INTRODUCTION
« Je sais que la moitié de mes dépenses de
publicité ne sert à rien.
Le problème est que je ne sais pas
de quelle moitié il s’agit. »
La question de la mesure de la communication a longtemps présenté les
contours du sujet paradoxal. Chacun s’accordait à considérer que
l’évaluation était nécessaire, qu’elle constituait un outil de pilotage
essentiel, mais dans le même temps, jugeait que la communication avait
un « je ne sais quoi » d’irréductible à toute évaluation. Alors que tous les
domaines du management pouvaient se voir appliquer une grille de
mesure sur leurs performances, la communication formerait, par nature,
une discipline dont il serait impossible de juger de l’efficacité. Sous
prétexte de la subjectivité de l’image, du fait que les effets de la
communication ne s’exerceraient qu’à long terme, et de la difficulté
d’isoler l’impact des autres facteurs de l’environnement, les praticiens se
sont longtemps réfugiés dans l’opinion que la mesure de la communication
était importante, mais impossible ou sujette à caution.
Aujourd’hui, la situation est radicalement différente Nous assistons à une
véritable ébullition d’initiatives et d’expérimentations. Les anciens
arguments de blocage « je n’ai pas le budget », « je n’ai pas le temps »,
« mon flair et mon expérience me suffisent (sic) » ont fait place à un
accroissement de la demande de la part des entreprises et à une offre de
plus en plus professionnelle par les prestataires.
Bien que quelques responsables de communication affectent encore de
prétendre que « la communication ne peut pas être chiffrée », les
professionnels les plus expérimentés estiment au contraire que la
complexité et l’accélération croissantes des problèmes, rendent
nécessaires ces approches quantifiées et leur mise en perspective dans le
temps. Ils reconnaissent aussi que les tableaux de bord constituent des
outils très précieux pour présenter les enjeux et pour défendre les projets
et les budgets de communication auprès de leur Direction.
Plusieurs facteurs expliquent cette évolution :
Parvenue à une reconnaissance équivalente à celle des autres fonctions
clés de l’entreprise, un seul critère fait encore défaut à beaucoup de
directions communication : la capacité à présenter des indicateurs de
performance chiffrés et à exciper ses retours sur investissement. Les
tensions économiques rendant nécessaire l’optimisation des budgets et
poussant à diminuer, voire à supprimer les dépenses dont la rentabilité
n’est pas avérée, obligent la communication à justifier ses choix et ses
résultats par des données concrètes.
La communication se trouve de plus en plus confrontée à d’autres
fonctions rompues au maniement des indicateurs de performance. C’est
ainsi, que certaines directions marketing considérées prioritaires pour
sortir de la crise, s’appuyant sur des batteries d’études, s’efforcent de
rogner le périmètre des directions communication, et tentent, par
exemple, de cupérer la gestion de la marque ou la responsabilité de
la publicité et de l’achat d’espace quand elles leur ont échappé. C’est
également le cas des directions achats qui, sous prétexte d’une
meilleure capacité à évaluer le retour sur investissement, empiètent de
plus en plus sur le contenu des appels d’offres, et même dans le choix
des prestataires de la communication et du contenu de leur offre.
Les Directions générales demandent de plus en plus des indicateurs à
intégrer dans leurs tableaux de bord de pilotage de l’entreprise. La
construction de ces indicateurs s’avère délicate car ils doivent refléter
des critères et des situations complexes, tout en restant simples et
fiables. Dans la plupart des entreprises ces indicateurs de
communication pour la Direction n’existent pas encore. Cette demande
est d’autant plus importante que la plupart des dirigeants vivent de
plus en plus dans une bulle, le nez sur l’horizon à court terme du cours
de l’action, souvent coupés des réalités du monde extérieur, et même
de leur personnel.
De plus en plus de directeurs de la communication ressentent eux-
mêmes le besoin de disposer d’indicateurs pour juger de l’efficacité
comparée des différents outils à leur disposition afin d’améliorer leur
efficacité, d’optimiser la répartition de leur enveloppe budgétaire, et de
pouvoir argumenter leurs choix tant avec la Direction générale qu’avec
la Direction financière.
Ils recherchent également des indicateurs pour évaluer leurs
collaborateurs et pour fixer des critères objectifs pour les
rémunérations variables qui se développent à tous les niveaux et
commencent à représenter une part significative de la rémunération
(83% des directeurs de communication en 2005, contre 77% en 2001,
ont une part de variable qui représente plus du tiers du salaire annuel
fixe pour 30% d’entre eux
1
).
Longtemps dérivés des outils de marketing dont la transposition s’est
avérée inadaptée, et longtemps limités à l’analyse de la presse, au
baromètre image, à l’évaluation du journal interne et au sondage
auprès du personnel, les outils de mesure de la communication
connaissent depuis ces dernières années une professionnalisation
1
Observatoire de la communication d’Entreprises et Médias, novembre 2005
grandissante. Les entreprises affinent leurs critères et leurs méthodes.
Une douzaine de Directions de la communication ont même commencé
à créer des postes (uns à trois personnes selon les entreprises)
spécifiquement consacrés à la mesure, et indépendants des autres
services études, notamment ceux du marketing. Parallèlement, l’offre
des prestataires classiques, comme les instituts d’étude et de sondage
et certaines agences conseils, s’adapte aux besoins spécifiques des
directions communication et de nouveaux prestataires spécialisés
commencent à apparaître. La mesure des nouveaux outils comme
Internet, les blogs, ou les positions des groupes de pression, qui jouent
désormais un rôle important dans la communication impose des
indicateurs spécifiques.
Les nouvelles demandes des entreprises visent à dépasser l’évaluation
des performances techniques des moyens utilisés, pour parvenir à la
mesure des résultats réellement obtenus par rapport aux objectifs de
communication fixés sur chacune des cibles visées.
Au besoin classique de mesure des sultats en fin de plan d’action ou
en fin d’année, s’ajoutent désormais le besoin d’un véritable tableau de
bord de pilotage continu, et la demande d’outils prédictifs, radars
éclairant la route et cartes météo indiquant les risques de perturbations
potentielles sur celle-ci.
En dépit de ces évolutions, il est frappant de constater que l’évaluation et
la mesure en communication ne donne pas encore lieu à beaucoup
d’échanges entre professionnels, à des conférences ou séminaires,
contrairement à d’autres thèmes de communication rebattus parfois
jusqu’à l’usure. De même, les publications en langue française sur la
mesure en communication sont très rares et peu documentées,
contrairement à la littérature professionnelle anglo-saxonne.
L’objectif de ce livre est de contribuer à commencer à combler ce retard.
Nous avons pleinement conscience de l’ampleur et des difficultés du sujet.
Nous savons que nous n’avons couvert que la partie émergée des outils
existants et cité seulement quelques-uns des nombreux exemples réalisés
par les entreprises et les prestataires. Ce n’est qu’un début. Assurément,
un second ouvrage s’imposera très vite pour actualiser et compléter celui-
ci.
D’ores et déjà nous sommes ouverts à la critique, mais aussi aux
échanges entre toutes les personnes intéressées. Nous serions très
heureux de dialoguer avec les lecteurs ayant des réalisations ou des
réflexions en cours et d’en tenir compte pour les futures rééditions. Pour
cela, vous pouvez nous écrire à nos adresses électroniques indiquées en
fin d’ouvrage.
Ce livre repose sur une enquête menée auprès de plusieurs responsables
communication d’entreprises ou d’institutions de nature et de taille
différentes et prestataires de service spécialisés dans l’évaluation de la
communication. Les interviews ont confirmé que toute action de
communication est évaluable et presque toujours quantifiable. Tous nos
interlocuteurs ont rappelé qu’il n’y a pas de mesure possible sans
définition d’objectifs de communication précis. Corollaire : tout objectif de
communication pour lequel on ne peut pas définir d’indicateur de sultat
ou de performance est un mauvais objectif qu’il convient de redéfinir.
Par définition, le tableau de bord est un document synthétique, qui
présente des informations brèves, si possible visuelles. Pour construire le
tableau de bord, il faut partir d’un ensemble de données, comme les
baromètres image, les analyse de presse, les mesures d’impact des
campagnes de publicité, etc. Le plus souvent, les indicateurs portés sur
les tableaux de bord sont des indicateurs composites conçus à partir de
plusieurs indicateurs de base. Il n’est pas possible de parler de tableau de
bord sans décrire ces différentes mesures et sans traiter des indicateurs
qui servent à donner tout son sens au tableau de bord.
La première partie analyse les attentes des différents utilisateurs des
tableaux de bord au sein de l’entreprise et présente les principales
mesures. La seconde partie est consacrée à la construction du tableau de
bord et aux différents indicateurs et à leur utilisation pour le pilotage de la
communication. La troisième partie présente les techniques actuellement
les plus couramment utilisées dans les principaux domaines de la
communication, hors communication marketing et communication
financière. Les méthodes présentées s’appliquent non seulement à des
entreprises de nature et de taille différentes, mais aussi à des institutions,
à des collectivités, à des associations, etc. Le terme « entreprise » dans ce
livre doit être pris au sens large. Il n’est pas toujours nécessaire de
disposer de budgets importants pour effectuer des mesures.
Notre ambition n’est pas de proposer un modèle de tableau de bord qui
deviendrait la référence pratique de toute entité de communication.
Il n’existe pas de tableau de bord passe-partout. Chaque entreprise,
disposant de ses méthodes de contrôle de gestion et de « reporting » doit
forger ses propres indicateurs et ses propres tableaux de bord. Les
principes et les exemples présentés dans cet ouvrage peuvent aider les
professionnels de la communication à les adapter à leur situation.
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