Jalons pour une philosophie de l’interculturel Nicolas Dittmar La mondialisation technologique et économique, les diverses tentatives de concertation politique à l’échelle de la planète constituent le nouveau cadre de l’agir humain. En dehors des perspectives touristiques ou d’information, les rencontres internationales se généralisent : elles ont lieu entre personnes, groupes, organisations, institutions et nations. Pour fonctionnelles qu’elles demeurent, ces rencontres sont nécessairement confrontées à la dimension culturelle, régies par ce qu’on pourrait appeler un « choc des cultures ». Si l’homme a déjà connu de nombreux chocs narcissiques, il semble aujourd’hui qu’il doive en assumer un autre : celui qui met en jeu, non plus son identité cosmologique – Galilée - son identité religieuse – Darwin ou encore son identité subjective – Freud - mais bien son identité nationale, culturelle et linguistique. L’Autre fait désormais partie de soi, de notre visée sur le monde, de notre être-là, et le moi n’est plus le maître dans sa culture. Comment faire face à cette nouvelle décentration ? Comment préserver son identité culturelle sans rejeter celle des autres ? Comment l’homme peut-il se situer dans un monde qui se « mondialise », au moment même où les catégories de « proche « et de « lointain », ne renvoient plus à des catégories de perception opératoire ? Comme le remarquent Camilleri et Cohen-Emerique, « Cette réalité, quels que soient les sentiments qu’elle inspire, doit être considérée comme incontournable, vu qu’elle n’est en rien conjoncturelle, mais résulte d’un phénomène fondamental : la constitution d’un champ humain planétaire, dû à l’intrication sans cesse grandissante des projets, problèmes et essais de solution de tous, à quoi s’ajoute la facilité et l’intensification stupéfiantes des moyens de la communication »1. On voit que c’est toute une critique de la représentation qui est en jeu ici, appelant une révolution « copernicienne » dans la pensée : en ce sens, à la question kantienne « que puis-je connaître ? » du monde à travers les formes a priori de la sensibilité que sont l’espace et le temps, il conviendrait de substituer la question demorgonienne « comment appréhender les ressemblances et les différences dans un même espace-temps, dans la co-présence de l’humanité à elle-même »2 ? A- Quelle appartenance à la mondialisation ? 1 – Le problème des « deux cultures » Comment fonder une anthropologie de la culture sur une approche et une méthode qui soit en harmonie avec l’épistémologie de son temps ? Il faudrait commencer par poser les jalons d’une critique post moderne de la rationalité. Nous pensons au problème des « deux cultures » qui, comme le soulignent Prigogine&Stengers3, constituent les bases scissionnaires de l’héritage kantien : d’une côté une culture scientifique, de l’autre une culture morale, une éthique. Dès lors, la science s’est développée à notre insu, en dehors des questions produites par l’homme sur sa vie, ses désirs, ses règles de conduites, sa destinée, bref, tout ce qui fait la trame d’une vie humaine, ou de l’anthropos. D’où un sentiment de décalage, déjà diagnostiqué par M. Weber sous le vocable du désenchantement du monde, qui nous met en face d’un univers méconnaissable, guidé par la rationalité instrumentale et les excès de la technologie : cet univers étranger, c’est la mondialisation. 1 Aussi, plutôt que de maintenir cette distance entre la science et la culture, il faut se servir de la science et de ses théories fondamentales pour pouvoir reconnaître les effets de ses applications dans le monde : le but serait de transposer la science dans le champ de la culture pour retrouver un sens à notre appartenance, pour réintégrer notre statut d’être pour la mondialisation dans une anthropologie qui assume le défi de sa complexité interculturelle. Tel est le projet épistémologique de J. Demorgon : « Si le développement notionnel a permis, travers la science et les techniques, les transformations spatiales et temporelles, celles-ci peuvent à leur tour être des stimulants pour les transformations mentales dans les domaines relationnels »4 . Or, il y a à la racine de ce développement notionnel un antagonisme perceptif qui, tout en ayant favorisé l’expansion de la science et l’abolition des distances, devient paradoxalement la source d’une crise dans la représentation : « c’est la conscience d’une relativité du proche et du lointain au plan de la pensée qui a constitué les bases pour le développement des sciences et des techniques… [or] ce qui était considéré comme lointain physiquement dans l’espace et dans le temps est maintenant rapproché plus que jamais auparavant ; ce qui était considéré comme proche et familier s’est découvert aussi étrange. Le lointain nous est apparu au cœur de nous-mêmes »5. Se pose alors le problème de la substantialisation du « proche » et du « lointain », qui semble ancrée dans nos esprits comme des « données brutes auxquelles nous ne pouvons rien, alors qu’elles ont constitué l’origine de l’essor des technologies de la communication à l’échelle planétaire. Une nouvelle anthropologie culturelle ne saurait contourner ce problème perceptif et cognitif fondamental et doit pouvoir trouver dans la science contemporaine les concepts et outils méthodologiques pour penser une réelle appartenance à la mondialisation. Mais ne faut-il pas d’abord restaurer notre rapport au monde ? Ne faut-il pas d’abord élucider les conditions phénoménologiques de notre appartenance à la chair du monde, tel qu’elles se donnent originairement à nous avant de penser la mondialisation ? Qu’est-ce qu’appartenir au monde ? 2 – Phénoménologie et mondialisation Il nous semble important de développer une réflexion phénoménologique sur le monde tel qu’il est aujourd’hui, c'est-à-dire mondialisé, en examinant les concepts fondamentaux de la philosophie de Husserl : celle-ci se présente en effet comme une reconquête de la rationalité qui permette de réconcilier la science et la question éthique des finalités de l’existence humaine, c’est à dire de résoudre le problème des « deux cultures » mentionné plus haut. Comme le souligne E. Housset, « On comprend alors que l’époché phénoménologique ne peut être saisie dans toute son ampleur qu’à partir de cette idée que la philosophie n’est pas une activité culturelle parmi d’autres, mais une production qui porte en elle l’idéal d’une culture issue de la raison libre »6. C’est en ce sens que l’on peut parler d’une première résolution de la crise de la culture avec Husserl. Plus précisément, ce dépassement de la scission kantienne passe par une critique du scepticisme kantien, et l’aporie de la raison pratique qui reste suspendue aux Idées transcendantales sans que celles-ci ne puissent jamais faire l’objet d’une intuition : « L’idéalisme kantien est alors compris comme un scepticisme caché, puisqu’on ne peut 2 pas connaître les choses en soi, et c’est donc cette séparation entre phénomène et chose en soi qui est définitivement récusée par le retour à la donnée absolue », c’est-à-dire à l’intuition donatrice originaire. Ainsi, la phénoménologie se caractérise par un mot d’ordre : « le retour aux choses ». Il s’agit au fond de réhabiliter le primat de la sensation dans la sphère du logos, contre la tradition métaphysique qui, jusqu’à Descartes et Kant, entretenait une logique antagoniste entre le corps et l’esprit, entre les sensations et le savoir. Avec Husserl, les apparences sensibles deviennent significatives : « Le sens spirituel, en animant les apparences sensibles fusionne d’une certaine manière avec elles, au lieu de leur être lié dans une simple juxtaposition »7. Ainsi, Husserl dépasse-t-il le dualisme kantien et l’abstraction des sciences mathématiques, qui prétendent à l’ « objectivité naturaliste », et nous invite à une démarche fondamentale de réconciliation des deux cultures, l’une morale et existentielle, l’autre scientifique et déterministe. En effet, chacune de nos expériences a une forme spécifique qui lui est prescrite par la chose à laquelle elle a affaire. Dans cette perspective, toutes les questions sur le monde et l’existence humaine peuvent être pensés à partir de l’examen des vécus où nous affrontons leur objet. Ainsi, la phénoménologie ne cherchera pas à saisir l’essence du temps spéculativement, par exemple par rapport à l’éternité (Platon), ou par rapport au concept (Hegel), mais portera son regard sur les expériences les plus significatives où nous vivons quelque chose du temps : souvenir, espérance, ennui, attente… Cette capacité qu’a la conscience de porter un regard sur le vécu constitue l’intentionnalité : « l’intentionnalité est essentiellement l’acte de prêter un sens »8. Mais comment la conscience peut-elle se comporter face au monde, et à plus forte raison, face à la mondialisation ? Selon Husserl, il faut commencer par suspendre l’attitude naturelle, qui nous maintient dans les évidences, dans les opinions et les clichés, dans le déterminisme psychologique et social. Le monde ne va pas de soi, et il convient de suspendre notre activité de jugement par l’époché (ἐποχή) : nous pouvons alors redécouvrir le monde purifié de toutes les pensées « parasites » et nous y intégrer en tant que sujet transcendantal. Ce sujet n’est pas dégagé de l’expérience, il y est impliqué en « chair et en os » (Leibhaft), il porte un regard neuf sur la réalité, et vise le monde en exerçant son intentionnalité : « l’intentionnalité de la conscience est le fait qu’à travers la multiplicité de la vie spirituelle se retrouve une identité idéale dont cette multiplicité ne fait qu’effectuer la synthèse »9. Ce tournant idéaliste, qui reconduit le Réel disparate à l’unité de la cogitatio, permet de surmonter progressivement l’énigme de la présence du monde alors que dans l’attitude naturelle cette présence demeurait ininterrogée : « non seulement le monde est un sens constitué par la conscience, mais la constitution achevée du monde est une tâche infinie »10. Dans cette perspective, on peut penser la mondialisation comme l’expression d’un rapport phénoménologique au monde, qui nous pousse à déchiffrer de façon permanente les données infinies de l’expérience, après avoir procédé à la réduction phénoménologique : la mise entre parenthèse du monde est en effet un préalable d’autant plus nécessaire que la mondialisation conduit à une accélération des communications et des relations interhumaines, qui supposent toujours l’existence du monde comme un donné, alors que celui-ci bouge et se métamorphose sans cesse. Dans ce cadre, les processus d’identification peuvent être infinis, mais ils s’achèvent toujours dans l’évidence, « dans la présence de l’objet en personne devant la conscience »11. 3 Ainsi, nous n’accédons à la chose comme objet de l’expérience transcendantale, que par les aspects infinis qu’elle offre à nous. Cette infinité prend aujourd’hui le visage de la diversité culturelle, il s’agit donc de pénétrer les cultures comme autant d’objets de l’expérience, sans toutefois les réifier, et en pensant qu’elles sont véhiculées par des sujets. Comme le remarque Abdallah-Pretceille, « L’interculturel est fondé sur une philosophie du sujet, c'est-à-dire sur une phénoménologie qui construit le concept de sujet comme être libre et responsable […] Avec les phénoménologues, on part du principe que le comportement culturel ne signifie rien à priori…la culture n’est pas une réalité sociale en soi que l’on peut appréhender de manière objective, c’est un vécu dont il s’agit de reconstruire le sens »12. C’est en effet l’ouverture à l’altérité qui est en jeu dans l’expérience phénoménologique : « La phénoménologie, en suspendant la thèse générale de l’attitude naturelle retrouve un monde et des personnes constituées … pensées, sentiments, passions et actions qui s’y rattachent dans la vie concrète ; mais [le sujet] y accède dès lors à travers ses noèses, il les touche comme sien jusque dans leur extranéité »13. C’est cette phénoménologie de l’altérité, au plan ontologique – c'est-à-dire de la transcendance - qui permet de penser la problématique globale de l’interculturalité, en évitant toute réification de la culture comme source exclusive de l’identité individuelle, selon un déterminisme culturaliste : autrement dit, c’est la personne en tant que subjectivité pure – cogitatio – qui donne sens à son vécu et constitue la signification de ses valeurs pour se rapporter au monde et interagir avec d’autres individus. Tel est le sens ultime de l’intersubjectivité. Comme le soutient Abdallah-Pretceille, « l’approche interculturelle pose l’interaction comme fondamentale, c’est l’Autre qui est premier et non pas culture »14. Il nous semble par ailleurs fondamental de retenir de ce tournant phénoménologique de la pensée qu’apporte la philosophie de Husserl, l’exigence de la réduction phénoménologique, comprise comme une exigence de neutralité vis-à-vis de ses propres valeurs et croyances culturelles : nous n’avons pas à nous prononcer sur la réalité du monde, ni à porter de jugement sur elle, nous devons pratiquer la réduction comme une « ascèse » de l’intellect, visant à renouer avec les données les plus fondamentales de l’intériorité humaine ( désirs, jugements, émotions, sentiments), dans son articulation à l’extériorité du monde que nous visons de façon intentionnelle, et qui s’accomplit dans l’intersubjectivité. La phénoménologie permet de mettre une distance vis-à-vis de l’attitude naturelle, qui est faite de jugements permanents sur les choses et les personnes sans vraiment jamais avoir ne serait-ce que l’intuition de leur essence, et se tourne vers les vécus intentionnels : « vers le Réel, l’Iréel, le passé, le voulu, l’aimé, le désiré, le jugé etc… L’intentionnalité signifie seulement que la conscience est à titre premier hors de soi »15. C’est donc une réconciliation du sujet avec le monde que permet et que soutient toute l’œuvre philosophique de Husserl : c’est une philosophie de l’attention, qui met en garde contre tout jugement hâtif et contre les clichés culturels pour se recentrer sur soi et revenir à des perceptions essentielles, qui impliquent la réduction éidétique réduction des vécus à leur essence, après que la conscience ait levé l’hypothèque de l’interprétation naturaliste du sujet : « La réduction transcendantale qui restitue le sens de la conscience en général ne peut être pratiquée sans la réduction éidétique qui fixe des significations telles que percevoir, entendre, voir, imaginer, décider, agir - comprises sur un petit nombre d’exemples »16. 4 Si le subjectivisme transcendantal nous réconcilie avec le monde, il implique également un rapport à une communauté de sujets, car il appartient au monde d’être partagé. C’est le corps d’autrui qui, objet de mon expérience propre, me permet de découvrir autrui comme alter ego : « le corps d’autrui est de ce point de vue le premier objet commun et je peux donc dire que le monde que je constitue est le même monde que l’autre là-bas constitue »17. Husserl emploie le terme d’ « intropathie » pour désigner cette capacité du sujet à sortir de sa subjectivité transcendantale pour s’ouvrir à l’Autre. On connaît l’influence décisive de cette philosophie de Husserl sur la postérité, avec les analyses de J. P. Sartre ou encore E. Lévinas, qui mettront au centre de leur réflexion la question de l’intersubjectivité, et de l’interaction entre les individus, dans une perspective existentialiste et éthique. Comment alors penser le monde en tant que mondialisé ? Si la phénoménologie permet de poser les fondements d’une réconciliation du sujet avec le monde, en réhabilitant le Sensible selon le mot de Merleau-Ponty, comment peut-on penser le rapport à la mondialisation et les données plurielles de son expérience par le sujet ? Ne faut-il pas radicaliser la phénoménologie de Husserl, avec Simondon, en pensant l’individuation avant l’individu ? B – L’individuation des cultures 1 – Champs de cohérence de l’approche interculturelle On peut commencer par distinguer, avec Demorgon, deux champs de cohérence majeurs pour penser une science humaine de l’interculturel : « l’un plus rationnel, représentatif, classificatoire visant l’universel… l’autre plus singulier, interférentiel, implicationnel, transductif » Il poursuit en soulignant la nécessité d’une vigilance épistémologique : « il importe de les sortir d’une conflictualité polémique destructrice… il faudrait mieux articuler (transductivement) les conflits de pouvoir et les élaborations théoriques »18. Se trouve posé, à travers ces quelques lignes, l’intérêt d’une réarticulation des champs de cohérence en vue d’une meilleure compréhension de l’expérience interculturelle. On peut donc retracer ici quatre axes de réflexion dans le champ de l’interculturalité, qui nous paraissent pertinents et emblématiques de la réflexion française : 1- L’approche structurelle globale de J. Demorgon, qui s’attache à décloisonner le concept d’identité nationale selon le modèle historique, en montrant que celle-ci est tissée de transductions complexes (rétrospectives et prospectives) de quatre grandes orientations culturelles qui ont marqué l’évolution anthropologique de nos sociétés : communautaire, royale-impériale, nationale-marchande et enfin informationnelle-mondiale (ou interculturelle-mondial)19. 2- L’approche interactionniste de M. Abdallah-Pretceille, qui s’attache à décloisonner l’identité individuelle dans son affirmation d’appartenance exclusive à une culture, en montrant que celle-ci fonctionne sur les notions d’ « emprunt, de « variation » et de « réseau », voire de « transgression » des codes culturels établis. En ce sens, il convient selon l’auteur de remplacer le concept de culture par celui de culturalité, en mettant l’accent sur la pragmatique de la communication et des échanges interculturels. 5 3- L’approche génétique de G. Simondon, qui radicalise la phénoménologie héritée de Husserl, en affirmant l’antériorité de l’individuation sur l’individu et en réhabilitant la relation dans le champ du savoir, fondé sur une théorie différentielle et intensive de la perception et de l’être au monde. Il est donc question avec Simondon d’une critique radicale de l’identité substantielle, que celle-ci soit logique ou attachée à une culture, car l’identité se construit dans la capacité de l’individu à « traverser, animer et structurer un domaine varié, des domaines de plus en plus variés et hétérogènes »20 : l’identité de l’individu est éminemment interculturelle, se construisant dans l’ouverture à l’autre et dans ses interactions avec lui. 4- L’approche de C. Clanet et C. Camilleri, qui s’ancre dans les travaux de l’anthropologie psychologique. Le raisonnement est le suivant : s’il faut admettre qu’aucun individu n’est familier avec le Tout de sa propre culture, on peut néanmoins supposer une liaison entre les structures de l’individu et celles du collectif. Comme le note Camilleri, « certes le social dépasse le psychologique, le collectif transcende l’individuel, mais c’est le psychique, ce sont les individus eux-mêmes qui élaborent ces formations par lesquelles ils se font dépasser »21. En ce sens, il convient d’approfondir cette « opération de constitution par le subjectif de l’au-delà du subjectif », qui semble déterminante dans la genèse de toute culture. L’originalité de la démarche est donc de renverser le questionnement sur la diversité anthropologique : on ne part plus du sujet pour comprendre en quoi il est pluriel, mais de la pluralité personnologique pour comprendre en quoi elle fait cohérence : « Dans un milieu repéré comme culturellement hétérogène, les différences entre cultures et les paradoxes qu’elles engendrent vont être pris en compte et devenir les fondements mêmes de la personne : il y a recherche d’articulation entre une pluralité de systèmes au niveau personnologique et au niveau socioculturel »22. La complexité interculturelle est donc pour Clanet au fondement même de la notion de personne. Loin d’être le lieu extensif d’une identité nationale, où se joue l’assimilation de l’étranger, la culture est toujours mise en œuvre par des individus porteurs d’appartenances plurielles, et facteurs de formations inédites. Ces quatre axes nous semblent fournir des indications fondamentales quant au traitement et à l’approche de la diversité, et permettent de dresser un cadre théorique contribuant à la légitimation de ce que nous pourrions appeler une « raison interculturelle ». 2 – Relativisme culturel et relativisme situationnel A - Le relativisme culturel : les acquis de l’anthropologie contemporaine Le relativisme culturel est une théorie issue des travaux de recherche de l’Ecole culturaliste américaine, et s’est développé en opposition à la théorie de l’évolutionnisme, qui a pris le nom avec Herbert Spencer, de « darwinisme social », c'est-à-dire justifiant plusieurs concepts politiques23 liés à la domination par une élite, d'une masse jugée moins apte : cette idéologie considère légitime que les races humaines et les êtres les plus faibles disparaissent et laissent la place aux races et aux êtres les mieux armés pour survivre. C’est donc contre le risque d’un racisme scientifique que la théorie du relativisme culturel se dresse vigoureusement24 : l’enjeu est de considérer toute culture comme un système de valeurs et de normes irréductibles à une culture, et que sur laquelle nous devons nous abstenir de formuler tout jugement, ce qui rendrait impossible l’objectivité scientifique de l’étude de la culture pour elle-même. Nous devons à F. Boas 6 cette conception du relativisme des cultures, qui s’est opposé à l’évolutionnisme et à toute théorie raciste tout au long de sa vie. Nous pouvons également mentionner l’héritage fonctionnaliste de B. Malinowsky, qui considère toute culture dans sa cohérence originale, et pense les traits culturels et institutions d’une société donnée comme des réponses à des besoins élémentaires de l’être humain. Ainsi, le mariage sert à encadrer la sexualité, la famille à élever les enfants et à transmettre les coutumes traditionnelles, le mythe à satisfaire la capacité imaginaire, etc… Ces deux courants majeurs de la fin du XIXe siècle ont permis de légitimer ce que E. Désveaux 25 appelle « l’âge classique » de l’ethnologie, dont Lévy Strauss sera le représentant éminent au XXe siècle. Pour Lévi-Strauss, il s’agira fondamentalement de considérer toute culture comme le déploiement d’une rationalité intrinsèque : la notion de structure, qui est au fondement de l’anthropologie structuraliste, permet de désigner les différentes manières dont « l’esprit humain » agit pour construire des systèmes d’unité et de réciprocité, c'est-à-dire finalement une éthique. Dans cette perspective, il s’agit au fond de chercher l’homme à travers la variabilité culturelle, l’universel dans le singulier, de se réapproprier le logique dans la différence. Comme le remarque P. Maniglier, on peut parler d’une « écologie culturelle », « qui reste la tentative la plus impressionnante pour utiliser la différence entre les hommes comme instrument de connaissance »26. B - Le relativisme situationnel : un fondement anthropologique de l’approche interculturelle ? Nous nous appuierons ici sur trois penseurs dont la réflexion nous semble converger pour fonder un nouveau relativisme dans le champ des sciences sociales, à partir des apports de l’anthropologie de F. Barth 27, de l’anthropologie psychologique de C. Camilleri28, et de la psychologie interculturelle portant sur les états mentaux élaborée par M. Bosche29. Nous avons tenté d’établir un cadre philosophique cohérent permettant de fonder une raison interculturelle, à partir du principe d’individuation. Dans cette logique, il nous semble important de montrer comment la recherche en sciences sociales prolonge cette intuition philosophique, voire la confirme, en fournissant des outils concrets et des approches scientifiques. L’enjeu est de parvenir à faire émerger la validité et la pertinence d’un nouveau paradigme dans le champ de l’anthropologie, celui du relativisme situationnel. Comme le remarque M. Abdallah-Pretceille, « Puisque les cultures ne sont pas des plasmas existentiels mais sont médiatisées par des individus et actualisées dans un temps et un lieu marqué par l’histoire… les traits culturels sont à prendre moins comme le reflet d’une réalité que comme le miroir d’une situation »30. Cette perspective situationnelle repose sur une prudence vis-à-vis du relativisme culturel, tel que nous l’avons exposé, mais aussi vis-à-vis de l’universalisme, fondé l’inspiration libérale de l’émancipation et de l’autonomie de l’individu par la raison. Comme le remarque avec justesse Camilleri, « qu’est-ce qui empêche de suivre les rationalistes lorsqu’ils demandent à juger les systèmes culturels et leurs valeurs à partir de cette formation universellement familière aux hommes ? Rien en principe, mais seulement les faits. Car si la raison plie tous les esprits à ses contraintes quand il s’agit de tenir compte pratiquement des lois physiques ou dans les domaines ressortissant de la logique formelle, telles les mathématiques, il n’en est pas de même quand il s’agit de fixer les principes et valeurs guidant notre vie, de déterminer le bien et le mal indubitables pour l’homme »31. 7 Nous avons vu avec Husserl qu’il était en effet urgent de restaurer un lien entre les certitudes produites par la science ou la raison pure, et les questions éthiques concernant les finalités de l’existence humaine et ses valeurs : il y a bien, avec Husserl, une première ébauche de cette réconciliation, car la philosophie de l’existence qu’il propose repose sur une lucidité phénoménologique, après que la conscience ait levé l’hypothèque de l’interprétation naturaliste de l’objet, c'est-à-dire après la réduction transcendantale32. Cette éthique « scientifique » et rigoureuse héritée de Husserl, qui se veut en même temps une philosophie de la liberté33 et de l’intersubjectivité fondée sur un effort commun d’élucidation du sens d’être dans le monde de la vie, se veut universelle. Elle conduit à un nouveau relativisme qu’exprime bien Camilleri : « il nous paraît avantageux de fonder le relativisme non pas seulement sur une tolérance de fait (celle dont on fait preuve par condescendance, ou parce qu’on ne peut pas faire autrement), ni même seulement sur les seuls principes moraux dont nous parlerons (tout le monde a le droit d’adhérer aux idées et valeurs qui lui paraissent bonnes), mais sur la modestie intellectuelle, appuyée sur l’égalité de notre condition face à la limitation de notre raison et au problème de la vérité »34. On le voit, la question du relativisme nous amène à nous interroger sur des problèmes fondamentaux, qui touchent à la condition humaine, et aux fondements de la science. La réflexion de Simondon est ici éclairante : il faut considérer la valeur d’une culture, non pas seulement en référence à un modèle national ancré dans une histoire singulière, mais plutôt en référence à « l’universalité d’une problématique, qui est en fait l’universalité d’une situation individuelle recréée à travers l’espace et le temps »35, pour répondre à des exigences vitales. Cette perspective situationnelle permet de redéfinir le relativisme comme une « démarche qui, en analysant les expressions des cultures, les rends relatives au sens positif, c'est-à-dire essaie de découvrir les grandes fonctions vitales auxquelles la production de la culture répond : par exemple le rapport de l’homme à l’environnement physique, social, à la surnature. Ainsi on relativise le contenu de chaque culture en offrant la vision d’expériences alternatives, tout en découvrant les constantes universelles au-delà des multiples différences manifestes »36. Cette formulation inaugurale du relativisme situationnel va plus loin. Elle amène à considérer que la diversité des cultures renvoie à l’expression des potentialités individuelles, que le subjectif est originaire dans la création de la culture, c'est-à-dire dans la détermination et l’affirmation du sens. Comme le remarque Camilleri en s’appuyant sur l’anthropologie de R. Bénédict : « la nature humaine n’est pas un système fermé et donné une fois pour toutes ; c’est un grand éventail de possibles dont chacun est réalisé par une figure culturelle particulière. L’ensemble des cultures constituerait un dévoilement progressif de l’humain »37. On retrouve ce point de vue emblématique dans la philosophie de Herder, qui se fonde sur une critique de l’universalisme abstrait des Lumières. Dans son livre Idées pour la philosophie de l’histoire de l’humanité, le penseur allemand soutient qu’il existe une téléologie de la pluralité, c'est-à-dire que la diversité des cultures s’inscrit dans une logique historique du dévoilement de l’Etre, selon les échelons de l’étant .Comme le remarque O. Dekens, « L’universel n’est pas à nier, ou à refuser, comme si la singularité était le dernier mot de la pensée. Il s’agit plutôt de montrer une universalité en devenir…une universalité qui, loin de toute mécanique, s’enrichirait des particularités historiques et culturelles et trouverait son contenu dans l’expression des individualités »38 8 Le relativisme situationnel implique donc d’admettre une étroite corrélation entre le sujet et la culture, c'est-àdire une capacité de s’interroger sur le sens des expressions culturelles diverses par rapport à des paramètres universels, ce que ne permettait pas le relativisme culturel, ce dernier établissant une barrière à la communication compte tenu de la différence intrinsèque des valeurs. Dans le relativisme situationnel au contraire, nous admettons cette différence des valeurs, mais nous nous abstenons de produire une relation de cause à effet entre la valeur et la personnalité, l’idée étant qu’un individu pensant et sentant, doué de raison et de sensibilité, capable d’émotion et de jugement, est irréductible à une culture donnée, malgré l’influence axiologique et déontique de cette dernière. C’est donc le postulat libéral qui nous permet de nous distinguer du relativisme culturel, et qui rend possible une approche interculturelle fondée sur le réalisme de la relation : l’identité culturelle n’est pas niée, mais elle doit être comprise dans une optique relationnelle. C’est ce qu’exprime fondamentalement l’anthropologie de F. Barth : il y a selon l’auteur une construction sociale des différences, et l’identité est toujours objet d’une négociation et d’une affirmation permanente, en relation avec les autres individus ou groupes d’individus. Les interactions culturelles sont donc permanentes, bien qu’elles n’aboutissent pas à une homogénéisation finale des cultures en présence. Nous reviendrons sur ce point dans la seconde partie. Dès lors, comment comprendre les mécanismes de l’identité ? Comment être soi-même avec ses référents culturels tout en s’ouvrant l’autre qui possède d’autre référents culturels ? Cette question recoupe un problème philosophique fondamental : comment demeurer le même tout en nous ouvrant à l’altérité ? C’est ici que la typologie de Bosche39 nous apparaît intéressante d’un point de vue heuristique. Bosche distingue en effet cinq niveaux logiques de réalité, qui conditionnent chacun des attitudes différentes par rapport à l’expérience de la différence en situation : Nous proposons de les récapituler et de 9 les développer dans le tableau suivant : Niveau C’est le niveau objectif de la nature, du donné brut des différences individuelles : il y a situation pluralisme de fait, et les positions restent neutres. Chacun est véhicule une identité culturelle mais ne l’affirme pas, ou ne la met pas en jeu dans un processus de communication éventuel. Niveau C’est le niveau de l’identification culturelle où, par le biais de sa sensibilité et de ses culturel préférences, l’individu va s’identifier voire se revendiquer d’une identité culturelle, va conférer (fonction un sens au monde à partir d’une grille de lecture fondée sur des principes et valeurs. ontologique) Niveau inter- C’est le niveau de la prise de conscience des différences, de l’ouverture à l’altérité. L’individu culturel se positionne par rapport à son environnement, et met en œuvre des stratégies identitaires pour (fonction s’affirmer, mais il est aussi capable de relativiser les systèmes culturels, de créer une ouverture pragmatique) au-delà des conventions et des codes propres à une culture donnée : il y a communication compréhension interculturelles. Niveau méta- C’est le niveau de l’échange intersubjectif, entre des individus capables de dépasser le culturel fondement culturel de leur personnalité pour retrouver des constantes universelles au-delà des (fonction différences manifestes : il y a individuation des cultures en présence, expérience alternative à idéale) partir d’un autre mode d’être au monde rapporté à une fonction idéale, à une valeur existentielle dont la portée est universelle ( rapport à la nature, au social, à l’absolu). On pourrait parler avec Simondon de moment transindividuel : c’est l’expérience de l’autre en tant qu’Autre ou alter ego, c’est l’intérité. Niveau C’est le niveau de la présence en tant qu’être où l’individu est conscient des différences et des inconditionné ressemblances fondamentales, et ne cherche plus à s’identifier, à comprendre ou à interagir, mais trouve spontanément sa place parmi les autres, au-delà des différences. On pourrait parler 10 avec Husserl de subjectivité transcendantale, au sens où le sujet se suffit à lui-même en dépassant son attitude naturelle tissé de croyances, de clichés et de stéréotypes, sans que ceuxci soient élucidés à partir du rôle originaire de la subjectivité dans leur processus de constitution. L’approche interculturelle devrait pouvoir s’appuyer sur ces niveaux logiques comme grille d’analyse des conduites et stratégies identitaires en situation pluriculturelle : il s’agirait au fond de comprendre le processus de dévoilement des ressources personnelles de chacun dans une perspective d’individuation des cultures en présence, au sens du postulat selon lequel l’ensemble des cultures serait un dévoilement progressif de l’humain. Le concept de transindividuel emprunté à Simondon exprime cette exigence au plan philosophique. Ainsi, cette recherche étudierait les conditions de possibilité de l’expérience alternative, et fonderait un nouveau champ de réflexion transcendantal, dans une perspective interculturelle. Tel est le sens, nous semble-t-il, de cette « révolution copernicienne » dans la pensée qu’implique le mode de penser interculturel, et que nous avons essayé de cerner à la lumière des concepts de la philosophie contemporaine, et de l’anthropologie. Le relativisme situationnel participe de ce nouveau mode de penser, et s’articule autour des postulats de la psychologie, de l’anthropologie et de la philosophie, dans une perspective interdisciplinaire : il représente une alternative anthropologique au relativisme culturel. Conclusion Le concept d’individuation s’érige contre l’ « individualisation atomisante »40 destructrice du lien social, et permet de penser la mondialisation des cultures dans l’assomption de l’expérience interculturelle. Comment penser les conditions de possibilité de cette expérience ? En affirmant le primat de la différence et de l’intensité sur la logique de l’identité et le substantialisme qu’elle alimente. Ainsi, le principe d’individuation permet de construire un point de vue réciproque dans les processus d’identifications culturelles, et pose l’antériorité des interactions sur l’identité. Il permet en ce sens d’avoir une lecture libérale de la liberté humaine et de sa dignité, en plaçant ces dernières au cœur des expériences interculturelles, qui enrichissent le sujet. Il n’y a pas de relativisme culturel fort dans la philosophie de l’individuation, car les cultures relèvent d’un même processus universel de réalisation de l’humanité, comme le pensait notamment J. Herder en s’appuyant sur le modèle monadologique de Leibniz, ce qui témoignait de son attachement au rationalisme. Dès lors, ne peut-on dire avec Humboldt, autre penseur contemporain de Herder, que la véritable connaissance philosophique relève d’une connaissance fondée sur une anthropologie comparée, qui approfondirait par là l’inspiration criticiste de Kant en étudiant les phénomènes devenus culturels ? Une vigilance anthropologique s’impose à notre siècle, dans la continuité de la philosophie du XVIII e : « du besoin général propre à l’humanité de se rendre compte, de temps à autre, des modifications de son caractère »41. Nicolas Dittmar Docteur en Sciences de l’éducation [1] CAMILLERI (C.) & COHEN-EMERIQUE (M.), Chocs de cultures : concepts et enjeux pratiques de l’interculturel, L’Harmattan, Coll. « Espaces interculturels », 1989, p. 13. [2] Kant se posait la question des conditions de possibilité de l’expérience, et fondait l’analyse transcendantale : « comment les jugements synthétiques à priori sont-ils possibles ? ». Cette synthèse de la conscience 11 transcendantale chez Kant repose sur les formes à priori de la sensibilité, que sont l’espace et le temps. Nous pensons que ces catégories doivent être repensées selon un à priori de la corrélation intersubjective et interculturelle, en nous appuyant sur la phénoménologie de Husserl. [3] PRIGOGINE&STENGERS, op.cit. ; p. 133 & 146. [4] DEMORGON (J.), Complexité des cultures et de l’interculturel, Paris, Anthropos-Economica, 1996, p.1-2. [5] Ibid, p. 2. [6] HOUSSET (E.), Husserl et l’énigme du monde, Paris, Seuil, 2000, pp. 34-35. [7] HUSSERL, (E.), Idées directrices pour une phénoménologie, Tome II, PUF, 1982, p. 326. [8] LEVINAS (E. ), En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger, Paris, Vrin, 2001. [9] Ibid, p. 22. [10] HOUSSET (E.), op. cit., p. 78. [11] LEVINAS, op. cit. ; p. 24. [12] ABDALLAH-PRETCEILLE (M.), L’Education interculturelle, Paris, PUF, 1999, pp. 53-54. [13] LEVINAS, op. cit. ; pp. 49-50. [14] ABDALLAH-PRETCEILLE (M.), op.cit. ; p. 57. [15] Ibid. [16] Ibid, p. 62. [17] HOUSSET (E.), op. cit.; p. 231. [18] Ibid, pp. 73-74. [19] DEMORGON (J.), Complexité des cultures et de l’interculturel, op. cit. ; pp. 13-15. [20] SIMONDON (G.), IPC, p. 53. [21] CAMILLERI (C.), Préface à C. CLANET, L’interculturel. Introduction aux approches interculturelles en Education et en Sciences Humaines, Toulouse, PUM, 1993, pp. 9-10. [22] Ibid, p. 164. [23] Colonialisme, eugénisme, fascisme, nazisme en sont des exemples. [24] On trouvera une analyse rigoureuse de cette question de l’évolutionnisme en anthropologie et de ses répercussions sur notre civilisation dans l’ouvrage de Garcia-Castano & Granados-Martinez, Lecturas para educacion intercultural, Madrid, Trotta, 1999, Première partie. [25] DESVEAUX (E.), « Brève histoire de l’anthropologie », Le Nouvel Observateur, Hors-série, Lévi-Strauss et la pensée sauvage, Juillet-Août 2003, pp. 12-15. [26] MANIGLIER (P.), « Précis d’anthropologie », ibid, pp. 10-11. BARTH (F.), Ethnic group and boundaries: the social organisation of culture difference, Bergen, Oslo, Londres, Ed. G. A& Unwin, 1970. [27] CAMILLERI (C.) & COHEN-EMERIQUE (M.), op.cit. Nous nous appuierons également sur l’article de Camilleri, « Sociétés pluriculturelles et interculturalité », in Différences et cultures en Europe, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1995. [28] BOSCHE (M.), Le managment interculturel, Paris, Editions d’Organisation, 1991. [30] ABDALLAH-PRETACEILLE (M.), L’Education interculturelle, PUF, 1999, p. 62. [31] CAMILLERI, « Sociétés pluriculturelles et interculturalité », Différences et cultures en Europe, op. cit.. ; p. 33. [32] Cf. HUSSERL, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, Paris, Gallimard, 1976. [33] Cf. LEVINAS, En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger, Paris, Vrin, 2006. [34] CAMILLERI, op. cit.. ; p. 33. [35] SIMONDON, IPC, op. cit. ; p. 154. [36] CAMILLERI, « Sociétés pluriculturelles et interculturelles », op. cit., p. 98. [37] CAMILLERI, « La culture et l »identité culturelle : champ notionnel et devenir », in Chocs de cultures, op. cit. ; p. 36. [38] DEKENS (O.), Herder, Les Belles Lettres, Coll. « Figures du savoir », 2003, p. 53. [39] Nous reprenons dans ce tableau les trois fonctions identitaires établies par Camilleri (fonction ontologique, fonction pragmatique, fonction idéale ou axiologique). [40] RENAULT (A.), « Le multiculturalisme est-il un humanisme ? », in Lukas K. Sosoe (dir.), Diversité humaine. Démocratie, multiculturalisme et citoyenneté, Paris, L’Harmattan et Saint-Nicolas (Québec), Les Presses de l’Université Laval, 2002, p. 108. [41] HUMBOLDT, Le dix-huitième siècle. Plan d’une anthropologie comparée, Presses universitaires de Lille, 1995. Humboldt s’inscrit dans la tradition criticiste de son siècle, inaugurée par Kant, mais il en tire les conséquences anthropologiques, sous la forme d’une interrogation sur l’homme dans une perspective humaniste. Plus fondamentalement, le projet de Humboldt est de montrer que la philosophie trouve son point d’aboutissement, son entéléchie, dans une anthropologie interculturelle : qu’est-ce que l’homme à travers ses multiples cultures ? 12 13