Master Professionnel CIS jean-Pierre Fourno Les méthodes électriques I.- Introduction Les méthodes électriques sont caractérisées par divers types de champs et de techniques de mesure employées pour évaluer ces champs. L'école française dite "école Schlumberger connut son origine en 1912 lorsque Conrad Schlumberger initia une série d'expériences dans le but de trouver des gisements par méthodes électriques. Il mit d'abord au point la méthode de polarisation spontanée, puis en 1914 la méthode des lignes équipotentielles. En 1920, il fit le premier relevé de résistivité électrique qu'il applique à la recherche de conducteurs métallifères et à la recherche de structures favorables à la découverte de champs pétrolifères. Cette société devait donner naissance un peu plus tard à deux grandes organisations mondiales, soit la Compagnie Générale de Géophysique de France et ses filiales mondiales et la "Schlumberger Well Surveying Corporation". J. Cagniard (1953) conçut et mis au point une technique qui a tous les avantages de la méthode tellurique mais qui ne nécessite pas de lectures continues à une station de base ; c'est la méthode magnéto-tellurique. J. Duroux (1967) est le dernier membre de l'école française qui ait apporté une contribution importante en prospection électrique. Il a conçu et mis au point une méthode qui est en tout point identique à celle de Cagniard excepté que la source du champ électrique est artificielle au lieu d'être naturelle (c'est la méthode magnéto-électrique par ondes de surface). Par méthodes électriques, on entend généralement toutes les méthodes où un courant électrique artificiel est envoyé dans le sous-sol par conduction au moyen d'électrodes ou bien les méthodes où l'on établit la distribution des potentiels électriques (voltages) au moyen d'électrodes enfouies dans le sol. Une variation de la conductivité électrique du sous-sol altère la distribution du passage du courant dans le sous-sol et en conséquence celle du potentiel électrique. Les méthodes électriques peuvent être classifiées en deux groupes principaux : celles qui font 1 l'emploi de courants artificiels et celles qui font l'emploi de courants naturels. Dans le premier cas, on utilise soit des courants ou champs électriques ininterrompus (continus ou alternatifs) artificiels tels, par exemple, la méthode des lignes équipotentielles, la méthode du quotient de différences de potentiel, la méthode de résistivité électrique et la méthode magnéto- électrique, soit des courants ou champs électriques interrompus périodiquement (transitoires) artificiels, tels par exemple dans la méthode Eltran ou la méthode de polarisation induite (domaine temporel). Dans le second cas, on utilise des courants ou champs continus naturels locaux tels que ceux de la méthode de polarisation spontanée, ou des courants ininterrompus mais plus ou moins périodiques qui circulent dans de grandes étendues du sous-sol, tels que dans la méthode des courants telluriques ou dans la méthode magnéto-tellurique. II.- Les propriétés électriques des minéraux et des roches Les anomalies électriques dépendent du contraste de conductivité électrique qui existe entre les conducteurs et la roche encaissante. Il est donc important de bien connaître les propriétés électriques des roches, c'est-à-dire la conductivité électronique, la conductivité diélectrique et la conductivité électrolytique. III.- L'appareillage employé pour les mesures électriques La description de l'appareillage peut se scinder en deux groupes soit la description de l'appareillage utilisé sur le terrain et celle de l'appareillage employé en laboratoire. Dans chacun des groupes on décrira l'appareillage relatif à une méthode électrique spécifique. 1.- L'appareillage pour mesures électriques sur le terrain L'appareillage de polarisation spontanée nécessite deux électrodes de voltage non-polarisables du fil électrique recouvert de matière isolante et un 2 potentiomètre . L'appareillage de la méthode des lignes équipotentielles requiert une génératrice de courant alternatif à basse fréquence, au moins quatre électrodes métalliques, du câble, un voltmètre pour champ alternatif. Si on emploie du courant continu au lieu d'un courant alternatif, on utilise des piles sèches de haute tension au lieu de la génératrice et un voltmètre de champ continu. L'appareillage de la méthode du quotient de différences de potentiel emploie une génératrice de courant alternatif dont la fréquence se situe dans la bande audio 10, 1000 Hz, au moins cinq électrodes métallique, du câble, un pont de calibration conçu suivant le principe du pont de Wheatstone et des écouteurs. L'appareillage de résistivité électrique consiste en une génératrice ayant une génératrice ayant une puissance de 5 ou 10 Watts allant jusqu'à 1 ou 30 kilowatts fournissant du courant continu ou des piles sèches de haute tension, quatre électrodes métalliques, un milliampèremètre, un voltmètre et du fil électrique recouvert de matière isolante. Le courant alternatif de la génératrice peut être redressé à l'aide d'un commutateur ou d'un pont de diodes. Le système génératriceampéremètre-potentiomètre peut être remplacé par un ohmètre spécialisé doublé d'une génératrice utilisée manuellement . La profondeur d'investigation de cette méthode est limitée par la puissance de la source émettrice et par les courants telluriques. L'appareillage des méthodes telluriques est très simple. Il se compose d'électrodes non-polarisables, de deux ou trois récepteurs avec enregistreurs sur papier ou digitalisés, de câble et d'un système de chronométrage par radios. La profondeur d'investigation peut être très grande. 3 L'appareillage de la méthode magnéto-tellurique se compose de trois électrodes non-polarisables, d'un récepteur comprenant un système d'amplification stabilisé et à courant continu, d'un filtre accordable et d'un voltmètre pour capter le champ électrique. Les variations du champ magnétique sont captées à l'aide de deux bobines (une mesurant la composante verticale et l'autre la composante horizontale à 90° avec le champ électrique). Les micro-fluctuations du champ magnétique sont mesurées, par exemple, à l'aide d'un magnétomètre à induction qui est en quelque sorte un système d'amplificateurs et de voltmètres. La profondeur d'investigation est de l'ordre du kilomètre. 4 L'appareillage de la méthode magnéto-élecrique par ondes de surface consiste en un émetteur comprenant un générateur de signal, un amplificateur de courant, une boucle d'émission (dipôle émetteur) de diamètre variable (jusqu'à 120 m de diamètre de grande puissance ( 1500 VA) et un récepteur comprenant des capteurs de champ électrique et de champ magnétique, des amplificateurs, des filtres et des sources d'alimentation. La fréquence est variable entre 1 et 20,000 hertz et la profondeur d'investigation va actuellement jusqu'à 300 mètres. IV.- La polarisation spontanée (PS) Cette méthode a été inventée et mise au point par Conrad Schlumberger (1912). La polarisation spontanée (PS) mesure les différences de potentiel naturel, en partie constantes et en partie variables, qui existent entre deux points de mesure à la surface terrestre. De tels potentiels naturels se rencontrent au-dessus de masses de sulfures ou de graphite et leurs causes peuvent s'expliquer simultanément ou tour à tour par des phénomènes de couches ioniques, d'électrofiltrage, de différences de pH et de Eh et d'électro-osmose. La PS est une des rares méthodes électriques où la profondeur de pénétration du courant ne peut être contrôlée. Une interprétation quantitative des résultats obtenus ne peut donc être directe. En pratique, on obtient des lignes de contour d'une anomalie de PS par la méthode des lignes équipotentielles. Les différences de potentiel des anomalies de polarisation spontanée varient entre -30 et -1750 mV maximum. V.- La méthode de résistivité électrique Dans le cas de cette méthode qui a été inventée et mise au point par Conrad Schlumberger, le courant électrique pénètre dans le sous-sol en deux points et le potentiel est mesuré en deux autres points dont la distance par rapport aux deux premières électrodes est variable. La différence de voltage et l'intensité du courant étant mesurées, la résistance est calculée et la résistivité électrique apparente qui dépend de la configuration employée est déterminée en fonction de la profondeur de pénétration. Cette méthode est couramment usitée de nos jours, surtout en Europe. 5 La configuration à cinq électrodes de type Wenner Dans ce cas, on a deux électrodes de courant C1 et C2 (A et B) et trois électrodes de potenteil P0, P1 et P2 (O M et N); la distance r entre chacune des électrodes est constante. La configuration asymétrique de Wenner On emploie deux électrodes de courant C1 et C2 et deux électrodes de potentiel P1 et P2. La distance d qui sépare C1 de C2 est grande par rapport à la distance constante r qui sépare C1 de P1 et P1 de P2. La configuration de Schlumberger C. Schlumberger (1920) a suggéré deux électrodes de potentiel M et N séparées par une distance r qui est de l'ordre de dix fois plus petite que la distance d qui sépare les deux électrodes de courant A et B. On dépalce M et N d'un point x au suivant, suivant la ligne A B.. 6 1.- Procédure opérationnelle Les propriétés électriques du sous-sol peuvent être explorées de trois façons, soit par : Sondage électrique (profilage électrique vertical), i.e. séparation variable des électrodes. Cette première procédure consiste à augmenter la séparation entre les électrodes. Elle donne des renseignements relatifs à la distribution de conductivité électrique en fonction de la profondeur et elle présente une application courante des méthodes électriques aux problèmes de génie. Profilage électrique horizontal (profil électrique) ou séparation constante des électrodes Le profilage électrique horizontal est surtout sensible aux variations latérales de 7 conductivité électrique. Cette technique est particulièrement efficace pour détecter les hétérogénéités locales peu profondes dans le sous-sol. Carottage électrique La procédure est semblable à celle du profilage électrique horizontal. Elle est employée en prospection aquifère et pétrolière. La résistivité apparente La résistivité apparente a est un concept artificiel. Il comporte une part de signification physique et une autre part d'abstraction mathématique. Elle n'est pas seulement fonction de la région de l'espace mesuré mais aussi d'un facteur géométrique F, i.e. la configuration géométrique des électrodes, choisie et c'est ce qu'on appelle la résistivité apparente a. 2.- Modes d'interprétation de relevés par méthode de résistivité électrique Comme c'est le cas pour bon nombre d'autres méthodes géophysiques, l'interprétation des résultats d'un relevé par méthode de résistivité électrique est indirecte. On compare les données ou résultats observés avec ceux de modèles géométriques simples. Ces modèles peuvent être, soit des modèles à échelle réduite expérimentaux obtenus en laboratoire, soit des modèles théoriques calculés mathématiquement. Modèles théoriques De nos jours, ce sont ceux que l'on emploie communément. Ils ont l'avantage d'être plus précis que les précédents et plus rapides à obtenir grâce à l'avènement des calculatrices électroniques au cours des dernières décades. On verra donc la théorie de divers modèles courants. 8 3.- Calcul théorique de courbes de résistivité électrique apparente pour divers modèles simples Les équations de Laplace et de Poisson ainsi que la théorie du potentiel électrique développée par Maxwell et élaborée par plusieurs autres théoriciens par la suite constituent le fondement de l'interprétation des données de résistivité électrique apparente. Les courbes théoriques obtenues sont dessinées sur une échelle bilogarithmique (log-log). En général, on place la résistivité apparente en ordonnée et la séparation des électrodes en abscisse. Si l'on utilise la configuration de Schlumberger, la courbe théorique représente la variation de la résistivité apparente a en fonction de la demi-distance (d/2) entre les électrodes de courant A et B. Si l'on utilise la configuration de Wenner, la courbe théorique représente la variation du rapport de la résistivité apparente a sur la résistivité de la première couche en fonction du rapport de la distance r constante entre les électrodes sur l'épaisseur h de la première couche. 9 Les données de résistivité prises sur le terrain sont dessinées sur une échelle logarithmique exactement similaire (courbe observée). Pour une configuration donnée, la courbe observée est comparée avec un groupe de courbes théoriques appelées abaques. La courbe théorique qui s'ajuste le mieux aux données observées est choisie et l'on tire directement les renseignements relatifs à l'épaisseur et à la résistivité vraie de chacune des couches. 1) A l'aide de l'abaque à deux terrains, on étudie le début du sondage. On détermine h1, 1 , 2 et la position de la croix à gauche. ( 1 ordonnée à l'origine, 2/ 1=cte , h1 abscisse de la croix). 2) Cette croix devient l'origine de la courbe correspondant au rapport 2/ 1 sur une abaque dite lieu de croix qui prend en compte un terrain fictif f, h f équivalent au deux terrains (1 et 2) . 3) On fait glisser l'abaque à deux terrains de manière à ce que la croix de gauche soit sur la courbe 2/ 1=cte du lieu de croix et ce jusqu'à ce que une courbe 2/1 coïncide avec la suite du sondage. 4) La nouvelle position de l'abaque à deux terrains détermine le rapport h 2/h1. Cela permet de connaître l'épaisseur h2. 10 5) Le rapport 3/ 2 permet de connaître la valeur 3. 6) Cette manipulation est reprise pour les terrains suivants. 11 VI.- Méthodes telluriques La méthode des courants telluriques est surtout employée en prospection du pétrole et dans ce cas, les conditions géologiques peuvent être résumées en une couverture de formations sédimentaires plus conductrices, sus-jacentes à un socle cristallin plus résistif. Le courant total I qui circule dans les formations est conservateur et la densité de courant i est inversement proportionnelle à l'épaisseur e des formations sédimentaires, i.e. . Comme le champ électrique , on obtient donc que le champ électrique est directement proportionnel à la résistivité des sédiments et inversement proportionnel à leur épaisseur. La méthode des courants telluriques présente cependant quelques difficultés au point de vue pratique. La première a trait à la discrimination entre les différences de potentiel reliées aux courants telluriques et les différences de potentiel dues aux effets de polarisation des électrodes qui varient avec la nature du sol où elles sont installées. On peut facilement réaliser des électrodes impolarisables de mesure dont le potentiel de 12 contact avec le sol est passablement constant dans le temps, mais il est quasi impossible de déterminer avec précision ce potentiel de contact. Les différences de potentiel ne sont donc mesurées qu'à une quantité près qui est constante dans le temps. Par rapport aux méthodes électriques usuelles (v.g. résistivité électrique) les avantages de la méthode tellurique sont évidents. La profondeur d'investigation des méthodes électriques à champ artificiel dépend de la longueur de la ligne d'émission. La méthode des courants telluriques a se sources d'émission rejetées pratiquement à l'infini et réalise d'emblée la profondeur d'investigation maximum tout en supprimant l'appareillage d'émission lui-même. Le seul défaut de cette méthode est de donner des valeurs relatives des conductances des terrains au lieu des valeurs absolues. Comparée à la sismique réflexion, la méthode tellurique est moins précise mais elle est infiniment plus légère et beaucoup moins coûteuse ; elle est en quelque sorte l'intermédiaire entre la gravimétrie et la sismique-réflexion dans la prospection pétrolifère. 1.- La méthode magnéto-tellurique (MT) Les courants électriques induits dans le sol par les variations du champ magnétique externe terrestre peuvent être employés pour mesurer la résistivité. Les amplitudes et les phases des champs magnétiques et électriques associés aux courants telluriques sont comparées et comme la profondeur de pénétration d'une onde électromagnétique est fonction de la résistivité et de la fréquence, la profondeur d'un conducteur peut être trouvée en mesurant l'intensité des variations du champ magnétique et du champ électrique à différentes fréquences. Conçue et mise au point par L. Cagniard en 1953, la méthode magnéto-tellurique (MT) utilise les ondes électromagnétiques naturelles qui sont générées continuellement dans le sous-sol par des champs électromagnétiques ou micropulsations géomagnétiques auquels sont associés les courants telluriques. Ces courants telluriques peuvent être considérés comme des courants alternatifs uniformes qui circulent sous forme de nappes ou de faisceaux parallèlement à la surface terrestre dans l'ionosphère. Construction et description des abaques 13 Le relevé de prospection magnéto-tellurique est représenté au moyen de deux courbes identiques à celles de la prospection électrique continue , mais la racine carrée de la période du signal enregistré ramplace la demi distance des électrodes d'injections du courant électrique. Les courbes sont bilogarithmique (log-log): log( a ) = log( ) 14 15