« l’eau vive », à « l’eau céleste » et se retrouve dans les « Upanishads » que dans la Bible ou dans
les traditions celtiques ou romaines
; la fraîcheur et la féminité idéalisée (frais et blêmes éclats)
porte sur le schéma de la plongée et de retournement des valeurs, de la mère et de la bien-aimée.
G.Bachelard a souligné à plusieurs reprises l’analogie entre l’eau et la pureté, l’eau étant,
selon lui, la matière, par excellence, (…) qui donne des sens précis à une psychologie prolixe de la
purification.
Elle renvoie, par ailleurs, à tous les rituels de purification, d’ablution, qui précédaient
les grands événements, marquant l’existence des communautés humaines. Il va de soi que l’une des
connotations les plus fréquentes est la rénovation, la re-naissance : On plonge dans l’eau pour
renaître rénové.
Ces considérations s’ouvrent sur l’isotopie du renouveau, de la renaissance qui est un éveil
spirituel et qui enrégimente sous le même signe, la lumière, l’eau et même le feu supposé être
engendré par le soleil. Il n’est pas dépourvu d’importance de signaler que c’est la lumière celle qui
fait surgir les propriétés bénéfiques de l’eau.
Ces éléments apparemment dispersés dans le tissu symbolique que propose l’écriture
poétique sont sémantiquement rattachés à l’idée centrale du poème qui entraîne dans un
mouvement centripète toutes les possibilités combinatoires des métaphores en action.
La multiplication synergique des effets visuels et auditifs crée l’image de l’aube qui par sa
féminité même justifie le geste d’amour du poète, mais qui s’avère être de par son ambiguïté,
inaccompli.
Le verbe qui clôt le poème, chasser doit être compris et interprété par le biais des deux sens
que le dictionnaire mentionne : poursuivre et courir après comme dans une chasse à l’amour. Mais,
à part une certaine connotation érotique dont parle aussi G.Durand
, la chasse revêt un aspect
métaphysique (Pascal) qui n’est pas loin de l’idée de prouesse, d’exploit qui rendait une certaine
grandeur au chevalier courtois.
A la grand’ville, elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant
sur les quais de marbre, je la chassais.
Entre le verbe chasser et courir s’établit une réversibilité sémantique amplifiée par l’aspect
itératif qui s’insinue à la faveur des contaminations fortuites à l’intérieur de l’espace poétique et qui
confère au verbe courir une nuance légèrement inchoative par cette suggestion même de poursuite
recommencée et indéfiniment répétée.
L’imparfait des verbes qui porte en subsidiaire la marque du non-accompli, d’action
« poursuivie » ne fait que réverbérer cette signification majeure. Puisque tout rituel n’est que la
répétition des actes primordiaux, fondateurs. « L’entreprise » à laquelle le poète s’adonne, car
c’est, en effet, un acte conscient qui se consomme sur deux plans à la fois, de la réalité tangible,
immédiate et d’une réalité surhumaine, mais qui plonge ses racines dans l’imaginaire collectif,
retrace le mouvement principal du poème, rythmé par la verticale solaire de la création.
Dans ce texte littéraire, le poète remplit une double hypostase. D’un côté, il joue le rôle de
l’artiste-créateur, de l’autre, il s’identifie à l’individu archétypal, en parcourant les mêmes étapes
qui échelonnent l’itinéraire initiatique : écart-ravissement-renaissance - hypostases qui lui
permettent à la fois de se situer dans une position transcendant sa condition et de revivre dans un
horizon inaltéré des événements autrement invivables.
Il n’existe pas des textes littéraires, ou, en effet, très peu, qui ne situent pas leur fiction dans
une perspective mythique, qu’il s’agisse des mythes anciens ou modernes. Au fait, le mythe
renferme l’idée de création par la répétition ce qui a fait G.Durand affirmer que le mythe est le plus
cf. Mircea Eliade, Traité d’Histoire des religions, Payot, 1949, p.172
G.Durand, op.cit
Idem
Gaston Bachelard, L’eau et les rêves, José Corti, 1989, p.181
Idem
G.Durand, op.cit., p.160