du franc or au franc de 4` sous – du franc fort a l`euro

DU FRANC-OR AU FRANC DE QUAT’ SOUS – DU FRANC FORT A
L’EURO
Dès sa naissance, le franc est présenté comme une monnaie forte et stable qui doit
accompagner une politique de redressement du pays. Du Moyen Âge à nos jours, la défense
d'un franc fort, souvent valorisée par une partie du corps social, résulte d'un choix politique
qui favorise en fait certains acteurs économiques (détenteurs de valeurs financières ou
immobilières) au détriment de la croissance comme ce fut le cas, par exemple, au début des
années 1930. À l'inverse, les dévaluations du franc sont souvent liées à des périodes noires sur
le plan économique et jugées de façon négative. D'ailleurs n'associons-nous pas trop souvent
la naissance du franc moderne à la création du solide franc germinal sous Napoléon Bonaparte
plutôt qu'à sa première apparition, dans un contexte économique difficile, sous la
Convention ? La mémoire collective se souvient de Raymond Poincaré et du général de
Gaulle comme des défenseurs d'un franc stable et fort même s'ils ont procédé à des
dévaluations.
En un peu plus de 2 siècles, le Franc n’a jamais (sauf peut-être à l’époque de Napoléon
III) pu trouver un rôle prééminent stable au niveau international en temps que monnaie de
référence dans laquelle s’effectuent les transactions internationales (rôle assumé par le thaler
autrichien puis la livre jusqu’en 14, puis par la livre et le dollar, jusqu’aux accords de Bretton
Woods 1944- date à laquelle le dollar assure sa suprématie).
Au contraire, de 1803 à 2001, le Franc subit plutôt les aléas historiques (guerres, crises
économiques…) et suit la volonté des grands dirigeants (Poincaré, De Gaulle). Pourquoi aussi
peu de stabilité pour notre monnaie nationale ? La stabilité et la force ne pourrait-elle se
trouver que dans l’union monétaire que constitue l’euro ?
1. Du franc décimal au franc germinal et à la monnaie commune
d’une partie de l’Europe.
Le système monétaire français repose sur deux principales espèces stables depuis
1726 : le louis d'or et l'écu d'argent. Mais dès 1783, la situation générale du royaume et
l'endettement de la monarchie sont tels que les pièces ne parviennent plus guère au trésor
royal. En 1789, la Révolution, par l'intermédiaire de l'Assemblée nationale, hérite des dettes
de la monarchie : environ 5 milliards de livres, auxquelles s'ajoutent des intérêts, fixés à des
taux particulièrement élevés !
Pour pallier la pénurie d'espèces, la Convention recourt au papier, d'abord sous forme
de monnaie papier gagée sur les biens nationaux, confisqués à l'Église. Mais les coupures sont
trop grosses. Le problème de la petite monnaie courante reste entier. Comme les réserves
métalliques sont inexistantes, vaisselle et objets précieux sont requis. L'armée et la marine
fournissent du cuivre. Les cloches des églises sont fondues. Mais la thésaurisation du métal se
poursuit, la monnaie métallique ne circule toujours pas. L'Assemblée se résout à multiplier les
émissions d'assignats. L'inflation est telle que les prix sont exprimés aussi bien en métal qu'en
papier. En 1793, le gouvernement tente d'assainir la situation par un emprunt forcé, puis
volontaire. Le métal précieux est recherché et confisqué par les autorités pour soutenir
l'assignat ; la guillotine menace les récalcitrants. La Terreur s'exerce aussi dans le domaine
monétaire jusqu'à la chute de Robespierre.
C'est à cette même époque que, dans un souci global de rationalisation, le système
duodécimal (basé sur la douzaine) est abandonné au profit du système décimal (basé sur la
dizaine). La pièce d'argent est dénommée la "Républicaine", celle d'or le "franc d'or".
En 1803, le consul Bonaparte engage une réforme qui vise à mettre fin à l'anarchie de
la circulation monétaire se côtoient écus, louis d'or et pièces révolutionnaires de divers
métaux. Les lois de 1803 fixent le système monétaire sur la base d'un franc d'argent dit "franc
germinal".
Afin de supplanter l'ancien louis d'or royal encore en circulation, une pièce en or de
20 francs - le fameux "napoléon" - et une de 40 francs viennent compléter les monnaies
d'argent de 5, 2 et 1 franc : sont frappés pour 500 millions en or et près de 900 millions en
argent. C'est pourtant insuffisant. Le recours au papier-monnaie s'impose à nouveau, mais son
émission est confiée à la Banque de France, récemment créée avec une réserve métallique
permettant d'en maintenir le cours.
Dans ce contexte monétaire assaini, la nouvelle monnaie fiduciaire est mieux acceptée
et prend progressivement son essor. Le franc germinal se révèle être une réussite. Il reste
relativement stable malgré la valse des régimes politiques et perdure jusqu'en 1914.
Vers 1850, d'importantes mines d'or sont découvertes en Californie et en Australie. Le
stock d'argent restant stable, le système bimétallique de germinal se trouve perturbé. Plusieurs
pays abaissent le titre de leurs pièces d'argent de 900/1000 à 835/1000, ce qui entraîne
l'exportation des pièces françaises au titre inchangé. À la faveur de l'Exposition universelle de
1865, la France organise une conférence monétaire réunissant la Belgique, l'Italie, la Suisse,
et bientôt la Grèce. De la Convention de Paris conclue le 23 décembre naît l'Union latine,
première organisation monétaire internationale. Son principe repose sur l'uniformité
monétaire des États membres. les monnaies de référence de chaque pays de l'Union ont le
même poids d'or fin tout en gardant leur nom. Le montant des émissions est plafonné
proportionnellement à la population des pays membres.
En 1867, Napoléon III convoque une nouvelle conférence monétaire réunissant cette fois une
vingtaine d'États. Le principe de l'étalon or est choisi avec comme référence la pièce de
5 francs or. La convention de Vienne adopte le franc comme unité pour l'établissement des
comptes internationaux en 1868 : le franc germinal est devenu la monnaie commune d'une
partie de l'Europe !
2. Du Franc Poincaré au nouveau Franc (1928-1958)
Depuis 1865, le franc est une monnaie de référence commune à une partie de l'Europe.
Il a traversé sans encombre six régimes politiques, la guerre de 1870 et la Commune. Mais la
Grande Guerre eut raison du modèle monétaire français, fondé sur le franc germinal et le
franc-or.
Dès 1911, le conflit avec l'Allemagne semble inévitable. Les deux protagonistes s'y
préparent activement, autant militairement que financièrement. Disposant d'instructions très
précises, la Banque de France parvient à soutenir le franc dans un premier temps. Mais les
avances accordées au Trésor l'obligent à faire fonctionner la planche à billets, entraînant
dépréciation et inflation. Plutôt que de lever un impôt - la population est déjà grandement
mobilisée -, le gouvernement recourt à l'emprunt d'État et au crédit anglais et américain.
D'après les estimations, la Grande Guerre aurait coûté quelque 200 milliards à la France, dont
80 % financés à crédit avec la certitude que "le boche paiera". Mais l'effondrement
économique de la république de Weimar et l'anéantissement total du mark (1922-1923)
mettent fin aux dernières illusions françaises. Par peur des conséquences politiques et
sociales, les pays anglo-saxons soutiennent le redressement monétaire allemand. Ils
désavouent l'occupation française de la Ruhr et imposent à la France de revoir ses prétentions
à la baisse, sans lui faire grâce de ses propres dettes.
Dès 1919, l'Angleterre et les États-Unis suspendent leur crédit et présentent leurs
créances. Les marchés des changes réagissent sans tarder : le franc s'effondre à Londres et fait
l'objet de toutes les spéculations. La victoire du Cartel des gauches aux élections législatives
de mai 1924 accélère encore sa chute : la spéculation ("le mur d'argent") redouble contre les
projets d'impôt sur le capital, les épargnants perdent confiance, l'opinion s'affole face à ce
qu'elle considère être un complot international. La banqueroute menace l'État. En 1928, le
Parlement rappelle Raymond Poincaré au pouvoir. L'annonce même de son retour stabilise le
franc. S'il n'a pas de remède miracle, "Poincaré-la-confiance" est bien l'homme de la situation.
Il utilise les faveurs de l'opinion pour imposer, bien qu'il lui en coûte, la dévaluation contre la
déflation. Le 25 juin, Poincaré entérine la mort du franc germinal en redéfinissant l'unité
monétaire au cinquième de sa valeur d'origine, c'est-à-dire en le dévaluant de 80 %. Ce "franc
à quatre sous" - dans la conscience populaire le franc vaut encore 20 sous - repose sur l'or,
librement convertible… contre un montant minimal de 215 000 F, soit l'équivalent d'un lingot
d'or de 12 kilos !
La stabilisation ne dura pas 10 ans. La grande crise des années 1930 engendre les
dévaluations en chaîne de la livre sterling, du dollar et du yen. Mais au lieu de dévaluer, la
France s'engage dans une fuite en avant déflationniste. Le franc se trouve surévalué face aux
autres monnaies dépréciées. Les exportations françaises s'effondrent. Il faut attendre le Front
populaire pour que le franc soit à son tour dévalué : entre 1936 et 1940, il perdra près des 2/3
de sa valeur.
À la France vaincue en 1940, l'Allemagne impose un taux de change exorbitant (1
reichsmark = 20 francs) qui permet à l'occupant de piller le pays. En outre, le gouvernement
doit verser 400 millions de francs quotidiens au titre des frais d'occupation. Dans les
territoires d'outremer, un "franc libre" existe face au "franc de Vichy", qui n'a "pas plus de
valeur qu'un certain papier réservé à un certain usage", affirme le maréchal Goering.
À la Libération, le gouvernement provisoire lance un emprunt pour juguler l'inflation
provoquée par les années de guerre et l'occupation allemande. Le général de Gaulle refuse
d'appliquer une politique de rigueur comme le lui conseille Pierre Mendès-France. L'inflation
alors se développe et le franc poursuit sa dépréciation au cours de la IVeRépublique, ruinée
par les guerres d'indépendance.
Depuis décembre 1945, la France adhère au nouveau système monétaire international.
Défini par les accords de Bretton-Woods (22 juillet 1944), le SMI est fondé sur le double
étalon or et dollar. Celui-ci vaut 50 francs en 1944 et… 420 en 1958 ! Le franc est alors placé
sous la tutelle du Fonds monétaire international. Une réforme monétaire de grande envergure
s'impose : ce sera le "nouveau franc".
3. Le nouveau franc (1960-2001)
Malmené par de nombreuses dévaluations, mis sous la tutelle du Fonds monétaire
international en 1958, le franc donne naissance le 1erjanvier 1960 au franc de Gaulle ou
"nouveau franc". Dernier avatar d'une histoire longue de 700 ans, la mort du nouveau franc est
annoncée pour le 17 février 2002.
Revenu au pouvoir en 1958, le général de Gaulle décide de procéder à une nouvelle
dévaluation (17,55 %) et annonce la création d'un "franc lourd" qu'il confie à son ministre des
Finances, Antoine Pinay, et à l'économiste Jacques Rueff. Le "nouveau franc" est mis en
circulation dix-huit mois plus tard : il vaut 100 anciens francs. Représentant la semeuse
coiffée du bonnet phrygien, les nouvelles pièces rappellent le franc d'avant 1914. De Gaulle
veut en effet que ce nouveau franc - redevenu officiellement le franc en 1963 - soit synonyme
de stabilité et de puissance.
Mais depuis 1979, la politique monétaire de la France est inscrite dans le cadre de la
construction européenne, au sein d'un système monétaire européen (SME) marquée par une
série de dévaluations du franc, notamment au début des années 1980. Dans la perspective de
la construction européenne, les socialistes se convertissent à l'idéologie d'un franc fort
accroché au mark.
Adopté le 10 décembre 1991 et ratifié en France par référendum le 20 septembre 1992, le
traité de Maastricht prévoit l'unité monétaire de l'Europe, accompagnée de la mise en
circulation d'une nouvelle monnaie commune. L'ECU (European currency unit), nom de
l'unité de compte européenne existante, est abandonné sous la pression allemande, favorable à
la dénomination d'"euro". C'est donc l'"euro" qui se substitue définitivement au franc le 17
février 2002. Le nouveau franc n'aura vécu que 44 ans !
À la suite de la conférence européenne de La Haye en 1969, le plan Werner (1971) vise à
faire converger les économies des pays membres de la CEE dans le but de mettre en place une
monnaie européenne unique. L'ECU, ou European currency unit, est une monnaie
immatérielle. C'est une unité de compte européenne créée en 1979, issue d'un calcul à partir
des monnaies des pays de la CEE en tenant compte de l'importance économique et monétaire
relative de chacun d'eux.
À partir de là, le système monétaire européen (SME) est conçu pour amortir et limiter les
fluctuations entre les devises des États membres et ne pas perturber les échanges internes à la
CEE. Chaque monnaie bénéficie d'une marge de fluctuation autour d'un taux-pivot défini par
rapport à l'ECU. Ainsi le franc peut-il fluctuer de 4,5 %, soit 2,25 % en plus ou en moins.
Pour gérer et réguler le système est créé un Fonds européen de coopération monétaire avec
20 % des réserves des banques centrales en or et dollars, comptées en ECU. À la suite du
FECOM, c'est le Fonds monétaire européen qui agit sur le marché des devises, en particulier
vis-à-vis du dollar et du yen (1981).
En 1992, le traité de Maastricht définit les critères de convergence nécessaires à la
création d'une véritable monnaie unique. L'Institut monétaire européen (IME) succède au
Fonds monétaire européen en 1994, relapar la création d'une Banque centrale européenne.
La dénomination de la future monnaie européenne donne lieu à de nombreuses discussions.
Certains pays redoutent l'effet psychologique sur les populations de l'abandon de leur monnaie
nationale et ne veulent plus de l'ECU pour des motifs autant phonétiques et linguistiques que
politiques. Un accord est conclu fin 1995 sur un terme jugé le plus neutre, le plus adaptable
aux différentes langues et le plus évocateur : l'euro. Sa valeur est fixée définitivement à
6,55957 francs.
Le franc a disparu officiellement en tant que monnaie nationale : Une nouvelle
aventure monétaire commence.
CCL : OK fiche très longue (mais en même temps une fiche sur un cours que l’on a
pas, c’est plutôt dur).
La monnaie est un enjeu, on le voit, au niveau national stabilité interne- comme sur le
plan international afin d’asseoir sa puissance. Elle répond donc aux ambitions des politiques
soucieux d’un pays affirmé sur la scène mondiale.
C’est la Grande guerre qui met fin au Franc Germinal ; le Franc Poincaré doit faire
face aux difficultés de l’après seconde guerre mondiale. Et alors que De Gaulle tente de
rendre à la France son rang par sa monnaie, c’est la construction européenne (s’érigeant
contre la puissance américaine) qui freinera à long terme son action, au point de faire
disparaître le Franc. Le Franc s’est bien battu, mais les fluctuations ont eu raison de lui. D’où
l’intérêt de l’union monétaire (car de toutes façons, l’union fait la force surtout face aux
Américains).
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