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Chapitre 3 : Les opérations sur le fonds
de commerce
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Section 1 : La vente des fonds de commerce
I. Conditions de la vente
A. Conditions de fond
1. Capacité
Pour le vendeur la cession du fonds est un acte de commerce par accessoire. Du point de vue
de l’acheteur, la jurisprudence considère que c’est un acte de commerce par anticipation.
C’est souvent le premier acte de la vie commerciale. L’acquéreur doit avoir la capacité
commerciale.
2. Consentement
Le consentement doit exister et être exempt de vice. Les tribunaux appliquent largement les
vices du consentement et admettent facilement qu’une erreur est substantielle et qu’une
simple réticence est constitutive de dol.
3. Objet
La vente est un acte synallagmatique. Il doit y avoir un objet pour les 2 parties.
a. le fonds de commerce
La vente doit porter sur le ou les éléments qui servent de ralliement à la clientèle et qui
entraînent en principe sa fidélité au successeur. Le vendeur ne pourrait prétendre avoir vendu
le fonds s’il s’arrangeait pour retenir la clientèle. La jurisprudence considère qu’il y a cession
du fonds de commerce même s’il y a cession d’un élément isolé car c’est cet élément qui est
essentiel et prépondérant car il transfère la clientèle.
b. le prix
Il faut qu’il soit déterminé ou déterminable. Le problème principal en ce qui concerne le prix
est celui des dissimulations pour des raisons fiscales ou pour frauder les droits des créanciers.
Les contre-lettres ou dessous de table étant largement pratiquées, le Code Général des Impôts
frappe de nullité toute contre-lettre dissimulant une partie du prix. En outre, la jurisprudence
décide que la vente est valable pour le prix ostensible (visible). De plus, l’administration
dispose d’un droit de présomption qui lui permet de se substituer à l’acquéreur en offrant le
prix stipulé, majoré d’un dixième. Dans tous les actes de vente, à coté du prix global, on fait
figurer le prix de chaque catégorie d’élément, incorporels, matériels et marchandises.
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B. Conditions de forme
Alors que la loi n’impose pas la forme écrite du contrat de vente, l’article L 141-1 exige que
l’acte contienne 4 mentons obligatoires, ce qui entraîne implicitement l’obligation d’un écrit.
1. Mentions obligatoires
Elles s’ajoutent aux mentions habituelles du contrat :
- Le nom du précédent propriétaire ainsi que la date et nature de l’acte d’acquisition et
le prix payé ou l’évaluation du fonds. Cette origine de la propriété permet à
l’acquéreur de s’assurer que le vendeur ne se livre pas à ses dépends à une opération
spéculative.
- L’état des privilèges et le nantissement inscrit sur le fonds de commerce.
- Le chiffre d’affaire et les bénéfices des 3 dernières années.
- Les principales mentions du bail s’il en existe.
2. Sanction des conditions de forme
a. omission des mentions obligatoires
La sanction de l’omission est la nullité relative qui ne peut être invoquée que par l’acquéreur
pendant un an à compter de la vente. Cette nullité est subordonnée à la condition que
l’omission ait entraîné une mauvaise information de l’acquéreur et lui ait causé un préjudice
dont la preuve incombe à l’acheteur. Elle est donc facultative pour le tribunal qui détermine si
l’omission litigieuse a vicié le consentement de l’acquéreur et a entraîné pour lui un préjudice.
b. inexactitude des mentions
Le vendeur est garant, conformément aux articles 1644 et 1645 CC, envers l’acheteur de
l’inexactitude des énonciations obligatoires. La garantie du vendeur ne peut être écartée ou
restreinte par une clause du contrat. L’acheteur a un délai d’un an à compter de la prise de
possession du fonds pour engager une action en garantie des vices cachés contre le vendeur.
L’acheteur doit établir d’une part que les mentions sont inexactes, sauf si la preuve de
l’inexactitude se trouve dans la comptabilité du vendeur que celui-ci n’a pas communiqué, et
d’autre part que l’inexactitude ainsi constatée lui a causé un préjudice.
L’acquéreur peut demander soit la restitution du prix contre remise au vendeur du fonds de
commerce : c’est l’action rédhibitoire ; soit une réduction de prix et la garde du fonds.
Si le vendeur avait connaissance de l’erreur, il peut être condamné à verser des dommages et
intérêts.
3. Intervention d’intermédiaire
Il est très fréquent que la vente soit le fruit de l’intervention d’un professionnel : notaire, agent
immobilier ou agent spécialisé dans la vente du fonds. Ces derniers sont assujettis à un
règlement professionnel comportant des exigences d’aptitudes, de moralité et d’assurance
professionnelle. L’exercice de leur activité est aussi réglementé. Il faut qu’il y ait un mandat
écrit entre le vendeur et le professionnel et il leur est interdit de percevoir une rémunération
avant la conclusion de la vente. Le régime des intermédiaires se recoupent sur deux points
avec celui de la vente du fonds. L’intermédiaire est solidairement responsable avec le vendeur
de l’inexactitude des énonciations de l’acte de vente. En outre, il est responsable dans tous les
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cas il ne s’est pas suffisamment renseigné sur le fonds cédé car il doit, selon la cour de
cassation, expliquer les informations qu’il donne. D’autre part, l’intermédiaire est garant du
respect des droits des créanciers chirographaires. Il a l’obligation de bloquer le fonds pendant
le délai nécessaire à la procédure, puis de répartir le prix de vente entre les créanciers dans un
délai de 3 mois après la vente.
II. Publicité de la vente
La publicité a pour rôle de protéger les créanciers chirographaires qui ne bénéficient pas des
mêmes droits que les créanciers inscrits.
A. Publicité
1. Formes de la publicité
La publicité se compose d’une double publication. Dans les 15 jours de la vente, cette
dernière doit être publiée dans un journal d’annonce légale. Ensuite, dans les 15 jours dans le
journal d’annonce légale, le greffier du tribunal de commerce doit faire publier un avis
contenant les mêmes mentions que dans la première publicité au Bulletin Officiel Des
Annonces Civiles et Commerciales (BODACC).
2. Sanction du défaut de publicité
Si les 2 inscriptions n’ont pas été effectuées, la vente n’est pas nulle mais le paiement du prix
par l’acheteur au vendeur est inopposable au créancier de celui-ci. L’acheteur connaît le
risque de payer une deuxième fois au créancier.
B. Protection des créanciers chirographaires
Après la dernière publication au BODACC, le prix demeure indisponible pendant 10 jours.
L’acquéreur qui verserait directement le prix au vendeur sans attendre ce délai s’exposerait à
payer une deuxième fois entre les mains des créanciers.
1. Droit d’opposition
L’opposition est l’interdiction qui est faite par un créancier à un acquéreur de payer le prix
entre les mains du vendeur. Elle doit être faite par acte extra judiciaire dans les 10 jours
suivants l’inscription au BODACC. Elle doit mentionner le montant et la cause de la créance.
Elle peut être faite pour toute créance certaine même non exigible. L’opposition bloque le prix
entre les mains de l’acquéreur ou de l’intermédiaire. Le prix sera alors distribué entre les
créanciers qui ont fait opposition. A défaut d’accord, le répartition se fera judiciairement.
2. Droit de surenchère
Si le prix ne suffit pas à désintéresser les créanciers opposants, ils peuvent, 10 jours après
l’opposition, former une surenchère. Le créancier demande au tribunal de commerce de
mettre le fonds aux enchères publiques en offrant de se porter lui-même enchérisseur pour le
prix du fonds initialement convenu augmenté du sixième de la valeur des éléments
incorporels.
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Le fonds est vendu 200 000€, dont 120 000€ pour les éléments incorporels.
1/6 * 120 000= 20 000. Le fonds est mis à 220 000€ aux enchères.
III. Effet de la vente du fonds de commerce
A. Obligations des parties
1. Obligations du vendeur
a. obligation de délivrance
Le vendeur est tenu de mettre à la disposition de l’acheteur les éléments cédés qui servent de
ralliement à la clientèle. Font partie de l’obligation de délivrance, la présentation du
cessionnaire à la clientèle et aux principaux fournisseurs ainsi que la remise des documents
comptables des 3 dernières années qui sont inventoriés le jour de la cession et laissés ensuite à
la disposition du cessionnaire pendant 3 ans.
b. obligation de garantie
- garantie des vices cachés : l’acheteur peut invoquer cette garantie quand il est en droit
de se plaindre d’un évènement ignoré par lui qui affecte les résultats de son exploitation. Elle
lui donne une option entre l’action rédhibitoire et une réduction du prix. Le législateur
assimile au vice caché l’inexactitude des mentions.
- garantie d’éviction : le vendeur doit garantir à l’acheteur la jouissance paisible du
fonds de commerce. Elle se traduit par une obligation de non concurrence imposée au
vendeur. L’obligation légale est restrictive. Les parties stipulent dans l’acte de vente des
clauses de non concurrence qui délimitent l’exploitation. Conformément au droit commun,
ces clauses ne sont valables que si elles sont limitées dans l’espace et/ou dans le temps et au
genre de commerce exercé. Les clauses de non concurrence interdisent non seulement le
rétablissement du vendeur comme commerçant mais aussi les autres techniques juridiques qui
aboutissent aux mêmes résultats comme la création d’une société…
D’autre part, l’obligation de non concurrence est transmise à l’acquéreur du fonds. Si le
vendeur viole son obligation, il s’expose à devoir cesser son activité, payer des dommages et
intérêts, voire fermer son établissement.
2. Obligations de garantie
L’obligation principale est de payer le prix convenu ainsi que les frais accessoires. S’il
bénéficie de délais de paiement, il est d’usage que l’acheteur paie une fraction du prix à l’aide
de billets à ordre échelonné dans le temps, ce sont des billets de fonds.
B. Garanties exceptionnelles accordées au vendeur
1. Privilège du vendeur
La valeur du fonds de commerce est affectée principalement au paiement du solde du prix de
vente.
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a. conditions
Pour que le privilège soit opposable aux tiers, il faut que la vente soit constatée dans un acte
authentique ou sous seing privé préalablement enregistré. D’autre part, le privilège doit être
inscrit sur un registre spécial tenu aux greffes du tribunal de commerce dans les 15 jours de la
vente. L’inscription prise dans ce délai gal rétroagit au jour de la vente et prime toute autre
inscription.
b. effets du privilège
- droit de préférence : il permet au vendeur d’être payé avant les autres créanciers de
l’acheteur en cas de vente aux enchères du fonds. Toutefois, pour protéger les créanciers
chirographaires, le privilège est divisé en 3 fractions grevant les marchandises, le matériel et
les éléments incorporels ; c’est pourquoi l’acte de vente fixe le prix de ces 3 éléments. Cette
division n’est pas obligatoire dans les contrats de vente au comptant mais elle a une
importance considérable quand le fonds est payé par versements partiels à terme.
L’article L 141-9 décide que les paiements partiels devront s’imputer d’abord sur les
marchandises, sur les matériels et enfin les éléments incorporels. Cette règle est impérative.
En revanche, aucune méthode d’imputation n’est exigée quand des paiements partiels seront
effectués comptant. En conséquence, dans l’hypothèse où le vendeur n’a pu obtenir pour l’une
ou la totalité du montant des sommes lui restant dues, il convient de savoir comment le
privilège sera mis en œuvre quand le fonds sera revendu.
Le principe est le suivant : pour chaque catégorie, le privilège s’exerce sur le prix de revente
mais de façon distincte et indépendante pour chaque compartiment. Ainsi, au moment de la
revente, la créance du prix des marchandises non encore réglées sera garantie par le privilège
sur le prix de revente des marchandises. De même, la créance du prix du matériel sur le prix
de revente de cet élément…
Si le montant du prix de revente obtenu pour une des catégories est inférieur au montant de la
somme restant due, le vendeur étant privilégié, il sera paà concurrence du prix de revente.
Pour le solde, il sera relégué comme un simple créancier chirographaire.
A l’inverse, quand le montant du prix de revente obtenu pour une catégorie est supérieur au
montant de la somme restant due sur celle-ci, le vendeur sera intégralement payé mais le solde
du prix ne pourra pas être affecté au paiement des sommes encore dues sur les autres
catégories.
Exemple :
Fonds de commerce : 200 000
Matériel : 60 000, éléments incorporels : 120 000, marchandises : 40 000
Paiement à la signature de la vente : 30 000 puis 10 000 chaque année.
Revente 3 ans plus tard :
Matériel : 50 000, éléments incorporels : 85 000, marchandises : 30 000
N
N1
N2
N3
N4
Marchandises
40 000
30 000
20 000
10 000
Payé
Matériel
60 000
60 000
60 000
60 000
55 000
El. incorporel
90 000
90 000
90 000
90 000
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