
droit : la société subordonnée à l’Etat, la monarchie comme constitution parfaite, le devoir
suprême du citoyen qui est la loyauté envers l’Etat… Or, il ne faut pas oublier que « quand on
parle de l’idée d’Etat, il ne faut pas se représenter des Etats particuliers (…); il faut regarder
l’idée, ce Dieu réel (…) ». Une critique valide des Etats ne saurait donc être établie avant de
se demander ce qu’est l’Etat. Il s’agit pour Hegel d’établir une théorie de l’Etat non pas idéal
ou rêvé, mais tel qu’il est (non pas tel qu’il existe, mais la manière dont il est informé par
l’Idée, c’est-à-dire la raison). Ce sont les fondements ontologiques de la politique qui sont
recherchés, hors du bruit et de la fureur des passions, car cette quête philosophique permet de
ne pas tomber dans un fatum désespérant, constitué par une succession d’évènements dénués
de tout sens et justifiant toute violence.
Dans cette optique, la politique est la science de la volonté raisonnable qui produit une
liberté efficace, c’est-à-dire une réalisation historique de la liberté. Dès lors, Idée, raison et
liberté sont synonymes, cette dernière n’étant pas, comme on le trouve par exemple dans la
Déclaration des droits de l’homme de 1789, la liberté de l’individu égoïste, mais celle de
l’homme qui veut la liberté de l’homme dans une communauté libre. Soit, pour reprendre la
terminologie hégélienne, « la volonté libre qui veut la volonté libre », au sein de l’Etat. A ce
point, on peut rappeler l’accusation de « totalitarisme étatique » : dire cela, c’est oublier que
ce vers quoi tend l’Etat, c’est la liberté accomplie de l’homme. D’où la fascination pour la cité
grecque, dont Hegel remplace l’harmonie naturelle par le rationnel, ou « l’idée morale ».
Ainsi, la famille, la société puis l’Etat sont les formes concrètes de la vie morale
progressivement élaborée, non pas chronologiquement, mais logiquement, puisque le principe
rationnel de l’Etat informe déjà le plus petit groupement humain. C’est ainsi que l’idée d’Etat
est non pas une abstraction, mais la forme la plus concrète de la liberté, « dans laquelle tout
être raisonnable peut reconnaître sa volonté propre raisonnable ». A l’inverse de la « volonté
générale » de Rousseau (qui n’explique pas comment l’on passe de la sphère individuelle à la
sphère publique, d’où une dichotomie entre l’homme et le citoyen), selon Hegel l’Etat n’est
pas une organisation qui limite ou enferme, mais une transcendance des intérêts individuels,
satisfaits.
Il est alors possible de se demander pourquoi Hegel voit dans la Prusse des années
1815-1820 le ‘modèle’ de l’Etat de liberté. Pour lui, l’Etat, est une monarchie
constitutionnelle, athée (car l’Etat réalise rationnellement ce qui constitue le contenu de la
religion sous forme de sentiment), absolument souverain à l’intérieur comme à l’extérieur, et
où le corps des fonctionnaires joue un grand rôle. Ce qui choque ici et prête à la critique est le
principe monarchique. Mais si on l’envisage du point de vue de l’Etat tel que posé supra, le