concerner que ceux qui, de manière importante, systématique et manifeste ne partagent pas vos
préoccupations. Pourquoi alors ne pas mettre ces garanties dans le texte de loi, au lieu de laisser au
service de contrôle médical de l’INAMI les prérogatives de déterminer la norme, d’instruire le dossier,
et de fixer le montant des amendes qui doivent être versées …à l’INAMI ? Imaginez-vous qu’un
policier puisse unilatéralement verbaliser un contrevenant et fixer seul le montant de l’amende qu’il se
met ensuite en poche ? En France, une loi similaire a été successivement abrogée par le Conseil
d’Etat, puis par le Conseil Constitutionnel.
Monsieur le Ministre, les médecins en ont assez d’être jetés en pâture dans l’opinion publique
et qualifiés de mauvais élèves qui ne savent que dépenser l’argent que la collectivité met à leur
disposition. Etes vous capable de raisonner votre département autrement qu’en termes purement
économiques, et d’utiliser des critères scientifiques ou de santé publique ? Lorsque, par exemple, nous
prescrivons un IEC à un patient décompensé cardiaque, nous induisons une dépense mensuelle de
11,66 euros à charge de la collectivité ; mais pourquoi ne pas envisager qu’en ce faisant, on évite au
patient un décompensation grave avec œdème pulmonaire aigu qui nécessiterait plusieurs jours
d’hospitalisation en unité de soins intensifs ? Nos autorités scientifiques ne cessent de répéter que
l’hypertension artérielle, l’asthme, le diabète ou la dépression sont sous-diagnostiqués et à fortiori
sous-traités. Le véritable danger de votre projet réside moins dans le risque d’amendes aveugles et
arbitraires qu’en une véritable peur panique de prescrire induite dans le chef des médecins, dont
l’intérêt personnel sera mis en concurrence directe avec celui de ses patients. En matière de soins de
santé, si la surconsommation coûte de l’argent, la sous-consommation, que votre projet ne manquera
pas de provoquer, coûtera des vies humaines.
Nous ne vous comprenons pas, Monsieur le Ministre, lorsque vous vous acharnez à subsidier
les tracasseries administratives et les structures, plus que les soins dont bénéficient directement les
patients. Si dans les plus de cent fédérations mutuellistes, 5 personnes sont chargées de traiter tous les
jours les tonnes de demandes de remboursement, supprimer le chapitre IV des médicaments dégagerait
environ 25 millions d’euros d’économie de frais administratifs. Et voilà maintenant que votre collègue
de la santé publique a trouvé des sommes importantes pour financer les pratiques de groupe ! Votre
frénésie à vouloir organiser, structurer, hiérarchiser sur un mode collectiviste les soins de première
ligne nous fait peur. Nous craignons que la dilution des responsabilités n’engendre automatiquement
une diminution de la motivation. Nous sommes persuadés que, petit à petit, c’est la médecine libre que
vous voulez tuer, alors que la qualité de notre système de soins est internationalement reconnue, et
cela bien que les médecins y soient les moins bien payés d’Europe occidentale. Vous devez
comprendre que nous considérons les labyrinthes administratifs qu’on nous impose, et les nouveaux
projets comme une injure à notre dignité de médecins, et à notre diplôme. Nous ne nous laissons pas
abuser par la politique spectacle que vous affectionnez lorsque vous déclarez devant les caméras que
vous remboursez dorénavant les traitements de l’Alzheimer, alors que vous assortissez cette mesure
d’un véritable dédale administratif, parcours du combattant parfaitement inaccessible, et qui nous
oblige à hospitaliser à plusieurs reprises nos patients âgés. De même, lorsque vous refusez de
rembourser aux patients en dessous de 65 ans les anti-inflammatoires de nouvelle génération qui
n’altèrent pas la muqueuse digestive, vous considérez cette prescription comme un traitement de
confort. Vous analysez des chiffres, des profils et des coûts ; nous, nous prodiguons nos soins à des
personnes humaines. Nous sommes bien engagés dans une médecine à deux vitesses, seuls les mieux
nantis peuvent se payer les soins les plus performants. Alors que vous voulez réduire les soins, sans en
assumer la responsabilité, nous sommes persuadés que les prestataires sont encore les meilleurs
défenseurs des acquis sociaux de nos patients ; nous nous battons en effet pour préserver leur libre
choix, et garantir l’accessibilité de tous à des soins de qualité.
A Couvin, Mons, Chênée, Charleroi, Tournai, Auvelais et bientôt à Liège et La Louvière, les
professionnels de la santé manifestent spontanément dans les rues. En effet, vous avez réussi l’exploit
d’exaspérer tous les prestataires de la première ligne. Après avoir racketté leurs ristournes, vous
diminuez les marges des pharmaciens, et les obligez à devenir des délateurs des médecins distraits. Les
infirmiers, qu’on estime aujourd’hui incapables d’injecter un vaccin, voient leurs actes déqualifiés, et
se perdent dans les projets de hiérarchisation irréaliste. Allez-vous leur distribuer des galons de 1ère