (…). 3 Estimations FEER de la sous-évalution du Renminbi Coudert et Couharde Coudert et Couharde Goldstein Jeong et Mazier Période étudiée Cibles compte courant Sous-évaluation vis-àchinois en % du PIB vis du dollar US 2002/2003 2002/2003 2003 2000 -1,5% -2,8% -1% -1,5% -54% -44% de -15% à -30% -60% Source : Bénassy-Quéré, Coeuré, Jacquet et Pisany-Ferry « Politiques économiques », De Boeck, 2009, p.376 Document 9 Une trop forte accumulation de réserves de change présente plus de coûts que d'avantages : - individuellement : (…) Les coûts d'opportunité (le fait de placer ces réserves dans des actifs qui rapportent peu, plutôt que d'investir dans des projets d'investissement rentables) et de stérilisation de ces réserves l'emportent ; - collectivement : l’augmentation des réserves de change, sans être coûteuse en tant que telle, peut traduire une flexibilité trop faible des taux de change des pays émergents qui pose, elle, des problèmes globaux. Ces politiques se traduisent par des taux de change trop bas dans certains pays, induisant des excédents commerciaux élevés, qui contribuent à la perpétuation des déséquilibres mondiaux. (…) La volonté d’un pays d’accumuler rapidement des réserves de change, si elle se traduit par une politique de change fixe durablement sous-évaluée, a ainsi un coût pour l’économie mondiale. Source : Trésor-Eco « Evolution des réserves de change dans les pays émergents et stratégies d’accumulation » n°87, juin 2011 Document 10 On distingue usuellement deux motifs différents de détention de réserves de change importantes : - le motif de précaution : le pays émergent accumule des réserves de change importantes pour décourager les attaques spéculatives visant à obtenir une dépréciation de son taux de change. (…) La thèse du comportement de précaution a été défendue en particulier par (…) le FMI (2003) (…). Le pays émergent doit arbitrer entre le coût de la détention de réserves et les coûts de la crise macroéconomique ou de liquidité qui peut provoquer une insuffisance de réserves de change, par exemple en cas de sorties brutales de capitaux (Rodrik, 2006). - le motif mercantiliste : le pays accumule des réserves pour empêcher sa monnaie de s’apprécier et pour tirer sa croissance par les exportations et les gains de parts de marché. Le motif mercantiliste s’observe si l’accumulation de réserves de change importantes s’accompagne du maintien d’une situation de sousévaluation réelle du change du pays. (…) Le modèle mercantiliste de développement basé sur la croissance des exportations et qui impose une monnaie faible et le modèle de fear of floating (peur du flottement), en particulier dans les pays qui ont des dettes en devises (Calvo et Reinhart, 2002 ; Reinhart et Rogoff, 2004). On peut penser que : - le motif de précaution domine en Russie et en Amérique latine, les monnaies de ces pays, affectés par les crises de la fin des années 1990, n’étant pas sous-évaluées ; - le motif mercantiliste domine en Chine qui n’a autorisé une appréciation de son taux de change visà-vis du dollar qu’entre le printemps 2005 et le printemps 2008 dans les pays de l’Opep, qui veulent éviter qu’une appréciation de leur devise ne réduise la valeur de leurs revenus pétroliers (libellés en dollars), et dans les pays émergents d’Asie dont les monnaies sont restées faibles en termes réels ; - la situation peut être « semi-mercantiliste » dans certains autres pays : Inde, PECO ; dans ces pays, il s’agit non pas de sous-évaluer leur devise, mais d’éviter une surévaluation excessive. Source : Patrick Artus « A quoi ont servi les réserves de change très importantes », Revue d’économie financière, n°95, 2009 Document 11 Tout le monde ne peut pas avoir une monnaie faible au même moment : si une monnaie s’affaiblit, c’est qu’une autre au moins se renchérit. De cette vérité arithmétique est né le concept de « guerre des monnaies » : une course à la dépréciation monétaire qui ne peut que mal finir. La réalité est toutefois plus complexe car les principales banques centrales des pays développés poursuivent des objectifs internes. (…) En fait de « guerre des monnaies », on assiste à une confrontation de politiques monétaires dont les objectifs, les stratégies et les contraintes varient d’un pays à l’autre. (…) 4 L’expérience du Japon, dont la monnaie s’est fortement dépréciée depuis la fin 2012, suite à l’annonce d’une politique monétaire violemment expansionniste, illustre le lien entre politique monétaire et taux de change, alors que la politique de la BCE est restée plus timide durant cette période. (…) L’idée d’un jeu à somme nulle, voire négative, véhiculée par le concept de « guerre des monnaies », est controversée. Source : notes du CAE n°11 « L’euro dans la « guerre des monnaies » », janvier 2014 Document 12 Les banques centrales des principales économies avancées – Réserve fédérale américaine (Fed), Banque centrale européenne (BCE), Banque d’Angleterre, Banque du Japon – poursuivent toutes des objectifs internes : stabilité des prix, plein-emploi, ou une combinaison des deux. Les monnaies correspondantes sont flottantes : les banques centrales n’ont pas d’objectif de taux de change ; la valeur externe de la monnaie est alors déterminée librement sur le marché des changes. Dès lors, le taux de change est un canal de transmission de la politique monétaire et non un objectif de la banque centrale : la monnaie d’une économie tend à se déprécier lorsque la banque centrale du pays assouplit ou annonce qu’elle va assouplir sa politique monétaire (…). Par exemple, à taux directeur américain inchangé, une baisse de taux d’intérêt dans la zone euro entraîne une dépréciation de l’euro par rapport au dollar car les investisseurs réallouent leurs portefeuilles en faveur du dollar, mieux rémunéré. Source : notes du CAE n°11 « L’euro dans la « guerre des monnaies » », janvier 2014 Document 13 Doit-on interpréter la politique monétaire ultra-expansionniste des grands pays de la planète comme un acte de guerre de monnaies ? (…) Au moment de la crise de 2008, les pays de l’OCDE ont mis en place des politiques monétaires très expansionnistes pour accroître la liquidité des banques et soutenir l’économie. (…) En 2014, les États-Unis sortent du Quantitative Easing. Ce n’est pas le niveau du change mais bien l’amélioration de l’économie réelle qui conduit la Fed à ralentir ses achats d’actifs. Au Japon, l’objectif central des « Abenomics » était de sortir le pays de la déflation et s’est traduit par un doublement de la base monétaire en deux ans afin de financer des achats d’obligations du Trésor. (…) Sur les taux de change, le Quantitative Easing utilisé par les pays de l’OCDE a des effets différents. Le dollar américain est resté fort, la Livre Sterling s’est appréciée et le yen s’est déprécié. Pour les pays émergents, la logique est différente. Nombreux sont ceux qui ont un régime de change « peggé » sur le dollar et ne sont donc pas libres de leur politique monétaire. Par ailleurs, les pays exportateurs de matières premières accumulent des réserves de change afin d’éviter que leurs excédents structurels conduisent à une appréciation continuelle de leurs devises. Enfin, la Chine, bien qu’accumulant beaucoup de réserves depuis 2005, a laissé le RMB fortement s’apprécier en termes réels. La très récente dépréciation n’a pas inversé cette tendance. Ainsi, il semble difficile d’évoquer une véritable guerre des monnaies, compte tenu de la multiplicité des situations nationales. Source : Laurent Mignon, « Y a-t-il guerre des monnaies entre les grands pays ? », Les rencontres économiques d’Aixen-Provence 2014 Document 14 Depuis l’Accord du Plaza qui, en septembre 1985, a déclenché (ou accompagné) le retournement du dollar, puis l’Accord du Louvre de 1987, qui a mis fin à sa dépréciation, le G7 a régulièrement rappelé publiquement les bienfaits de taux de change flexibles (donc non manipulés), avec un succès très limité. Le G20 a pris le relais, sous la forme de déclarations soigneusement préparées, différant peu d’un sommet à l’autre. Le bilan du G7 et du G20 en matière de coordination internationale des politiques monétaires et des politiques de change est mitigé. D’un côté, cette coordination est vouée à l’échec à partir du moment où les banques centrales sont indépendantes avec un mandat bien défini par rapport à des objectifs internes. De l’autre, la coordination s’est avérée précieuse en période de crise, lorsque les accords (…) entre banques centrales ont permis d’alimenter les banques en liquidités dans plusieurs monnaies à la fois. Au-delà de sa faisabilité pratique, les bienfaits de la coordination internationale des politiques monétaires ne font pas consensus, dans un monde où les États ont des instruments pour faire face aux mouvements erratiques de capitaux (ajustement du taux de change, politiques macro-prudentielles) et où il est important que chaque zone conserve son instrument monétaire pour mener une politique de croissance non inflationniste. Ainsi, l’idée d’un jeu à somme nulle, voire négative, véhiculée par le concept de « guerre des monnaies », est controversée. Source : notes du CAE n°11 « L’euro dans la « guerre des monnaies » », janvier 2014 5 Document 15 En raison d’une succession de crises graves depuis l’effondrement de Bretton Woods, un certain nombre de pays en développement, en Asie et en Amérique latine notamment, ont cherché de nouveaux instruments pour se protéger de l’instabilité financière et économique mondiale. Associée au refus croissant de ces pays de se soumettre aux conditions accompagnant les prêts du FMI, cette volonté de se protéger a conduit à une accumulation massive de réserves dans les deux dernières décennies. (…) Comme celles qui les avaient précédées à la fin des années 1970 et au début des années 1980, ces crises ont montré que les pays en développement et émergents subissent de puissants flux de capitaux procycliques. Si les autorités réagissent en laissant ces afflux de capitaux, qui entrent pendant les expansions, provoquer une appréciation rapide du taux de change et creuser le déficit des comptes courants, le résultat est à peu près certain : une crise de la balance des paiements, accompagnée ou vite suivie d’une crise financière intérieure. Le problème est particulièrement grave quand il s’agit de flux de capitaux à court terme largement spéculatifs : on le comprend de mieux en mieux depuis la crise asiatique. Face à l’explosion des flux entrants de capitaux des années 2004-2007, les pays en développement et émergents ont donc souvent décidé de se doter d’un solide excédent des comptes courants et d’accumuler de grosses réserves de devises, pour réduire le risque d’être confrontés à une crise et se donner les moyens d’y réagir par les politiques appropriées si elle se produisait. De même, les pays exportateurs de matières premières ont subi des crises répétées, car l’amélioration des termes de l’échange mène à une expansion insoutenable de la demande et à une appréciation des taux de change qui induit les effets de « mal néerlandais ». Lorsque les Pays-bas ont commencé à vendre le pétrole et le gaz de la mer du Nord, l’afflux de devises venues payer ces produits de base à provoquer une forte hausse du taux de change de leur monnaie, évidemment désastreuse pour le reste de leur économie, où beaucoup d’entreprises ont perdu leur compétitivité. Par conséquent, depuis la crise asiatique, les pays en développement exportateurs de matières premières, et les économies tournées vers l’exportation en général, s’efforcent d’empêcher l’appréciation de leur taux de change en épargnant une partie des revenus d’exportation exceptionnels qu’ils estiment temporaires. La hausse des cours des matières premières pendant les années d’expansion qui ont précédé la crise actuelle a exacerbé les problèmes que créait ce comportement pour les équilibres mondiaux. Source : J.Stiglitz « Le rapport Stiglitz. Pour une vraie réforme du système monétaire et financier international », Les liens qui libèrent, 2010, p.244 Document 16 Les réserves de change peuvent être considérées comme un filet de sécurité financier pour les pays qui les possèdent. Elles peuvent en effet être utilisées pour subvenir à des besoins de liquidité en cas de crise, au même titre que les aides internationales, telles que les aides du FMI ou les accords de swap de devises entre les banques centrales. La différence entre les réserves de change et les aides extérieures est que les premières fournissent une auto-assurance contre les restrictions de liquidité, tandis que les deuxièmes constituent une assurance multilatérale ou bilatérale, dont l'octroi n'est pas automatique. La crise de 2008/2009 a été plus grave dans les pays émergents qui avaient des relations commerciales étroites avec des pays développés, mais également dans ceux qui disposaient de moins de réserves de change. Ainsi, le recul du PIB entre le 3ième trimestre 2008 et le 1er trimestre 2009 (période de crise) a été plus fort dans les pays qui avaient un degré d'ouverture commerciale élevé et des réserves de change faibles au regard de la dette à court terme. Il apparaît que les réserves de change ont bien joué un rôle protecteur partiel pendant la dernière crise. Au delà d'un certain niveau de réserves, cependant, la protection supplémentaire apportée par des réserves de change additionnelles semble marginale. (…) La crise a confirmé qu'un faible niveau de réserves de change (…) est susceptible d'engendrer une détérioration plus rapide de la confiance dès lors qu'une crise se déclenche. Les créanciers sont en effet moins enclins à accorder un refinancement de dette au pays et la Banque centrale ne dispose pas de suffisamment de réserves de change pour défendre la parité de change. En conséquence, les anticipations des agents, y compris résidents, se détériorent, induisant de fortes sorties de capitaux, qui font diminuer les réserves de change. Les pays qui disposent de réserves de change confortables sont d'autant mieux protégés d'une crise de confiance qu'ils ne se servent pas de leurs réserves de change. Source : Trésor-Eco « Evolution des réserves de change dans les pays émergents et stratégies d’accumulation » n°87, juin 2011 ********** 6