DECOLONISATION ET NAISSANCE DU TIERS MONDE 26 août 2014
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vigoureuses protestations, dont celle de l’écrivain André Gide dans Voyage au Congo et les
reportages d'Albert Londres, qui obligent les autorités françaises à retirer aux compagnies les
concessions qu’elles détiennent, du moins la plus grande partie. Ainsi, les conditions
d'exploitation de la colonie expliquent que le nationalisme se soit vite développé au Congo.
En 1926, André Grenard, dit Matsoua fonde une amicale chargée de venir en aide aux
tirailleurs. Cette amicale devient vite un mouvement de protestation. L’administration
coloniale prend peur, et fait incarcérer Matsoua, qui meurt en prison en 1942, dans des
conditions restées obscures. Mais, Le nationalisme congolais prend réellement corps après la
Seconde Guerre mondiale. En 1945, les Congolais élisent le premier député congolais, Jean-
Félix Tchicaya, à l'assemblée constituante de Paris. Jean-Félix Tchicaya participe, au côté de
Felix Houphouët-Boigny, à la co-fondation du Rassemblement Démocratique Africain
(RDA), qui mène la lutte pour l’indépendance de l’Afrique occidentale. Il est le grand
pourfendeur
du colonialisme de Brazzaville à l’Assemblée française, ce qui lui vaut de
fonder en 1946 le Parti progressiste congolais (PPC), section congolaise du Rassemblement
démocratique africain (RDA). Tchicaya s'oppose à Jacques Opangault. Celui-ci est d’abord
chef de la section congolaise de la Section Française de l’Internationale Ouvrière puis
fondateur du Mouvement Socialiste Africain. Chacun s’appuie sur son groupe de populations
d’origine : Tchicaya sur les Vilis de la région de Pointe-Noire et du Kouilou, Opangault sur
les M’Bochis du Nord.
La IVe République, consciente de ce problème et désireuse de maîtriser les mouvements
d’émancipation, confie à certains de ses agents la mission d’approcher des responsables
politiques. C’est ainsi que l’abbé Fulbert Youlou, après un faux départ en 1946, entre dans
l’arène politique de manière sensationnelle en remobilisant politiquement les Laris. Ce faisant
il fonde en 1956 l'Union démocratique de défense des intérêts africains (UDDIA). Au même
moment, le SDECE s’attache pour le Congo à assurer la victoire
de Youlou à partir de 1956.
Cette politique se concrétise dès novembre 1956 par la victoire de Youlou à la mairie de
Brazzaville, suivie par celle de son allié vili Stéphane Tchitchelle à Pointe-Noire, au cœur du
fief de Tchicaya. Entre 1957 et 1958, Tchicaya est peu à peu écarté du jeu politique congolais
qui, à partir de l’automne 1957, se polarise entre Youlou et Opangault.
Après la création de l’Assemblée territoriale du Congo suite à la promulgation de la loi-cadre,
Opangault dirige le gouvernement congolais, mais Youlou jouit de la majorité à l’Assemblée
à une voix près, à la suite de « l’affaire Yambot ». En 1958, le référendum sur la Communauté
française obtient 99 % de « oui » au Moyen-Congo ; ce qui consacre la naissance de la
République autonome du Congo le 28 novembre 1958.
En prévision de cette proclamation, on assiste à l’intérieur et à l’extérieur de l’Assemblée
congolaise à la conclusion de longues opérations de déstabilisation du gouvernement
Opangault menées par l’abbé Fulbert depuis l’été. Youlou, à force d’intrigues et avec l’appui
Personne qui met à mal (quelque chose ou quelqu'un) par la critique ou s'emploie avec obstination à la fin de
(quelque chose ou quelqu'un) (soutenu) Exemple : ,la pourfendeuse de toutes les entreprises qui polluent
à l’échelle du territoire congolais, pour le mettre sur un pied d’égalité avec ses deux principaux opposants ; à
l’échelle africaine, en obtenant son adhésion et celle de son parti au RDA début 1958 – concurrençant ainsi
directement Tchicaya qui se retire alors du RDA –, et à l’échelle française, en lui ouvrant les portes d’un univers
normalement réservé aux seuls députés africains, en l’occurrence à Tchicaya.