Dès 1919, l'Angleterre et les États-Unis suspendent leur crédit et présentent leurs
créances. Les marchés des changes réagissent sans tarder : le franc s'effondre à Londres et fait
l'objet de toutes les spéculations. La victoire du Cartel des gauches aux élections législatives
de mai 1924 accélère encore sa chute : la spéculation ("le mur d'argent") redouble contre les
projets d'impôt sur le capital, les épargnants perdent confiance, l'opinion s'affole face à ce
qu'elle considère être un complot international. La banqueroute menace l'État. En 1928, le
Parlement rappelle Raymond Poincaré au pouvoir. L'annonce même de son retour stabilise le
franc. S'il n'a pas de remède miracle, "Poincaré-la-confiance" est bien l'homme de la situation.
Il utilise les faveurs de l'opinion pour imposer, bien qu'il lui en coûte, la dévaluation contre la
déflation. Le 25 juin, Poincaré entérine la mort du franc germinal en redéfinissant l'unité
monétaire au cinquième de sa valeur d'origine, c'est-à-dire en le dévaluant de 80 %. Ce "franc
à quatre sous" - dans la conscience populaire le franc vaut encore 20 sous - repose sur l'or,
librement convertible… contre un montant minimal de 215 000 F, soit l'équivalent d'un lingot
d'or de 12 kilos !
La stabilisation ne dura pas 10 ans. La grande crise des années 1930 engendre les
dévaluations en chaîne de la livre sterling, du dollar et du yen. Mais au lieu de dévaluer, la
France s'engage dans une fuite en avant déflationniste. Le franc se trouve surévalué face aux
autres monnaies dépréciées. Les exportations françaises s'effondrent. Il faut attendre le Front
populaire pour que le franc soit à son tour dévalué : entre 1936 et 1940, il perdra près des 2/3
de sa valeur.
À la France vaincue en 1940, l'Allemagne impose un taux de change exorbitant (1
reichsmark = 20 francs) qui permet à l'occupant de piller le pays. En outre, le gouvernement
doit verser 400 millions de francs quotidiens au titre des frais d'occupation. Dans les
territoires d'outremer, un "franc libre" existe face au "franc de Vichy", qui n'a "pas plus de
valeur qu'un certain papier réservé à un certain usage", affirme le maréchal Goering.
À la Libération, le gouvernement provisoire lance un emprunt pour juguler l'inflation
provoquée par les années de guerre et l'occupation allemande. Le général de Gaulle refuse
d'appliquer une politique de rigueur comme le lui conseille Pierre Mendès-France. L'inflation
alors se développe et le franc poursuit sa dépréciation au cours de la IVeRépublique, ruinée
par les guerres d'indépendance.
Depuis décembre 1945, la France adhère au nouveau système monétaire international.
Défini par les accords de Bretton-Woods (22 juillet 1944), le SMI est fondé sur le double
étalon or et dollar. Celui-ci vaut 50 francs en 1944 et… 420 en 1958 ! Le franc est alors placé
sous la tutelle du Fonds monétaire international. Une réforme monétaire de grande envergure
s'impose : ce sera le "nouveau franc".
3. Le nouveau franc (1960-2001)
Malmené par de nombreuses dévaluations, mis sous la tutelle du Fonds monétaire
international en 1958, le franc donne naissance le 1erjanvier 1960 au franc de Gaulle ou
"nouveau franc". Dernier avatar d'une histoire longue de 700 ans, la mort du nouveau franc est
annoncée pour le 17 février 2002.
Revenu au pouvoir en 1958, le général de Gaulle décide de procéder à une nouvelle
dévaluation (17,55 %) et annonce la création d'un "franc lourd" qu'il confie à son ministre des
Finances, Antoine Pinay, et à l'économiste Jacques Rueff. Le "nouveau franc" est mis en
circulation dix-huit mois plus tard : il vaut 100 anciens francs. Représentant la semeuse
coiffée du bonnet phrygien, les nouvelles pièces rappellent le franc d'avant 1914. De Gaulle
veut en effet que ce nouveau franc - redevenu officiellement le franc en 1963 - soit synonyme
de stabilité et de puissance.
Mais depuis 1979, la politique monétaire de la France est inscrite dans le cadre de la
construction européenne, au sein d'un système monétaire européen (SME) marquée par une